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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 22 avril 2014, n° 12-07835

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IG Laboratoires (SAS), Dupont (ès qual.)

Défendeur :

Aelslife (SAS), Lecaudey (ès qual.), Aexxdis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Gueroult

Avocats :

Mes Milin, Bazille, Samyn

T. com. Vannes, du 23 mars 2011

23 mars 2011

I - EXPOSE DU LITIGE

Par contrat en date du 6 novembre 2009, la société IG Laboratoires, qui avait notamment pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de compléments alimentaires, a confié à la société Aexxdis, pour une durée de cinq ans, à compter du 1er janvier 2010, la distribution exclusive de ses produits ABO auprès des pharmacies et para pharmacies sur l'ensemble du territoire français et huit pays européens.

Par jugement du 23 mars 2011, le Tribunal de commerce de Vannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société IG Laboratoires, convertie depuis en liquidation judiciaire.

Se prévalant d'un non-respect par la société Aexxdis des quotas de vente la société IG Laboratoires, en présence de Me Dupont ès qualités, a assigné le 30 juin 2011 la société Aexxdis aux fins de condamnation de celle-ci à lui payer une somme totale de 5 345,074 euros à titre de réparation des différents préjudices qu'elle aurait subis.

La société Aexxdis soutenant qu'elle aurait cédé ce contrat, par acte du 30 novembre 2009, à sa filiale, la société Aelslife, a fait assigner celle-ci devant le Tribunal de commerce le 28 octobre 2011 et sollicité sa mise hors de cause.

Par jugement contradictoire en date du 12 octobre 2012, le Tribunal de commerce de Vannes a :

Ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2011 001994 et 2011 003275,

Mis hors de cause la société Aexxdis et débouté la société IG Laboratoires de toutes ses demandes dirigées à son encontre

Débouté la société IG Laboratoires de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société Aelslife

Débouté les sociétés Aexxdis et Aelslife de leur demande au titre des frais irrépétibles,

Condamné Me Dupont ès qualités de liquidateur judiciaire de la société IG Laboratoires aux entiers dépens de l'instance ;

Débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

La société IG Laboratoires, agissant poursuites et diligences de son mandataire liquidateur Me Dupont ès qualité a déclaré faire appel de cette décision le 23 novembre 2012, à l'encontre des sociétés Aelslife prise en la personne de son mandataire liquidateur Me Lecaudey, et Aexxdis. Cette société placée en redressement judiciaire par jugement du 13 juin 2012 a fait l'objet d'un jugement de liquidation par jugement du 5 septembre 2012.

L'appelant demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147, 1149, 1150, 1156,1164, 1184 et suivants du Code civil, Vu la jurisprudence, Vu les pièces produites.

Infirmer en toutes ses dispositions la décision du Tribunal de commerce de Vannes en date du 12 octobre 2012 et statuant à nouveau :

Prononcer la résiliation du contrat de distribution conclue le 6 novembre 2009 aux torts exclusifs de la société Aexxdis

Condamner la société Aexxdis à régler à la liquidation judiciaire de la société IG Laboratoires la somme de 3 977 107 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'inexécution de ses obligations contractuelles

Condamner solidairement les sociétés Aexxdis et Aelslife à régler à la liquidation judiciaire de la société IG Laboratoires :

une somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, perte de clientèle et atteinte à l'image de la société IG Laboratoires,

la somme de 867 967 euros au titre de la réparation des préjudices financiers subis par ses actionnaires,

En tout état de cause :

Condamner la société Aexxdis à verser à la liquidation judiciaire de la société IG Laboratoires la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Intimée, la société Aexxdis demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Vannes le 12 octobre 2012 en ce qu'il a mis hors de cause la société Aexxdis.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Vannes le 12 octobre 2012 en ce qu'il a débouté la société IG Laboratoires de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Aexxdis et la société Aelslife

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Vannes le 12 octobre 2012 en ce qu'il a condamné Maître Dupont, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société IG Laboratoires aux entiers dépens de l'instance.

Condamner Maître Dupont, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société IG Laboratoires au paiement d'une somme de 10 000 euros au profit de la société Aexxdis en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl Jean-Jacques Bazille, avocat constitué, en application des dispositions de l'article 699 du Code procédure civile.

La société Aelslife n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est du 15 janvier 2014.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties :

- du 14 janvier 2014 pour l'appelant

- du 8 mars 2013 pour la société Aexxdis, intimée

II- MOTIFS

Sur le transfert du contrat de distribution

La société IG Laboratoires soutient que le transfert du contrat de licence dont se prévaut la société Aexxdis n'est pas probant, ne lui est pas opposable et qu'en toute hypothèse la société Aexxdis reste tenue aux obligations contractuelles initialement souscrites.

Le contrat de distribution signé le 6 novembre 2009 entre la société IG Laboratoires et la société Aexxdis, avec effet au 1er janvier 2010 prévoit que la société Aexxdis devait assurer la commercialisation, le marketing, la communication, l'entreposage, la gestion des commandes, la livraison, le service après-vente, la facturation, l'encaissement, la gestion des litiges, le pré-contentieux, et le recouvrement des produits élaborés par la société IG Laboratoires de sa gamme ABO, compléments alimentaires selon les groupes sanguin, A, B, O et AB.

Etait prévu le transfert de contrats des deux VRP de la société IG Laboratoires vers la société Aexxdis avec l'accord de ces salariés selon une convention signée entre les trois parties en contrepartie de l'accord d'exclusivité à la société Aexxdis.

Aux termes de l'article 18 du contrat de distribution il est prévu que le distributeur se réserve le droit de céder l'intégralité du contrat à l'une de ses filiales. La convention passée entre les parties ne prévoyait pas qu'une telle cession entraînerait renonciation par la société IG Laboratoires de la possibilité de se prévaloir de ses droits sur la société Aexxdis. Il résulte des stipulations contractuelles que si les parties ont convenu de la possibilité pour la société Aexxdis de transférer le contrat, elles n'ont pas eu la volonté de permettre à la société Aexxdis de se décharger de toutes ses obligations vis-à-vis de la société IG Laboratoires par le transfert unilatéral du contrat à une filiale, qui seul, ne saurait valoir renonciation du co-contractant.

La société Aexxdis produit une convention de transfert de ce contrat au bénéfice de sa filiale la société Aelslife. Celle-ci, en date du 30 novembre 2009, est signée par les deux présidents de ces sociétés et il importe peu que la première page ne soit pas paraphée, précision au demeurant rapportée que cet acte n'est constitué que de deux pages et que la cession du contrat est expressément prévue sur la page 2 qui est signée. Ce défaut de paraphe n'affecte nullement la régularité de l'acte.

Il est établi qu'il y a eu transfert du contrat de la société Aexxdis à la société Aelslife. Ce transfert, accepté par avance par le fournisseur, n'avait pas à faire l'objet d'une nouvelle acceptation ou d'une notification particulière. Il n'est cependant pas justifié que le fournisseur ait accepté, du fait de ce transfert, de renoncer à tout recours contre la société Aexxdis. Ce transfert n'a pas eu pour effet de décharger la société Aexxdis de ses obligations vis-à-vis de la société IG Laboratoires.

Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Aexxdis. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'inexécution des obligations contractuelles et le préjudice en résultant

Aux termes de deux mises en demeure en date du 2 juin 2010, la société IG Laboratoires signifiait à la société Aexxdis de nombreux griefs, non-respect des volumes de vente, défaut de formation des commerciaux, une force de vente insuffisante, une insuffisance de communication promotionnelle, une absence de stratégie commerciale, des insuffisances au niveau de la politique commerciale, un défaut d'information du fournisseur et de communication promotionnelle ainsi qu'un non-respect des engagements financiers (commandes et délais de règlement) et lui enjoignait d'y remédier.

La société IG Laboratoires réitérait ces griefs par courrier du 23 juillet 2010.

Le fournisseur reproche au distributeur de n'avoir commandé et distribué que 39 228 produits. La faiblesse des commandes de la part du distributeur n'est pas une faute en soi. A l'exception de quelques attestations, peu représentatives de l'évolution d'un marché national, la société IG Laboratoires ne produit aucun élément de preuve permettant d'établir une exécution fautive du contrat par le distributeur. Ce dernier produit diverses attestations selon lesquelles la commercialisation des produits, compléments alimentaires à prendre en fonction du groupe sanguin des clients, était rendue difficile par le fait que très peu de personnes connaissent leur groupe sanguin et que les pharmaciens trouvaient que les présentoirs occupaient une place sans rapport avec leur rentabilité. Il n'est pas justifié des chiffres d'affaires réalisé avant et après la cession de la mission de distribution et de commercialisation. L'étude financière produite aux débats, datée de décembre 2008, qui anticipait pour l'exercice 2012 un chiffre d'affaires de près de 10 millions d'euros et un résultat d'exploitation de 2,5 millions d'euros à partir d'un chiffre d'affaire de 332 000 euros et un résultat d'exploitation négatif de 313 070 euros en 2008, est pour le moins peu pertinente.

La société IG Laboratoires n'établit pas les fautes qu'elle impute au distributeur.

Il apparaît en outre que le contrat prévoit en son article 15-3 les sanctions qui pourront être prises par le fournisseur en cas de non-respect de ses obligations par le distributeur :

En contrepartie de l'exclusivité contractuelle, à compter de la signature du présent contrat, le distributeur s'engage à mettre en œuvre sa politique commerciale sur tout le territoire national. La couverture des zones commerciales par ses délégués pharmaceutiques doit être assurée, de même que toute stratégie de vente, afin de permettre la réalisation d'un minimum de quota correspondant à la vente de 160 000 unités de produits la première année en France.

Pour les années suivantes, le distributeur s'engage à assurer une progression annuelle de 20 % minimum, calculée sur la base des 160 000 unités de ventes durant la première année contractuelle, pour conserver l'exclusivité.

En cas de non-réalisation des clauses ci-dessus, le fournisseur pourrait limiter les zones d'exclusivité par simple courrier recommandé avec accusé de réception ou reprendre sa liberté d'action de façon anticipée, sauf à dédommager le distributeur sur la durée contractuelle durant laquelle la progression des volumes de vente aurait été respectée. Le montant du dédommagement sera alors calculé de façon proportionnelle à la durée du contrat durant laquelle les volumes de vente auraient été respectés, selon les modalités définies en Annexe 4 du présent contrat.

L'annexe 4 ne prévoit d'ailleurs pour sa part que l'indemnisation du distributeur.

La seule sanction prévue au contrat en cas de non-respect des objectifs de vente par le distributeur est la possibilité pour le fournisseur de reprendre en tout ou partie sa liberté d'action, c'est-à-dire de mettre fin à l'exclusivité de distribution. L'indemnisation prévue par cet article et l'annexe 4 du contrat ne concerne que l'indemnisation du distributeur et non pas celle du fournisseur. Les demandes d'indemnisations formées par la société IG Laboratoires sur le fondement de ces dispositions contractuelles ne peuvent qu'être rejetées.

Les actionnaires de la société IG Laboratoires ne sont pas parties à l'instance. Les demandes formées par la société IG Laboratoires à leur profit sont irrecevables.

La société IG Laboratoires n'établit pas une faute de la part du distributeur. Elle n'établit pas non plus avoir subi un préjudice imputable aux agissements du distributeur.

Il y a lieu de débouter la société IG Laboratoires de l'ensemble des demandes formées à l'encontre des sociétés Aexxdis et Aelslife.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. Dupont, ès qualités de mandataire liquidateur de la société IG Laboratoires succombe à l'instance. Il sera condamné aux entiers dépens. Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il met hors de cause la société Aexxdis, Statuant de nouveau, Déclare irrecevables les demandes formées au profit des actionnaires de la société IG Laboratoires, Déboute la société IG Laboratoires, pris en la personne de son madataire liquidateur, de ses demandes formées à l'encontre de la société Aexxdis, Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Dupont, ès qualités de mandataire liquidateur de la société IG Laboratoires, aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Jean-Jacques Bazille, avocat constitué, en application des dispositions de l'article 699 du Code procédure civile.