Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 mai 2014, n° 12-04794

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

IGA Conseils (SAS) , Urbain (ès qual.) , Blanchard (ès qual.), Auckland (SARL)

Défendeur :

Cinq-Huitièmes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Rafin, Lancrenon, Selarl Lagorce

T. com. Paris, 19e ch., du 1er févr. 201…

1 février 2012

La société anonyme Cinq-Huitièmes (CH) commercialise une ligne de vêtements "prêt à porter" proche de l'univers du rugby sous la marque "Eden Park".

La société par actions simplifiées IGA Conseils (IGA), présidée par M. Guy Maurette, est la société mère de plusieurs sociétés franchisées au sein du réseau Eden Park qui exploitent des magasins à Limoges, La Rochelle, Dijon et Tours.

En septembre 2006, la SARL Auckland a été créée entre la société IGA et M. Thierry Rouprich en vue d'exploiter un magasin à Annecy. M. Maurette a été nommé gérant de cette société.

Aux termes d'un contrat de franchise signé le 16 octobre 2006 pour une durée de cinq ans, la société CH a consenti à la société Auckland, le droit d'exploiter un magasin sous l'enseigne "Eden Park".

Par courrier en date du 6 avril 2010, la société IGA a informé la société CH de son intention de céder les parts sociales de la société Auckland à la société Spid Finances, ayant pour associés les époux Vauzelle, avec effet au 1er avril 2010.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 avril 2010, la société CH a informé la société Auckland que du fait du changement de contrôle au sein de la société Auckland et des retards de paiement répétés, elle mettait fin au contrat de franchise avec effet immédiat, en application notamment article 10.1 du contrat.

Par courrier du 28 juin 2010, la société IGA a confirmé les engagements pris le 17 mai 2010 concernant le règlement avant livraison de la collection automne-hiver 2010. Par courrier du 10 août 2010 la société CH a accepté de livrer la collection automne-hiver 2010.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 septembre 2010 la société CH a mis en demeure la société Auckland de lui adresser, avant le 1er octobre 2010, le règlement comptant de la collection automne-hiver 2010 pour un montant de 108 166 €, ainsi qu'une copie du protocole d'accord conclu entre la société Auckland et son bailleur.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 septembre 2010, M. Maurette a informé la société CH de la cession de sa participation totale dans la société Auckland à la société Spid Finances.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 octobre 2010, adressée aux sociétés IGA et Auckland la société CH a résilié le contrat de franchise en application des paragraphes 10-1 et 11-3 du contrat, à l'expiration d'un délai de trois mois, en raison de manquements de la société Auckland.

Par jugement du 15 décembre 2011, le Tribunal de commerce d'Annecy a prononcé la liquidation judiciaire de la société Auckland et désigné Maître Jean Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur.

Par acte du 21 mars 2011, la société IGA a assigné la société CH aux fins de condamnation au paiement de la somme de 435 632 € en réparation du préjudice financier subi du fait du comportement de la société CH à l'égard de sa filiale.

Par jugement du 1er février 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit l'action de la société IGA à l'encontre de la société CH irrecevable ;

- condamné la société IGA à payer à la société CH la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société CH de ses autres demandes ;

- condamné la société IGA aux dépens.

Par jugement du 7 mars 2012, le Tribunal de commerce de Limoges a prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de la société IGA et désigné Maître Philippe Urbain, ès qualités de mandataire judiciaire.

Le 14 mars 2012 la société IGA a interjeté appel du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er février 2012.

Par acte du 26 juillet 2012, la société CH a assigné en intervention forcée Maître Urbain, ès-qualités.

Vu les dernières conclusions n° 2, signifiées le 24 septembre 2012, par lesquelles la société IGA, Maître Urbain et Maître Blanchard demandent à la cour de :

Aux visas des articles 330-3 du Code de commerce et 1382 du Code civil,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant sur le fond,

- déclarer recevable et bien fondée la société IGA en son action,

- déclarer recevable et bienfondé Maître Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland en son intervention volontaire à titre principal ;

- condamner la société CH à verser au profit de Maître Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland, la somme de 435 632 € au titre du préjudice financier ;

- condamner la société CH à verser au profit de la société IGA, la somme de 166 492,27 € au titre du préjudice financier ;

- condamner la société CH au paiement de la somme de 8 000 € à la société IGA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société CH au paiement de la somme de 8 000 € à Maître Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société CH aux entiers dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions n° 2, signifiées le 31 octobre 2012, par lesquelles la société CH demande à la cour de :

Aux visas des articles 122, 554 et 564 du Code de procédure civile,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société IGA irrecevable en ses demandes, dès lors que celle-ci est dépourvue de qualité et/ou d'intérêt à agir ou à tout le moins que ses demandes sont nouvelles en cause d'appel et/ou violent le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui ;

En conséquence,

- débouter la société IGA de l'ensemble de ses demandes ;

- juger Maître Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland, irrecevable en ses demandes, dès lors que celui-ci ne peut exciper un droit propre dans le cadre de son intervention volontaire en appel à titre principal ou, à tout le moins, soumet à la cour un litige nouveau et/ou s'est abusivement abstenu d'intervenir en première instance ; En conséquence,

- débouter Maître Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland, de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- juger Maître Blanchard, ès qualités, et la société IGA mal fondés en leur demandes au titre de la supposée résiliation abusive du contrat de franchise entre la société CH et la société Auckland et de ses conséquences alléguées ;

En conséquence,

- débouter Maître Blanchard, ès qualités, et la société IGA de l'ensemble de leurs demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la société IGA et/ou à tout le moins Maître Urbain, ès qualités, à verser à la société CH la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société IGA à verser à la société CH la somme de 8 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la somme de 41,23 € au titre des dépens de première instance ;

En conséquence,

- condamner la société IGA et/ou à tout le moins Maître Urbain, ès qualités, au paiement de la somme de 8 041,23 € à ce titre, ou, à tout le moins,

- constater l'existence de cette créance au passif de la société IGA pour le montant de 8 041,23 €, dûment déclarée à titre conservatoire auprès de Maître Urbain, ès qualités ;

- condamner la société IGA au paiement de la somme de 11 900 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ou, à tout le moins,

- constater l'existence de cette créance au passif de la société IGA pour le montant de 11 900 €, complétée les dépens d'appel, dûment déclarée à titre conservatoire auprès de Maître Urbain, ès qualités.

Cela étant exposé, LA COUR :

Sur la recevabilité des demandes de la société IGA :

Considérant que in limine litis, à titre principal, la société CH soulève l'irrecevabilité des demandes de la société IGA en se fondant sur les dispositions des articles 554 et 564 du Code de procédure civile ainsi que sur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, en exposant que les demandes contenues dans les conclusions d'appel n° 2 de la société IGA sont nouvelles en cause d'appel et reviennent à se contredire abusivement au détriment autrui ;

Considérant que la société CH fait valoir que devant le premier juge et jusqu'à ses conclusions d'appel n° 2 la société IGA soutenait qu'elle aurait subi un préjudice lié aux pertes d'exploitation de sa filiale, la société Auckland, à la perte de marge de sa filiale et au remboursement des travaux et de l'équipement informatique du point de vente franchisé de sa filiale en invoquant le préjudice résultant pour elle de la violation des obligations contractuelles de la société CH ; que ces prétentions ayant été jugées irrecevables, la société IGA soutient maintenant, sur le fondement délictuel, qu'elle aurait subi un préjudice personnel consistant en la perte de valeur de sa participation dans le capital social de la société Auckland et en l'abandon de son compte courant dans sa filiale ;

Considérant que l'appel étant une voie d'achèvement maîtrisée du litige, les dispositions de l'article 565 du Code de procédure civile disposent que "Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent" ; que l'article 566 du même Code déroge au principe de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles en prévoyant que "Les parties peuvent aussi... ajouter à celles-ci (aux demandes et défenses soumises au premier juge) toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément" ;

Considérant qu'en conséquence, dès lors que la société IGA avait saisi le tribunal d'une demande, dirigée contre la société CH, pour obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de la résiliation du contrat de franchise liant la société Auckland à la société CH, les prétentions formulées en appel par la société IGA contre la société CH, qui ont pour but d'obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de la résiliation du même contrat de franchise, tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et ne sont pas nouvelles, mêmes si elles reposent sur des fondements juridiques différents ; que les demandes de réparation formées en appel par la société IGA sont le complément des demandes soumises au premier juge ;

Considérant qu'en application du principe dit de la concentration des moyens, selon lequel il incombe aux parties de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel, il ne peut être reproché à la société IGA d'avoir modifié en appel le fondement juridique de ses prétentions ; qu'il apparaît ainsi que le comportement procédural de l'appelante n'est pas constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire la société CH en erreur sur ses intentions et ne constitue donc pas un estoppel ; qu'en conséquence, les demandes de la société IGA seront déclarées recevables ;

Sur la recevabilité des demandes de Maître Blanchard, ès qualités :

Considérant que la société CH soutient que les demandes formées par Maître Blanchard, ès qualités, sont irrecevables, en exposant que intervention principale en appel ne peut être recevable qu'à la condition que l'intervenant se prévale d'un droit propre, distinct de celui invoqué par le demandeur principal en première instance ; que Maître Blanchard, ès qualités, se contente de reprendre à son compte les prétentions soutenues en première instance par la société IGA et ne dispose pas, dans ces conditions, d'un droit propre et distinct de celui invoqué par le demandeur principal ;

Considérant que la société CH soutient que, si la cour estime que Maître Blanchard, ès qualités, dispose d'un droit propre son intervention est néanmoins irrecevable en application de la règle selon laquelle l'intervenant ne peut instaurer un litige nouveau, l'intervention volontaire en cause d'appel à titre principal de pouvant avoir pour objet de réparer des négligences ou des omissions lors de la procédure de première instance ;

Considérant que Maître Blanchard, ès qualités, se prévaut des dispositions des articles 327 à 329 du Code de procédure civile, ainsi que d'un arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 février 1999 ;

Considérant que, d'une part, en application de l'article 329 du Code de procédure civile, l'intervention volontaire principale n'est recevable que si son auteur a le droit agir relativement à la prétention qu'il élève ; que Maître Blanchard, ès qualités, qui a seul qualité à agir au nom de la société Auckland, mise en liquidation judiciaire, demande réparation des préjudices qui auraient résulté pour la société Auckland de la résiliation du contrat de franchise signé avec la société CH ; que Maître Blanchard, ès qualités, peut se prévaloir d'un droit propre, qu'il est seul à pouvoir exercer, né d'un contrat auquel la société Auckland a été partie ;

Considérant que, d'autre part, la demande présentée par Maître Blanchard, ès qualités, qui porte sur le même contrat et sur la même créance que celle qui avait été présentée par la société IGA, procède directement de la demande originaire et n'institue pas un litige nouveau ; que intervenant ne soumet pas un litige nouveau lorsque la demande à laquelle il s'associe a été déclarée irrecevable en première instance ; qu'enfin, le sort de l'intervention n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer ; que les demandes formées en cause d'appel par Maître Blanchard, ès qualités, sont recevables ;

Sur la résiliation du contrat de franchise :

Considérant que les appelants soutiennent que le franchiseur a manqué à ses obligations contractuelles, ces manquements ayant conduit aux difficultés financières de la société Auckland et, par conséquent, aux retards de paiement que la société CH invoque comme motifs à la résiliation anticipée du contrat de franchise ;

Considérant que Maître Blanchard, ès qualités, reproche à la société CH un retard de livraison de la commande automne-hiver 2009 ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société CH a livré le 30 octobre 2009, au lieu du 15 septembre 2009, la collection automne-hiver 2009, ce qui a réduit la période de commercialisation et a nécessairement eu des répercussions sur le chiffre d'affaires de la société Auckland ;

Considérant que la société CH établit, par la production de l'assignation en référé du 18 juillet 2008 et des courriers échangés avec la société Auckland les 25 juillet 2008, 9 octobre 2008, 16 juillet 2009, 18 août 2009 que bien que les collections aient été livrées à la date prévue, le franchisé a payé avec retard les vêtements qui lui ont été livrés pour la collection printemps-été 2008, automne-hiver 2008, printemps-été 2009 ; qu'en raison de ces retards répétés, par courrier du 6 août 2008, la société CH a proposé de procéder à des livraisons partielles successives, en précisant qu'aucune livraison ne serait effectuée avant paiement intégral de la livraison partielle antérieure ; que par courrier du 16 juillet 2009 la société CH a informé la société Auckland qu'elle ne livrerait la collection automne-hiver 2009 qu'après paiement intégral des sommes restant dues sur la saison printemps-été 2009 et, après accord de M. Maurette, d'une augmentation de capital en numéraire de 100 000 € et la mise en place d'une garantie personnelle par Messieurs Maurette et Galluccio ;

Considérant qu'il apparaît que le retard de livraison de la collection automne hiver 2009 est imputable aux retards de paiement récurrents de la société Auckland depuis l'année 2008 ; qu'il résulte du courrier de la société Auckland du 19 octobre 2009, que cette société n'a soldé sa dette sur la collection printemps-été 2009 que par l'envoi le 13 septembre 2009 d'un chèque de solde, qui n'a été crédité sur le compte de la société CH qu'à la fin du mois de septembre 2009 ; que les traites avalisées n'ont été adressées au franchiseur que le 7 octobre 2009, lequel a effectué la livraison automne-hiver 2009 le 30 octobre 2009, bien qu'il n'ait pas encore reçu les documents relatifs à l'augmentation de capital en numéraire ; qu'aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la société CH, qui a respecté les dispositions du contrat de franchise et s'est montrée prudente pour éviter que la société Auckland n'accumule un passif trop important ;

Considérant que Maître Blanchart, ès qualités, expose également que la société CH a manqué à ses obligations d'assistance et de conseil ; que, s'agissant de l'assistance technique, alors que la société CH avait connaissance des difficultés commerciales de la société Auckland, elle a, sans avertissement et de manière discriminatoire, mis un terme aux campagnes publicitaires sur la ville d'Annecy ; qu'ainsi la société CH a supprimé la ville d'Annecy de la liste des franchisés figurant sur la brochure 2009 Air France, alors que toutes les autres villes disposant d'une franchise y étaient mentionnées ; que le franchiseur a également mis un terme de manière unilatérale à l'affichage d'une semaine par semestre effectué dans les parkings de la ville d'Annecy ;

Considérant que la société Auckland, qui produit la photocopie d'une publicité non datée pour la marque "Eden Park" ne rapporte pas la preuve que la mention de la ville d'Annecy a été supprimée la liste des franchisés avant qu'elle ait cessé son activité ; que l'article 6.8 du contrat de franchise prévoit que "le franchiseur s'engage à réaliser les opérations de communication, de promotion et de publicité au plan national qu'il juge appropriées à sa seule discrétion" ; que la société CH démontre, par la production d'une attestation de son commissaire aux comptes, que ses frais de publicité pour l'année 2009 se sont élevés à la somme de 3 299 514 € et qu'elle a ainsi rempli son obligation contractuelle en matière de communication ;

Considérant que la société CH démontre par la production de factures qu'elle a pris en charge des campagnes publicitaires sur le réseau de mobilier urbain à Annecy en 2007, puis également dans les parkings en 2008 et 2009 ; qu'elle a abandonné l'affichage dans le réseau parking à la fin de l'année 2009 pour contracter avec une autre société lui donnant accès à une couverture publicitaire plus étendue ; que durant l'année 2010 elle a augmenté son budget publicitaire pour la ville d'Annecy ; que dans ces conditions aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la société CH, même si par courriel du 12 mai 2009 elle a fait connaître au prestataire qu'elle ne prendrait plus en charge l'affichage dans le réseau parking à la fin de l'abonnement, en lui conseillant de prendre contact directement avec le franchisé ;

Considérant que Maître Blanchart, ès qualités, soutient également, en se prévalant d'un courrier de la société CH du 5 mai 2010, que cet société a manqué à son obligation du conseil en exigeant un montant de commande minimal afin de consentir à la poursuite du contrat, alors qu'elle connaissait les difficultés de son franchisé ;

Considérant que, dans son courrier du 5 mai 2010, la société CH a conditionné la poursuite du contrat de franchise avec la société Auckland à la confirmation par écrit de son engagement, pris lors du show-room du mois de janvier 2010, de commander pour la saison automne-hiver 2010 la somme de 108 266 € et de payer la commande avant livraison ; que cette demande du franchiseur est intervenue après que la société Auckland ait réduit de 118 200 € HT à 47 840 € TTC la commande qu'elle avait passé pour la collection printemps-été 2010 ; qu'en conséquence, la demande du franchiseur ne tendait nullement à imposer à la société Auckland des efforts financiers trop importants pour elle, mais tendait à s'assurer que la commande faite au mois de janvier 2010 était ferme ;

Considérant que la société Auckland, qui connaissait d'importantes difficultés financières depuis 2008 en raison de problèmes internes de gestion, est mal fondée à reprocher à la société CH, qui a accepté notamment d'importants retards de paiement ainsi que des arrangements dans l'intérêt de son franchisé, d'avoir manqué à son obligation d'assistance envers son franchisé en difficulté ; qu'il n'est pas démontré par les appelants, qui ne produisent aucune pièce comptable, que les difficultés financières de la société Auckland sont dues au comportement de la société CH ;

Considérant que les appelants soutiennent que la société CH s'est appuyée sur l'argument fallacieux de la cession de parts sociales de la société IGA pour résilier abusivement le contrat de franchise ; que la société IGA pouvait légitimement penser que les cessionnaires des parts avaient été agréés tacitement par le franchiseur puisse que M. Vauzelle s'est rendu à une réunion chez Eden Park avant l'été 2010, a participé au show-room à Paris le 14 juillet 2010 et a passé des commandes complémentaires pour l'hiver ; qu'il existe un précédent agrément tacite par la société CH lors de la cession partielle des parts de M. Rouprich à M. Galluccio ; qu'il était de l'intérêt de la société CH de voir arriver un nouveau partenaire pour mettre un terme à une situation conflictuelle et dégradée ;

Considérant que la société CH répond qu'en application du contrat de franchise aucun changement de contrôle au sein de la société du franchisé ne peut être effectué à défaut d'un accord préalable écrit du franchiseur ; que la chronologie du dossier dément la thèse de la société IGA ;

Considérant que les articles 11.1 et 11.2 du contrat de franchise prévoient que celui-ci est conclu intuitu personae, que le changement dans la direction de la société franchisée doit être soumis à un accord préalable écrit du franchiseur ; que l'article 10.1 du contrat stipule que le franchiseur à la faculté de résilier le contrat en cas de changement de contrôle au sein de la société du franchisé ou de changement dans la direction effective de celle-ci ;

Considérant que face aux déclarations contradictoires de M. Maurette, qui a déclaré, par courrier du 6 avril 2010, avoir cédé la société Auckland aux époux Vauzelle à compter du 1er avril 2010, puis, par courrier du 26 avril 2010, a affirmé que le contrôle et l'actionnariat la société Auckland n'avait pas changé, puis, par courrier du 28 septembre 2010, que la société IGA avait procédé à la cession de sa participation totale à la société Auckland, la société CH n'a jamais donné son accord à aucune cession et a même rappelé dans ses courriers du 21 avril et 5 mai 2010 que le changement de contrôle au sein de la société Auckland sans son autorisation préalable écrite entraînerait la résiliation du contrat de franchise;

Considérant que l'existence, non démontrée, d'un précédent est sans incidence compte tenu des termes du contrat de franchise et de l'opposition manifestée par le franchiseur à la cession ; que par courriel du 4 octobre 2010, M. Vauzelle a démenti être le nouveau gérant de la société Auckland, précisant qu'il ne prendrait pas la société tant que les dettes de loyers ne seraient pas réglées et qu'en tout état de cause la reprise nécessitait l'agrément, non encore obtenu, du franchiseur ; que dans ces conditions les appelants sont mal fondés à soutenir que le refus d'agrément du cessionnaire était purement abusif, au motif supposé il s'agissait d'un partenaire conforme aux intérêts du franchiseur ;

Considérant qu'au vu du comportement et des manquements contractuels répétés de la société Auckland, la société CH était fondée à se prévaloir de la mise en œuvre de la clause résolutoire prévue à l'article 10.1 du contrat de franchise ;

Sur les préjudices :

Considérant que la société CH qui n'a commis aucune faute ni dans l'exécution, ni dans la rupture du contrat de franchise ne peut voir sa responsabilité contractuelle engagée vis-à-vis de la société Auckland ; que les demandes indemnitaires formées par Maître Blanchard, ès qualités, seront rejetées ;

Considérant qu'il en résulte que la société CH, qui n'a pas abusivement résilié le contrat de franchise la liant à la société Auckland, n'a pas engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société IGA ; que Maître Urbain sera débouté de ses demandes indemnitaires dirigées contre la société CH ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Considérant que la société CH sollicite la condamnation de la société IGA au paiement d'un euro de dommages et intérêts au regard du caractère abusif de la procédure et une somme de 11 900 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que l'intimée, qui ne démontre pas que la société IGA ait abusé de son droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours qui lui était légalement ouverte, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts symbolique pour procédure abusive.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a dit l'action de la société IGA Conseils à l'encontre de la société Cinq Huitièmes irrecevable ; Et statuant à nouveau : Déclare recevables les demandes formées par Maître Jean Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland ; Déclare recevables les demandes formées par Maître Philippe Urbain, ès qualités de mandataire judiciaire de la société IGA Conseils ; Déboute Maître Jean Blanchard, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Auckland et Maître Philippe Urbain, ès qualités de mandataire judiciaire de la société IGA Conseils, de toutes leurs demandes ; Déboute la société Cinq Huitièmes de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Condamne Maître Philippe Urbain, ès qualités de mandataire judiciaire de la société IGA Conseils, à payer à la société Cinq Huitièmes la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Maître Philippe Urbain, ès qualités de mandataire judiciaire de la société IGA Conseils, aux dépens d'appel.