CA Riom, ch. corr., 11 juin 2003, n° 03-00047
RIOM
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Montcriol
Conseillers :
MM. Fossier, Gautier
Avocat :
Me Chapus
Lydie X a été poursuivie devant le Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand pour:
- avoir à Vic le Comte (63), le 15 janvier 2001, fait souscrire à Allard veuve Dutriaux Camille un engagement au comptant pour un montant total de 10 000 F, par le moyen de visites à domicile et avoir ainsi abusé de la faiblesse de la victime,
infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation;
- avoir aux Martres de Veyre (63), le 22 février 2001, fait souscrire à Lemare Paulette un engagement au comptant pour un montant total de 3 500 F par le moyen de visites à domicile et avoir ainsi abusé de la faiblesse de la victime,
infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation;
- avoir aux Martres de Veyre (63), le 22 février 2001, fait souscrire à Martin Hélène veuve Bourgeois un engagement au comptant pour un montant total de 3 500 F par le moyen de visites à domicile et avoir ainsi abusé de la faiblesse de la victime,
infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation;
Par jugement contradictoire en date du 14 octobre 2002, le tribunal:
- l'a déclarée coupable des faits,
- l'a condamnée à 250 jours amende de 15 euros chacune en application des articles 131-5, 131-9 et 131-25 du Code pénal.
Lvdie X a régulièrement interjeté appel du jugement le 21 octobre 2002.
Le Ministère public a interjeté appel incident le 22 février 2002.
Le Ministère public requiert : 4 mois d'emprisonnement.
Lydie X, citée à parquet général le 19 mars 2003, comparaît assistée de Maître Chapus son conseil. Elle sollicite l'indulgence n'ayant pas de ressources suffisantes pour régler les jours amendes.
L'enquête et les débats ont permis d'établir les faits suivants :
Lydie X n'exerçant aucune profession déclarée, n'étant pas salariée, ni inscrite au registre du commerce procède à la vente de linge de maison en compagnie de son concubin Manuel Y, inscrit au registre du commerce.
Le 15 janvier 2001, ils se présentaient au domicile de Mme Camille Allard veuve Duthaux, âgée de 92 ans demeurant à Longues, commune de Vic le Comte.
Cette personne âgée est atteinte depuis deux ans déficit de ses fonctions intellectuelles selon le certificat médical établi le 8 mars 2001.
Lydie X vendait sept paires de draps, une nappe et une couette et demandait deux chèques en paiement.
Mme Allard remettait deux chèques du Crédit Agricole signés de sa main mais non remplis.
Les chèques étaient débités pour un montant de 5 000 F chacun le 22 janvier 2001 et le 15 février 2001.
Mme Allard était dans l'impossibilité d'indiquer si les deux personnes qui s'étaient présentées chez elle étaient des hommes ou des femmes.
Camille Allard ne pouvait être entendue en raison de l'altération de ses facultés mentales.
Le chèque n° 9884900 avait été encaissé sur un compte ouvert au nom de Lydie X auprès de la Banque Populaire.
Le chèque n° 9884901 avait été remis à la SARL Z en paiement de factures de fourniture de linge de maison.
Le 16 février 2001, Lydie X se présentait aux Martres de Veyre au domicile de Hélène Bourgeois, âgée de 94 ans et en insistant réussissait à vendre du linge de maison contre l'établissement de deux chèques d'un montant de 3 000 et 4 000 F, tirés sur son compte ouvert auprès de la Banque de France.
Hélène Bourgeois devait faire opposition au paiement des chèques, l'un était rejeté, l'autre était crédité sur le compte ouvert par Lydie X.
Pour pénétrer au domicile de la plaignante, Lydie X avait prétexté une livraison de colis.
Elle avait insisté et était entrée au domicile de la plaignante munie de plusieurs colis, était entrée dans sa chambre et avait étalé sa marchandise sur son lit.
La plaignante estimait avoir été prise au dépourvu et manipulée et remettait les deux chèques.
Lydie X lui réclamait ensuite 100 F pour nourrir ses enfants et lui demandait de ne rien dire à sa famille.
Le 22 février 2001, Lydie X se présentait aux Martres de Veyre au domicile de Paulette Lemare, âgée de 73 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer et lui vendait du linge se faisant remettre deux chèques : l'un de 2 000 F et l'autre de 1 500 F. Son mari ayant fait opposition, les chèques présentés au paiement par la banque de Lydie X étaient rejetés.
Un certificat médical indique que Paulette Lemare, atteinte depuis plus de cinq ans de la maladie d'Alzheimer, était incapable de juger et de gérer son budget et était totalement dépendante de son entourage.
Manuel Y déclarait qu'il accompagnait sa concubine en qualité de chauffeur et qu'il n'était jamais présent lors des ventes de lingerie effectuées par sa concubine.
Lydie X reconnaissait avoir vendu du linge de maison à Camille Dutriaux sans insister et sans exercer de pressions.
Elle reconnaissait avoir vendu "beaucoup de choses" à Hélène Bourgeois qui avait toutes ses facultés.
Elle reconnaissait également la vente à Paulette Lemare et avoir reçu deux chèques d'un montant total de 3 500 F mais contestait tout abus de sa part.
Sur quoi, LA COUR,
Attendu que Lydie X ne peut valablement soutenir que les ventes qu'elle pratique sont conformes aux usages du commerce et respectent le libre arbitre des acheteurs;
Attendu que les certificats médicaux versés aux débats permettent d'affirmer que Camille Allard veuve Dutriaux âgée de 92 ans et atteinte d'un déficit intellectuel et Paulette Lemare atteinte de la maladie d'Alzheimer la rendant dépendante étaient toutes deux des personnes vulnérables incapables de résister aux arguments de vente insistants de Lydie X qui a réussi à leur vendre du linge de maison et des couverts dont elles n'avaient aucune utilité ;
Attendu que le procédé de vente utilisé avec Hélène Bourgeois, âgée de 94 ans, a conduit cette dernière à accepter une vente forcée et à remettre deux chèques pour se débarrasser de la démarcheuse;
Que Lydie X, sous le prétexte fallacieux de livrer un colis, a réussi à s'introduire au domicile de la plaignante, investissant sa chambre à coucher et déballant sa marchandise;
Que le procédé de vente constitue un abus évident de la faiblesse d'une personne âgée dont le domicile a été investi contre son gré;
Attendu que la non-remise de bons de commandes, l'absence de facture, l'absence de possibilité de rétractation, la perception immédiate de paiement et indûment de chèques signés mais non renseignés prouve également l'intention délictueuse;
Attendu qu'en déclarant Lydie X coupable des faits qui lui sont reprochés, le premier juge a tiré les exactes conséquences légales de ses constatations;
Attendu que la peine de jours amende prononcée n'est pas adaptée à la nature des faits et à la personnalité de la prévenue qui d'ailleurs met en exergue son absence de ressources;
Attendu qu'il est établi que Lydie X et son concubin tirent leurs ressources de la vente de linge par démarchage et notamment au préjudice de victimes âgées et faibles ;
Anendu que le fait que dans un court laps de temps, la prévenue se soit présentée au domicile de personnes âgées et amoindries par leur état de santé prouve qu'une reconnaissance préalable des lieux a été effectuée;
Attendu que ce type de délinquance perturbe gravement l'état de santé des victimes qui n'ont pas su résister à une intrusion à l'intérieur de leur domicile;
Attendu que Lydie X a déjà commis des faits identiques en 1999 qui ont entraîné une condamnation prononcée le 28 novembre 2001 par le Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse;
Que la réitération des faits en janvier et février 2001 prouve qu'il s'agit de son mode de vie habituel;
Attendu qu'en l'état seule une peine d'emprisonnement ferme de 3 mois est de nature à dissuader Lydie X d'exploiter la faiblesse de personnes âgées;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Lydie X, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare les appels recevables en la forme, Au fond, Confirme le jugement sur la culpabilité, Reformant sur la peine, Condamne Lydie X à 3 mois d'emprisonnement, Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont le condamné sera redevable et dit que l'éventuelle contrainte par corps s'exercera selon les modalités légales. Le tout en application des articles susvisés et des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale et 1018 A du Code général des impôts.