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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 mai 2014, n° 12-02745

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jones

Défendeur :

Just Us (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Juillard, Godard, Mayrand

T. com. Paris, 15e ch., du 16 sept. 2011

16 septembre 2011

Vu le jugement prononcé le 16 septembre 2011, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit que Mme Jones avait résilié de manière abusive les cinq contrats de distribution conclus avec la société Just Us, en conséquence, constaté la résiliation des cinq contrats au 6 avril 2009, aux torts exclusifs de Mme Jones, condamné Mme Jones à payer à la société Just Us la somme de 105 669 € à titre de dommages et intérêts, donné acte à la société Just Us de la restitution de marchandises à Mme Jones pour une somme de 9 540,89 €, condamné la société Just Us à payer en deniers ou quittance valable à Mme Jones la somme de 7 208,67 € au titre des factures impayées, à compter du 17 juillet 2009, débouté Mme Jones de toutes ses autres demandes, condamné Mme Jones à payer à la société Just Us la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

Vu l'appel interjeté le 13 février 2012 par Mme Jones et ses dernières conclusions signifiées le 4 décembre 2012, par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, dire que la rupture des relations contractuelles est imputable à la société Just Us et engage la responsabilité contractuelle de cette société par manquement à l'obligation de bonne foi, condamner la société Just Us à payer à Mme Jones la somme de 80 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de la perturbation commerciale née de la rupture et de la nécessité de réorganiser sa distribution, celle de 22 783,48 € au titre des dettes commerciales, ceci avec intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne augmenté de 10 points (en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce) à compter du 8 juin 2009 et lesdits intérêts capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil, rejeter l'appel incident de la société Just Us tendant à la condamnation de Mme Jones à lui payer la somme de 34 857,82 € comme mal fondé, et enfin, condamner la société Just Us à payer à Mme Jones une indemnité de procès sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile d'un montant de 9 000 € ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 juillet 2012 par la société Just Us, par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 16 septembre 2011 par le Tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer en deniers ou quittance valable à Mme Jones la somme de 7 208,67 € au titre des factures impayées, et y ajoutant, condamner Mme Jones à payer à la société Just Us la somme de 34 857,82 € à titre de dommages et intérêts complémentaires pour les frais de promotion de la marque Sally Jones engagés en pure perte, ordonner la compensation judiciaire des créances de chacune des parties telles que résultant tant de l'exécution du contrat que des condamnations prononcées, et en tout état de cause, condamner Mme Jones à payer à la requérante la somme 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Mme Jones, styliste australienne dans le domaine de la lingerie féminine, a conclu avec la société Just Us, cinq contrats de distribution exclusive pour la France et d'autres pays, d'une durée de cinq ans, portant sur les vêtements de marque Sally Jones qu'elle a fabriqués et créés.

Après deux années de collaboration, Mme Jones a résilié lesdits contrats de distribution par courriel du 6 avril 2009.

La société Just Us lui reproche de ne pas avoir motivé la résiliation et de ne pas lui avoir accordé de préavis, lui causant ainsi un préjudice commercial important.

Mme Jones lui oppose son manquement aux règles contractuelles, en relevant son compte débiteur depuis de nombreux mois, en dépit de plusieurs relances.

Par exploit en date du 17 juillet 2009, la société Just Us a assigné Mme Jones devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée pour violation de la clause d'exclusivité du contrat de distribution et pour rupture brutale et abusive des contrats.

Sur la résiliation des contrats

Considérant que Mme Jones soutient que sa décision de rupture n'est pas fautive, compte tenu des formulations agressives employées par la société Just Us lors de leurs échanges ; qu'elle soutient que la société Just Us a recherché la rupture contractuelle afin de positionner sa propre marque, "Les Jupons de Tess" ;

Considérant que la société Just Us soutient que Mme Jones a enfreint l'exclusivité qu'elle lui avait accordée dans les contrats de distribution, en mettant en exergue les prises de contact direct avec certains clients et certains agents commerciaux mandatés par la société Just Us ; qu'elle atteste ensuite le caractère brutal de la rupture des contrats ; qu'elle fait aussi valoir que la marque concurrente "Les jupons de Tess" a été déposée 19 mois après la résiliation et qu'aucune stipulation contractuelle ne lui interdisait de promouvoir une marque concurrente ;

Considérant que la rupture est intervenue sans délai sur l'initiative de Madame Jones, par un mail du 6 avril 2009 envoyé à 11 h 35 ; qu'elle est motivée par l'existence de "différences irréconciliables" ;

Considérant que Madame Jones échoue à faire la preuve de fautes de la société Just Us dans l'exécution de son contrat, ne démontrant pas d'arriérés d'impayés conséquents ni de manœuvres visant à la pousser à cette rupture ; que la résiliation intervenue à son initiative est donc abusive, ainsi que l'ont justement estimé les Premiers Juges, au terme d'une motivation que la cour adopte ;

Sur l'indemnisation de la société Just Us

Considérant que la société Just Us sollicite la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive, résidant en une perte de marge bénéficiaire et des frais de promotion engagés pour la marque Sally Jones ;

Considérant qu'il y a lieu de l'indemniser au titre des gains manqués jusqu'au terme attendu des contrats ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a évalué ce préjudice à la marge moyenne perdue sur la durée restant à courir, soit en moyenne, deux années et trois mois pour les cinq contrats ; que cette marge annuelle moyenne étant de 46 964, 05 euros, le gain manqué s'élève à 46 964,05 X 2,25, soit 105 669 euros ; que Madame Jones sera condamnée au paiement de cette somme à la société Just Us ;

Considérant que la société Just Us ne démontre pas que les frais de promotion engagés au profit de la marque de Mme Jones ne l'aurait pas été pour son propre compte ; que sa demande à ce titre sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;

Sur la demande en paiement de factures de Mme Jones

Considérant que si Mme Jones expose que sa créance s'élève à la somme de 22 783,48 €, la société Just Us en conteste le montant, en mettant à juste titre en exergue les relevés de compte adressés avant la rupture du contrat ; que le jugement déféré relève à juste titre que le courriel du 3 avril 2009 adressé à Just Us par la comptable de Madame Jones, fait état d'une créance totale de 7 208,67 euros et qu'aucune facture n'a été émise après cette date ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Just Us à payer à Madame Jones la somme de 7 208,67 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2009 ; qu'il n'est pas démontré que les conditions de règlement portant sur les intérêts aient été indiquées à la société Just Us et l'article L. 441-6 du Code de commerce ne trouvera donc pas à s'appliquer ;

Sur la demande de compensation

Considérant que la société Just Us sollicite la compensation judiciaire entre la restitution des marchandises et les sommes restant dues selon le décompte de Mme Jones ;

Mais considérant que la cour ne dispose d'aucun élément sur la prétendue restitution des marchandises et cette demande sera rejetée ; que cependant la compensation sera ordonnée entre les deux créances à hauteur de la créance de Madame Jones ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, Ordonne la compensation judiciaire entre les deux créances, Condamne Mme Jones aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, La condamne à payer à la société Just Us la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.