CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 20 février 2014, n° 11-18856
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Da Silva Dos Santos
Défendeur :
Reguron
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gimonet
Conseillers :
Mmes Lefèvre, Cléroy
Avocats :
Mes Gloaguen, Fanet, Goutail
Par acte sous seing privé du 21 novembre 2007, Mme Irène Da Silva Dos Santos a autorisé M. Michel Reguron, détective privé, "à effectuer une surveillance, à prendre des renseignements d'ordre privé sur la surveillance du voisinage et le repérage d'éventuelles caméras de surveillance et de différents matériels d'observation", sa mission consistant dans le repérage de différents matériels d'observation et d'une durée prévisible d'une journée, elle était rémunérée par la somme forfaitaire de 1 300 euro HT, soit 1 554,80 euro TTC. M. Michel Reguron est intervenu le jour de la signature de l'acte et le prix a été payé en trois fois, le jour de la signature du contrat (800 euro) puis par deux chèques (654,80 euro et 100 euro).
Le 3 mars 2009, Mme Irène Da Silva Dos Santos a saisi le juge de proximité de Paris (14e arrondissement) afin d'obtenir le remboursement des sommes versées et obtenir le versement d'une somme de 3 500 euro à titre de dommages et intérêts. Par jugement en date du 17 novembre 2009, ce juge s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de son siège. Par jugement du 4 mai 2010, le Tribunal d'instance de Paris (14e arrondissement) a débouté Mme Irène Da Silva Dos Santos de toutes ses demandes, la condamnant au paiement d'une indemnité de procédure de 500 euro et aux dépens.
Mme Irène Da Silva Dos Santos a relevé appel de cette décision, le 29 juillet 2010.
L'instance, retirée du rôle des affaires en cours, le 29 juillet 2011 a été réinscrite, le 21 octobre 2011.
Aux termes des écritures jointes à l'assignation délivrée à M. Michel Reguron, le 20 mars 2013, Mme Irène Da Silva Dos Santos demande à la cour, infirmant la décision déférée dans toutes ses dispositions, de condamner M. Michel Reguron au paiement de la somme de 1 654,50 euro, à titre de remboursement des sommes indûment versées avec intérêts de droit à compter du 3 mars 2009, outre celle de 3 500 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Elle sollicite également l'allocation d'une indemnité de procédure de 500 euro, demandant à être déchargée de la condamnation prononcée sur ce fondement en première instance.
Au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, elle prétend que M. Michel Reguron n'a pas effectué les diligences contractuelles au contrat et qu'en particulier, il n'a pas réalisé le film que les parties avaient prévu. Puis citant des articles E 7, E 8 et E 20 (sans préciser l'origine de ces textes), elle affirme que M. Michel Reguron ne rapporte pas la preuve de l'exécution complète de ses obligations et en déduit que la facture est dépourvue d'objet. Elle ajoute que l'association Consommateur Ile de France a conclu à la nullité du contrat de mission, que M. Michel Reguron n'a pas respecté son obligation de réserve et qu'il lui a envoyé des photographies, sans date gravée contrairement à ce qu'exigent les tribunaux. Elle conclut qu'il savait qu'elle avait déjà engagé trois autres détectives, dont les investigations avaient été vaines, et qu'il aurait dû, en toute loyauté refuser d'effectuer cette mission et non comme il l'a fait, profiter de sa vulnérabilité et de sa détresse. Enfin, elle prétend que la mission confiée, sans difficulté aucune, ne justifiait pas les honoraires convenus.
En dernier lieu, elle réclame des dommages et intérêts, disant que M. Michel Reguron n'a pas apporté tous les soins qu'il devait à l'exécution du contrat et que sa carence, non seulement retire à son cocontractant le droit de prétendre à une indemnisation, mais, de surcroît, lui a occasionné un préjudice qui doit être réparé.
Dans ses écritures signifiées le 21 octobre 2011, M. Michel Reguron soutient la confirmation du jugement déféré et la condamnation de Mme Irène Da Silva Dos Santos au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euro et aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il dit avoir effectué sa mission en deux temps, une observation du voisinage, le 21 octobre 2007 et l'examen des photographies qu'il avait prises ainsi que des nombreux clichés adressés par Mme Irène Da Silva Dos Santos le 31 octobre, lui envoyant son rapport, négatif, le 5 novembre 2007. Il affirme avoir agi avec diligences et rappelle qu'il n'est tenu qu'à une obligation de moyens.
Par une note adressée aux parties dans le cours de son délibéré, la cour les a invités à présenter leurs observations sur l'application des dispositions des articles 121-21 et L. 121-26 du Code de la consommation et ses conséquences sur le droit à honoraires de M. Reguron.
Sur ce, LA COUR
Considérant au préalable que l'invitation faite aux parties de présenter des observations sur le moyen de droit que la cour entendait soulever d'office n'autorisait celles-ci qu'à présenter leurs observations et non à déposer de nouvelles écritures modifiant leurs moyens et surtout leurs prétentions et dès lors, les conclusions déposées les 29 janvier et 10 février 2014 seront déclarées irrecevables, la cour n'ayant à examiner que l'argumentation qu'elles contiennent relative au moyen de droit soulevé ;
Considérant qu'en application de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour n'est tenue que par les écritures des parties et ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans leurs conclusions, les longs développements de Mme Irène Da Silva Dos Santos dans sa note adressée à la cour et communiquée (sa pièce 1) ne pouvant venir soutenir ses demandes ;
Considérant que la mission confiée à M. Michel Reguron était de rechercher la présence de caméras et d'appareils de surveillance dans le voisinage de Mme Irène Da Silva Dos Santos, celle-ci arguant d'un complot ; qu'à la lecture de la note précitée, la cour peut faire le constat, que le consentement de Mme Irène Da Silva Dos Santos n'était, sur ce point, nullement altéré, celle-ci ayant parfaitement compris la portée et la nature de son engagement ;
Que la cour y trouve également, la confirmation de l'effectivité des investigations de M. Michel Reguron, celui-ci ayant procédé à des repérages, le 21 octobre, pris des photographies immédiatement soumises à sa cliente, les autres pièces produites prouvant que Mme Irène Da Silva Dos Santos lui a adressé des photographies, qu'il a examinées ; qu'il ressort également de la note précitée et des pièces produites que Mme Irène Da Silva Dos Santos est dépitée de l'échec de M. Michel Reguron, qu'elle accuse de collusion avec ses voisins ;
Qu'il s'ensuit, de l'aveu même de Mme Irène Da Silva Dos Santos que M. Michel Reguron a procédé à des repérages le 21 octobre 2007, qu'il lui en a rendu compte le jour même ; qu'il a ensuite, ainsi qu'il en justifie examiné de nombreuses photographies, rendant compte une seconde fois de l'exécution de sa mission dans un courrier du 5 novembre 2007, étant relevé que le contrat ne prévoit nullement la réalisation d'un film et que le fait que la date de prise de vue ne soit pas incrustée sur les photographies remises ne permet nullement à l'intimée de soutenir une mauvaise exécution du contrat, dès lors que ce gravage était inutile, les photographies, qui ne révélaient aucune surveillance, n'étant pas destinées à être remises à un juge ;
Que l'inexécution alléguée Mme Irène Da Silva Dos Santos n'est donc pas établie ;
Mais considérant que l'article L. 141-4 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 2008, prévoit que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions de ce Code dans les litiges nés de son application ; qu'en pages 2 et 3 de ses écritures, M. Michel Reguron précise que contacté par Mme Irène Da Silva Dos Santos, il s'est rendu à Vierzon, dans un café, où le contrat daté du 21 octobre 2007 a été signé, précisant qu'il avait préalablement à cette rencontre établi un "projet de contrat" qui a, ensuite, été modifié "manuscritement" (pages 2 et 3), la cour pouvant constater ces ajouts ou amendements le prix ayant été réglé à hauteur de 800 euro dès la signature du contrat ; que la convention prévoit in fine, que le client, dispose d'un "délai de réflexion de sept jours (loi Scrivener)" ;
Qu'il s'en évince, que la relation contractuelle répond à la définition légale du démarchage à domicile de l'article L. 121-21 du Code de la consommation, qui inclut les opérations conclues au domicile du consommateur ou dans des lieux non destinés à la commercialisation, même à sa demande, le consentement de Mme Irène Da Silva Dos Santos ayant été donné dans un café ;
Que M. Michel Reguron ne pouvait pas exiger le paiement immédiat de toute ou partie de ses prestations avant l'expiration du délai de rétractation, ce qu'il a fait en sollicitant et obtenant la remise immédiate d'espèces, la violation de cette disposition d'ordre public de l'article L. 121-26 du Code de la consommation pénalement sanctionnée emportant la nullité du contrat et donc l'interdiction pour M. Michel Reguron de percevoir les honoraires convenus ;
Que dès lors, Mme Irène Da Silva Dos Santos peut obtenir le remboursement des honoraires versés soit la somme totale de 1 554,80 euro (800 euro, 654,80 euro et 100 euro), celle-ci portant intérêts à compter du 9 mars 2009, date de la première demande ;
Considérant enfin, que la demande de dommages et intérêts au titre d'une inexécution contractuelle ne peut prospérer sur le fondement invoqué par Mme Irène Da Silva Dos Santos ;
Considérant que M. Michel Reguron partie perdante sera condamné aux dépens d'appel et en équité devra rembourser les frais irrépétibles de Mme Irène Da Silva Dos Santos ;
Par ces motifs Infirme le jugement rendu le 4 mai 2010 par le Tribunal d'instance de Paris (14e arrondissement) ; Statuant à nouveau : Condamne M. Michel Reguron à payer à Mme Irène Da Silva Dos Santos la somme de 1 554,80 euro avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2009 ; Condamne M. Michel Reguron à payer à Mme Irène Da Silva Dos Santos la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Michel Reguron aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.