Livv
Décisions

ADLC, 2 avril 2014, n° 14-DCC-50

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus

ADLC n° 14-DCC-50

2 avril 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 15 janvier 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif par Vivendi SA et Groupe Canal Plus des sociétés D8, D17, D8 Films et D8 Digital ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu la décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2013, statuant au contentieux sur une requête de la société Métropole Télévision et de la société Télévision Française 1 ; Vu l'avis n° 2014-0113 du 30 janvier 2014 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;Vu l'avis n° 2014-2 du 13 février 2014 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;Vu les engagements présentés le 15 janvier et le 1er avril 2014 par la partie notifiante ;Vu les autres pièces du dossier ;Adopte la décision suivante :

I. Présentation des entreprises concernées, de l'opération et de la procédure

1. Le groupe Vivendi est un acteur opérant dans les secteurs de la communication et du divertissement. Il a pour principales activités la production et l'édition de contenus (jeux vidéo, musique, œuvres audiovisuelles, films) et leur distribution, notamment sur les réseaux numériques. Le groupe Vivendi est ainsi présent dans les secteurs de la musique via sa filiale Universal Music Group (1), de la télévision et du cinéma via sa filiale Groupe Canal Plus, des jeux interactifs via sa filiale Activision Blizzard (2) et des télécommunications mobiles et fixes via ses filiales SFR (3) et GVT (4).

2. Groupe Canal Plus (ci-après " GCP ") est un groupe de télévision payante, intégralement détenu par Vivendi, principalement actif en France dans l'édition de chaînes premium et thématiques, dans l'agrégation et la distribution d'offres de télévision payante, dans les nouveaux usages télévisuels ainsi que dans la production et la distribution de films de cinéma. GCP est notamment actif, à travers sa filiale CanalSat, dans l'édition de chaînes thématiques, dans l'agrégation et la distribution de chaînes de télévision payante au sein de bouquet thématiques et de la distribution de services de télévision de rattrapage. Depuis le 10 février 2014, GCP est également actif dans le secteur des télécommunications (internet, fixe et mobile) dans les départements et régions d'outremer via sa filiale Mediaserv (5).

3. Le périmètre des activités des parties notifiantes dans ces secteurs résulte notamment de leur prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite en 2006. Cette opération a fait l'objet d'une autorisation sous conditions du ministre de l'économie le 30 août 2006 (6). L'Autorité de la concurrence a retiré cette autorisation par décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 en raison de l'inexécution de dix des 59 engagements souscrits par Vivendi et GCP auprès du ministre. La concentration a été notifiée à nouveau à l'Autorité le 24 octobre 2011 et elle fait l'objet d'une décision notifiée aux parties le 23 juillet 2012 (7).

4. Avant leur acquisition par Vivendi et GCP, les sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia étaient contrôlées exclusivement par le groupe Bolloré. Direct 8 et Direct Star, désormais dénommées D8 et D17, sont en charge de l'édition et l'exploitation des chaînes éponymes sur la TNT gratuite, le câble, le satellite, l'ADSL et en simulcast sur les réseaux mobiles. D8 est une chaîne " généraliste ", c'est-à-dire dont la programmation n'est pas spécialisée et couvre des programmes destinés au grand public, notamment la diffusion d'œuvres audiovisuelles, d'œuvres cinématographiques et d'évènements sportifs. D17 est une chaîne musicale dont au moins 75 % du temps d'antenne est consacré à des programmes musicaux. Elle diffuse, pour le reste, des œuvres cinématographiques et audiovisuelles (séries télévisées notamment) ainsi que des programmes sportifs. Bolloré Intermédia, aujourd'hui radiée, était une régie publicitaire qui assurait la commercialisation auprès des annonceurs, agences de publicité et centrales d'achat, des espaces de publicité de plusieurs médias dont les chaînes D8 et D17. Direct Digital, désormais dénommée D8 Digital, opère et exploite les services de communication au public en ligne de D8 et D17. Enfin, Direct Productions, désormais dénommée D8 Films a pour principale activité la réalisation, à la demande des chaînes D8 et D17, de prestations de production exécutive de programmes audiovisuels.

5. Selon un protocole d'accord en date du 1er décembre 2011, le groupe Bolloré s'est engagé à apporter au groupe Vivendi 60 % du capital et des droits de vote des sociétés alors dénommées Direct 8 et Direct Star ainsi que l'intégralité du capital et des droits de vote des sociétés Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia. Pour régir leurs relations en qualité d'actionnaires des sociétés Direct 8 et Direct Star, les groupes Bolloré et Vivendi ont arrêté les termes d'un pacte d'actionnaires. Selon ce pacte, D8 et D17 sont gouvernées par un conseil d'administration composé de cinq membres dont trois seront nommés par Vivendi et deux par le groupe Bolloré. Les droits de ce dernier n'excédent pas cependant ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers.

6. Sur la base de ces accords, Vivendi SA et GCP ont notifié le 5 décembre 2011 la prise de contrôle exclusif de Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia (ci-après ensemble désignées " les sociétés cibles ").

7. Par décision n° 12-DCC-101 du 23 juillet 2012, l'Autorité de la concurrence a autorisé l'opération sous réserve de plusieurs engagements (la " décision annulée ").

8. Les parties ont réalisé l'opération aux termes d'un traité d'apport en date du 19 septembre 2012 et de contrats de cession d'actions des sociétés cible en date du 27 septembre 2012.

9. Le 23 décembre 2013, le Conseil d'Etat a toutefois annulé l'autorisation donnée par l'Autorité de la concurrence en raison d'un vice de procédure. En effet, le code de commerce prévoit que les décisions d'autorisation relatives à des opérations de concentration faisant l'objet d'un examen approfondi doivent être adoptées par une formation collégiale. Le Conseil d'Etat a considéré que ce principe de collégialité n'avait pas été respecté dans la mesure où le collège de l'autorité ne s'est pas réuni une ultime fois pour délibérer collégialement des derniers engagements présentés par les parties, en fin de procédure, le 20 juillet 2012.

10. En outre, le Conseil d'Etat a jugé que l'Autorité de la concurrence avait commis une erreur d'appréciation en acceptant l'un des engagements, qui encadrait les acquisitions des parties sur les marchés de droits pour les films français récents en clair. Le Conseil d'Etat a en effet constaté que cet engagement ne portait que sur les droits de diffusions de films inédits alors que les chaînes font également l'acquisition, au stade du préfinancement, des droits en clair pour une 2ème et une 3ème diffusion. Le Conseil d'Etat a estimé que GCP serait en mesure de préempter les plus attractifs de ces droits en liant les acquisitions concernées à celles de droits pour la télévision payante, ce qui aurait pour effet d'ériger de fortes barrières à l'entrée sur ces marchés, avec des conséquences significatives sur la concurrence.

11. Il a toutefois relevé que l'annulation immédiate de l'autorisation de concentration ôterait toute valeur contraignante aux engagements pris par les parties contenus dans cette décision, alors que l'opération de concentration avait eu lieu. Pour éviter un tel vide juridique, il a décidé que l'annulation prononcée ne prendrait effet qu'à compter du 1er juillet 2014 et ne vaudrait que pour l'avenir (8).

12. Le 15 janvier 2014 les groupes Vivendi et Canal Plus (" GCP ") ont par conséquent de nouveau notifié l'opération.

13. En ce qu'elle s'est traduite par la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia (ci-après ensemble désignées " les sociétés cibles ") par le groupe Vivendi, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

14. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (groupe Vivendi : 28,9 milliards d'euros pour le dernier exercice clos ; les sociétés cibles : [...] d'euros pour le dernier exercice clos). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (groupe Vivendi : 19,2 milliards d'euros pour le dernier exercice clos ; les sociétés cibles : [...] d'euros pour le dernier exercice clos). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Présentation du secteur de la télévision gratuite

15. Deux activités coexistent au sein du secteur de la télévision, à savoir la télévision payante et la télévision gratuite (ou " en clair ").

16. Le secteur de la télévision payante est organisé de la façon suivante : les éditeurs de chaînes payantes définissent la thématique et la ligne éditoriale de leurs chaînes et, sur cette base, produisent en interne leurs propres programmes ou acquièrent auprès de tiers des droits de diffusion sur les marchés situés en amont. Les éditeurs proposent ensuite à la vente le droit de commercialiser leurs chaînes aux différents distributeurs. Ces derniers se chargent de constituer une offre de télévision payante sous forme de bouquets de chaînes, accessibles par abonnement ou " à la carte ". Le distributeur doit enfin assurer la commercialisation de son offre et la gestion de la relation avec l'abonné.

17. Le secteur de la télévision gratuite est organisé de manière différente. Contrairement à l'édition de chaînes payantes, l'édition de chaînes gratuites n'est pas à proprement parler un marché dans la mesure où les distributeurs de bouquets de télévision ne rémunèrent pas les éditeurs pour pouvoir distribuer leurs chaînes. Alors que les activités correspondantes dans le secteur de la télévision payante tirent l'essentiel de leurs revenus des abonnements payés par les consommateurs finals, l'édition et la distribution de chaînes gratuites sont presque entièrement rémunérées par les recettes générées par la publicité télévisuelle.

18. Pour les besoins de l'analyse de la présente opération, il convient d'examiner le secteur de la télévision gratuite en général ainsi que les évolutions observées depuis la réalisation de l'opération.

A. EVOLUTION GÉNÉRALE DU SECTEUR

19. Deux phénomènes majeurs, qui affectaient le secteur de la télévision gratuite à l'époque de la décision annulée, se sont accentués depuis lors. En premier lieu, le nombre des chaînes disponibles sur la télévision gratuite en France a connu une augmentation significative ces dernières années. Aux chaînes gratuites dites " historiques " se sont ajoutées 11 nouvelles chaînes gratuites numériques autorisées par le CSA lors du lancement de la télévision numérique terrestre (" TNT ") en mars 2005. Les chaînes historiques comptent six chaînes privées et publiques : TF1, France 2, France 3, France 5, Arte et M6. A ces chaînes s'ajoutent les plages en clair de la chaîne Canal+. Les " nouvelles chaînes de la TNT " incluent Direct 8, W9, TMC, NT1, NRJ12, LCP-Public Sénat, France 4, BFM TV, iTélé, Gulli, France 5 et France Ô.

20. Le 3 juillet 2012, le CSA a sélectionné six nouvelles chaînes privées gratuites (Chérie 25, L'Equipe 21, HD1, RMC Découverte, Numéro 23, 6Ter) qui sont diffusées en haute défintion depuis le 12 décembre 2012. Ceci porte le nombre de chaînes gratuites à 24.

21. Si l'extension de l'offre a initialement permis de voir des acteurs indépendants entrer dans le secteur de la télévision gratuite, les mouvements de restructuration ont conduit les grands groupes audiovisuels à reprendre le contrôle de la majorité de l'offre. L'opération s'inscrit dans cette tendance en concrétisant la sortie du groupe Bolloré au bénéfice de GCP. A l'issue de la concentration, en tenant compte des 6 nouvelles chaînes gratuites sélectionnées en mai dernier par le CSA, les groupes de télévision gratuite seront les suivants :

<Emplacement tableau>

22. Les années 2005 et 2012-2013 marquent donc deux périodes charnières pour la compréhension des grandes évolutions du secteur de la télévision gratuite. Les nouvelles chaînes gratuites ont en effet rapidement gagné des points d'audience au détriment des chaînes historiques pour atteindre 23,6 % de l'audience en 2013 (9), dont 2,3 point d'audience ont été réalisés par les dernières chaînes de la TNT HD (Chérie 25, L'Equipe 21, HD1, RMC Découverte, Numéro 23, 6Ter)

23. En second lieu, alors que le nombre de chaînes augmente, les recettes publicitaires télévisuelles sont affectées par la conjoncture économique et par le développement de nouveaux supports publicitaires, notamment en ligne. Les recettes publicitaires télévisuelles atteignent un montant global de 3,22 milliards d'euros en 2013, chiffre en baisse par rapport à 2012 (regression de 3,6 %) (10), alors qu'elles avaient cru de 20 % durant la période 2000-2007.

24. Enfin, il convient de noter que l'audience totale de la télévision a sensiblement crû depuis les années 1990, pour atteindre 3h46 de visionnage quotidien par individu en 2013 (11).

B. EVOLUTIONS CONCERNANT LES CHAÎNES CIBLE DEPUIS LA RÉALISATION DE L'OPÉRATION

25. Depuis la réalisation de l'opération, la chaîne D8 a vu son audience progresser de 0,9 point pour atteindre 3,2 % de part d'audience en 2013. Ses revenus publicitaires nets se sont significativement accrus en passant de [...] d'euros en 2012 à [...] d'euros en 2013, soit un accroissement de [...] %. Sur cette période pourtant, le coût de grille de D8 est demeuré relativement stable ([...] % d'augmentation environ).

26. L'audience de D17 est pour sa part restée relativement stable avec une très légère augmentation de 0,1 point entre 2012 et 2013 pour atteindre 1,3 %. Son coût de grille a diminué sur la même période passant de [...] d'euros à [...] d'euros.

27. Son score d'audience place désormais D8 en deuxième position au sein des chaînes de la TNT, devant NRJ 12 (2,2 % de part d'audience) et W9 (2,9 %) mais derrière TMC (3,4 %) qui conserve son leadership. Contrairement à D8, ces trois chaînes ont enregistré des baisses d'audience entre 2012 et 2013 (entre 0,2 et 0,3 point perdu selon les cas). Durant la même période, les 6 nouvelles chaînes de la TNT, lancées fin 2012, ont totalisé 2,4 % de part d'audience à la fin de l'année 2013.

Evolution des parts d'audience depuis 2007

<emplacement schéma>

28. L'accroissement de l'audience de D8 ne résulte pas de l'exploitation par cette dernière des programmes phares de Canal+ (notamment les films français et américains). L'analyse des 50 meilleures audiences de D8 depuis la sa reprise par GCP, montre que près de 70 % d'entre elles ont été réalisées par des programmes de flux propres à la chaîne. Par exemple, " la Nouvelle Star " apparaît 19 fois dans ce classement (38%) et " Touche Pas à Mon Poste " y apparait 11 fois (22%). " Enquête de solutions " et " le grand bêtiser de Noël " font également partie des 50 meilleures audiences de la chaîne, tandis qu'aucune série américaine et aucun film français ou américains récents n'apparait dans ce classement. Les séries américaines n'ont d'ailleurs connues que très peu de succès sur D8. A titre d'exemple, la série Homeland, pourtant considérée comme un " blockbuster ", a réalisé une audience médiocre, inférieure même au niveau d'audience moyen de la chaîne.

29. De même, si l'on considère le poids des différents types de programmes diffusés par D8 au sein de son audience, il apparaît que les principaux moteurs d'audience de la chaîne sont les programmes de divertissement (35,6 % de l'audience des 4 ans et +), d'information et magasine (23,6 %) et les téléfilms (18,7 %). Les films et les séries n'arrivent qu'en quatrième et cinquième position et représentent respectivement 11,4 % et 10,2 % de l'audience de D8 auprès des individus âgés de 4 ans et plus (12).

30. Le CSA confirme dans son avis que " si la diffusion de films à succès et inédits a pu réaliser des parts d'audience importantes, le développement de la chaîne est actuellement principalement lié à la diffusion de programmes de flux. Les programmes La nouvelle Star et Touche pas à mon Poste ont ainsi réalisé 16 et 17 des 50 meilleures audiences de la chaîne en 2013. Les programmes de flux représentent en 2012 et 2013 plus de la moitié du volume annuel de programmes diffusés sur D8 avec plus de 4000 heures de programmes, contre environ 1000 heures sur D17. A titre de comparaison, 377 heures de films, dont 152 heures de films américains, 72 heures de séries américaines et 35 heures de sport ont été diffusées en 2013 sur D8 ".

31. Selon les informations obtenues dans le cadre de l'enquête, en termes de revenus publicitaires net, les trois premières chaînes de la TNT (TMC, D8 et W9) sont relativement proches avec des recettes annuelles comprises entre 90 et 110 millions d'euros entre 2012 et 2013, NRJ 12 étant un peu plus en retrait avec un revenu publicitaire net compris entre 70 et 90. Il faut en outre noter que si les principales chaînes concurrentes de D8 ont connu une stagnation, voire une baisse, de leur audience entre 2012 et 2013 (entre 0 et 0,3 point perdu selon les cas), certaines d'entre elles (NT1 et W9) ont paradoxalement vu leurs investissements publicitaires bruts augmenter jusqu'à 7 % sur la même période (13).

32. En revanche, comme le note le CSA dans son avis du 13 février 2014, les revenus publicitaires de D8 et D17 sont situés à des niveaux très inférieurs à ceux des principales chaînes historiques privées. Ainsi, alors que le chiffre d'affaires lié à la publicité télévisuelle en 2012 était d'environ 1 400 millions d'euros pour TF1 et 647 millions d'euros pour M6, ceux de D8 et D17 ont été de [...] et [...] d'euros. L'examen de la répartition des recettes publicitaires entre les différents acteurs de la télévision illustre l'écart considérable entre les deux chaînes hertziennes historiques et les autres acteurs de la télévision :

Evolution des recettes publicitaires nettes en télévision par chaînes

<Emplacement shéma>

III. Définition des marchés concernés par l'opération

33. L'Autorité de la concurrence a déjà eu l'occasion de constater que " contrairement à l'édition de chaînes payantes, l'édition de chaînes gratuites n'est pas à proprement parler un marché dans la mesure où les distributeurs de bouquets de télévision ne rémunèrent pas les éditeurs pour pouvoir distribuer leurs chaînes " (14). Par ailleurs, les chaînes en clair sont distribués gratuitement auprès des téléspectateurs français sans que ceux-ci n'ait à payer d'abonnement spécifique. Il n'existe donc pas de marché aval de la distribution de service de télévision en clair, à la différence des services de télévision payante pour lesquels la pratique décisionnelle a identifié un marché distinct de la distribution (15) Conformément à cette pratique décisionnelle, il conviendra donc d'examiner le marché de la publicité télévisuelle, qui constitue l'unique source de revenus, hors subventions publiques, des éditeurs de chaînes gratuites (B), après avoir étudié les marchés amont des acquisitions de droits de diffusion (A).

A. MARCHÉS AMONT DES ACQUISITIONS DE DROITS

34. En amont, la pratique décisionnelle a distingué les marchés relatifs à l'acquisition des droits de diffusion des films de cinéma et séries (1), et ceux portant sur la diffusion d'évènements sportifs (2).

1. MARCHÉS DES DROITS RELATIFS AUX OEUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUX SÉRIES TÉLÉVISÉES

a) Délimitation des marchés de produits : rappel de la pratique décisionnelle

35. S'agissant des œuvres cinématographiques, la pratique décisionnelle effectue traditionnellement une double segmentation en fonction des fenêtres et modes de diffusion et de l'origine de l'œuvre acquise. Par ailleurs, les autorités de concurrence considèrent que l'ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques sont de dimension nationale, dans la mesure où les droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique (16).

36. La diffusion des œuvres cinématographiques est soumise à une stricte chronologie. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias, dont les dispositions pertinentes sont rendues obligatoires par arrêté du ministre de la culture, prévoit ainsi les délais aux termes desquels une œuvre cinématographique peut être diffusée par les différents services audiovisuels (17). L'ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels (exploitation en salle, en vidéo, en vidéo à la demande à l'acte, en télévision payante, etc.) entraîne généralement la fermeture de la précédente. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence distingue donc chacun de ces modes de diffusion comme constituant autant de marchés pertinents, ceux-ci présentant en effet de fortes différences en termes de demande, de réglementation applicable ou encore de prix (18).

37. De plus, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence distingue habituellement, s'agissant de la vidéo à la demande, du Pay Per View (" PPV ") et de la télévision payante, les droits relatifs aux œuvres américaines de celles relatives aux œuvres d'expression française en raison de différences en termes de prix, d'attractivité, d'identité et de capacité de négociation des offreurs, de négociation commerciale et, enfin au regard des obligations spécifiques pesant sur les demandeurs en matière d'investissements dans le cinéma français.

38. La pratique décisionnelle a considéré qu'il convenait de distinguer les marchés pertinents suivants :

- le marché de l'achat de droits pour la diffusion en salle ;

- le marché de l'achat de droits portant sur l'édition vidéo ;

- l'achat de droits relatifs aux films américains récents (qui comprennent essentiellement les films produits par les grands studios hollywoodiens) pour la télévision payante ;

- l'achat de droits relatifs aux séries américaines récentes ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films d'expression originale française (" EOF ") récents pour la télévision payante ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films d'expression originale française (" EOF ") récents pour la télévision gratuite ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films de catalogue ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en vidéo à la demande ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en vidéo à la demande ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films américains récents pour l'exploitation en PPV ;

- le marché de l'achat de droits relatifs aux films EOF récents pour l'exploitation en PPV.

39. Dans sa décision du 23 décembre 2013, le Conseil d'Etat a néanmoins envisagé une définition plus précise des marchés de l'achat de droits relatifs aux films EOF pour une diffusion en clair compte tenu des différentes modalités d'acquisition de ce type de droits (b).

40. Par ailleurs, une segmentation plus fine a été défendue en ce qui concerne les marchés de l'achat de droits relatifs : aux films américains inédits en clair et aux films de catalogue (c), à des œuvres cinématographiques pour une diffusion sur la télévision payante (d), à une diffusion en rattrapage (e) et à une diffusion sur terminaux mobiles (f). Il conviendra également de revenir sur la définition du marché pertinent relatif aux séries américaines récentes (g).

b) En ce qui concerne les droits de diffusion en clair de films EOF

41. Les chaînes gratuites disposent de deux circuits d'acquisition pour les films français. Les chaînes peuvent d'abord acheter les droits de diffusion auprès du producteur du film au moment de l'élaboration de son plan de financement et avant la délivrance de l'agrément des investissements ou d'une autorisation de production délivrés par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée (ci-après " CNC "). On parle alors de " préachats " de droits de diffusion (19), ces investissements étant comptabilisés au titre des obligations des chaînes gratuites en matière de financement de la production cinématographique française. Avec l'accroissement du nombre de chaînes gratuites s'est développé une pratique contractuelle par laquelle les producteurs de films commercialisent au stade du préachat plusieurs fenêtres de diffusion de leurs films.

42. Les chaînes gratuites peuvent également acheter des droits de diffusion après le bouclage du financement du film et sa diffusion en salle, auprès des producteurs où des distributeurs détenteurs de droits. On parle alors d'acquisition de droit de films de " catalogue ".

43. Compte tenu de ces éléments, il convient d'envisager l'existence de marchés pertinents distincts pour les différents droits de diffusion en clair, selon leur fenêtrage (i) ou selon les modalités d'acquisition (ii).

(i) S'agissant d'une segmentation selon le fenêtrage de diffusion

44. Les droits de diffusion en clair d'un film EOF sont négociés de gré à gré entre les détenteurs de droits et les chaînes de télévision. Les droits sont acquis par les chaînes aux termes de contrats leur conférant une exclusivité pendant une " fenêtre de diffusion ", d'une durée déterminée. Il peut exister autant de fenêtres de diffusion que de diffusions d'un film donné.

45. Dans ses conclusions dans le cadre des recours introduits par Métropole Télévision et TF1 contre la décision annulée, le rapporteur public auprès du Conseil d'Etat avait constaté que " ces différentes fenêtres de diffusion en clair ne découlent pas de contraintes légales ou réglementaires mais de pratiques contractuelles qui sont apparues avec le développement de la TNT : la nécessité d'alimenter, au-delà des chaînes " historiques ", les chaînes dites " nouvelles " de la TNT et le constat que les deuxième et parfois même troisième diffusions d'un film en clair donnaient de bons résultats d'audience ont conduit les détenteurs de droits à valoriser distinctement, de manière spontanée, les droits de diffusion correspondants, dès le stade du préfinancement " (20).

46. Le nombre de fenêtres en clair ainsi contractualisées ne découle donc pas de la chronologie des médias, mais de la liberté contractuelle des parties. Le nombre de fenêtres en clair dépend ainsi de la capacité des producteurs à commercialiser les droits correspondants. Les données communiquées par les producteurs de films EOF et les chaînes en clair dans le cadre du test de marché montrent ainsi que, pour les films les plus attractifs, trois fenêtres sont généralement commercialisées dans le cadre du préachat. Même si, dans son avis, le CSA relève que " le nombre de fenêtres qui sont acquises par les chaînes dans le cadre de préfinancements évolue régulièrement ", les éléments au dossier montrent que les producteurs ne commercialisent plus de trois fenêtres en clair que dans des cas encore relativement rares.

47. Il convient donc d'examiner s'il est pertinent de distinguer la première fenêtre de diffusion en clair des fenêtres ultérieures, voire s'il conviendrait de définir autant de marchés que de fenêtres de diffusion.

* Distinction entre la première fenêtre et les deuxième et troisième fenêtres de diffusion en clair

48. Les conclusions du rapporteur public auprès du Conseil d'Etat dans le cadre des recours contre la décision annulée relèvent que " l'effet congloméral auquel les engagements ne remédient pas suffisamment concerne exclusivement les droits de diffusion en deuxième et troisième fenêtres - dont on peut se demander s'ils ne correspondent pas, en réalité, à des marchés distincts de celui des droits de diffusion en première fenêtre en clair " (21). Le Conseil d'Etat, dans sa décision du 23 décembre 2013, a ensuite jugé que " l'Autorité de la concurrence a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'engagement 2.2 était de nature à prévenir les effets anticoncurrentiels de l'opération liés au verrouillage des marchés de droits de films français en deuxième et troisième fenêtres en clair " (22).

49. Le CSA, dans son avis du 13 février 2014, considère également pertinent d'opérer une segmentation entre les droits de diffusion en première fenêtre, relatifs aux films inédits sur la télévision en clair, et les droits de diffusion en deuxième et troisième fenêtre (23). Il observe tout d'abord que, dans le secteur de la télévision gratuite, les droits achetés pour diffuser un film de manière inédite par les chaînes gratuites présentent une attractivité particulière, liée à la nouveauté, que n'ont pas, sauf à de rares exceptions, les autres fenêtres. Les droits de diffusion en deuxième et troisième fenêtre n'ont donc pas la même attractivité pour les chaînes que les droits de diffusion en première fenêtre. Une diffusion inédite participe en effet significativement au développement de l'image et de la notoriété de la chaîne qui la propose. Le CSA observe ainsi que les groupes historiques de télévision gratuite mettent en avant, dans le cadre de la politique de communication de leurs régies, la diffusion de films inédits en clair. De même, le CSA relève que les films inédits et ayant rencontré un important succès en salle peuvent être commercialisés par les régies publicitaires dans le cadre d'offres relatives aux programmes revêtant un caractère exceptionnel.

50. Le Conseil relève en outre qu'il existe des " écarts significatifs de prix entre les droits de diffusion en première fenêtre et les droits de diffusion de films non inédits, qui confirme leurs caractéristiques particulières et la valeur que représente ces films pour les chaînes de télévision gratuite " (24).

51. L'ensemble de ses observations ont été confirmées par le test de marché. Les éléments ainsi recueillis montrent par ailleurs que les droits relatifs à une diffusion en première fenêtre en clair sont acquis quasi-exclusivement pour une diffusion sur les anciennes chaînes hertziennes (TF1, France 2 ou 3, M6), alors que les droits de diffusion en fenêtres subséquentes sont acquises pour des diffusions sur les chaînes de la TNT de ces mêmes groupes.

52. Les donnés obtenues montrent également que les achats de droits relatifs à une diffusion en première fenêtre, d'une part, et les achats de droits relatifs à des diffusions en deuxième et troisième fenêtre, d'autre part, relèvent d'une stratégie d'investissement globale des groupes de télévision. Conformément aux constatations du CSA, les éléments au dossier permettent de constater des écarts de prix significatifs entre les droits de diffusion en première fenêtre et en fenêtre subséquente, même s'ils restent variables selon les films. L'acquisition de fenêtres successives par les groupes historiques leur permet ainsi d'amortir le coût, généralement élevé, de l'investissement requis pour l'acquisition d'une première fenêtre en clair, sur les revenus tirés de plusieurs diffusions successives sur les chaînes gratuites du même groupe.

53. Enfin, il ressort du test de marché qu'il existe une demande spécifique pour les deuxième et troisième fenêtres en clair, émanant des groupes audiovisuels historiques et de l'entité issue de la concentration. Cette demande porte sur des films français récents attractifs permettant aux nouvelles chaînes de la TNT de remplir leurs obligations d'investissement dans la production cinématographique en faisant porter leurs acquisitions sur les films susceptibles d'attirer une audience significative. Compte tenu du caractère non inédit de ces fenêtres de diffusion, les chaînes de la TNT adossées à un grand groupe audiovisuel peuvent accéder à ces droits à un coût moindre que celui correspondant à la première fenêtre en clair, représentant un investissement compatible avec les coûts de grille de ces chaînes.

54. Il en découle que, du point de vue des acheteurs, la diffusion d'un film récent EOF inédit en clair permet une valorisation spécifique, qui n'est plus possible à l'occasion de rediffusions. En outre, les impératifs d'investissement et d'usage des droits correspondant à la première fenêtre et les fenêtres subséquentes de diffusion en clair font que celles-ci sont davantage complémentaires que substituables.

55. Il est donc pertinent de distinguer le marché du préachat de droits de diffusion de films selon qu'il s'agit d'un film inédit, c'est-à-dire la première fenêtre, ou de fenêtres ultérieures de diffusion.

* Distinction entre la deuxième et la troisième fenêtre de diffusion en clair

56. S'agissant d'une possible segmentation entre les droits relatifs à une diffusion en deuxième fenêtre en clair d'une part et en troisième fenêtre d'autre part, le CSA estime qu'une telle distinction n'est pas nécessaire. En effet, le fenêtrage en clair découlant de pratiques contractuelles, il est susceptible d'évoluer régulièrement et donc de retreindre à court terme la pertinence d'une segmentation plus fine des droits relatifs à des fenêtres de diffusion subséquentes à la première.

57. Par ailleurs l'instruction a montré que les cas où des droits de diffusion en troisième fenêtre sont acquis par les chaînes en clair sont relativement peu fréquents en comparaison des achats de droits de première et deuxième fenêtre. De plus, lorsque plusieurs droits de diffusion d'un film sont acquis par des chaînes appartenant à un même groupe, le découpage temporel des deuxième et troisième fenêtres d'exclusivité attachées à ses droits reste variable : dans certains cas les différentes fenêtres de diffusion en clair sont successives ; dans d'autres cas, les différentes " fenêtres " sont allouées à différentes chaînes au sein d'un même groupe et se superposent dans le temps, partiellement ou totalement.

58. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de distinguer les différents droits préachetés pour une diffusion ultérieure à la première fenêtre.

(ii) S'agissant d'une segmentation selon les modalités d'acquisition

59. Dans son avis du 13 février 2014, le CSA relève la spécificité des préachats de droits de diffusion. Il observe que, " dans le cadre des préachats, la décision d'acquérir un film se fait en amont de la production, à la lecture du scénario et sur examen des éléments artistiques et économiques, et en particulier le devis du film. Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, les préfinancements sont complétés par des investissements en parts de coproduction, réalisés par l'intermédiaire d'une filiale de production "25. Ce type d'investissement obéit donc à une démarche différente de celle d'achats de droits de diffusion de films déjà produits et sortis en salle. Le CSA observe ainsi que " les simples achats se déroulent dans des conditions différentes. D'une part, la chaîne a généralement connaissance du succès en salle réalisé par le film, alors que dans le cadre d'un préachat, elle se base principalement sur le scénario, la distribution et le devis du film pour estimer le potentiel d'audience télévisuelle d'un film.

D'autre part, les achats de droits de diffusion sont réalisés dans des conditions de concurrence qui présentent des différences avec le préachat " (26).

60. Ces constats sont confirmés par le test de marché. Plusieurs opérateurs interrogés considèrent ainsi qu'il convient de tenir compte des modalités d'acquisition de droits pour la délimitation des marchés pertinents. Par exemple, le groupe TF1 estime " qu'il convient de distinguer entre (i) un marché du préachat des droits de diffusion des films EOF et (ii) un marché de l'acquisition des droits de diffusion des films EOF de catalogue, comprenant les seuls droits acquis une fois le tournage réalisé " (27).

61. Par ailleurs, dans ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, l'Autorité observe que " l'existence d'une norme légale ou d'une réglementation spécifique est susceptible d'influencer le comportement de la demande, dans la mesure où elle peut influencer les prix des produits, leur qualité ou la perception que les demandeurs en ont ". En l'espèce, les préachats de films EOF sont encadrés par des obligations réglementaires spécifiques (correspondant aux obligations d'investissement des chaînes dans la production cinématographique), distinctes de celles qui s'appliquent aux achats de droits de diffusion. En l'espèce il est donc justifié d'opérer une segmentation des marchés de droits de diffusion de films EOF selon leur modalité d'acquisition, compte tenu de l'environnement juridique propre au cinéma français.

(iii) Segmentations retenues

62. Compte tenu de ce qui précède il convient de segmenter le marché des droits de diffusion en clair de film français à la fois selon le fenêtrage, en distinguant les droits relatifs à la première fenêtre des droits relatifs aux fenêtres subséquentes et selon les modalité d'acquisition, en distinguant les préachats des achats postérieur à l'agrément du CNC. Seront ainsi analysés :

- le marché du préachat de droits de diffusion de films français en première fenêtre en clair ;

- le marché du préachat de droits de diffusion de films français en deuxième et troisième fenêtre en claire.

63. Les achats de droits de diffusion de films seront donc examinés de manière distincte. A cet égard, s'il existe des cas dans lesquels les droits de diffusion en première fenêtre sont acquis après la période du préfinancement du film, faute pour le producteur d'être parvenu à faire préacheter cette fenêtre par une chaîne de télévision, l'instruction a montré que le nombre de droits concernés était trop faible pour justifier la délimitation d'un marché distinct pour ce type d'acquisition. Le CSA, dans son avis du 13 février 2014, partage ce constat.

64. De la même manière, les éléments recueillis ne justifient pas la délimitation d'un marché spécifique de l'achat (post-préachat) de droits de diffusion en deuxième et troisième fenêtre. Ce type d'acquisition n'est en effet pas soumis aux mêmes contraintes que des préachats de droits de diffusion et sont réalisés par les chaînes après la sortie du film, une fois que son succès en salle est connu. Conformément à l'analyse proposée par le CSA dans son avis, ces acquisitions seront comptabilisées dans la catégorie des films dits " de catalogue ".

c) En ce qui concerne les droits de diffusion de films américains inédits en clair et de catalogue

(i) S'agissant de l'achat de droits de diffusion de films américain inédits en clair

65. A l'occasion de sa décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 (28), l'Autorité a envisagé l'existence d'un marché distinct de droits relatifs à une diffusion inédite sur la télévision en clair de films américains.

66. Dans son avis du 22 mai 2012 relatif à la première notification de la présente opération, le CSA partageait cette analyse et considérait qu'il convenait de " définir un marché de l'achat de droits portant sur les films diffusés de manière inédite par les chaînes en clair distinct du marché de l'achat de droits portant sur les films de catalogue " (29).

67. Dans sa décision n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012, l'Autorité de la concurrence a observé que les droits relatifs aux films américains inédits sont acquis dans le cadre d'" output deals " ou " volume deals ", par lesquels les chaînes de télévision achètent auprès des studios les droits de diffusion télévisuelle de leurs œuvres, avant que celles-ci aient été produites.

68. Compte tenu de ce qui précède, il convient de retenir pour l'analyse de la présente opération un marché distinct de l'achat de droits de diffusion de films américains inédits sur la télévision en clair.

(ii) S'agissant de l'achat de droits de diffusion de films de catalogue

69. La pratique décisionnelle récente de l'Autorité de la concurrence considère que les achats de droits de diffusion de films de catalogue français et américains constituent des marchés distincts (30).

70. Parmi les films de catalogue, les œuvres américaines présentent en effet un faible degré de substituabilité par rapport aux œuvres françaises, compte tenu des quotas de diffusion fixés par la réglementation française pour les films EOF et européens. Les chaînes de télévision ont l'obligation de diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques d'expression originale française (31). Par conséquent, une chaîne ne pourrait pas, du fait de la réglementation, reporter ses achats vers des films américains en cas d'indisponibilité ou d'augmentation des prix des films français.

71. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ses délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

d) S'agissant de l'achat de droits relatifs à des œuvres cinématographiques pour une diffusion sur la télévision payante

72. Sur les marchés de l'achat de droits cinématographiques américains et EOF pour une diffusion sur la télévision payante linéaire, les autorités de concurrence nationales (32) ont envisagé d'opérer une distinction entre les droits relatifs à la première fenêtre de diffusion et ceux relatifs à la deuxième fenêtre de diffusion.

73. Lors de l'enquête de 2012, la plupart des participants au test de marché étaient favorables à une telle distinction, tandis que le CSA, en contestait la pertinence

74. Le CSA considérait ainsi que " les vendeurs sur les marchés français de l'achat de droits portant sur des films récents pour la télévision payante sont les mêmes. En outre, [le CSA] émet des réserves sur l'utilisation du caractère inédit pour justifier une définition de marchés amont distincts dans le secteur de la télévision payante. En effet, pour un abonné aux chaînes de cinéma du groupe Canal Plus qui ne serait pas abonné à la chaîne Canal+ mais à une offre CanalSat, la diffusion d'un film, même en deuxième fenêtre, est susceptible de présenter un caractère de nouveauté " (33).

75. En tout état de cause, la question d'une segmentation spécifique du marché de l'achat de droits cinématographiques relatifs à une diffusion sur la télévision payante linéaire en fonction de la fenêtre de diffusion peut demeurer ouverte, les conclusions de l'analyse restant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

e) S'agissant de la télévision de rattrapage

76. Pour les parties notifiantes, les " services de télévision de rattrapage constituent exclusivement le prolongement de la chaîne diffusée en linéaire dans la mesure où ils sont uniquement composés de programmes diffusés en mode linéaire par la chaîne à laquelle ils se rattachent " (34).

77. Dans son avis remis à l'Autorité lors de l'enquête de 2012 (35), le CSA partageait ce point de vue dans la mesure où les droits relatifs à la télévision de rattrapage sont généralement commercialisés de manière indissociée des droits relatifs à la télévision linéaire (36). De même, la très grande majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché mené en 2012 considérait qu'il n'est pas pertinent de distinguer les droits relatifs à une diffusion en télévision de rattrapage des autres droits cinématographiques. Aucun n'a invalidé cette appréciation à l'occasion du test de marché réalisé dans le cas d'espèce.

78. Les éléments recueillis par l'instruction montrent que ces éléments demeurent valides à ce jour. Il n'y a donc pas lieu, pour l'examen de la présente opération, de retenir un segment de marché distinct pour l'achat de droits cinématographiques destinés à une diffusion sur télévision de rattrapage.

f) S'agissant des droits destinés à une diffusion sur terminaux mobiles

79. Dans sa décision SFR/Neuf Cegetel du 15 avril 2008, le ministre de l'économie avait considéré que l'achat de droits de diffusion de programmes audiovisuels destinés à la télévision mobile pouvait constituer un marché pertinent, sans toutefois trancher définitivement la question. Selon les parties notifiantes, cependant, il n'y a pas lieu de segmenter le marché de l'acquisition des droits de diffusion de programmes audiovisuels selon le type de plateforme utilisée dans la mesure où les contenus vendus pour une diffusion sur mobile sont globalement les mêmes que ceux vendus pour une diffusion télévisuelle (37).

80. Dans son avis n° 2012-11 du 22 mai 2012 le CSA partageait cette analyse et observait que " le secteur audiovisuel se caractérise depuis plusieurs années par une diversification croissante des terminaux (ordinateurs, téléphones mobiles, consoles de jeu portables ou non, tablettes). La possibilité offerte par les distributeurs à leurs abonnés de consommer des services sur des terminaux différents incite les chaînes à acquérir des droits permettant une exploitation des contenus sur l'ensemble des plateformes. De manière générale, les chaînes de télévision et les éditeurs de services de VàD sont présents sur l'ensemble des plateformes et des terminaux, fixes et mobiles, et l'acquisition de droits s'effectue aujourd'hui pour l'ensemble des modes de diffusion " (38). De même, la très grande majorité des acteurs interrogés dans le cadre du test de marché considéraient qu'il n'était pas pertinent de définir un marché distinct des droits pour une diffusion des contenus audiovisuels à destination des terminaux mobiles.

81. Les éléments recueillis à l'occasion de l'instruction du présent dossier ne remettent pas en cause ces observations. De la même manière, à l'occasion de sa décision n° 12-DCC-100, l'Autorité n'a pas considéré que les droits relatifs à une diffusion sur terminaux mobiles constituent un marché pertinent.

82. Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de segmenter le marché d'acquisition des droits selon que ceux-ci sont destinés à une diffusion sur mobiles pour l'examen de la présente opération.

g) S'agissant de l'achat de droits relatifs aux séries américaines récentes

83. La pratique décisionnelle a défini un marché des séries américaines récentes au regard de l'évolution de l'attractivité de ces contenus qui revêtent " un caractère de contenu attractif autonome " (39). Elle relève ainsi que de très grandes différences demeurent entre de telles séries et les œuvres cinématographiques, en termes de prix, de conditions de négociations commerciales ou encore de réglementation applicable. Enfin, elle souligne que, compte tenu de l'absence d'un encadrement normatif des fenêtres de diffusion, la concurrence pour l'achat de séries récentes est simultanément animée par les opérateurs de télévision à péage et les opérateurs de télévision en accès libre, y compris pour l'achat de la première diffusion.

84. Les parties notifiantes ne remettent pas en cause ces conclusions. Elles précisent que la concurrence pour l'achat des droits de diffusion de séries américaines récentes est animée à la fois par les opérateurs de télévision payante et en clair, y compris pour les premières diffusions, en l'absence d'application de la chronologie des médias (40).

85. Les parties relèvent également que toute saison d'une série américaine diffusée de manière inédite en France pourrait être qualifiée de " récente " (41). Les parties notifiantes considèrent également que les " sitcoms " devraient être distinguées des autre séries en raison de la durée du programme (26 minutes pour les sitcoms contre 52 minutes pour les séries), leur exposition (les chaînes hertziennes ne diffusant pas de sitcom en prime time), leurs caractéristiques en

termes de trame narrative et de format qui les distingueraient des séries (tournage en intérieur, rires en fond sonore).

86. Toutefois, si les " sitcoms " présentent des caractéristiques qui les distinguent des autres séries, en termes de durée de programme, de contenu et de format éditorial, ces seuls facteurs ne suffisent pas à exclure qu'ils remplissent la même fonction pour les clients (en l'occurrence, les chaînes de télévision). GCP a d'ailleurs diffusé des " sitcoms " en clair sur sa chaîne Canal+ durant des plages horaires heures de grande écoute (30 Rock et Les Simpson) (42). Or, comme GCP le souligne lui-même, les programmes diffusés en clair par sa chaîne premium " constituent la vitrine de la chaîne vis-à-vis de l'ensemble des téléspectateurs, y compris les non abonnés " (43). L'horaire de diffusion choisi par GCP pour ces programmes (18h20) correspond également à une période des grilles durant lesquelles les audiences sont croissantes (44).

87. Par ailleurs, s'agissant du caractère " récent " des programmes susceptibles de relever du marché pertinent, il ressort de l'instruction que tous les détenteurs de droits organisent contractuellement un fenêtrage de diffusion dans leurs contrats de vente distinguant une première fenêtre de " télévision payante premium " de fenêtres ultérieures pour la télévision gratuite et télévision payante non-premium. En application de ces clauses, lorsque la première fenêtre de diffusion payante d'une série est acquise, sa période d'exploitation, qui ne débute qu'un an après la première diffusion de la série aux Etats-Unis, est généralement de 12 mois. Il s'ensuit que, dans ce cas de figure, la fenêtre de diffusion en télévision en clair ne peut être exploitée avant un délai de deux ans après une première diffusion aux Etats-Unis. Les séries " récentes " au sens du marché pertinent ont donc au moins deux ans depuis leur première diffusion aux Etats-Unis.

88. De plus, dans son avis n° 2012-11 du 22 mai 2012 le CSA considérait qu'il ne convenait pas d'exclure les séries primo-diffusées sur une chaîne payante du marché pertinent puisque la rediffusion de certaines séries en clair n'exclut nullement qu'elles puissent fédérer une audience importante. Le CSA estimait donc qu'il convenait plutôt de qualifier de " séries américaines récentes " celles dont la première saison a été produite il y a moins de 36 mois (ou est en cours de production) (45).

89. En tout état de cause, la délimitation précise du marché pertinent peut demeurer ouverte sur ce point, car elle est sans conséquence sur l'analyse concurrentielle.

h) Délimitation des marchés géographiques

90. La pratique décisionnelle a considéré que l'ensemble des marchés relatifs aux droits cinématographiques étaient de dimension nationale, dans la mesure où les droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique (46). Il en va de même pour les séries.

91. Ni les parties notifiantes, ni les répondants au test de marché ne contestent la pertinence de cette analyse. Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause la délimitation géographique des marchés relatifs aux droits cinématographiques à l'occasion de l'examen de la présente opération.

2. MARCHÉ DES DROITS SPORTIFS

a) Délimitation des marchés de produit

(i) Rappel de la pratique décisionnelle

92. La pratique décisionnelle considère qu'une distinction entre les droits sportifs relatifs à une diffusion en clair et ceux relatifs à une diffusion payante (services linéaires) n'a pas lieu d'être, dès lors que les droits sportifs sont le plus souvent vendus de manière indifférenciée, que le mode d'exploitation soit payant ou gratuit (47).

93. Les autorités de concurrence ont également distingué un marché des droits sportifs vendus pour une diffusion en vidéo à la demande et en PPV d'un marché des droits sportifs vendus pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite, en raison essentiellement des différences en termes de demande, directe et finale, et des différences tenant aux caractéristiques des produits commercialisés.

94. De plus, la pratique décisionnelle (48) a procédé traditionnellement à une distinction entre les droits portant sur le football et les droits portant sur les autres disciplines sportives du fait de la prééminence du football et de sa capacité à générer de fortes audiences et à motiver l'abonnement à une chaîne payante.

95. La pratique décisionnelle distingue donc les marchés suivants :

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des matches de la Ligue 1 de football ;

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des championnats étrangers de football les plus attractifs ;

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des autres compétitions de football ;

- le marché de l'achat de droit pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des événements sportifs d'importance majeure autres que footballistiques ; et

- le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite (hors paiement à l'acte) des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.

96. Pour analyser les effets de l'opération, il convient de préciser la délimitation des marchés de l'achat de droits relatifs à des championnats étrangers de football les plus attractifs (ii) et de rappeler le régime juridique applicable aux événements sportifs d'importance majeure (iii).

(ii) S'agissant de l'achat de droits relatifs à des championnats étrangers de football les plus attractifs

97. Le ministre de l'économie a défini en 2006 un marché des acquisitions de droits relatifs aux championnats étrangers de football attractifs comprenant notamment les championnats anglais, espagnol, italien et allemand. Dans sa décision n° 11-D-12, l'Autorité a également relevé que les cinq premiers championnats européens de l'indice UEFA (indice qui permet d'établir le classement des performances des différentes associations de football membres de l'UEFA) étaient la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie (49).

98. Outre l'indice UEFA, différents éléments conduisent à envisager un marché des championnats étrangers de football les plus attractifs aux contours restreints, limité aux championnats anglais, espagnol, italien et allemand. En effet, des différences significatives distinguent ces quatre championnats, en termes de prix payés par les chaines pour l'acquisition des droits de diffusion, d'identité des acheteurs et des audiences réalisées par la diffusion des matches de ces championnats.

99. Il s'ensuit que le marché des droits de diffusion des championnats étrangers attractifs doit être défini comme comportant les droits relatifs aux championnats anglais, allemand, espagnol et italien.

(iii) S'agissant des événements sportifs d'importance majeure

100. Conformément à l'article 20-2 de la loi du 30 septembre 1986 certains événements sportifs dits " d'importance majeure ", dont la liste est fixée par le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004, doivent être retransmis " sur un service de télévision à accès libre ". Ces événements sont les suivants :

1° les Jeux Olympiques ;

2° les matches de l'équipe de France de football inscrits au calendrier de la FIFA ;

3° le match d'ouverture, les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de football ;

4° les demi-finales et la finale du Championnat d'Europe de football ;

5° la finale de la Coupe de l'UEFA lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe ;

6° la finale de la Ligue des champions de football ;

7° la finale de la Coupe de France de football ;

8° le tournoi de rugby des Six Nations ;

9° les demi-finales et la finale de la Coupe du monde de rugby ;

10° la finale du championnat de France de rugby ;

11° la finale de la coupe d'Europe de rugby lorsqu'un groupement sportif inscrit dans l'un des championnats de France y participe ;

12° les finales des simples du tournoi de tennis de Roland-Garros ;

13° les demi-finales et les finales de la Coupe Davis et de la Fed Cup lorsque l'équipe de France de tennis y participe ;

14° le Grand Prix de France de formule 1 ;

15° le Tour de France cycliste masculin ;

16° la compétition cycliste " Paris-Roubaix " ;

17° les finales masculine et féminine du championnat d'Europe de basket-ball lorsque l'équipe de France y participe :

18° les finales masculine et féminine du championnat du monde de basket-ball lorsque l'équipe de France y participe ;

19° les finales masculine et féminine du championnat d'Europe de handball lorsque l'équipe de France y participe ;

20° les finales masculine et féminine du championnat du monde de handball lorsque l'équipe de France y participe ;

21° les championnats du monde d'athlétisme.

101. En application de cette réglementation, si un opérateur de télévision payante détient les droits relatifs à un des événements sportifs cités ci-dessus, et ne peut pas ou ne veut pas assurer la diffusion en clair, il est obligé de remettre sur le marché les droits de diffusion en clair de l'événement en question à des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires (50).

102. Ces spécificités conduisent à distinguer un marché pertinent de l'acquisition des droits de diffusion des évènements sportifs d'importance majeure.

b) Délimitation des marchés géographiques

103. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence (51) considère que l'ensemble des marchés relatifs aux droits sportifs est de dimension nationale. En effet, même pour des compétitions de dimension supranationale, les droits sont vendus, dans leur très grande majorité, pays par pays et sont achetés exclusivement pour le territoire national. La nécessité de circonscrire l'analyse au territoire français est encore plus importante lorsqu'il s'agit des compétitions nationales, qui présentent en effet des spécificités importantes dues, notamment, à des facteurs culturels et aux préférences nationales.

104. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette définition pour l'analyse de la présente opération.

B. MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISUELLE

1. DÉLIMITATION DU MARCHÉ DE PRODUITS

105. La pratique décisionnelle a considéré que le marché de la publicité télévisuelle était distinct des autres marchés de la publicité (cinéma, presse, radio, affichage, internet, etc.).

106. Il existe toutefois une convergence croissante entre la publicité sur internet et la publicité télévisuelle du fait du développement de la publicité par display video sur internet. Les éléments communiqués par les annonceurs dans le cadre de la première notification de

l'opération montraient toutefois que la publicité télévisuelle et la publicité sur internet constituent encore des marchés différents. A cet égard, MMA estimait que " l'internet n'a pas le même rôle que la télévision. Internet est un terme vaste pour désigner une multiplicité de sites, de formats et de modalités d'achat. La TV est un média de puissance instantanée, adressé à un ensemble de population, ciblage de masse. L'internet délivre un message destiné à une personne précise, ciblage " one to one " " (52). Orange considérait également qu'" internet ne permet pas encore une diffusion instantanée à un niveau d'audience équivalent à certains programmes TV " (53).

107. Dans sa décision Google/DoubleClick, la Commission européenne a ainsi considéré que la publicité en ligne et la publicité hors ligne constituaient deux marchés distincts (54). Elle a notamment relevé la spécificité en termes de ciblage de la publicité en ligne et la différence en termes de tarification entre les deux marchés. L'Autorité de la concurrence a également retenu cette distinction dans sa décision n° 10-DCC-11, relative à la prise de contrôle de TMC et NT1 par TF1, considérant par ailleurs qu'il n'était pas pertinent de segmenter le marché de la publicité télévisuelle sur la base des cibles, des horaires de diffusion et de la puissance des écrans. Le CSA, dans son avis du 22 mai 2012, a validé cette approche (55). Les éléments recueillis à l'occasion de l'instruction de la présente opération montrent par ailleurs que cette analyse demeure valide à ce jour.

108. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de prendre en considération un marché distinct de la publicité télévisuelle.

2. DÉLIMITATION DU MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

109. Selon les autorités de concurrence européenne et nationale (56), la dimension géographique du marché de la publicité télévisuelle est nationale, du fait des barrières linguistiques et culturelles, sauf en matière de publicité télévisuelle locale, pour laquelle le marché pertinent serait d'une dimension correspondant à la zone de diffusion de la télévision.

110. Les répondants au test de marché valident cette définition. Il n'y a donc pas lieu de la remettre en cause à l'occasion de la présente opération.

IV. Analyse concurrentielle

111. Le marché de la télévision gratuite est un marché " biface ", dans la mesure où son équilibre économique ne peut être appréhendé indépendamment des conditions prévalant sur d'autres marchés (57). En effet, le marché de la publicité télévisuelle n'existerait pas en l'absence de l'audience des téléspectateurs, elle-même générée par les contenus audiovisuels acquis par les éditeurs de chaînes de télévision. Inversement, le développement des marchés de droits sur les contenus audiovisuels et la puissance d'achat des chaînes gratuites sont subordonnés aux recettes dégagées par ces dernières sur le marché de la publicité télévisuelle.

112. Afin d'évaluer de manière pertinente les effets de la présente opération sur la concurrence, il est donc indispensable de tenir compte du caractère interdépendant de ces marchés. A cet égard, dans la décision Veronica/Endemol du 20 septembre 1995 (58), la Commission européenne a mis en exergue l'interdépendance entre l'acquisition de droits, l'audience et la part de marché publicitaire, en observant que " les recettes élevées que permet d'engranger le marché de la publicité permettent l'acquisition de programmes plus attrayants et de droits sur les retransmissions sportives et, partant, de renforcer la position de l'opérateur sur le marché des téléspectateurs. L'accès privilégié aux programmes les plus attrayants renforce la position de HMG à la fois sur le marché des téléspectateurs et sur celui de la publicité (...) ".

113. Au cas d'espèce, l'opération consistant en l'acquisition de deux chaînes gratuites par le principal acteur de la télévision payante française, les chevauchements d'activités sont limités (A). L'opération notifiée se distingue cependant par d'importants risques d'effets non-horizontaux puisque GCP est en mesure, du fait de la concentration, de prendre appui sur sa puissance d'achat de droits de diffusion en télévision payante pour conférer à D8 et D17 un accès privilégié aux droits de diffusion en clair des contenus les plus attractifs, verrouillant par ce biais l'accès aux droits des concurrents de la nouvelle entité. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations considèrent en effet que le " verrouillage " ou la " forclusion " d'opérateurs concurrents à la suite d'une opération de concentration, constitue une forme d'entrave ou de fermeture de l'accès des opérateurs tiers aux sources d'approvisionnement ou aux marchés, réduisant ainsi leur capacité et/ou leur incitation à animer la concurrence (59).

114. A ce titre, l'opération entraîne d'importants effets congloméraux qui consisteraient pour GCP à prendre appui sur sa position dominante, voire son monopole, sur différents marchés d'acquisition de droits pour une diffusion sur télévision payante, comme sur un levier (on parle d'" effets de levier ") pour obtenir des droits relatifs à une diffusion en clair dans des conditions privilégiées et hors de portée de ses concurrents (B).

115. De plus, l'opération soulève également des risques relevant d'effet verticaux, puisque GCP pourrait exploiter les droits qu'il détient pour la diffusion de contenus cinématographiques (films de catalogue) ou sportifs (évènements d'importance majeure) pour restreindre l'accès des chaînes concurrentes de D8 et D17 à ceux-ci (C).

116. Enfin, certains opérateurs ayant fait valoir que l'opération entraînait un effet dit de " spirale d'audience ", il conviendra également d'examiner l'impact de la concentration à ce titre (D).

A. EFFETS HORIZONTAUX

117. Dans la mesure où les activités principales des parties prennent place sur des marchés connexes, l'opération n'a entraîné que des chevauchements horizontaux limités, tant sur les marchés amont en matière d'acquisition et de diffusion de contenus cinématographiques et sportifs, que sur les marché de la publicité télévisuelle.

1. LES MARCHÉS AMONT DE L'ACQUISITION DE CONTENUS

118. En matière cinématographique, les parties intervenaient simultanément avant l'opération sur le marché des achats de films de catalogue. Sur ce marché, l'opération conduisait à une addition minime de parts de marché. Au moment de la réalisation de l'opération, les droits de diffusion en clair de films détenus par GCP étaient insuffisants, ajoutées aux achats de Direct 8 et Direct Star, pour caractériser un effet horizontal60.

119. En matière d'acquisitions de droits sportifs, GCP et le groupe Bolloré Médias étaient et demeurent simultanément présents sur le marché des compétitions sportives autre que footballistiques et hors évènements d'importance majeure et sur le marché des compétitions de football autres que la Ligue 1, les compétitions régulières auxquelles participent des clubs français et les championnats étrangers attractifs.

120. En premier lieu, sur le marché des compétitions sportives autre que footballistiques et hors évènements d'importance majeure, GCP détient des droits pour les compétitions de rugby (Top 14, Coupe d'Europe de Rugby), de basketball (ProA et ProB, championnat d'Europe et Euro League, FIBA, matches amicaux équipes de France), de handball (Championnat de France, Ligue des champions, championnat d'Europe et du monde), de tennis (Coupe Davis et Fed Cup, ATP 1000 Bercy et Monte-Carlo), de golf (Ryder Cup, USPGA) et de Formule 1. GCP fait face à la concurrence de TF1 (Coupe du monde de rugby), France Télévisions (coupe d'Europe de rugby, coupe Davis et Roland Garros), Eurosport (tennis, cyclisme, sports mécaniques et sports d'hiver) et beIN Sports (NBA, Euroleague de basketball, ligue des champions de handball, NFL, etc.). GCP estime ainsi sa part de marché légèrement inférieure à [50-60] % en valeur. Cette part de marché élevée résulte notamment de l'acquisition par GCP, en février 2013, des droits de diffusion audiovisuelle du Championnat du monde de Formule 1 pour la période 2013-2017 (pour un prix de [...] d'euros par an (61) ).

121. Lors de la notification de l'opération en 2012, le groupe Bolloré détenait pour sa part les droits des tours finaux du tournoi de tennis féminin de Paris (Open Gaz de France), des épreuves de championnat du monde de rallye WRC et de quelques réunions de boxe. Les investissements effectués par Direct 8 et Direct Star étaient estimés à [...] euros par an, ce qui correspondait à une part de marché de [0-5] %. En 2012, le sport occupait en outre une très faible proportion des programmes de Direct 8 (0,7% en 2012 contre 1,2 % en 2011) et de Direct Star (0,2 % en 2012) (62). Au regard du très faible chevauchement d'activité entre les parties, l'opération n'entraîne pas d'atteinte à la concurrence sur ce marché.

122. En second lieu, sur le marché des autres compétitions de football, qui regroupent les droits des compétitions autres que la Ligue 1, les compétitions régulières auxquelles participent des clubs français et les championnats étrangers attractifs, GCP détient, de façon ponctuelle, les droits de divers matches de qualification et de matches amicaux d'équipes nationales étrangères, et estime sa part de marché à environ [0-5] % en 2013. Le groupe Bolloré Médias détient les droits des rencontres des équipes de France espoirs et féminines et une part de marché estimée à [0-5] % en 2013. Les opérateurs principaux sur ce marché sont Al Jazeera Sport (environ 22 % de part de marché) et TF1 (environ 60 %) qui ont détenu conjointement les droits des coupes du monde de football 2014 et de l'Euro 2016 (avec M6) et des championnats d'Europe. Au regard du très faible chevauchement d'activité entre les parties, l'opération n'entraîne pas d'atteintes à la concurrence sur ce marché.

2. LE MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISUELLE

123. Sur le marché de la publicité télévisuelle, GCP est présent par l'intermédiaire de sa filiale Canal+ Régie qui commercialise les espaces publicitaires de l'ensemble de ses chaînes payantes et, notamment des plages en clair de sa chaîne Canal+. Depuis la réalisation de l'opération les espaces publicitaires des chaînes D8 et D17 sont également commercialisés par Canal+ Régie qui s'est substituée à la société Bolloré Intermedia.

124. La part de marché de l'ensemble des chaînes de GCP (en dehors de chaînes cible), calculée en termes d'investissements publicitaires bruts, s'élève pour l'année 2013 à 5 %. Sur cette même année la position des chaînes D8 et D17 est de 5,1 % (soit 3,1 % pour D8 et 2 % pour D17) (63). La nouvelle entité détient donc une part de marché cumulé de 10,1 %, significativement inférieure à la position des groupes TF1 (43,8 %) et Métropole Télévision (22,6 %).

B. EFFETS CONGLOMÉRAUX

125. Une concentration est susceptible d'entrainer des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. En l'espèce, l'opération permet à GCP d'étendre son activité sur les marchés de l'acquisition de droits pour la diffusion en clair de séries télévisées et films américains et sur le marché du préachat de droits de diffusion en clair de films EOF en prenant appui sur sa position prééminente sur les marchés amont de l'acquisition de droits pour une exploitation en fenêtre payante, notamment en procédant à des achats groupés.

126. De telles acquisitions peuvent porter atteinte à la concurrence sur les marchés d'achats de droits en clair dans la mesure où l'équilibre économique des chaînes de la télévision gratuite repose en grande partie sur l'accès à des droits de diffusion attractifs qui sont en nombre limité. GCP, du fait de sa position en matière d'acquisition de droits pour une diffusion en télévision payante, est un acheteur incontournable pour les détenteurs de droits. A l'issue de la concentration GCP achètera à la fois des droits pour la télévision payante et pour la télévision en clair et sera capable d'obtenir un accès privilégié à ces droits, aucun de ses concurrents sur les marchés de la télévision gratuite n'étant en mesure de répliquer ses offres. L'opération risque donc de restreindre l'accès des concurrents de la nouvelle entité à des contenus attractifs et, par conséquent, de réduire leur capacité à animer la concurrence.

127. La pratique décisionnelle européenne et nationale considère qu'une opération conglomérale porte atteinte à la concurrence lorsque la nouvelle entité a non seulement la capacité matérielle d'exercer un effet de levier, mais également lorsqu'elle est incitée à le faire et que l'exercice de cet effet de levier a un impact significatif sur la concurrence sur les marchés concernés (64). La capacité et les incitations de GCP à exploiter des effets de levier seront examinés successivement s'agissant des séries et films américains (1) et des films EOF (2). Compte tenu des caractéristiques communes des conséquences de la mise en œuvre de ces comportements sur les autres chaînes gratuites, il conviendra d'examiner conjointement l'impact concurrentiel des effets de levier pour ces deux types de produits (3).

1. EFFETS DE LEVIER S'AGISSANT DES SÉRIES ET FILMS AMÉRICAINS

128. Pour analyser les effets de levier que permettront l'opération, il convient d'expliquer les modalités de commercialisation des droits de diffusion de séries télévisées et films américains (a) avant d'examiner la capacité des parties (b) et leurs incitations à mettre en œuvre un effet de levier (c).

a) Sur les modalités de commercialisation des séries télévisées et films américains

(i) L'identité et l'offre des détenteurs de droits

129. Les droits des œuvres cinématographiques et des séries américaines sont détenus par un nombre restreint de groupes américains. Parmi ces entités, six groupes contrôlent les studios dits " majors ", qui produisent la grande majorité des films et séries moteurs d'audience pour la télévision gratuite et d'abonnement pour la télévision payante. Ces groupes sont organisés autour d'une structure complexe qui intègre des activités diverses dans le secteur des médias, parmi lesquels la production de films et de séries, l'édition et la commercialisation de chaînes et de bouquets et d'autres activités :

- Paramount : une filiale du groupe Viacom, lui-même contrôlé par National Amusements, Inc. (" NAI "), dont les activités de production cinématographique sont réparties entre plusieurs entités, parmi lesquelles Paramount Pictures, MTV Films, Nickelodeon Movies, etc. Viacom édite plusieurs chaînes de télévision aux Etats-Unis, et notamment Comedy Central, BET, Nickelodeon et le bouquet Epix, une entreprise commune avec MGM et Lionsgate. NAI contrôle également CBS Corporation, dont les activités incluent le bouquet premium Showtime ;

- NBC Universal : une filiale de Comcast. La production cinématographique de NBC Universal est réalisée par Universal Pictures et Focus Features. En matière télévisuelle, NBC Universal édite plusieurs chaînes et bouquets américains, parmi lesquels A&E Television Networks, CNBC, E !, MSNBC, SyFy et USA Network ;

- Fox Entertainment : une filiale de Twenty-First Century Fox Inc., dont la production cinématographique est notamment assurée par FTVS, Fox21, Fox2000, Searchlight et New Regency. Fox édite un grand nombre de chaînes (parmi lesquelles Fox, MyNetworkTV, Fox News, National Geographic channel) et a une importante activité de production et de diffusion de séries ;

- Warner Bros Entertainment : une filiale de Time Warner, dont les activités couvrent la production de films par le studio Warner Bros., et la production de séries télévisuelles, ainsi que le bouquet premium HBO et plusieurs chaînes comme CNN, TNT et TBS ;

- The Walt Disney Company : dont les activités de production cinématographiques sont notamment assurées par Walt Disney Pictures, Touchstone Pictures, Hollywood Pictures et Disneynature. Le groupe contrôle également Disney/ABC Television, qui regroupe le bouquet ABC, dont les activités incluent la production et la diffusion de séries ;

- Sony Pictures Entertainment : une filiale de Sony Corporation dont les activités de production cinématographique sont confiées à Columbia Pictures, Sony Pictures Classics, Screen Gems et TriStar Pictures.

130. Le tableau suivant reprend, pour chaque major, les principales activités pertinentes pour la présente décision :

<Emplacement Tableau (65), (66), (67), (68), (69), (70), (71)>

131. D'autres studios complètent l'offre cinématographique et séries, parmi lesquels on trouve au premier plan Lionsgate, Dreamworks, Metro-Goldwyn-Mayer Inc. (" MGM "), New Regency, The Weinstein Company. L'offre télévisuelle, notamment en matière de séries, émane également de groupes indépendants. Parmi ces groupes figurent Starz, une quatrième offre premium aux côtés de HBO, Showtime et Epix, qui diffuse également des contenus cinématographiques premium (notamment produits par Sony et Walt Disney) et des séries télévisées, ainsi que AMC Networks, qui édite les chaînes AMC, IFC et Sundance Channel.

132. Les majors produisent environ 80 % des séries américaines. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, le volume de production de séries n'est pas équivalent entre les différents studios, les deux premiers producteurs (Warner Bros. et NBC Universal) représentaient, en 2011, 48 % de la production de l'ensemble des majors. En termes de nouvelles productions, Time Warner, Sony et Fox sont les premiers producteurs, devant Walt Disney, NBCUniversal et Viacom.

133. Au niveau européen, selon une étude de 2012 (72), le groupe Paramount/CBS est le premier distributeur de séries importées avec 4 861 heures de prime time réparties sur les 119 chaînes (la plupart gratuites) dans 21 pays européens, parmi lesquels la France, avant Warner Bros., avec 3 891 heures en prime time, Disney (3 327 heures), NBC Universal (2 901 heures), Fox (2 408 heures), Sony (757 heures) et MGM (191 heures).

134. En dehors des majors, les studios américains indépendants et de petites sociétés de production assurent environ 20 % de la production.

(ii) La demande

135. Du côté de la demande, en ce qui concerne les droits d'œuvres cinématographiques, compte tenu de la chronologie des médias, les chaînes de télévision gratuites ne peuvent acheter que les droits de films inédits en clair et de films de catalogue. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias ouvre en effet la fenêtre de diffusion de films en clair 22 mois après la sortie des films en salle lorsque le service applique des engagements de coproduction de 3,2 % de son chiffre d'affaires, et de 30 mois dans les autres cas. Les chaînes payantes peuvent également acheter des films de catalogue mais les principales chaînes payantes sont essentiellement à la recherche de droits portant sur des films de première et/ou de seconde fenêtre payante que n'ont pas le droit d'acquérir les chaînes gratuites.

136. En revanche, il n'existe aucune réglementation relative aux fenêtres de diffusion des séries télévisuelles, et toutes les chaînes de télévision gratuites et payantes se concurrencent pour l'acquisition de ces droits.

137. Outre cet aspect réglementaire, la capacité financière des groupes audiovisuels français induit des différences significatives dans la structure de la demande, seules les chaînes nationales historiques étant en mesure d'investir dans des contrats de plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d'euros pour les achats de droits de diffusion de films inédits en clair et de séries. Dans une moindre mesure, les nouvelles chaînes de la TNT peuvent cependant conclure des accords portant sur des contenus au potentiel d'audience moindre, consistant en des films de catalogue et des séries ayant déjà fait l'objet d'une exploitation en clair, voire sur certaines séries inédites achetées à l'unité.

(iii) Les contrats de vente et la négociation des achats de droits

138. Les droits portant sur les films américains récents et les séries américaines récentes s'obtiennent par le biais de deux types d'accords :

- des contrats-cadre ou " output deals " conclus avec les studios américains : contrats pluriannuels portant sur un ensemble d'œuvres cinématographiques non préalablement identifiés ou, en ce qui concerne les séries, garantissant un ordre de priorité dans les acquisitions de séries. Ces contrats représentent actuellement la majorité des ventes des détenteurs de droits ; ou

- des contrats ponctuels portant sur une ou plusieurs œuvres (on parle alors aussi parfois de " package deal ") identifiés à la différence du contrat-cadre. Les studios américains s'engagent dans ces contrats, comme tout fournisseur de programmes, à délivrer le matériel de diffusion des films aux dates convenues avec le diffuseur et à accorder les droits de diffusion pour des périodes dont la durée est fixée par le contrat.

139. Les output deals constituent un enjeu commercial majeur sur les marchés concernés puisqu'ils représentent la grande majorité du chiffre d'affaires des détenteurs de droits auprès des opérateurs de télévision. En France, en 2013, sur le chiffre d'affaires total réalisé par les six majors pour la vente de droits de diffusion de films et séries en télévision, [70-80] % provenait d'output deals. Ce constat est encore plus marqué dans le secteur de la télévision payante, puisque les studios y réalisent, en moyenne, [90-100] % de leurs ventes par le biais de contrats-cadre. En télévision gratuite, les revenus tirés d'output deals représentent, en moyenne, [60-70] % du chiffre d'affaires des majors dans ce secteur en France.

140. Les contrats-cadre sont généralement conclus pour des durées allant de 3 à 6 ans. S'agissant de films américains pour une diffusion en première et deuxième fenêtre de télévision payante, l'acheteur s'engage à acquérir tous les films produits par le studio remplissant des critères prédéfinis par le contrat. L'éditeur doit acquitter un prix variable pour chaque film qui est généralement indexé sur le nombre d'abonnés au service de télévision payante ainsi que sur le nombre d'entrées en salle générées par le film en question. L'éditeur garantit au studio un prix minimum ou un nombre minimum d'abonnés. En plus des films récents, les contrats-cadre incluent généralement l'obligation pour l'éditeur d'acheter des droits relatifs aux films de catalogue ou films pour la télévision. Les œuvres cinématographiques récentes jouent ainsi un rôle moteur permettant au studio de vendre des droits moins attractifs. Certains contrats-cadre comportent également des droits de diffusion sur d'autres plateformes (diffusion sur internet, sur terminal mobile, etc.). Les droits de films pour une diffusion en télévision payante sont acquis en exclusivité, ce qui signifie qu'aucun autre diffuseur en clair et payant n'est autorisé à diffuser les programmes couverts par le contrat pendant la période d'exclusivité consentie, sauf accord de l'acquéreur.

141. Les contrats-cadre relatifs aux séries sont conclus pour des périodes de 3 à 4 ans. Comme expliqué ci-dessus, les séries n'étant pas concernées par la chronologie de médias, les éditeurs de chaînes payantes et les éditeurs de chaînes gratuites sont en concurrence pour la conclusion de contrats-cadre avec les studios américains. Les séries américaines font l'objet d'une forte demande de la part des chaînes gratuites car elles constituent un des programmes les plus rentables dans leurs grilles de programmation. Tous les contrats-cadre actuellement en vigueur sont conclus avec les groupes TF1 et Métropole Télévision (M6). Dans le cadre de ces contrats les studios américains couplent la vente des séries avec des films pour une première diffusion en télévision gratuite et avec des œuvres de catalogue.

142. Les contrats-cadre relatifs aux séries donnent aux chaînes le droit d'acquérir en priorité par rapport à tout autre acheteur un nombre déterminé de séries parmi l'offre (le " lineup ") des détenteurs de droits (on parle de système de " premiers choix ") et l'obligent à acquérir un minimum garanti de séries (entre 3 et 5 selon les contrats). Il ressort de l'instruction que les premiers choix de séries (les 2 ou 3 premiers choix selon les chaînes) sont déterminants pour les chaînes étant donné le faible nombre de séries à fort potentiel de succès. Ainsi, le système des premiers choix permet aux acheteurs d'obtenir un premier regard et de sélectionner, au sein de l'offre, les produits les plus à même de fédérer une audience suffisante compte tenu de leur politique éditoriale. L'hétérogénéité des performances à l'antenne des séries diffusées par les chaînes française démontre que l'appréciation de l'attractivité de ce type de contenu est un exercice qualitatif. Dès lors la détention d'un droit de sélection prioritaire sur l'offre constitue un élément crucial de la capacité des chaînes à composer une grille attractive et, donc, animer la concurrence en aval. Les droits des séries qui n'ont pas été choisies peuvent être achetés par d'autres acteurs dans le cadre d'achats unitaires ponctuels.

143. Comme indiqué plus haut, les majors organisent contractuellement différentes fenêtres de diffusion, selon les services télévisuels auxquels les droits sont vendus. Ces fenêtres distinguent successivement les chaînes payantes " premium " (pay TV), les chaînes en clair (free TV) et les chaînes payantes " non-premium " (basic television) (73). Ces catégories correspondent largement aux distinctions effectuées par la pratique décisionnelle puisque les majors ont identifié que les chaînes Canal+, Orange Cinéma Séries et, anciennement, TPS Star, relevaient de la catégorie pay television, les chaînes gratuites françaises de la catégorie free television et les chaînes payantes thématiques de la catégorie basic television.

144. Afin d'assurer le caractère inédit et l'exclusivité des séries, les droits acquis font dans certains contrats l'objet de clauses dites de " holdback ". Il existe deux types de clause de holdback :

- les clauses de holdback applicables avant l'ouverture de la fenêtre d'exploitation des droits achetés par l'éditeur, qui permettent de préserver le caractère inédit du programme, en évitant ou en limitant leur exploitation préalable par un autre opérateur dudit programme avant que celui-ci ne soit diffusé sur les chaînes de l'éditeur en question (ainsi, par exemple, une clause de holdback peut permettre à une chaîne gratuite d'éviter l'exploitation d'une série sur une fenêtre précédente ouverte aux chaînes payantes " premium ") ;

- les clauses de holdback applicables pendant la période d'exploitation des droits achetés par l'éditeur, qui permettent de préserver le caractère exclusif du programme, en évitant ou en limitant les exploitations parallèles des mêmes programmes par d'autres opérateurs.

145. La portée des clauses de holdback varie selon les types de programmes achetés (films inédits et séries inédites). Par exemple, certains contrats-cadre limitent la clause de holdback avant l'ouverture des droits achetés par l'acquéreur, aux premier et deuxième choix de séries. Ces limitations permettent donc aux détenteurs de droits de vendre les droits de séries choisies en troisième et quatrième choix pour une exploitation en fenêtre payante avant qu'elles puissent être diffusées par le titulaire (éditeurs de chaînes gratuites) des contrats-cadre.

146. Les séries sont choisies lors du visionnage de " pilots " (premier épisode d'une nouvelle série) à l'occasion de diffusions (" screenings ") qui ont lieu tous les ans au mois de mai à Los Angeles aux Etats-Unis. Lors des screenings, auxquels sont invités les acheteurs des opérateurs de télévision internationaux, les studios américains présentent une cinquantaine de pilots. Les screenings donnent donc l'occasion aux titulaires de contrats-cadre de choisir les séries qu'ils souhaitent en application de leurs priorités contractuelles. Pour les autres opérateurs, les screenings permettent de prendre connaissance de l'offre en vue de conclure des contrats d'acquisition ponctuels portant sur les séries qui ne font pas l'objet d'acquisition en application de contrats-cadre ou, si elles ont été acquises pour une diffusion en télévision gratuite en application des contrats-cadre, sont libres de droits pour d'autres fenêtres ou d'autres plateformes.

b) Sur la capacité des parties à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat des droits de diffusion de séries et films américains

147. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère qu'une concentration concernant plusieurs marchés connexes est susceptible d'entraîner des effets congloméraux si l'entité issue de l'opération bénéficie d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Ce risque est en principe écarté lorsque la part de la nouvelle entité sur le marché à partir duquel elle pourrait faire jouer un effet de levier ne dépasse pas 30 % (74). En revanche, s'il est établi que la nouvelle entité dispose d'un pouvoir de marché dans un marché concerné, il convient d'analyser si elle pourra en faire usage pour renforcer sa position sur un marché connexe. Il est donc nécessaire d'analyser la position que détiendra GCP après l'opération sur le marché de l'acquisition de films américains sur la télévision payante avant de démontrer si le groupe, en prenant appui sur cette position, pourra mettre en œuvre un effet de levier afin de favoriser l'acquisition de films et de séries pour une diffusion en télévision gratuite.

(i) Position des parties

Position de GCP et barrières à l'entrée

148. GCP détient une position prépondérante sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents, au moins depuis l'acquisition, en 2006, de TPS par Vivendi et GCP (75). Depuis cette date, la puissance d'achat de GCP n'a pas été réellement remise en cause. Malgré l'entrée d'Orange sur le marché, le tableau ci-dessous montre que GCP a maintenu une part de marché de près de [90-100] % en nombre de films exploités et d'environ [70-80] % en termes de montant des acquisitions.

<Emplacement Tableau>

149. Le tableau suivant présente les différents contrats cadre conclu par GCP avec les majors. GCP n'a pas renouvelé le contrat cadre qu'il avait précédemment conclu avec Sony et qui est arrivé à échéance le 31 mars 2013. Les droits commercialisés par ce major sont donc disponibles sur le marché. Toutefois à ce jour, Sony n'est pas parvenu à commercialiser ses droits auprès d'un acquéreur alternatif et GCP reste donc le seul acheteur de contrats-cadre auprès de majors. La circonstance que GCP puisse renoncer à un contrat-cadre d'un major sans que celui-ci soit en mesure de céder ses droits à un acheteur alternatif étaye la dépendance des studios américains face à GCP pour commercialiser leurs droits de diffusion en télévision payante en France. En l'état du marché, et compte tenu notamment du recentrage éditorial d'Orange sur les séries, les studios de cinéma américains n'ont pas d'autre choix que de s'adresser à GCP pour vendre de leurs droits sur le territoire français.

<Emplacement Tableau>

150. GCP, titulaire de contrats-cadre portant sur l'acquisition des droits de diffusion de films récents en première et deuxième fenêtre avec les cinq majors qui sont parvenus à lui céder leurs droits, est donc en situation de monopsone pour l'acquisition de films américains pour une exploitation en première et deuxième fenêtre de télévision payante.

151. L'instruction a par ailleurs montré qu'il n'existait, en l'état du marché, aucun acheteur alternatif pour la vente des droits de premières fenêtres de télévision payante par les studios américains. Le marché est en effet caractérisé par d'importantes barrières à l'entrée. D'abord, les contrats-cadre qui structurent les relations contractuelles avec les studios sont de longue durée (76) et très onéreux.

152. De fait, la seule expérience d'entrée sur ce marché depuis l'acquisition de TPS par GCP est celle de France Télécom-Orange (ci-après, " Orange "). Orange est entré en 2008 sur le marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes cinéma en commercialisant les chaînes du bouquet Orange Cinéma Séries (" OCS ") : Orange Cinémax, Orange Cinéhappy, Orange Cinéchoc, Orange Cinénovo et Orange CinéGéants. Pour éditer ces chaînes, Orange a procédé à des acquisitions de droits de films américains et séries américaines pour une exploitation en télévision payante. Il convient donc d'examiner l'intensité de la concurrence, actuelle et potentielle, exercée par Orange et les autres acteurs du secteur.

Concurrence actuelle et potentielle d'Orange

L'entrée d'Orange sur le marché

153. Le groupe France Télécom-Orange (ci-après, " Orange ") est entré sur le marché de l'acquisition des droits de films américains récents pour alimenter ses activités d'édition et de la commercialisation de chaînes cinéma, lancées en 2008, avec le bouquet OCS (77).

154. Pour alimenter les chaînes d'OCS en contenus, Orange a conclu un contrat-cadre exclusif pluriannuel portant sur tous les nouveaux films et les films de catalogue de Warner Bros. L'année du lancement de son offre cinéma, Orange a également conclu un contrat-cadre avec le studio indépendant MGM, portant sur l'acquisition des droits de télévision payante de l'ensemble des films à produire par le studio, ainsi qu'avec certaines filiales d'un major, pour leurs films. S'agissant des séries, Orange a conclu un contrat avec HBO, filiale de Time Warner.

155. Force est donc de constater que seul un nombre restreint de studios ont conclu un contrat-cadre avec le nouvel entrant, ce qui étaye l'importance des barrières à l'entrée sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films américains de première et deuxième fenêtre. De plus, la structuration des relations des studios américains autour du quasi-monopsone de GCP contribue à augmenter les barrières à l'entrée sur le marché.

156. L'impact d'Orange sur la situation concurrentielle du marché des droits relatifs aux films américains n'a été que limité et temporaire. Orange a renoncé à reconduire le contrat-cadre avec le seul major avec lequel il était parvenu à conclure un accord. GCP a ainsi pu contracter avec le studio concerné pour en récupérer les programmes.

* Concurrence potentielle d'Orange

157. Orange et GCP ont conclu le 12 avril 2012 une série d'accords par lesquels GCP a acquis le tiers du capital d'une société à laquelle Orange a apporté les chaînes du bouquet OCS. A l'occasion de sa décision n° 12-DCC-100, l'Autorité a imposé une série de mesures garantissant l'indépendance concurrentielle des chaînes OCS vis-à-vis de GCP. Toutefois, nonobstant la mise en œuvre de ces mesures, la capacité d'investissement du bouquet OCS demeure limitée et l'instruction a montré qu'OCS, sollicité par plusieurs studios américains, a pour l'heure renoncé à conclure des contrats-cadre.

158. Orange a en outre décidé de recentrer son activité sur les séries. Le bouquet OCS s'est ainsi enrichi fin 2013 d'une nouvelle chaîne, intitulée OCS City (sous-titrée " Génération HBO "). Cette dernière diffuse en France des épisodes de séries américaines 24 heures après leur diffusion aux Etats Unis (service dit " US+24 "). OCS propose également à ses abonnés une chaîne délinéarisée, OCS Go, qui dispose d'un corner consacré aux séries d'HBO disponibles en VàD.

159. Il ressort des faits constatés qu'Orange tend à se désengager du marché de l'acquisition des droits sur les films américains récents.

Pression concurrentielle des éditeurs de chaînes et FAI autres qu'Orange

160. Les parties notifiantes considèrent subir la concurrence d'autres éditeurs de chaînes et des fournisseurs d'accès à internet (" FAI ").

161. S'agissant des éditeurs de chaînes, GCP fait en particulier valoir la concurrence de Disney, qui réserverait les premières exclusivités télévisuelles de ses films d'animation à sa propre chaîne. Selon les données communiquées par les parties notifiantes Disney n'a réservé que trois de ses films à ses propres chaînes thématiques en 2012, soit une portion négligeable des films américains récents pour la télévision payante. Cette situation n'est donc aucunement de nature à remettre en cause le quasi-monopsone de l'entité fusionnée sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents. En outre, la position de Disney n'a pas évolué depuis 2006 et aucun élément du dossier n'indique que cette situation serait susceptible de se modifier à l'avenir. Enfin, quelle que soit la politique d'acquisition de Disney, GCP en bénéficie indirectement puisque sa filiale de distribution de chaînes thématiques, CanalSat, diffuse en exclusivité toutes les chaînes de Disney à l'exception de Disney Channel (également distribuée depuis avril 2011 par Numéricâble et les FAI).

162. S'agissant de la concurrence potentielle des FAI autres qu'Orange, l'ARCEP considérait, dans son avis de 2012, que " les conditions qu'un FAI doit remplir pour pénétrer avec succès le marché de l'édition, voire celui de l'acquisition de droits télévisuels, sont d'ores et déjà difficiles à réunir ". Selon l'ARCEP, l'effort d'investissement requis pour entrer sur les marchés amont est tel que " les opérateurs avec l'assise financière et/ou la base d'abonnés la plus large seraient les seuls à même d'envisager une telle stratégie ". Le régulateur sectoriel ajoutait que " malgré la structuration du marché autour de 5 grands acteurs (Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom, Numéricable), certains d'entre eux ne semblent pas avoir cette taille critique " (78). Conformément à cette analyse, aucun FAI à l'exception d'Orange n'a remonté la chaîne de valeur depuis 2006.

Concurrence actuelle et potentielle des opérateurs de vidéo à la demande

163. GCP prétend être confronté à une vive concurrence exercée potentiellement par de nouveaux acteurs sur le marché de l'acquisition de droits tels que les opérateurs de vidéo à la demande. A l'appui de cette affirmation, GCP mentionne la progression des offres cinéma en vidéo à la demande par abonnements d'opérateurs tels que Netflix et l'opérateur de commerce en ligne Amazon (LoveFilm) aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ainsi que l'essor de la vidéo à la demande à l'acte en France depuis 2007.

164. Pourtant, les marchés de l'acquisition de droits de films américains pour une diffusion en vidéo à la demande à l'acte, par abonnement et en télévision payante linéaire constituent trois marchés distincts en raison, entre autres, des différentes fenêtres d'exploitation prévues par la chronologie des médias.

165. De plus, deux barrières spécifiques freinent à ce jour le développement des offres non linéaires et, donc, à l'entrée d'acheteurs alternatifs à GCP au stade de l'acquisition des droits.

La chronologie des médias et le comportement des acteurs

166. Le premier obstacle tient à la chronologie des médias. Les préoccupations liées au financement de la création cinématographique française ont conduit à aménager des fenêtres d'exploitation de la vidéo à la demande tout en préservant celles des autres modes de diffusion des œuvres, dont les offres de télévision payante linéaires. L'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des médias ouvre une première fenêtre d'exploitation exclusive pour la vidéo à la demande à l'acte commune à celle des vidéos sur supports physiques (DVD et Bluray) entre 4 et 10 mois après la sortie des films en salle. L'exploitation en vidéo à la demande à l'acte sous forme locative pourrait, sur la base de ce texte, se poursuivre pendant les fenêtres d'exploitation des chaînes de télévision payantes (entre 10 et 22 mois après la sortie en salles) puis gratuites (entre 22 et 36 mois).

167. Toutefois, les conditions de préachat de films négociés par GCP, acheteur quasi-exclusif pour les fenêtres payantes, prévoient systématiquement le retrait des œuvres des offres locatives de vidéo à la demande après 10 ou 12 mois. Un rapport de 2010 rendu par Mme Sylvie Hubac au CNC note à ce sujet que " toutes les personnes rencontrées au cours de la mission reconnaissent cependant que la fenêtre des chaînes payantes qui contribuent de manière essentielle au préfinancement du cinéma français, en particulier Canal Plus pour près de 240 millions d'euros, doit être préservée car la concurrence serait trop directe entre deux modèles payants, accessibles directement sur l'écran de télévision " (79).

168. Le gel des fenêtres de diffusion se poursuit, à l'exception d'Arte, pour les fenêtres gratuites à l'initiative des chaînes ayant contribué au préfinancement de l'œuvre. De ce fait, de nombreux films, et notamment les plus attractifs, ne sont pas disponibles pour une location en vidéo à la demande dans l'intervalle existant entre le dixième et le trentième mois après leur sortie en salle (voire encore plus tard en fonction des dispositions contractuelles lorsque le film a été acheté par la télévision gratuite).

169. Quant à la vidéo à la demande par abonnement, l'accord de 2009, récemment reconduit, ne l'autorise que pour les films sortis en salle depuis plus de 36 mois. L'application de la chronologie des médias prive donc les concurrents potentiels en matière de vidéo à la demande par abonnement de la possibilité de diffuser des films récents. Ce texte, comme le gel des fenêtres, a pour conséquence d'éviter toute pression concurrentielle de la vidéo à la demande sur les opérateurs de télévision payante, au premier rang desquels GCP.

170. Les parties font valoir qu'à l'étranger les détenteurs de droits et les éditeurs de services audiovisuels négocient également un système de fenêtres pour la télévision payante et la vidéo à la demande, que GCP assimile à la chronologie des médias. Ce système n'est cependant pas rendu obligatoire par la loi comme il l'est en France et de fait, les durées peuvent être négociées différemment d'un studio à l'autre et d'un contrat à l'autre, les fenêtres de télévision payante restant toutefois toujours exclusives.

171. Les grands acteurs internationaux de la vidéo à la demande par abonnement comme Netflix et LoveFilm ont donc la possibilité, en dehors de la France, de négocier avec les studios américains des droits de première ou deuxième fenêtre payante et donc de proposer des films en vidéo à la demande par abonnement quelques mois après leur sortie en salles et sans que ces films soient retirés de l'offre quelques mois après. Netflix est par exemple titulaire d'un contrat avec Paramount pour le Canada et avec Dreamworks Animation pour les Etats-Unis. De plus, pour les Etats-Unis, Netflix est titulaire d'un contrat avec Paramount pour diffuser des films en vidéo à la demande 90 jours seulement après leur diffusion sur la chaîne payante Epix. De la même manière, LoveFilm dispose d'un contrat avec Paramount pour l'Allemagne.

172. De même, si l'offre de vidéo à la demande par abonnement de Netflix ou LoveFilm est effectivement en partie composée de films de catalogue, c'est-à-dire après un premier cycle d'exploitation en télévision payante et gratuite, cela ne signifie nullement qu'une offre totalement dénuée de films récents pourrait s'avérer compétitive.

173. En comparaison de ce qui peut être observé dans d'autres pays, la rigidité induite par l'actuelle chronologie des médias freine donc effectivement l'offre de vidéo à la demande en France et toute pression concurrentielle sur GCP au stade de l'acquisition des droits.

Les contributions au financement du cinéma

174. Le décret du 12 novembre 2010 impose des obligations aux services de médias audiovisuels à la demande en matière de contribution au développement de la production d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Cette contribution est fixée pour la vidéo à la demande à l'acte comme par abonnement à 15 % du chiffre d'affaires en faveur des œuvres européennes et à 12 % en faveur des œuvres françaises. Une contribution plus élevée de 26 % du chiffre d'affaires dans la production d'œuvres audiovisuelles ou cinématographiques européennes et de 22 % du chiffre d'affaires dans la production d'œuvres EOF a par ailleurs été prévue si le service propose 10 films de cinéma avant 22 mois après la sortie en salles, taux qui serait applicable dans l'hypothèse où la chronologie des médias était réaménagée pour permettre un accès de la vidéo à la demande par abonnement à des films plus récents qu'en l'état de la réglementation. De plus, un quota d'exposition de 60 % pour les œuvres européennes et de 40 % pour les œuvres EOF est imposé à l'ensemble du catalogue (50 et 35 % pendant les trois premières années) (80). Ces dispositions constituent des barrières importantes à l'entrée pour de nouveaux acteurs, tant du point de vue financier que du point de vue de la formulation d'offres adaptées aux préférences des utilisateurs en fonction de leurs visites passées, que ce soit lors des visites suivantes ou sous forme de messages électroniques qui leur sont ensuite adressés, et qui seraient incompatibles avec les obligations de quotas d'exposition.

175. Certes, comme le souligne le rapport Hubac, ces dispositions ne peuvent être imposées qu'aux acteurs installés en France. Par exemple, Apple, qui propose son offre de vidéo à la demande sur iTunes à partir du Luxembourg ne serait pas tenu de respecter cette réglementation.

176. D'autres obstacles au développement des offres de vidéo à la demande à l'acte, analysés dans le rapport Hubac et l'étude de l'IDATE, sont cependant de nature à relativiser les perspectives d'entrée à court terme :

- des difficultés d'accès des services de vidéo à la demande aux offres audiovisuelles des FAI ;

- un partage de la valeur ajoutée défavorable à l'éditeur du service, en particulier lorsque celui-ci est hébergé par un FAI ;

- l'existence d'un minimum garanti de rémunération des ayants droits par acte de location qui freine les offres promotionnelles.

177. Le fait que jusqu'à présent les grands acteurs internationaux de l'internet et de la vidéo à la demande se sont montrés particulièrement prudents dans leur approche du marché français confirme qu'ils perçoivent ces obstacles. Les pouvoirs publics ont d'ailleurs récemment rappelé l'applicabilité de l'ensemble des règles relatives au secteur en cas d'entrée éventuelle de l'un de ces acteurs81. GCP ne subit donc à ce titre aucune pression concurrentielle au stade de l'acquisition des droits.

Contrepouvoir des détenteurs de droits

178. Alors que les sommes versées par GCP en application des différents contrats-cadre représentaient [0-5] % du chiffre d'affaires total réalisé par les studios américains en 2006, les éléments communiqués par les studios au cours de l'enquête montrent que ce pourcentage s'élève aujourd'hui à environ [0-5] %. Le marché français de vente de droits continue donc à représenter une proportion limitée du chiffre d'affaires global des studios, ce qui leur confère effectivement un pouvoir de négociation suffisant pour organiser la vente de leurs droits selon les modèles économiques qui leur sont favorables. En outre, les studios sont en mesure de contourner les éditeurs de chaînes traditionnels en développant leur propre activité d'édition. En effet, certains studios comme Disney ou Turner ont déjà leurs chaînes propriétaires.

179. Il n'en reste pas moins que les studios américains font face à un unique acheteur pour la vente en France des droits des deux premières fenêtres de télévision payante linéaire, ce qui assure aux parties notifiantes une position de force incontestable dans les négociations. La plupart de studios américains ont ainsi considéré au cours de l'enquête que GCP jouit d'un fort pouvoir de négociation. En outre, selon une étude statistique du " British Films Institute " de 2011, la France représente un marché géographique important pour les studios américains. En 2010, les Etats Unis représentaient près de 41 % de revenus totaux générés au niveau mondial par des films. La France représentait la 5ème source de revenus pour les studios après des pays comme le Japon et le Royaume-Uni (82).

180. En outre, GCP a bénéficié depuis l'acquisition de TPS en 2006 d'un fort renforcement de sa position sur les marchés intermédiaire et aval. L'acquisition de TPS a eu pour résultat de conférer à GCP le monopole de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium et de renforcer sa position sur les marchés de l'édition et de la commercialisation de chaînes thématiques payantes de cinéma. GCP auto-distribue la plupart de ces chaînes, ce qui lui donne un accès direct à une large base d'abonnés et renforce sa position sur le marché aval de la télévision payante. Le contrôle de cette base d'abonnés confère en retour à GCP une position privilégiée lorsqu'il intervient sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents puisqu'il reste le seul opérateur capable d'amortir de lourds investissements dans les contenus. En l'état des marchés de la télévision payante, aucun élément ne permet d'anticiper une évolution de cette situation.

181. Dans ce contexte, rien n'établit que les majors puissent s'opposer à d'éventuels achats groupés ou liés de droits de diffusion en télévision payante et gratuite par GCP. En France, la vente de droits pour une diffusion de films et séries en télévision payante représente, en moyenne, plus du tiers du chiffre d'affaires que les studios américains réalisent sur le marché national et constitue de ce fait une partie significative de leurs revenus. Dans le cadre du test de marché, les majors ont confirmé leurs déclarations dans le cadre de la première notification de l'opération, à l'occasion de laquelle ils avaient unanimement indiqué être incités à vendre à la fois leurs droits payants et gratuits à un même opérateur capable de les diffuser tant en crypté qu'en clair, dans la mesure où cela permettrait aux studios de maximiser leurs revenus totaux (83). Tel est d'ailleurs le cas dans d'autres pays européens, comme l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne, la Suède ou le Danemark.

182. Compte tenu de ces éléments, et des incitations en jeu, il est peu probable que les majors refusent d'éventuelles ventes couplées à GCP.

Position de GCP en matière d'acquisition de séries américaines récentes

183. TF1 et M6 sont actuellement les seuls titulaires de contrats-cadre avec les majors pour la diffusion de films et de séries en clair. Pour sa part, GCP ne détient à ce jour aucun contrat-cadre pour l'acquisition de séries américaines.

184. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, les effets qui découlent de l'opération sont des effets de levier qui consistent en l'utilisation par la nouvelle entité de sa situation de quasi-monopsone sur le marché de l'acquisition de droits de films américains récents pour une diffusion payante pour renforcer sa position sur le marché de l'acquisition de droits de films et de séries américaines récentes pour une diffusion en clair. L'absence de pouvoir de marché pour l'acquisition de droits de diffusion de séries en clair avant l'opération ne s'oppose donc pas au constat de ces effets puisque c'est précisément sur ce marché que l'opération risque de conduire GCP, grâce à sa puissance d'achat sur un marché connexe, à verrouiller l'accès de ses concurrents aux programmes attractifs.

(ii) Caractéristiques du marché permettant la mise en œuvre d'un effet de levier

185. Trois principaux facteurs permettent d'établir que GCP est capable, du fait de l'opération, de mettre en œuvre un effet de levier pour l'acquisition de films et de séries pour une diffusion en télévision gratuite, en prenant appui sur son quasi-monopsone sur le marché de l'acquisition de films pour une exploitation en télévision payante.

186. Premièrement, le fait que les studios organisent la commercialisation des droits de diffusion en télévision des films et des séries par le biais de contrats-cadre portant sur leur production groupée des années couvertes par le contrat focalise l'enjeu concurrentiel du marché sur un nombre limité de contrats, à savoir 6 contrats relatifs aux droits de diffusion en télévision payante et 6 contrats relatifs aux droits de diffusion en clair. Dans ce contexte, l'exercice d'un effet de levier portant aussi bien sur l'acquisition de droits de diffusion en clair de films que de séries américaines est facilité par le fait que ces deux types de contenus font l'objet des mêmes contrats-cadre avec les chaînes gratuites. L'intégralité des contrats-cadre en cours dont sont titulaires les opérateurs historiques de télévision gratuite comportent en effet des droits de diffusion de films et de séries.

187. De plus, selon les résultats d'une étude récente, dont les constatations concordent avec les éléments versés au dossier, " le nombre d'heures issues de chaque catalogue de distribution équivaut à un petit nombre de programmes à succès. L'année 2011 est ainsi caractérisée par une forte diffusion des séries CSI (Les Experts) et NCIS dans les cases de grande écoute européenne " (84). L'effet de levier porte donc sur un nombre restreint de contrats et de programmes, ce qui en facilitera la mise en œuvre.

188. Deuxièmement, les droits de diffusion, en télévision payante comme gratuite, des séries et des films américains se négocient auprès des mêmes interlocuteurs au sein des studios. Il ressort par ailleurs des éléments au dossier, et notamment des output deals en cours, que l'échéance de la moitié d'entre eux est concomitante pour les droits payants et en clair. De plus, nonobstant ce constat, rien n'empêcherait GCP de grouper ou lier ses achats, même en l'absence de concordance exacte entre les échéances des différents contrats. En effet, l'exercice d'un effet de levier ne nécessite nullement que GCP globalise tous ses achats de droits dans un contrat unique ou dans des contrats à la même date. Etant donné l'absence d'acheteurs alternatifs en matière de premières fenêtres de télévision payante, GCP est en mesure d'exercer une menace crédible pour les détenteurs de droits s'il souhaite conditionner l'acquisition des droits payants à l'obtention de droits en clair.

189. Par ailleurs, les répondants au test de marché, et en particulier tous les majors à l'exception de la Fox, ont expliqué que les personnels des studios en charge de la vente des droits pour une diffusion en télévision payante et en télévision gratuite étaient les mêmes. GCP a également reconnu cet état de fait (85). L'intégralité des majors, sans exception, explique également que les mêmes interlocuteurs sont chargés de la commercialisation des droits portant sur les films et les séries.

190. Il n'existe donc pas d'obstacle concret s'opposant à ce que GCP utilise sa puissance d'achat en matière de droits de diffusion en télévision payante pour acquérir, par effet de levier, les droits en clair de films et de séries.

191. Troisièmement, l'instruction a montré que la vente couplée de droits pour une diffusion payante et de droits pour une diffusion en clair est une pratique courante des studios américains partout dans le monde, et en particulier en Europe. A cet égard, les studios ont mentionné plusieurs éléments qui contribuent à les inciter à vendre les droits payants et gratuits à un même opérateur. Comme mentionné plus haut, la maximisation des revenus est le premier (voire l'unique) motif de vente groupée ou liée pour les détenteurs de droits. Par ailleurs, certains studios prennent également en compte des éléments supplémentaires comme la réduction des coûts de transaction (simplification des relations contractuelles) ou la nécessité de récupérer les investissements que le studio a fait pour produire du contenu. Seul

un studio explique a contrario se préoccuper des éventuels bénéfices tirés de la possibilité de négocier ses ventes avec plusieurs acheteurs potentiels.

192. Il ressort de ces éléments que GCP a la capacité de procéder à des achats couplés de droits portant sur la diffusion de films en premières fenêtres de télévision payante et de films et/ou de séries inédites en clair sur D8 et D17.

c) Sur les incitations de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat des droits de diffusion de séries et films américains

193. L'Autorité de la concurrence évalue la crédibilité des scénarios de transactions liées à la suite de concentrations conglomérales en examinant plusieurs types de preuves, parmi lesquelles, notamment, les documents attestant de l'intention de la société acquérante d'adopter de tels comportements (86). En l'espèce, l'incitation de GCP à faire jouer l'effet de levier était l'une des motivations centrales de l'opération pour GCP. Un des principaux dirigeants de GCP a ainsi reconnu son intention d'utiliser sa position sur le marché de la télévision payante pour alimenter la grille de ces chaînes gratuites. Les parties notifiantes soulignaient ainsi, dans le cadre de la première notification de l'opération, que " c'est d'ailleurs l'objet même de l'opération " (87).

194. GCP a justifié cette position en considérant qu'" il n'y a pas une chaîne de la TNT qui ne soit pas adossée à une chaîne historique et qui ait réussi à survivre (même Lagardère, AB et Pathé ont jeté l'éponge). Seules les chaînes TNT qui arrivent à bénéficier de l'accès aux droits d'une chaîne mère ont pu obtenir des programmes performants à un prix suffisamment compétitif pour une petite chaîne. Direct Star ne marche pas aujourd'hui et NRJ et BFM perdent de l'argent. TMC, NT1, W9, adossées à TF1 et M6, sont les seules chaînes qui marchent. Si nous n'avons pas accès aux droits qu'ont les grandes chaînes gratuites aujourd'hui, nous ne pourrons pas réussir. TF1 dépense 1 million d'euros l'heure sur le prime time. A titre de comparaison, la grille de Direct 8 représente [...] d'euros par an. Si je ne peux pas faire levier de mes acquisitions sur Canal Plus pour nourrir Direct 8, l'opération perd tout intérêt et la chaîne Direct 8 tout espoir de développement " (88).

195. GCP entend augmenter le coût de la grille de D8 à 120 millions d'euros à une échéance de trois ans pour augmenter l'audience de la chaîne à 4 %, se fixant un objectif comparable à celui des audiences réalisées par les chaînes de la TNT lancées en 2005. L'opération permet ainsi à GCP de signer des contrats-cadre avec les studios américains aussi bien pour l'acquisition de séries que de films pour une diffusion en clair, ce qu'il ne pouvait faire auparavant faute de pouvoir exploiter de tels droits sur un volume de grille en clair suffisant.

196. Les documents internes de GCP montrent également que l'objectif de l'opération pour le groupe est d'être présent sur l'ensemble des fenêtres d'exploitation en y exploitant des marques fortes (89). L'exploitation des mêmes contenus sur plusieurs fenêtres, y compris de télévision payante et gratuite, permettrait donc à GCP de mieux rentabiliser ses actifs et d'utiliser ses savoir-faire existants en matière d'acquisition de droits.

197. Au final, il ressort donc de l'instruction que l'exercice d'un effet de levier pour obtenir des droits de diffusion en télévision gratuite de films et séries par GCP s'inscrit dans une logique de rentabilité globale des activités du groupe. Les majors américains ne disposant d'aucune alternative crédible en dehors de GCP pour négocier des contrats-cadre portant sur les droits de diffusion de leurs films en première fenêtre de télévision payante, l'incitation à mettre en œuvre ce type de comportement est établie compte tenu à la fois des gains que GCP tirerait d'achats liés et des ambitions affichées du groupe.

2. EFFETS DE LEVIER S'AGISSANT DES FILMS EOF

198. L'opération notifiée entraîne également un risque d'effet congloméral sur les marchés de préachat de droits de diffusion de films EOF. En effet, elle fait entrer GCP, acteur incontournable du préachat de droits de diffusion de films EOF en télévision payante, sur les marchés de préachats de droits de diffusion de films en première, deuxième et troisième fenêtres de diffusion en clair, en réservant à ses propres chaînes un accès privilégié aux films présentant les meilleurs potentiels d'audience dans des conditions non-réplicables par ses concurrents. Avant de présenter la capacité des parties (b) ainsi que leur incitation à mettre en œuvre un effet de levier (c), il convient de rappeler le régime juridique du financement des films européens et EOF auquel sont notamment soumises les chaînes de GCP (a).

a) Rappel du cadre juridique

199. Le régime juridique du financement des films européens et EOF soumet les chaînes de télévision, et notamment celles de GCP, à des obligations spécifiques.

200. Cette réglementation impose d'abord un niveau d'investissement déterminé, pour chaque chaîne, en fonction de deux critères que sont (i) la sous-catégorie à laquelle elle appartient au sein de la catégorie des services de cinéma telle que définie par le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 et (ii) son mode de distribution, la réglementation faisant une distinction entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre et les services diffusés sur les autres réseaux.

201. De plus, les investissements des chaînes sont encadrés par les engagements de diversité des services de cinéma (90), tels qu'ils résultent des accords conclus avec les organisations professionnelles du cinéma, et qui imposent qu'un pourcentage de leurs obligations globales d'investissements soit consacré au financement de films à petit ou moyen budget. Des montants, fixés par mois et par abonné, font l'objet d'accords conclus entre les différentes chaînes et les organisations professionnelles de producteurs et sont ensuite rendus obligatoires dans le cadre des conventions conclues par chaque chaîne avec le CSA.

202. La chaîne Canal+ doit ainsi consacrer à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 12,5 % et 9,5 % de ses ressources annuelles avec un minimum garanti fixé à 3,61 euros et 2,73 euros hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF, au moins 75 % du montant prévu doit être consacré à la production indépendante, 17 % doit concerner des films dont le devis est inférieur ou égal à 4 millions d'euros et 80 % du montant prévu doit prendre la forme de préachats de droits.

203. Le service Ciné+ (91) (composé de 6 chaînes) doit, pour sa part, consacrer chaque année à l'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques européennes et EOF respectivement au moins 27 % et 25 % des ressources totales de l'exercice en cours avec un minimum garanti fixé à 1 euro et 0,85 euro hors taxe par mois et par abonné. Par ailleurs, s'agissant de l'obligation d'acquisition d'œuvres EOF par la chaîne, au moins 75 % du montant prévu doit être consacré à la production indépendante et 25 % doit concerner des films dont le devis est inférieur ou égal à 5,35 millions d'euros.

204. Les chaînes en clair se voient également imposer des obligations d'investissement, dès lors qu'elles diffusent plus de 52 œuvres cinématographiques de longue durée par an ou plus de 104 diffusions et rediffusions de ces films. Ces chaînes doivent en effet consacrer un minimum de 3,2 % de leur chiffre d'affaires net de l'année précédente à des dépenses contribuant au développement de la production d'œuvres cinématographiques européennes, dont 2,5 % d'œuvres EOF (92). Les trois quarts de ces dépenses doivent respecter des critères d'indépendance (93).

205. L'ensemble des investissements générés par ces obligations prennent la forme de préachats de droits de diffusion et de parts de coproduction. En contrepartie de leur participation financière, les chaînes payantes se voient attribuer un droit d'exploitation, pour une première fenêtre de diffusion, après un délai de 10 ou 12 mois à compter de la date de sortie en salles. Une seconde fenêtre de diffusion sur une chaîne de télévision payante de cinéma peut également être acquise à l'expiration d'un délai de 22 ou 24 mois à compter de la date de sortie en salles.

206. De même, les chaînes en clair acquièrent, pour les films qu'elles ont préfinancés, des droits de diffusion aux termes de contrats leur conférant une exclusivité pendant une " fenêtre de diffusion ", d'une durée déterminée. La notion de " fenêtre de diffusion en clair ", contrairement celle de " fenêtre de diffusion en télévision payante ", ne fait toutefois pas l'objet d'une définition spécifique dans l'accord du 6 juillet 2009 pour le réaménagement de la chronologie des média. Comme indiqué ci-dessus dans les développements relatifs à la définition du marché pertinent, il peut exister autant de fenêtres que de diffusions d'un film donné et la durée de chaque fenêtre est variable. Selon les données recueillies dans le cadre de l'instruction, il apparaît néanmoins que la première et la deuxième fenêtre de diffusion en clair correspondent généralement à des durées d'exclusivité de 18 mois chacune. Lorsqu'une troisième fenêtre est acquise, celle-ci est fréquemment d'une durée plus courte, de l'ordre de 6 mois. En outre, les deux premières fenêtres sont généralement successives alors que la troisième fenêtre peut se superposer avec la deuxième mais concerner une chaîne différente au sein du même groupe audiovisuel.

207. Compte tenu de ce cadre juridique, l'objectif des chaînes de télévision, qu'elles soient gratuites ou payantes, est d'optimiser l'ensemble de ces investissements cinématographiques obligatoires. Pour ce faire, les chaînes préachètent en premier lieu les droits de diffusion des films les plus attractifs, susceptibles de générer de fortes audiences lors de leur diffusion télévisuelle. Par ailleurs, les groupes audiovisuels maximisent le nombre de fenêtre de diffusion qu'ils préachètent pour un même film afin de pouvoir amortir leur investissement

global sur un maximum de passage à l'antenne de leurs différentes chaînes. Les CSA, dans son avis du 13 février 2014, observe à cet égard que " la concurrence entre les chaînes historiques pour diffuser films les plus porteurs en première fenêtre (et pour les suivantes) est de nature à maintenir des montants de préachats élevés. Peu de films réalisent, lors de leur première diffusion, des recettes publicitaires supérieures au montant de la part antenne versé par la chaîne. L'objectif de rentabilité des investissements en préachats des chaînes gratuites historiques dans le cinéma EOF doit dès lors intégrer les diffusions postérieures du film sur la chaîne, mais aussi celles sur les antennes des chaînes filiales. En effet, les recettes publicitaires réalisées lors de la diffusion des films préachetés en deuxième ou troisième fenêtre gratuite sur les chaînes de la TNT semblent être, dans de nombreux cas, supérieures au coût d'acquisition de ces fenêtres ".

b) Sur la capacité de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat de droits de diffusion de films EOF

208. Comme indiqué plus haut en ce qui concerne les séries et films américains, il convient d'examiner si l'entité issue de l'opération bénéficiera d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Il convient donc d'analyser la position que détiendra GCP après l'opération sur les marchés de préachat de droits de diffusion de films EOF sur la télévision payante et gratuite (i), avant d'examiner si le groupe pourra (ii) et sera incité (iii) à utiliser cette position pour mettre en œuvre un effet de levier.

(i) Position des parties

Position des parties sur le marché des préachats de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision payante

209. GCP a été à l'origine de l'intégralité des montants investis pour le préachat de droits de diffusion pour la télévision payante durant la période 2006-2007. Le paysage concurrentiel a ensuite évolué à partir de 2008 avec le lancement du bouquet OCS par Orange. Néanmoins, la position de GCP est demeurée extrêmement élevée et sans commune mesure avec celle d'Orange sur le marché de l'acquisition de droits cinématographiques (supérieure à 90 % sur l'ensemble de la période).

Investissements dans le préachat de films d'initiative française en 2008-2012

<Emplacement Tableau>

210. Les parties notifiantes font toutefois valoir que " si GCP détient toujours une position forte sur ce marché, celle-ci découle surtout des obligations réglementaires qui s'imposent à lui " (94). Ce raisonnement ne saurait cependant être suivi. Les obligations réglementaires qui pèsent sur les éditeurs de chaînes déterminent la valeur absolue des investissements réalisés par les chaînes payantes, mais elles n'ont aucune incidence sur la position relative de chacun de ces opérateurs et n'imposent nullement la détention par GCP d'un quasi-monopole.

Concurrence actuelle et potentielle d'Orange

211. L'entrée d'Orange sur le marché n'a pas été de nature à limiter la puissance d'achat de GCP, pour plusieurs raisons.

212. Premièrement, les données publiées par le CNC montrent que l'entrée d'Orange sur le marché amont a eu un impact qui demeure jusqu'à présent modeste sur la situation concurrentielle. La part de marché d'Orange a d'ailleurs nettement baissé entre 2010 et 2012 avec un montant d'investissement en recul de 22 %.

213. Deuxièmement, les investissements d'Orange restent très inférieurs à ceux pratiqués par TPS avant son acquisition par GCP. Les investissements de TPS en 2005 s'élevaient à 32,5 millions d'euros soit 80 % de plus que ceux consentis par OCS en 2012 (17,97 millions d'euros). Il en résulte que toute pression concurrentielle exercée par Orange sur GCP pour l'achat de droits demeure significativement inférieure à celle qui émanait de TPS avant son acquisition par GCP et le groupe Vivendi.

Nombre de films préachetés en fonction de la fenêtre de diffusion sur télévision payante

<Emplacement Tableau>

214. Dans son avis du 13 février 2014, le CSA observe qu'à l'occasion du renouvellement de la convention de ses quatre chaînes, " OCS s'est engagée à consacrer un montant de 179 M€ en cinq ans, selon un échelonnement précisé par année (de 33 M€ en 2014 à 38 M€ en 2018), à l'acquisition de droits de diffusion de films européens et EOF et à des actions de soutien à la production et à la diffusion du cinéma d'expression originale française. Il s'agit d'un accroissement de 19 % par rapport à la période précédente. OCS s'est également engagée à poursuivre son action en faveur de la diversité des films, en particulier ceux d'un budget inférieur à 6,5 M€ " (95).

215. Le CSA note toutefois, qu'" en dépit des engagements importants d'OCS en matière d'investissements dans le cinéma EOF et de leur progression, ceux-ci demeureront à un niveau sensiblement inférieur à ceux du groupe Canal Plus. En effet, le nombre d'abonnés et le chiffre d'affaires prévisionnels d'OCS pour 2014 sont respectivement de [...] millions et de [...] M€. Dans ce contexte, la circonstance que le groupe Orange soit en mesure de conclure des contrats cadre avec les producteurs français, ne peut avoir d'incidence significative sur son pouvoir de marché, qui doit être évalué au regard du chiffre d'affaires des chaînes Canal + (1878 M€ en 2012). Le chiffre d'affaires d'OCS en 2012 était de [...] M€ ".

216. Troisièmement, l'offre d'OCS s'est en partie recentrée sur les séries américaines récentes avec le lancement fin 2013 de la chaînes OCS City (sous-titrée " Génération HBO "(96).

217. L'offre d'Orange ne remet donc nullement en cause la puissance d'achat de GCP sur le marché de l'acquisition de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision payante. Elle démontre au contraire les difficultés, y compris pour un groupe de la taille de celle d'Orange, à contester les positions de GCP.

Concurrence actuelle et potentielle des autres acteurs du marché

218. Comme l'a noté l'Autorité dans sa décision n° 12-DCC-100 relative à l'opération GCP/TPS, l'exercice d'une concurrence accrue sur le marché nécessiterait, en l'état, l'entrée de nouveaux opérateurs. Or l'entrée sur le marché de l'acquisition de droits portant sur des films EOF pour une diffusion en télévision payante linéaire nécessite d'éditer une chaîne thématique de cinéma pour exploiter et rentabiliser les contenus acquis. Les investissements dans l'achat de droits sont toutefois très importants et interviennent, pour tout éventuel nouvel entrant, avant même de pouvoir bénéficier de la base d'abonnés nécessaire à leur amortissement. Compte tenu de cette contrainte, d'éventuelles nouvelles entrées seraient d'autant plus difficiles qu'elles prendraient place dans un environnement de marché extrêmement asymétrique, caractérisé par la prédominance de GCP. Ce dernier bénéficie en effet d'une base d'abonnés très importante qui lui confère un avantage concurrentiel significatif. Par ailleurs, la création d'une chaîne suppose la détention d'un savoir-faire spécifique et la construction d'une notoriété nécessaire à la stabilisation des parts d'audience.

219. Par ailleurs, comme expliqué ci-dessus s'agissant des œuvres américaines, il est peu probable que des opérateurs de la télévision payante non linéaire exercent, en l'état des marchés et de la réglementation, une pression concurrentielle significative sur GCP. En premier lieu, en France, la chronologie des médias définie par l'accord du 6 juillet 2009 limite les capacités de diffusion d'œuvres cinématographiques des distributeurs de services de vidéo à la demande à l'acte ou par abonnement. A ce jour, ces opérateurs ne peuvent donc efficacement concurrencer GCP au stade de l'acquisition des droits. En second lieu, les obligations de contribution au financement du cinéma et les quotas de diffusion de films français sur les services de télévision non linéaire (97) constituent des barrières importantes à l'entrée de nouveaux opérateurs de vidéo à la demande sur le marché français, ainsi qu'au développement des acteurs en place.

220. Il s'ensuit que l'émergence, même potentielle, de nouvelles sources de pression concurrentielle sur le marché du préachat de films EOF pour une exploitation en télévision payante est peu probable en l'état des marchés concernés.

Contrepouvoir des détenteurs de droits

221. GCP est le premier contributeur au financement de la production cinématographique française, sa seule chaîne Canal+ ayant préacheté plus de 60 % de la production en volume en 2012 (130 films d'initiative française sur les 209 produits cette année). A titre de comparaison, OCS a préacheté à peine 7 % de la production en 2012 (15 films).

222. La position de GCP face aux détenteurs de droits est par ailleurs renforcée par trois éléments. D'une part, le secteur de la production de films est très atomisé, puisque les 209 films d'initiative française comptabilisés pour l'année 2012 ont été produits par 191 entreprises différentes, les cinq sociétés les plus actives au cours de l'année (98) représentant 25 % de la production. D'autre part, la contribution des chaînes de télévision payante est indispensable au financement de la production cinématographique. En effet, selon le CNC (99), les préachats et apports en coproduction ont représenté 31,9 % du financement des films produits en 2012. Moins de 35 % des films produits en 2012 ont ainsi pu être produits sans le soutien financier d'une chaîne de télévision payante.

223. Par ailleurs, la vente de droits de diffusion pour la deuxième fenêtre de télévision payante constitue un enjeu économique significatif pour les détenteurs de droits. Or l'offre de chaînes cinéma de GCP lui permet de se positionner simultanément sur le préachat de droits de diffusion en première et deuxième fenêtre.

224. Le CSA relevait également dans son avis du 22 mai 2012 (100) que " la stratégie des chaînes cinéma du groupe Canal Plus est complémentaire : les chaînes Canal+ préachètent la première fenêtre des films qu'elles financent et, pour la majorité d'entre eux, les chaînes Ciné+ préachètent la deuxième fenêtre payante (101), cette dernière étant négociée pour un montant souvent assez modique (0,21 million d'euros en moyenne en 2011). Ainsi, le groupe peut proposer aux producteurs de films de leur acheter deux fenêtres payantes, leur permettant ainsi de maximiser leurs revenus sur ce marché. Le caractère " premium " des chaînes Canal+ est donc conforté par la première diffusion sur son antenne d'un nombre très significatif de films EOF ou européens, souvent les plus porteurs. Les chaînes Ciné+ peuvent bénéficier d'une fenêtre de diffusion juste après Canal+, et avant la première diffusion sur une chaîne en clair, la chronologie des médias étant favorable à la deuxième fenêtre payante (102)"(103).

225. Dans un tel contexte, si l'entrée d'OCS a permis de diversifier les sources de financement des films d'initiative française, les niveaux d'investissements d'Orange sont demeurés très inférieurs à ceux pratiqués par GCP, ou même par TPS avant son acquisition par GCP en 2006.

226. Ensuite, la forte atomicité des producteurs français et l'importance de leurs besoins de financement les placent dans une situation de dépendance face à GCP, qui jouit d'un quasi-monopsone sur le marché du préachat. Les ayant droits, compte tenu de la nécessité pour les chaînes Canal+ d'optimiser leurs investissements obligatoires, peuvent certes ponctuellement bénéficier d'un certain pouvoir de négociation. Néanmoins, la capacité de GCP à imposer ses prix reste d'autant plus forte qu'il est le principal interlocuteur pour la cession des droits payants : un refus de financement de sa part entraîne dans la majorité des cas l'abandon du projet de film.

Position des parties sur le marché des préachats de droits de diffusion de films de cinéma français sur la télévision gratuite

227. La société D8 Films (anciennement " Direct Productions ") intervient depuis 2011 dans la coproduction de plusieurs films en contrepartie de leur diffusion exclusive en clair sur les chaînes D8 et D17. Le total des investissements correspondants est présenté dans le tableau suivant :

Investissements de D8 dans les films d'initiative française (104)

<Emplacement Tableau>

228. En 2012, les chaînes en clair ont préfinancé un total de 96 films d'initiative française pour un montant de 120,98 millions d'euros (105). Le tableau suivant présente le détail de ces investissements pour l'année 2012 et les parts de marché correspondantes :

Investissements des chaînes en clair en 2012 (106) TF1

<Emplacement Tableau>

229. Il en découle que la chaîne D8 occupe toujours une faible position (inférieure à 5 % en 2012 quelle que soit l'unité retenue pour l'évaluation) en matière de préachat de droits de diffusion en première, deuxième et troisième fenêtres en clair, sans commune mesure avec celle de groupes tels que France Télévisions ou TF1.

230. La partie notifiante fait d'ailleurs valoir que l'importance des chaînes gratuites historiques peut également être évaluée au regard de leur poids dans le financement des films français récents aux devis les plus élevés, films qui possèdent a priori le plus fort potentiel d'audience et de succès (107). Le CNC relève en effet qu'en 2012 " les chaînes privées en clair investissent quasi exclusivement dans des films à devis élevé. Ainsi, 66,7 % des films d'initiative française dans lesquels elles investissent en 2012 ont un devis supérieur à 7 M€ et 84,8 % un devis supérieur à 4 M€ "(108).

(ii) Caractéristiques du marché permettant la mise en œuvre d'un effet de levier

231. La partie notifiante pourrait utiliser sa position sur le marché de l'acquisition des droits cinématographiques EOF pour une diffusion sur la télévision payante pour acquérir, auprès des producteurs, la première fenêtre de diffusion en clair et/ou les fenêtres subséquentes des films les plus attractifs, aujourd'hui préachetée majoritairement par les chaînes gratuites historiques. Quatre caractéristiques du marché montrent que GCP sera effectivement capable de mettre en œuvre un tel effet de levier.

232. En premier lieu, si le nombre de films EOF financés par an est relativement élevé (209 en 2012 selon le CNC), les films à succès, recherchés par les chaînes pour une programmation en prime time, sont nettement moins nombreux. En effet, comme relevé ci-dessus, l'objectif des chaînes de télévision consiste à optimiser l'ensemble de leurs investissements cinématographiques obligatoires. Pour ce faire, les chaînes se concurrencent principalement pour le préachat des droits de diffusion des films les plus attractifs, susceptibles de générer de fortes audiences lors de leur diffusion télévisuelle.

233. De manière générale, il est délicat d'apprécier l'attractivité et le potentiel d'audience d'une œuvre cinématographique avant sa production. Toutefois comme le suggère la partie notifiante (109), le devis d'un film constitue un indicateur pertinent de son potentiel d'audience et de succès, notamment parce qu'il reflète en partie la popularité de son casting. Ainsi, les films EOF figurant parmi les dix meilleures audiences cinématographiques de TF1 et M6 en 2012 ont des budgets supérieurs à 10 millions (110) d'euros, quatre d'entre eux ayant un devis supérieur à 15 millions d'euros.

234. Or, seuls 33 films d'initiative française sur les 209 agréés par le CNC en 2012 avaient un devis supérieur à 10 millions d'euros et seulement 18 d'entre eux dépassaient les 15 millions d'euros (111). Par conséquent la mise en œuvre d'un effet de levier par GCP pourrait porter sur un nombre restreint de films.

235. Certes, le coût de grille de D8 et D17 reste largement inférieure à celui des chaînes historiques des grands groupes de télévision gratuite (TF1, M6 et France Télévisions). Néanmoins, la capacité financière des chaînes cible ne peut être envisagée isolément de leur adossement aux parties notifiantes. L'intégration de D8 et D17 au sein de GCP permet à ce dernier d'utiliser les revenus générés par ses activités de télévision payante pour investir directement sur des contenus destinés à une diffusion en clair, voire de faciliter l'ensemble de ses acquisitions en en mutualisant leur amortissement sur l'ensemble des fenêtres qu'il exploite.

236. En deuxième lieu, les producteurs français dépendent financièrement des investissements réalisés par les chaînes payantes dans le préachat de fenêtre de diffusion, marché sur lequel GCP occupe une position de quasi-monopsone. Dès lors, à l'issue de l'opération il sera difficile pour les producteurs de films EOF de refuser les propositions d'achats couplés de GCP, qui bénéficie d'une position incontournable dans le financement des films français. En effet, les producteurs français peuvent rarement amortir le coût de production d'un film, en particulier si celui-ci est doté d'un devis élevé, s'il ne fait pas l'objet d'un préachat par une chaîne de télévision payante. En règle générale, un refus de financement par GCP se traduit par l'abandon du projet de film.

237. Comme relevé ci-dessus dans les développements relatifs au contrepouvoir des détenteurs de droits, la partie notifiante est en effet le premier contributeur au financement de la production cinématographique française, sa seule chaîne Canal+ a ainsi préacheté en 2012 les droits de 113 films d'initiative française sur les 209 produits cette année, position qui est considérablement renforcée par le caractère atomisé de la production.

238. Cette situation confère à GCP la capacité d'imposer aux producteurs l'achat groupé des fenêtres de diffusion payante et gratuite pour des films qu'il aurait auparavant financés au côté de chaînes en clair concurrents de D8. Il ressort ainsi du test de marché que 87 % des films dont les droits de diffusion inédits en clair ont été préachetés par les chaînes gratuites en 2012 ont également fait l'objet d'un préachat par GCP (pour les droits payants).

239. En troisième lieu, les opérateurs de la télévision gratuite ont peu de moyens de réagir face à la mise en œuvre par GCP d'un effet de levier. Il est très peu probable que les chaînes en clair investissent le secteur de la télévision payante pour répliquer l'avantage concurrentiel dont bénéficiera la nouvelle entité. L'entrée sur le marché de l'acquisition de droits cinématographiques pour une diffusion sur télévision payante nécessite en effet de franchir des barrières importantes, tenant à la création d'une chaîne thématique cinéma, dotée d'une notoriété suffisante pour stabiliser des parts d'audience et aux investissements importants pour acquérir des droits avant même de pouvoir bénéficier de la base d'abonnés nécessaire à leur amortissement.

240. En quatrième lieu, tel qu'indiqué ci-dessus, les groupes audiovisuels maximisent le nombre de fenêtre de diffusion qu'ils préachètent pour un même film afin de pouvoir amortir leur investissement global sur un maximum de passage à l'antenne de leurs différentes chaînes. Les CSA, dans son avis du 13 février 2014, observe à cet égard que " la concurrence entre les chaînes historiques pour diffuser les films les plus porteurs en première fenêtre (et pour les suivantes) est de nature à maintenir des montants de préachats élevés. Peu de films réalisent, lors de leur première diffusion, des recettes publicitaires supérieures au montant de la part antenne versé par la chaîne. L'objectif de rentabilité des investissements en préachats des chaînes gratuites historiques dans le cinéma EOF doit dès lors intégrer les diffusions postérieures du film sur la chaîne, mais aussi celles sur les antennes des chaînes filiales. En effet, les recettes publicitaires réalisées lors de la diffusion des films préachetés en deuxième ou troisième fenêtre gratuite sur les chaînes de la TNT semblent être, dans de nombreux cas, supérieures au coût d'acquisition de ces fenêtres " (112).

241. Les différentes fenêtres de diffusion que les chaînes préachètent présentent donc un caractère complémentaire. Dans ce contexte, la mise en œuvre par GCP d'un effet de levier ciblant les deuxième et troisième fenêtres en clair aurait pour conséquence d'obérer la capacité d'amortissement par les autres chaînes gratuites de leur investissement dans la première fenêtre. La mise en œuvre de cette stratégie en entraînant une forte dégradation de la rentabilité des acquisitions des concurrents de la nouvelle entité, risquerait de limiter significativement leur capacité d'acquisition.

242. De la même manière, la mise en œuvre par GCP d'un effet de levier qui priverait les chaînes gratuites de la première fenêtre de diffusion en clair réduirait la valeur qu'accordent ces chaînes aux deuxièmes et troisièmes fenêtres. Le CSA note ainsi dans son avis du 13 février 2014 que " les investissements groupés [de W9 et TMC] avec M6 et TF1 permettent de pouvoir respecter leurs obligations, tout en acquérant des films porteurs. A défaut, elles auraient davantage de difficultés à négocier la deuxième ou troisième fenêtre de diffusion de films dont le budget est supérieur à 10 M€, pour un apport de 100 000 à 200 000 € (soit une part très négligeable des devis de production des films acquis) "(113).

243. GCP détenant un quasi-monopsone sur le marché des préachats de droits de diffusion de films EOF en première et deuxième fenêtres de télévision payante, le groupe pourra, à l'issue de l'acquisition, faire jouer un effet de levier par lequel il privera les chaînes de télévision gratuite concurrentes des droits de diffusion en clair des films EOF inédits attractifs.

c) Sur l'incitation de GCP à mettre en œuvre un effet de levier sur les marchés d'achat de droits de diffusion de films EOF

244. Comme indiqué ci-dessus s'agissant des droits de diffusion de séries et films américains, la crédibilité d'une stratégie d'achats groupés ou liés peut être démontrée notamment au moyen de documents attestant de l'intention de la société acquéreuse d'adopter un tel comportement.

245. En l'espèce, les déclarations des représentants de GCP attestent de cette intention. Selon un dirigeant de GCP, l'exploitation de sa position sur le marché d'acquisition des droits de diffusion de films EOF en télévision payante pour alimenter les grilles de ses futures chaînes en clair est l'un des principaux intérêts opérationnels de l'opération puisque, " [s'agissant de l'entrée de GCP dans le gratuit,] l'idée générale est d'avoir un continuum éditorial entre Canal+ et ses diverses chaînes permettant d'exploiter plusieurs fois les œuvres -à l'instar de ce que le cinéma fait très bien grâce à la chronologie des médias- afin d'avoir le financement le plus compétitif "(114).

246. La mise en œuvre d'une stratégie par laquelle GCP pourrait acquérir des droits de diffusion sur les fenêtres en clair en supplément des droits acquis pour les fenêtres en télévision payante apparaît également dans les documents internes de GCP relatifs au projet d'acquisition (115).

247. L'exploitation des mêmes films sur plusieurs fenêtres, y compris de télévision payante et gratuite, permettrait en effet au GCP de mieux rentabiliser ses actifs et d'utiliser ses savoir-faire existants en matière d'acquisition de droits de diffusion de films EOF. Comme en matière de programmes américains, l'exercice d'un effet de levier pour obtenir des droits de diffusion en télévision gratuite de films EOF par GCP s'inscrit dans une logique de rentabilité globale des activités du groupe.

248. Au demeurant, l'incitation de GCP à mettre en œuvre cette stratégie apparaît forte dans la mesure où elle lui permettrait d'augmenter l'attractivité de D8 et D17 que ce soit de manière absolue par l'enrichissement de la grille proposée par ces deux chaînes, ou de manière relative par l'appauvrissement des films EOF inédits auxquels auront accès les chaînes en clair concurrentes.

249. Enfin, l'incitation de GCP à mettre en œuvre une stratégie de levier apparaît d'autant plus forte que les investissements des chaînes gratuites pour le préachat de première fenêtre de diffusion d'une part et de deuxième et troisième fenêtres d'autre part, présentent une forte complémentarité. Ainsi, en limitant par exemple l'exercice de son effet de levier aux deuxièmes et troisièmes fenêtre en clair, GCP déstabiliserait également la position de ses concurrents sur le marché des préachats de droits relatifs aux premières fenêtres en clair : les chaînes gratuites ne pouvant plus amortir le coût d'une première fenêtre grâce aux diffusions subséquentes, leur capacité à acheter ce type de fenêtre se trouverait réduite.

3. IMPACT CONCURRENTIEL DE LA MISE EN OEUVRE D'UN EFFET DE LEVIER SUR LES MARCHÉS CONCERNÉS

250. L'équilibre financier des chaînes gratuites dépend de leur capacité à générer de l'audience au moyen de contenus attractifs (a) parmi lesquels les films et séries jouent un rôle central (b). Compte tenu de la relative rareté de ces contenus, leur préemption par GCP restreindrait la capacité des chaînes gratuites à animer la concurrence (c) sans que les gains d'efficacités attendus de l'opération permettent d'en compenser les effets (d).

a) Sur la capacité des chaînes à générer de l'audience pour assurer leur financement

251. L'opération renforce les activités de GCP dans un secteur, la télévision gratuite, où l'essentiel des recettes des opérateurs sont tirées de la vente d'espaces publicitaires. Les chaînes de télévision gratuite génèrent en effet des revenus en commercialisant leurs écrans publicitaires auprès d'annonceurs. De manière générale, l'audience d'une chaîne de télévision (d'un programme télévisé/d'un écran publicitaire) est représentée par le nombre de personnes ayant regardé cette chaîne (ce programme/cet écran). La part d'audience d'une chaîne correspond ainsi au pourcentage des personnes ayant regardé cette chaîne par rapport à l'audience globale du support télévision. L'audience peut être mesurée globalement ou par catégorie de téléspectateurs (on parle alors de " cible "). Les différentes chaînes se concurrencent ainsi pour proposer des écrans publicitaires dont la valeur est proportionnelle à leur " puissance ", c'est-à-dire leur capacité d'établir un nombre important de contacts d'une cible commerciale parmi les téléspectateurs. La constitution d'écrans " puissants " nécessite par conséquent de diffuser des contenus attractifs, fortement générateurs d'audience.

252. Lorsqu'elles vendent des espaces publicitaires, les chaînes commercialisent le nombre de contacts établis par un écran publicitaire sur une cible donnée. Le nombre de contacts établis est exprimé en Gross Rating Point (" GRP "), qui correspond au nombre de contacts publicitaires obtenus sur 100 individus de la cible visée. En d'autres termes, le GRP d'un spot publicitaire correspond à l'audience du spot publicitaire sur la cible étudiée, exprimée en pourcentage. Le GRP d'un spot donné est mesuré sur chaque cible : par exemple, si 8 % des hommes de 25 à 49 ans ayant la télévision ont regardé un spot, le GRP de ce spot est de 8 sur cette cible.

253. Le prix du spot publicitaire est déterminé par les régies en fonction, notamment, d'une extrapolation d'audience de l'écran considéré, i.e. une extrapolation des GRP atteints sur une cible. Cette extrapolation s'appuie en pratique sur les audiences passées de la chaîne, la nature des programmes diffusés avant ou après l'écran concerné ou encore la programmation des chaînes concurrentes.

254. Schématiquement il existe aujourd'hui deux mécanismes de négociation des prix des spots publicitaires ce qui s'explique par la coexistence de deux méthodes de mesure d'audience proposé par Médiamétrie :

- la première, utilisée principalement par les chaînes gratuites historiques, permet de connaître l'audience exacte des écrans publicitaires ;

- la seconde, employée par les nouvelles chaînes de la TNT, n'indique en revanche que les audiences des deux derniers mois écoulés, agrégées par quarts d'heure, sans distinction des programmes et des écrans publicitaires. Ce découpage par quart d'heure peut surestimer l'audience des écrans publicitaires car il ne permet pas de faire apparaître la baisse d'audience des spots par rapport au programme dans lequel ils sont insérés.

255. Compte tenu de leur mécanisme de mesure d'audience, les régies des chaînes gratuites historiques fixent traditionnellement le tarif de leurs écrans et négocient un taux de remise avec les annonceurs (116). L'annonceur achète alors un certain nombre de spots sur une chaîne en vue d'atteindre un nombre de GRP sur une cible donnée.

256. Les nouvelles chaînes de la TNT commercialisent en revanche des écrans en coût GRP garanti. L'annonceur négocie alors avec la régie, dans le cadre d'un contrat annuel ou pour une campagne ponctuelle, un coût GRP qu'il garantit sur une cible donnée. Si les spots achetés n'atteignent pas le nombre de GRP anticipés, la régie devra fournir à l'annonceur des spots à titre gracieux afin que celui-ci puisse toucher le nombre d'individus initialement prévu, au coût GRP contractuellement convenu. A défaut de spots gracieux, la régie peut restituer une partie du prix payé par l'annonceur sous forme d'avoir ou de numéraire.

257. Au regard de ces éléments, toute baisse d'audience sur un écran d'une chaîne gratuite historique réduira le GRP extrapolé à la période suivante et donc le consentement à payer des annonceurs. Pour les nouvelles chaînes de la TNT, une baisse d'audience sur un écran se traduira par un déficit de GRP qui devra être remboursé à l'annonceur. Selon les données recueillies dans le cadre du test de marché, la perte d'un point d'audience annuel pour une nouvelle chaîne de la TNT généraliste pourra ainsi conduire à une diminution du chiffre d'affaires comprise entre 7 et 30 millions d'euros.

258. Cet effet apparaît d'autant plus significatif pour l'économie des chaînes de télévision gratuite que le prix du point de GRP est croissant à la marge. En effet, plus l'écran est susceptible d'atteindre un nombre de GRP élevé d'une cible, plus le coût d'un point de GRP est élevé. Les éléments au dossier montrent ainsi que le coût d'un point de GRP des écrans puissants (8 GRP ou plus) est significativement supérieur à celui des écrans plus faibles (117). Ainsi, le coût GRP des écrans puissants d'une chaîne gratuite (8 GRP ou plus) est supérieur de 20 % à 50 % selon les chaînes au coût GRP des écrans faiblement puissants (entre 0 et 3 GRP). Or, qu'il s'agisse de séries américaines ou de films français ou américains, les contenus attractifs capables de générer de fortes audiences sont rares. Par conséquent le nombre d'écrans puissants dont disposent les chaînes, qui correspondent aux coûts GRP (et donc aux revenus) les plus élevés, est beaucoup plus faible que le nombre d'écrans moins puissants.

259. Du point de vue des annonceurs, chaque campagne publicitaire fait appel à des écrans de différente puissance, mais l'obtention de GRP puissants est indispensable pour bâtir un plan média dans la mesure où ces écrans assurent une forte visibilité en même temps qu'une rapide montée en couverture. Il s'ensuit que, pour les annonceurs comme pour les chaînes, il existe un lien de causalité entre la qualité des programmes diffusés et l'attractivité des écrans publicitaires. Ainsi, les annonceurs comme les agences qui négocient avec les régies déterminent les achats d'espaces publicitaires notamment en fonction de la pertinence des programmes et de l'audience des chaînes. Par conséquent, les annonceurs interrogés dans le cadre de la première notification de l'opération considéraient généralement que l'impact de l'opération dépendrait des programmes diffusés sur D8 et D17 à l'issue de la concentration.

260. Il en découle que, même si toute perte de point de GRP est susceptible d'entraîner une baisse de revenus pour les chaînes gratuites, cet effet est particulièrement sensible lorsqu'il concerne les écrans les plus puissants, c'est-à-dire les programmes générateurs des meilleures audiences des chaînes. En d'autres termes, plus l'écran est puissant, plus la perte d'un point de GRP est coûteuse pour les chaînes. France Télévisions n'offrant quasiment plus d'écrans puissants depuis la disparition début 2009 de la publicité en soirée (118), cette problématique concerne actuellement surtout les chaînes gratuites privées.

b) Sur le caractère incontournable pour les chaînes en clair généralistes des programmes sur lesquels porterait l'effet de levier

261. Les chaînes généralistes diffusent différents types de programmes et principalement des films, des séries étrangères (américaines pour l'essentiel), des fictions EOF, des évènements sportifs, des jeux et des programmes de divertissement ainsi que d'information. Alors que ces programmes sont d'une importance inégale dans l'économie des chaînes, les films et les séries jouent un rôle de premier plan.

(i) L'importance des séries américaines pour les chaînes gratuites

262. Les séries américaines récentes représentent la majorité des meilleures audiences des chaînes gratuites historiques. Selon les données communiquées par le CSA, en 2012, sur 366 cases de premières parties de soirée, TF1 en a alloué 109 à ce type de programme et M6 141. Dans l'offre totale de fiction télévisuelle diffusée entre 20h et 23h, les séries américaines représentent 61,6 % de la programmation des chaînes gratuites historiques (119). Le schéma suivant illustre ainsi l'important des programmes d'origine américaine dans la diffusion de fictions sur les principales chaînes gratuites historiques.

<Emplacement graphique>

263. L'importance des séries américaines pour les chaînes gratuites se constate également dans les palmarès d'audiences. Lors de l'enquête de 2012, le CSA estimait que, depuis 2009, environ 65 des 100 meilleures audiences de l'année toutes chaînes confondues sont réalisées par des épisodes de séries américaines (120). Le test de marché lancé dans le cadre du présent dossier confirme que les séries américaines sont toujours aussi importantes dans l'audience des chaînes. TF1 et M6 réalisent ainsi plus de la moitié de leurs 100 meilleures audiences de 2013 grâce à des séries américaines. Selon le CNC en 2012, plus de la moitié des fictions américaines diffusées sur les six chaînes nationales historiques en première partie de soirée enregistraient une part d'audience supérieure à la moyenne de leur diffuseur (121).

264. Enfin, les données versées au dossier par les chaînes gratuites privées montrent que les séries contribuent de manière considérable à leur rentabilité.

265. Les différentes chaînes ont ainsi versé des données confidentielles exprimées en marges brutes dégagées par la diffusion des différents programmes en prime time rapportées à la marge brute totale des chaînes en prime time. Le résultat des chaînes en prime time est en effet crucial pour leur équilibre économique dans la mesure où cette période de diffusion représente l'audience la plus importante de la journée et, donc, les revenus publicitaires les plus élevés dans une journée. Le CNC observe également que " la première partie de soirée revêt un caractère stratégique dans la mesure où elle présente le bassin d'audience le plus large : plus de 40 % de la population française âgée de 4 ans et plus regarde la télévision à cet horaire " (122).

266. Or il ressort de ces données que la diffusion des séries américaines contribue à l'essentiel de la marge brute des chaînes historiques en prime time et constitue de fait un pilier fondamental dans l'équilibre économique des chaînes. La marge brute générée en prime time en 2012 par les séries américaines apparaît, selon les cas, jusqu'à 8,7 fois supérieur à la marge brute du deuxième programme le plus performant. Les éléments versés au dossier montrent qu'en moyenne, sur la période 2011 à 2012, les revenus tirés de la diffusion de séries américaines représentent une partie très significative de la marge brute totale des chaînes en prime time, voire représentent, à eux seuls, un montant de marge brute supérieur à la marge brute totale des chaînes.

267. Il existe donc une très grande disproportion entre la marge bénéficiaire dégagée par les chaînes pour la diffusion de séries américaines et celle d'autres programmes, dont la contribution à la rentabilité des chaînes en prime time est soit nettement moindre, soit négative. Cette disproportion explique qu'une perte des écrans puissants tirés de la diffusion de séries américaine pourrait induire, en l'état de l'économie des chaînes, une marge brute totale négative en prime time.

268. La diffusion des séries permet ainsi aux chaînes, tout en restant globalement rentables, de subventionner l'acquisition et la diffusion de programmes générateurs de pertes mais essentiels pour leur cohérence éditoriale.

269. La contribution des revenus tirés de la diffusion de séries américaines reste moindre pour les nouvelles chaînes de la TNT, en raison notamment de leurs plus faibles capacités d'achat. Les séries américaines constituent néanmoins également un des principaux programmes qui leur permettent de dégager des marges bénéficiaires et, donc, de financer les programmes moins rentables. La qualité des données versées au dossier est toutefois moindre que pour les chaînes historiques privées, toutes les nouvelles chaînes de la TNT n'ayant pas été en mesure de communiquer les marges dégagées par programme.

(ii) L'importance des films EOF pour les chaînes gratuites

270. Les premières fenêtres en clair de films EOF sont principalement diffusées par les chaînes gratuites historiques. Selon les données du CNC, les nouvelles chaînes de la TNT diffusent très peu de film en première fenêtre en clair. Ainsi seuls 7 films inédits EOF ont été diffusés sur les chaînes privées de la TNT en 2012 soit moins de 1 % de leur programmation cinématographique (123). Ce constat s'explique, d'une part, par le coût relativement élevé d'acquisition de droits de diffusion en première fenêtre et, d'autre part, par la distribution des obligations de financement du cinéma français, qui pèsent, pour le secteur de la télévision en clair, quasi-exclusivement sur les chaînes historiques compte tenu du niveau relatif de leurs recettes financières. Le CNC observe ainsi qu'en 2012, 73,8 % des diffusions de films sur les chaînes de la TNT correspondent au minimum à leur quatrième diffusion en clair. De même, les chaînes de la TNT diffusent peu de films en deuxièmes et troisième fenêtre en clair. A titre d'illustration entre 2011 et 2013, le groupe TF1 n'a pas diffusé sur TNC, NT1 et HD1 de film en deuxième et troisième fenêtres en clair qu'il aurait préacheté.

271. En revanche, sur les chaînes historiques, les œuvres françaises réalisent de très bonnes performances. Les données communiquées par le CNC montrent que 60 % des dix meilleures audiences cinématographiques des chaînes historiques gratuites sont atteintes par des films français en 2012.

272. Ainsi, deux films EOF en première fenêtre ont réuni plus de sept millions de téléspectateurs en 2012 : Camping 2 (8,3 millions de téléspectateurs) et La Rafle (7 millions de téléspectateurs) (124), tous deux diffusés sur TF1. Sur France Télévisions, les meilleures audiences de films sont également réalisées par des œuvres françaises diffusées en première fenêtre. Le film français Neuilly sa mère arrive ainsi en deuxième positon parmi les meilleures audiences de France 2 (6 millions de téléspectateurs) et Pièce montée a réalisé la meilleure audience cinématographique sur France 3 (3,7 millions de téléspectateurs).

273. De même, les deuxièmes et troisièmes diffusions en clair de films EOF totalisent des scores d'audience significatifs. En 2012, la chaîne M6 a ainsi réalisé sa seconde meilleure audience cinématographique avec le film Ne le dis à personne (seconde diffusion en clair, 8,7 millions de téléspectateurs soit 21,2 % de part d'audience). De même France 2 a obtenu une part d'audience de 19,1 % avec Camping (troisième diffusion, 8,9 millions de téléspectateurs).

274. Les films EOF diffusés en première fenêtre apparaissent particulièrement importants pour la programmation des chaînes en première partie de soirée (20h-23h). En effet, comme l'avait noté l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 10-DCC-11 (125), c'est sur cette tranche horaire que se concentrent les écrans de forte puissance (i.e., dont le coût GRP est élevé). Or, en 2012 les films inédits français représentent 47 % de la programmation cinématographique de TF1 en première partie de soirée et 28 % de celle de M6 (126). Par ailleurs, plus d'un film inédit sur trois diffusés par les chaînes de France Télévisions en première partie de soirée est français.

275. De plus, il convient de rappeler que les acquisitions de films par les chaînes gratuites sont contraintes par des obligations réglementaires. En application de ces dispositions, les chaînes doivent consacrer à la production d'œuvres cinématographiques 3,2 % de leur chiffre d'affaires net de l'exercice précédent (3,5 % pour France 2 et France 3), dont 2,5 % pour les œuvres EOF (127), si elles diffusent plus de 52 films par an (104 rediffusions maximum). La nature de ces investissements dans la production est liée à leur niveau de développement économique. Ainsi, les chaînes qui réalisent plus de 150 millions d'euros de chiffres d'affaires annuel doivent consacrer l'intégralité de leur contribution aux préachats et aux parts de coproduction. Les chaînes dont le chiffre d'affaires se situe entre 75 millions d'euros et 150 millions d'euros peuvent remplir leurs obligations avec une part plus ou moins importante d'achats de droits. Celles qui réalisent moins de 75 millions d'euros de chiffre d'affaires peuvent ne pas investir dans le préachat et les parts de coproduction.

276. A ces contraintes s'ajoutent les quotas de diffusion imposés aux chaînes, les obligeant à diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques d'expression originale française (128). L'offre de films EOF étant plus importante que celle de films d'origine européenne, les films EOF représentent la grande majorité des diffusions de ces " films de quotas ".

277. Il s'ensuit que si GCP mettait en œuvre un effet de levier limitant l'accès des chaînes en clair aux films EOF attractifs, ces dernières ne pourraient pas, du fait de la réglementation, reporter leurs achats vers des films américains (ou d'autres contenus attractifs) pour maintenir leur audience. Les chaînes concurrentes seraient ainsi contraintes de reporter leurs investissements sur des films moins attractifs, ou ne correspondant pas à leur ligne éditoriale, qu'elles seraient par ailleurs obligées de diffuser pour respecter leur quotas.

278. Compte tenu de ce qui précède, l'impact d'un assèchement même partiel de l'accès des chaînes en clair au préachat des films EOF pour une diffusion en première, en deuxième ou troisième fenêtre en clair serait d'autant plus sensible que ces contenus, incontournables pour les chaînes en raison de leurs obligations légales, constituent un des éléments majeurs de leur programmation et sont susceptibles de générer des audiences importantes.

c) Sur la rareté des programmes concernés par l'effet de levier et l'impact de leur préemption sur la capacité des chaînes en clair à animer la concurrence

(i) Sur les séries et les films américains

279. L'appréciation de l'attractivité d'un programme est un exercice qualitatif difficile et au moins partiellement spéculatif. Les opérateurs interrogés durant l'instruction ont néanmoins indiqué que deux facteurs contribuaient fortement à l'attractivité d'un programme, à savoir sa " fraîcheur " (c'est-à-dire son caractère inédit en clair) et le budget alloué à sa production. A ces facteurs s'ajoutent d'autres caractéristiques, comme le casting ou la qualité éditoriale du programme.

280. En pratique, le nombre de films et de séries à gros budget produites chaque année est limité. De la même manière, la majorité des heures de diffusion de séries américains sur les chaînes gratuites correspond à un nombre limité de séries. Par exemple, sur les chaînes TF1 et M6, la majorité du temps d'antenne (environ 60 %) consacré à ce type de programme est assuré par 4 séries. Les résultats d'une étude de 2012 montrent ainsi qu'au niveau européen, " le nombre d'heures issues de chaque catalogue de distribution équivaut à un petit nombre de programmes à succès. L'année 2011 est ainsi caractérisée par une forte diffusion des séries CSI (Les Experts) et NCIS dans les cases de grande écoute européenne " (129). De la même manière, au niveau national, le CNC a eu l'occasion de constater qu'" en 2011, la fiction réalise 76 des 100 meilleures audiences de la télévision (69 en 2010). La présence des séries américaines dans le classement atteint un nouveau record historique. Il est composé de 72 épisodes de séries américaines - essentiellement issus de trois séries (26 épisodes de Mentalist, 21 épisodes de Dr House, 20 épisodes de Esprits criminels) "(130).

281. Les réponses au test de marché montrent ainsi qu'un petit nombre de séries américaines assurent ainsi environ 60 % des 100 meilleures audiences des chaînes gratuites historiques en 2012 et 2013 en prime time. Ce nombre restreint de programmes contribue cependant à l'essentiel de la marge brute des chaînes historiques en prime time.

282. Compte tenu du nombre restreint de contenus fortement attractifs et générateurs de revenus, les chaînes gratuites historiques utilisent leur capacité d'achat pour garantir leur approvisionnement en concluant des contrats-cadre qui leurs donnent le premier choix ou l'exclusivité de l'offre d'un studio. Ces contrats-cadre constituent donc un élément crucial de la concurrence entre les chaînes pour les meilleures audiences.

283. Dans ces conditions, la mise en œuvre d'un effet de levier par lequel GCP préempterait au bénéfice de ses propres chaînes les premiers choix d'un nombre significatif de séries offertes par les studios en prenant appui sur son pouvoir de marché dans le secteur de la télévision payante serait susceptible de déstabiliser significativement l'équilibre économique des chaînes gratuites (131). Un tel comportement pourrait priver les chaînes gratuites d'un nombre important d'écrans puissants et réduirait d'autant plus fortement leurs revenus qu'elles seraient contraintes de se reporter sur des programmes moins attractifs ou, du moins, moins rentables. Les coûts par GRP étant croissants à la marge, la perte subie en raison du verrouillage des contenus les plus attractifs serait, de fait, particulièrement importante.

284. En ce qui concerne les nouvelles chaînes de la TNT, les données recueillies dans le cadre du test de marché montrent que, outre les programmes de divertissement, ce sont les films de catalogue qui leur permettent de réaliser leurs meilleures audiences (entre 20 et 50 % des 100 meilleures audiences). Ces chaînes seront, par conséquent, davantage impactées par les effets verticaux de l'opération. Néanmoins, si les effets congloméraux de l'opération se matérialisent par la mise en œuvre d'un effet de levier favorisant la nouvelle entité, compte tenu de la faible croissance du marché de la publicité depuis 2008 l'accroissement des revenus publicitaires des chaînes D8 et D17 affectera en premier lieu les nouvelles chaînes de la TNT qui se situent aujourd'hui dans le même environnement concurrentiel que les chaînes qui font l'objet de l'acquisition (132).

(ii) Sur les films EOF

285. Afin de maximiser les investissements qu'elles réalisent dans le cadre de leurs obligations, les chaînes financent en priorité les films EOF aux devis élevés, dont on peut anticiper, comme l'observe la partie notifiante (133), qu'il s'agira de films attractifs, capables de générer une audience importante lors de leur diffusion en clair. Les chaînes gratuites historiques privées focalisent ainsi leurs préachats sur la petite minorité de films français à gros budget (supérieur à 10 millions d'euros) produits chaque année. Le CNC observe que le devis moyen des films dans lesquels TF1 et M6 ont investi en 2012 s'élève respectivement à 13,1 et 15,6 millions d'euros (134). Or, si le nombre annuel de films EOF en quête de financement est important (209 en 2012), les œuvres dont le devis est supérieur à 10 millions d'euros sont relativement peu nombreuses et représentent une petite minorité de la production annuelle, comme l'illustre le tableau suivant :

Films EOF produits durant la période 2009-2012 par tranches de devis

<Emplacement tableau>

286. La mise en œuvre d'un effet de levier par la nouvelle entité priverait ainsi les chaînes gratuites de la possibilité de préacheter les droits de diffusion des films EOF les plus attractifs. Les chaînes gratuites concurrentes, contraintes de préacheter des films EOF, n'auraient pas d'autre choix que de reporter leurs investissements vers des films au devis plus modeste moins susceptibles de générer de fortes audiences sur des grilles de programmes destinés au grand public.

287. Compte tenu de l'importance des films EOF dans la programmation des chaînes en clair, aussi bien en première fenêtre qu'en deuxième et troisième fenêtres de diffusion en clair, notamment en première partie de soirée, si leur attractivité diminue, le GRP des écrans publicitaires correspondants devrait également décroître. Cet effet sera d'autant plus significatif pour les chaînes de télévision gratuite que le prix du point de GRP est croissant à la marge : plus l'écran concerné est puissant, plus la perte d'un point de GRP est coûteuse pour les chaînes. Dès lors, comme en matière de séries, si GCP préempte par effet de levier les droits de diffusion de films inédits attractifs, il dégradera l'audience de certains des écrans puissants des chaînes gratuites, diminuant d'autant plus fortement leurs recettes publicitaires. Par conséquent, la contribution des autres chaînes en clair au cinéma français ainsi que leur capacité à proposer aux téléspectateurs des contenus attractifs et différenciants sera affectée.

c) Sur les conséquences de l'augmentation des audiences de D8 et D17 depuis la réalisation de l'opération pour l'analyse des effets concurrentiels

288. Dans leurs réponses au test de marché, les chaînes gratuites concurrentes se prévalent de l'augmentation de l'audience de D8 et D17 pour conclure à l'aggravation des effets anticoncurrentiels de l'opération. Ainsi, les groupes TF1 et M6 font état de baisses de l'audience moyenne de leurs chaînes de la TNT ainsi que de leur chiffre d'affaires publicitaires depuis la réalisation de l'opération. De la même manière, la part d'audience de la chaîne NRJ12 a légèrement reculé en 2013, le groupe NRJ faisant également état d'une hausse des prix des films et des séries qui le désavantage dans la concurrence face aux chaînes adossées à de grands groupes audiovisuels.

289. Tous ces opérateurs imputent au moins une partie de leurs difficultés à la réalisation de l'opération. Ils font ainsi valoir que l'augmentation des audiences de D8 lui aurait permis de doubler son chiffre d'affaires publicitaire, au détriment de ses concurrents. Ils font également état de reports d'investissements d'annonceurs vers D8 au détriment des autres chaînes de la TNT et voient un lien de causalité entre la baisse de la rentabilité de leurs chaînes et l'augmentation des audiences et des recettes de D8.

290. Selon ces répondants, cette situation constitue un facteur d'aggravation des effets anticoncurrentiels de l'opération. En effet, selon eux, la mise en œuvre à venir des effets de levier permis par l'acquisition de D8 et D17 par GCP risquerait d'amplifier significativement la dégradation de leur rentabilité, obérant plus fortement leur capacité à animer la concurrence que l'Autorité ne l'avait initialement envisagé dans la décision annulée.

291. Il convient en effet de tenir compte de l'évolution des conditions de marché depuis la décision annulée pour apprécier les effets de l'opération. Toutefois, pour cette appréciation, il est d'abord nécessaire de distinguer les conséquences de l'opération et l'évolution des conditions de marché qui sont sans rapport avec celle-ci. Il est ensuite nécessaire de distinguer les effets de la concentration selon qu'ils résultent d'un accroissement de la concurrence ou d'une entrave à celle-ci.

292. En premier lieu, comme indiqué dans les développements consacrés à la présentation du secteur de la télévision gratuite, deux caractéristiques du marché ont évolué depuis la décision annulée. La première est l'augmentation sensible du nombre de chaînes, avec six nouvelles chaînes apparues fin 2012, à savoir 6TER (Métropole Télévision), HD1 (TF1), Numéro 23, Equipe 21, RMC Découverte et Chérie 25 (groupe NRJ). Cette augmentation a permis d'accroitre l'offre d'espaces publicitaires télévisuels. La deuxième évolution notable de marché consiste dans la diminution globale des recettes sur le marché de la publicité télévisée. Selon les données communiquées par le CSA et les principaux groupes de télévision, les investissements réalisés par les annonceurs sur le marché de la publicité télévisée ont diminué de 4,5% en 2012 puis d'environ 5 % en 2013.

293. La répartition de ces recettes est la suivante :

Evolution des parts de marché publicitaire nettes en télévision

<Emplacement graphique>

294. Ainsi, on observe que la proportion des investissements alloués aux chaînes de la TNT augmente significativement depuis le lancement initial de la TNT en 2005. Parmi les chaînes gratuites historiques, le CSA observe que, " si la part de marché de 50 % détenue par TF1 en 2005 a perdu environ un point chaque année pour atteindre 42% en 2012, celle de M6 s'est maintenue à 19 %. France Télévisions, qui disposait d'une part de marché de 24 % en 2005, en détenait 12 % en 2012, soit une diminution de moitié " (135).

295. Conformément aux constatations des chaînes concurrentes, la part d'audience de D8 a augmenté en 2013 de 0,9 % pour atteindre 3,2 %, ce qui place la chaîne devant NRJ12 (2,2 %) et W9 (2,9 %), même si le CSA constate que la croissance de l'audience de D8 s'est ralentie entre fin 2013 et début 2014. D8 a également vu son chiffre d'affaires progresser en générant [...] d'euros de revenus publicitaires en 2012.

296. Il s'en déduit que si l'amélioration de la performance de D8 et D17 est avérée, les conditions de marché sont également caractérisée par l'accroissement significatif du nombre de chaînes et la baisse généralisée des revenus publicitaires. Les difficultés économiques des chaînes de la TNT adossées à TF1 et M6 ne peuvent donc pas être imputées à la seule réalisation de l'opération. Comme le reconnait le groupe Métropole Télévision, " dans ce contexte concurrentiel élargi à 24 chaînes gratuites, où les coûts des programmes se renchérissent, [la tendance générale à la baisse des revenus publicitaires] entraine mécaniquement une baisse de la rentabilité des programmes sur la télévision gratuite " (136).

297. En second lieu, l'augmentation de la performance de D8 en 2012 et 2013 est principalement due à la diffusion de programmes de flux, tels que La nouvelle Star et Touche pas à mon Poste. Ce type de programmes, qui ont réalisé la majorité des meilleures audiences de la chaîne en 2013, représentent plus de la moitié du volume annuel de programmes diffusés sur D8 en 2012 et 2013. L'amélioration de la performance de D8 est donc imputable aux choix éditoriaux et aux acquisitions effectuées par la nouvelle entité portant sur des programmes pour lesquels GCP ne jouit d'aucun pouvoir de marché. Les éventuels reports d'investissement des annonceurs au détriment des autres chaînes de la TNT ne résultent donc d'aucun effet anticoncurrentiel. Au contraire, le seul adossement de D8 et D17 à un groupe audiovisuel capable d'en accroitre les capacités d'acquisition contribue à renforcer la pression concurrentielle que ces chaînes exercent sur les autres chaînes gratuites.

298. Les concurrents de la nouvelle entité soutiennent toutefois que, compte tenu de ce contexte économique dégradé depuis deux ans, lorsque la nouvelle entité sera en mesure de mettre en œuvre des effets de levier, ceux-ci porteront d'autant plus atteinte à la concurrence.

299. Ce raisonnement n'est cependant pas fondé. En effet, les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relèvent que les concentrations conglomérales " peuvent (...) produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents " (137). Les effets anticoncurrentiels qu'entraîne la présente opération découlent donc d'effets de verrouillage et d'éviction qui résulteraient d'acquisitions couplées par GCP. En revanche, les choix éditoriaux et les acquisitions non-couplées de D8 restent parfaitement réplicables par ses concurrents et ne constituent, ni ne renforcent les éventuels effets restrictifs de l'opération. Il appartient donc aux concurrents de la nouvelle entité de répondre à l'amélioration de la compétitivité des chaînes cibles en adaptant leur offre.

300. Or, le groupe TF1 reconnaît qu'il n'est actuellement pas incité à proposer sur ses chaînes de la TNT des programmes compétitifs face à ceux diffusés sur D8, puisque procéder de la sorte risquerait de diminuer les audiences de sa chaîne historique, TF1. L'opérateur rappelle ainsi qu'" à la différence de GCP, le groupe TF1 n'est pas incité à surinvestir dans les coûts de programmes de ses chaînes de la TNT, risquant de faire de celles-ci des chaînes de combat, qui viendraient directement concurrencer la chaîne TF1, en compromettant durablement et définitivement son équilibre économique fondé sur un investissement important en programmes inédits très coûteux, monétisés par leurs sur-performances " (138).

301. Toutefois, les inconvénients pour le groupe TF1 d'un accroissement de la concurrence qu'il subit de la part des chaînes de la TNT ne saurait constituer un facteur aggravant des effets de la présente opération. Au contraire, il incombe à l'Autorité de préserver la pression concurrentielle accrue à laquelle font face les autres chaînes gratuites depuis la réalisation de l'opération.

302. Les effets restrictifs de l'opération doivent donc être appréciés au regard des seuls risques d'atteinte à la concurrence qu'elle entraîne et qui sont liés à la détention par GCP d'un pouvoir de marché sur des marchés connexes ou verticalement liés à ceux sur lesquels interviennent les chaînes cible. La seule augmentation des audiences de D8 en l'absence de toute exploitation conglomérale ou verticale du pouvoir de marché de GCP et de tout effet dit de " spirale " ne peut donc conduire à modifier l'appréciation des effets anticoncurrentiels de l'opération.

C. EFFETS VERTICAUX

303. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents, ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

304. En l'espèce, au regard des activités exercées par les parties, l'opération est susceptible d'entrainer un effet de verrouillage sur les marchés de droits de films de catalogue. La concentration renforce en effet la position de GCP en tant qu'acheteur sur les marchés de la vente de droits de films de catalogue, sur lesquels il était, préalablement à l'opération, uniquement actif au titre de ses activités de télévision payante. Dans la mesure où StudioCanal, filiale de GCP, est un des principaux vendeurs de droits de films de catalogue, la nouvelle entité peut désormais restreindre l'accès à ce type de droits pour privilégier ses chaînes en clair au détriment des opérateurs concurrents de télévision gratuite, en particulier des nouvelles chaînes de la TNT non adossées à un groupe audiovisuel historique (1).

305. Par ailleurs, GCP contrôlant aujourd'hui plusieurs compétitions pouvant comporter des évènements sportifs d'importance majeure qu'il doit rétrocéder aux chaînes gratuites faute de pouvoir en assurer la diffusion en clair (139), l'intégration de chaînes gratuites aux activités du groupe met GCP en mesure de diffuser ces contenus sur ses propres chaînes, en préemptant toute possibilité pour les autres chaînes gratuites d'y accéder (2).

306. Enfin, il convient d'examiner si l'établissement de liens capitalistiques entre les groupes Vivendi et Bolloré confèrent à la nouvelle entité de bénéficier un accès privilégié à la ressource publicitaire par le biais de Canal+ Régie voire les agences média contrôlées par le groupe Bolloré (3).

1. EFFETS VERTICAUX S'AGISSANT DES FILMS DE CATALOGUE

307. Conformément à la pratique décisionnelle, la probabilité que l'opération fausse le jeu de la concurrence par des effets verticaux dépend de la capacité de GCP à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de films de catalogue (a), de l'incitation du groupe à mettre en œuvre une telle stratégie (b) et des effets de cette stratégie sur les marchés en cause (c) (140).

a) Sur la capacité des parties à verrouiller les achats de films de catalogue

(i) Position des parties

308. La faisabilité et l'intérêt pour GCP d'une stratégie visant à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de diffusion des films de catalogue qu'il détient dépendent en premier lieu de sa maîtrise de l'accès à ces droits. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe le risque que le renforcement vertical causé par une opération de concentration entraîne un effet de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 % (141). Il convient donc au cas d'espèce d'analyser la position que détiendra GCP après l'opération sur les marchés des droits des films de catalogue aussi bien à l'amont, du côté de l'offre de droits, qu'à l'aval, du côté de la demande.

Du côté de l'offre

309. GCP commercialise des droits de diffusion de films de catalogue par le biais de sa filiale StudioCanal. Cette dernière détient un portefeuille de [...] œuvres cinématographiques dont l'origine est présentée dans le tableau suivant (142) :

Composition du catalogue de StudioCanal

<Emplacement Tableau>

310. La partie notifiante observe que la collection d'œuvres présente au catalogue de StudioCanal est relativement ancienne puisque [70-80] % des titres concernés ont plus de 15 ans.

* Position s'agissant du stock de films disponibles

311. StudioCanal est en France le leader de la distribution de films de catalogue toutes origines confondues. Sa part de marché en volume (nombre de films en portefeuille), ainsi que celle de ses principaux concurrents, sont présentées dans le tableau suivant pour les années 2010 à 2012 :

<Emplacement Tableau>

<Emplacement Tableau>

312. Sur le marché des films de catalogue EOF et européens, StudioCanal détient [...] œuvres cinématographiques, soit environ [40-50] % du nombre des films dits " de quotas " susceptibles d'être achetés par les chaînes auprès des détenteurs de droits français. Ses premiers concurrents, notamment les groupes Gaumont et Pathé, détiennent des portefeuilles de droits beaucoup plus étroits, représentant chacun à peine 10 % des films de quotas disponibles (143). Ainsi, même si les chaînes en clair peuvent, en cas de verrouillage de l'accès au catalogue de StudioCanal, s'adresser à des fournisseurs alternatifs, ces derniers n'apparaissent pas en mesure de proposer une offre d'une profondeur équivalente à celle de GCP.

313. Le portefeuille de droits détenu par StudioCanal se distingue également par l'attractivité des films concernés, en particulier pour les nouvelles chaînes de la TNT. Selon les estimations versées au dossier, [20-30] % des films français diffusés en prime time sur les chaînes gratuites des groupes TF1, M6, France Télévision, NRJ et Lagardère Active TV étaient des films de StudioCanal. [20-30] % des films diffusés tous quotas confondus en prime time sur ces mêmes chaînes provenaient également du portefeuille de StudioCanal.

* Position s'agissant du chiffre d'affaires annuel réalisé sur le marché

314. Les éléments au dossier montrent que le chiffre d'affaires global généré par la vente de droits de films de catalogue, toutes origines confondues, était de l'ordre de 250 millions d'euros en 2012. StudioCanal a réalisé un chiffre d'affaires de [...] d'euros (144), ce qui représente [20-30] % de la valeur totale des ventes de droits de films de catalogue toutes origines confondues en 2012.

315. S'agissant des droits portant sur des films de catalogue EOF en 2012, le chiffre d'affaires total peut être estimé à 110 millions d'euros (145), dont [...] d'euros146 pour StudioCanal, soit [20-30] %. StudioCanal, qui commercialise l'ensemble des droits de films qu'il détient auprès d'un grand nombre de chaînes diffusées en France, réalise en 2012 près de [80-90] % de son chiffre d'affaires auprès des opérateurs de la télévision gratuite. Le tableau suivant décrit la répartition de son chiffre d'affaires réalisé auprès de ses différents clients :

Part des différents groupes audiovisuels dans l'ensemble des ventes de droits catalogue de StudioCanal

<Emplacement Tableau>

316. GCP, comme D8 et D17, est un acheteur de droits de diffusion pour les chaînes qu'il édite. Un grand nombre de chaînes concurrentes, payantes ou non, spécialisées ou généralistes, acquièrent également des droits portant sur des films de catalogue.

317. En 2012, GCP a dépensé [...] d'euros pour l'achat de films de catalogue toutes origines confondues. Le volume d'achat global pouvant être estimé à 250 millions d'euros selon les données recueillies au cours de l'enquête, les parties notifiantes représente [10-20] % du marché. Les investissements des chaînes cibles s'élèvent pour leur part à [...] d'euros en 2012, soit une part de marché de [0-5] %. La position du nouvel ensemble reste inférieure à celle détenue par les groupes TF1 et France Télévisions.

318. Sur le marché plus étroit de l'acquisition de droits relatifs aux films de catalogue EOF, les acquisitions de GCP s'élèvent à [...] d'euros en 2012. Le marché total étant estimé à 110 millions d'euros, GCP représente [10-20] % de la valeur des achats. D8 et D17 ont pour leur part investi [...] d'euros pour l'achat de droits de films de catalogue EOF, soit une part de marché de [0-5] %. Le nouvel ensemble représente donc [10-20] % des achats, et reste inférieur aux groupes TF1 et France Télévisions, dont la position à l'achat est comprise entre 20 % et 30 %.

Conclusion sur la position des parties

319. Même si le nouvel ensemble dispose de parts de marché inférieures à 30 % en valeur sur les marchés des droits de films de catalogue à l'issue de l'opération, aussi bien du côté de l'offre que du côté de la demande, le portefeuille de StudioCanal reste le plus important du marché pour les droits de films EOF. StudioCanal détient ainsi [40-50] % des films " de quotas ".

320. Or les films de catalogue EOF représentent un intrant incontournable pour l'édition des chaînes en clair dans la mesure où, en application de l'article 7 du décret n° 90-66 (147) celles-ci sont dans l'obligation de diffuser au moins 60 % d'œuvres cinématographiques d'origine européenne, dont 40 % d'œuvres cinématographiques EOF. Compte tenu de ces contraintes réglementaires, le risque d'effet vertical concernant cette catégorie de droits ne peut être exclu. En revanche, tout risque d'atteinte à la concurrence par le biais d'un verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue d'origine autre que française peut être écarté.

(ii) Caractéristiques du marché permettant la mise en œuvre d'un effet de verrouillage

321. Selon les informations fournies par la partie notifiante, StudioCanal cède les droits qu'il détient aux chaînes gratuites selon un processus de négociation de gré à gré, film par film, ce qui correspond à une pratique généralisée du secteur.

322. En pratique, StudioCanal adresse aux chaînes des listes de films (ou " packages ") à plusieurs moments dans l'année et celles-ci font alors connaître leur demande pour tel ou tel film. Une négociation a alors lieu entre StudioCanal et la chaîne sur le tarif et les modalités de cession des droits du film en question. StudioCanal arbitre en fonction des préférences de chacun de ses clients pour obtenir un ensemble de listes qui conviennent à chacun d'entre eux. Parallèlement, certains films peuvent être achetés à l'unité (ce cas de figure concerne principalement les chaînes gratuites historiques) (148).

323. Il ressort de l'instruction que ce mécanisme de vente, fondé sur des listes adaptées à la ligne éditoriale et à la propension à payer de chaque chaîne, tend à privilégier les opérateurs les plus puissants au détriment des nouveaux entrants indépendants. Les listes sont en effet d'abord proposées aux chaînes gratuites historiques puis aux nouvelles chaînes de la TNT, les disponibilités des films s'amenuisant au fil des achats des premiers acheteurs sollicités. Par conséquent, les nouveaux entrants de la télévision gratuite qui ne sont pas adossés à un grand groupe audiovisuel ne peuvent obtenir que des listes qui sont adaptées par le vendeur à leur capacité de paiement et, en tout état de cause, ne peuvent acheter les droits devenus indisponibles en raison des acquisitions des grands groupes.

324. Les films sont achetés pour une durée qui va de six mois à deux ans. Les films les plus attractifs ne sont généralement pas reproposés immédiatement à la vente pour préserver une certaine durée entre deux diffusions. Pendant ce délai, les films concernés ne sont plus mis en vente afin de conserver un certain degré de rareté ce qui permet de maintenir leur valeur. Celle-ci est en effet susceptible de diminuer lorsqu'un film est diffusé un grand nombre de fois à la télévision sur de courtes périodes, ce qui entraîne une " usure " du film en termes de potentiel d'audience.

325. En outre, les groupes audiovisuels détenant plusieurs chaînes, tels que TF1, M6 ou France Télévisions, demandent à StudioCanal une négociation groupée pour l'ensemble de leurs chaînes (y compris payantes).

326. La demande des chaînes varie en fonction de leur politique éditoriale. De même, les prix d'acquisition des films varient en fonction des chaînes, c'est-à-dire en fonction de l'audience, de l'exposition et la promotion du film. Par conséquent certains films attractifs, dont les prix peuvent être élevés, sont, en pratique, fréquemment achetés par les chaînes gratuites historiques dont les budgets sont moins contraints que ceux des nouvelles chaînes de la TNT.

(iii) Capacité des concurrents des parties à contrer un verrouillage des achats de films de catalogue

327. L'instruction a montré qu'une partie significative des droits de films de catalogue détenus par StudioCanal ne pourrait pas faire l'objet d'un verrouillage au bénéfice de D8 et D17. En effet, les préachats de droits de diffusion en clair par les groupes historiques de la télévision gratuite sont généralement assortis de droits de priorité et/ou de préemption, en application desquels ils disposent d'une option prioritaire d'achat de droits ultérieurs de diffusion voire la la possibilité de préempter toute acquisition par une chaîne tierce.

328. L'Autorité de la concurrence a déjà eu l'occasion de relever que les chaînes qui disposent des droits de diffusion inédits en clair " restreignent l'accès à ce marché par plusieurs moyens dont certains ont été reconduits à l'occasion de la conclusion des derniers accords interprofessionnels avec les syndicats de producteurs : (...) droit de premier et de dernier refus : le producteur est tenu d'informer la chaîne de son intention de céder les droits portant sur l'œuvre dont elle a été coproductrice ou qu'elle a pré-achetée. Cette dernière a un certain délai pour faire valoir son droit de premier refus par lequel le producteur s'engage à négocier exclusivement avec elle. En cas d'échec de la négociation, le producteur est tout de même tenu d'informer la chaîne de l'existence d'une offre faite à un tiers. Si la chaîne fait valoir son droit de dernier refus dans un certain délai et propose un prix égal à celui demandé par le producteur au tiers, le producteur est alors tenu de lui céder les droits. Ce refus peut cependant dans certains cas être exercé en contrepartie d'une " simple " compensation (...) " (149).

329. Les parties notifiantes font ainsi état de multiples préemptions exercées par les groupes TF1 et France Télévisions ayant bloqué leur accès à plusieurs films dont elles envisageaient d'acquérir un droit de diffusion pour D8.

330. En pratique, parmi les [...] films coproduits par StudioCanal entre 2008 et 2012, [...] ont été coproduits par une chaîne gratuite historique et comportent un droit de préemption ou une option prioritaire au bénéfice de cette même chaîne. De plus, GCP indique que, parmi les [...] films coproduits depuis 1987 (année de la privatisation de la chaîne TF1 et de la création de la chaîne M6) et figurant au catalogue de StudioCanal, plus de [...] font l'objet d'une clause de préemption par les chaînes historiques, soit [50-60] % du total.

331. Les données obtenues dans le cadre du test de marché montrent que les chaînes historiques en clair et leurs filiales font en moyenne usage de leur droit de préemption dans environ 50 % des cas.

332. Compte tenu de ces éléments, la capacité de la partie notifiante à mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue EOF apparaît fortement limitée par les droits de préemption que possèdent les chaînes coproductrices. Toutefois, ces droits concernent principalement les chaînes gratuites historiques qui représentent la grande majorité de l'investissement des chaînes en clair dans la production cinématographique. Ainsi, sur les 209 films EOF produits en 2012, 96 ont été préachetés par une ou plusieurs chaînes en clair dont 75 par les chaînes historiques et seulement 21 par les nouvelles chaînes de la TNT. Les nouvelles chaînes de la TNT ont ainsi représenté 2,9 % de l'investissement total des chaînes gratuites dans la production française en 2012 (150).

333. Il s'ensuit que ces chaînes, qui ne contribuent pas à ce jour significativement à la production cinématographique, ne jouissent par définition que d'un nombre très marginal de droits de préemption. GCP est donc capable de verrouiller l'accès des nouvelles chaînes de la TNT au portefeuille de films de StudioCanal.

b) Sur l'incitation des parties à verrouiller les achats de films de catalogue

334. Un verrouillage de l'accès aux droits de films de catalogue EOF de StudioCanal pourrait permettre à GCP d'augmenter l'attractivité relative de D8 et D17 en appauvrissant la programmation cinématographique des chaînes concurrentes. Compte tenu des quotas obligatoires de diffusion de films européens en EOF imposés par la réglementation (151), les opérateurs concurrents ne pourraient pas reporter leurs achats vers des films américains (ou autres) pour maintenir l'attractivité de leur chaîne, en cas de verrouillage. En améliorant ainsi l'audience de D8 et D17 au détriment de ses concurrents, la nouvelle entité augmenterait ses recettes publicitaires, selon le mécanisme décrit plus haut s'agissant des effets congloméraux.

335. Toutefois, en verrouillant l'accès à ses droits de films de catalogue EOF, GCP se priverait d'une part substantielle des revenus de StudioCanal. Les chaînes en clair sont en effet les premiers acheteurs de ce type de droit dont les ventes ont représenté [...] d'euros de recettes pour GCP en 2012. Une stratégie consistant à restreindre l'accès aux droits sans en verrouiller totalement l'accès pourrait également conduire à des pertes similaires pour la nouvelle entité, les opérateurs en clair étant susceptibles de faire valoir leur contrepouvoir en reportant l'intégralité de leurs achats vers d'autres détenteurs de catalogue. Ceci est d'autant plus vraisemblable que certains d'entre eux disposent également d'un portefeuille de droits de films de catalogue. Par conséquent, même si la stratégie de verrouillage envisagée permettait à la nouvelle entité d'augmenter les recettes publicitaires de D8, il paraît peu probable que cette augmentation compense la baisse de chiffre d'affaires que subirait StudioCanal, compte tenu du poids financier des chaînes en clair concurrentes. GCP ne serait donc pas incité à adopter une stratégie généralisée de verrouillage.

336. Les incitations de StudioCanal s'avèrent en revanche différentes vis-à-vis des nouvelles chaînes de la TNT, non adossées à de grands groupes audiovisuels, dont le positionnement concurrentiel est plus proche des chaînes D8 et D17 que les chaînes gratuites historiques. Alors que celles-ci sont très dépendantes des films de catalogue pour la composition de leurs grilles, les nouvelles chaînes de la TNT représentent moins de 10 % des débouchés totaux du marché des films de catalogue (152). Les chaînes généralistes indépendantes de la TNT représentaient avant l'opération environ [10-20] % des recettes de StudioCanal, proportion qui s'est réduite à moins de [0-5] % à l'issue de l'opération. Il s'ensuit que l'éviction de chaînes de ce type, en particulier NRJ12, par le verrouillage de l'accès au portefeuille de films EOF de StudioCanal améliorerait l'audience relative de D8 et D17 par comparaison à ses plus proches concurrents, sans pour autant représenter une perte de revenus particulièrement significative pour GCP. La mise en œuvre d'une telle stratégie vis-à-vis des dernières chaînes de la TNT apparues fin 2012 est également d'autant plus vraisemblable qu'elle n'entraînerait pas de perte pour StudioCanal.

337. Il s'ensuit que GCP sera incité, à l'issue de l'opération, à verrouiller l'accès des nouvelles chaînes indépendantes de la TNT au portefeuille de droits de StudioCanal.

c) Sur l'impact d'un verrouillage des achats de films de catalogue

338. Compte tenu des développements précédents, il n'y a pas lieu de retenir un risque de verrouillage vis-à-vis des grands groupes historiques de télévision gratuite. Tel n'est en revanche pas le cas pour les nouvelles chaînes indépendantes de la TNT, pour lesquelles ce risque ne peut pas être exclu.

339. Or, le verrouillage de l'accès à des intrants est susceptible de porter atteinte à la concurrence, même s'il ne concerne que des entreprises qui ne représentent qu'une petite partie du marché, dès lors que ces dernières animent effectivement la concurrence. A l'instar de la Commission européenne, il convient de considérer qu'" un verrouillage anticoncurrentiel du marché peut se produire lorsqu'une concentration verticale permet aux parties à la concentration d'augmenter les coûts de leurs concurrents situés en aval, exerçant ainsi une pression à la hausse sur leurs prix de vente. Pour que l'on puisse parler d'atteinte significative à la concurrence effective, il faut normalement que les sociétés évincées jouent un rôle suffisamment important dans le jeu de la concurrence sur le marché situé en aval. (...) Bien que ne disposant que d'une part de marché relativement limitée par rapport aux autres acteurs, une société déterminée peut jouer un rôle important dans le jeu de la concurrence par rapport à ces derniers, par exemple parce qu'elle est un concurrent proche de la société verticalement intégrée ou un concurrent particulièrement agressif " (153).

340. StudioCanal est l'un des principaux vendeurs de droits de films catalogue de quotas auprès des chaînes gratuites. Ceci est particulièrement vrai pour les chaînes de la TNT, pour lesquelles StudioCanal figure actuellement au [1-3]ème rang des fournisseurs en films de catalogue EOF des chaînes généralistes. En outre, comme mentionné plus haut, le portefeuille de droits de films de catalogue EOF détenu par StudioCanal se distingue par l'attractivité des films concernés.

341. Par ailleurs, les données fournies par trois nouvelles chaînes généralistes de la TNT permettent de constater qu'elles ont respectivement consacré entre 20 et près de 30 % du total de leurs achats de droits de diffusion de films de catalogue EOF et européens au portefeuille de StudioCanal.

342. Il convient certes de noter que si les films de catalogue permettent de fédérer des audiences importantes pour les chaînes de la TNT, ce sont les films de catalogue américains qui, à ce jour, permettent de réaliser les meilleurs scores. En effet, les films de catalogue ayant réalisé, entre 2011 et 2013, les 20 meilleures audiences sur chacune des chaînes en clair, et donc les plus rémunérateurs en termes de recettes publicitaires, sont très majoritairement des films américains et non français. Selon un rapport du CNC, sur les dix meilleures audiences réalisées sur les nouvelles chaînes de la TNT en première partie de soirée en 2012, seuls 1,5 ont été réalisées en moyenne par des films français (154).

343. Il n'en reste pas moins que les contraintes réglementaires de diffusion qui pèsent sur les chaînes font qu'en cas de verrouillage, celles-ci ne pourraient pas se reporter sur des films étrangers, une partie significative de leur programmation devant comporter des films EOF et européens, segment sur lequel StudioCanal dispose d'une position importante.

344. Or le positionnement concurrentiel de D8 est très proche de celui des autres nouvelles chaînes généralistes de la TNT, et notamment de NRJ12, autre chaîne non-adossée à un groupe historique. Jouissant toutes deux du statut de chaînes généralistes, ces chaînes avaient avant l'opération un coût de grille comparable ([...] d'euros pour Direct 8 et [30-40] pour NRJ12). L'opération a modifié ce paysage concurrentiel : D8 se place désormais parmi les premières chaînes de la TNT, et tout facteur tendant à différencier D8 de ses concurrents les plus proches, à savoir les chaînes TMC, NT1, W9 et NRJ12, sera susceptible de renforcer la position de GCP en matière de télévision gratuite. Cette différenciation pourrait ainsi se fonder sur un verrouillage des films de catalogue EOF de StudioCanal, cette stratégie aboutissant à l'amélioration de la qualité relative des contenus de D8 au détriment de ses concurrents les plus proches.

345. Notamment, NRJ12 et Chérie25, chaînes du groupe NRJ, et Numéro 23 figurent parmi les chaînes généralistes de la TNT non-adossées à l'un des principaux groupes audiovisuels français. Alors que NRJ12 était parvenue à un équilibre économique en 2012, elle apparaît particulièrement vulnérable à tout effet de verrouillage. De la même manière, le statut de nouvel entrant de Chérie21 et Numéro 23 les placer dans une position particulièrement défavorable vis-à-vis d'un fournisseur majeur récemment intégré en aval et souhaitant y conquérir des parts de marché.

346. Compte tenu de ce qui précède, la mise en œuvre par GCP d'une stratégie de verrouillage verticale pourrait avoir un impact significatif sur l'audience des nouvelles chaînes indépendantes de la TNT. D'après les données communiquées par les chaînes au cours de l'instruction, les contenus cinématographiques représentent en effet entre 30 et 60 % des 100 meilleures audiences réalisées par les chaînes de la TNT en 2012. Les œuvres cinématographiques permettent par ailleurs de " sur-performer " significativement l'audience globale réalisée par ces chaînes. Certaines chaînes de la TNT réalisent ainsi [0,5-1] point d'audience supplémentaire, par rapport à leur audience moyenne, lorsqu'elles diffusent des films de catalogue EOF. Or, selon les informations recueillies au cours de l'enquête, la perte d'un dixième de point d'audience annuelle pour une nouvelle chaîne de la TNT généraliste peut conduire à une diminution de son chiffre d'affaires comprise en 2 et 4 millions d'euros. Par conséquent, la mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage verticale par GCP, privant les chaînes indépendantes de la TNT d'un accès aux films de catalogue EOF de StudioCanal, aurait un impact significatif sur leurs ressources publicitaires.

2. EFFETS VERTICAUX S'AGISSANT DES ÉVÈNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

347. Comme pour ce qui concerne les films de catalogue, la probabilité que l'opération fausse le jeu de la concurrence par des effets verticaux dépend de la capacité de GCP à restreindre l'accès de ses concurrents aux droits de diffusion d'évènements sportifs d'importance majeure (a), de l'incitation du groupe à mettre en œuvre une telle stratégie (b) et des effets de cette stratégie sur les marchés en cause (c).

a) Sur la capacité des parties à verrouiller les achats de droits relatifs aux évènements sportifs

(i) Position de GCP et caractéristique des marchés relatifs aux droits sportifs

348. GCP dispose d'une position prépondérante sur un grand nombre de marchés d'acquisition de droits sportifs. La position de GCP est particulièrement importante en matière de football, notamment pour les droits du championnat français de Ligue 1 et pour les championnats étrangers attractifs.

349. S'agissant des droits de la Ligue 1, GCP dispose d'une position très significative pour les périodes 2008-2012 et 2012-2016, sans que l'entrée de nouveaux acteurs (Orange, désormais sorti du marché, et Al Jazeera) ait fait baisser sa part de marché en dessous de 70 %, comme le montre le tableau suivant.

<Emplacement Tableau>

350. S'agissant des droits des championnats étrangers attractifs, GCP a totalisé en moyenne [90-100] % des acquisitions de droits relatifs aux championnats étrangers attractifs pour la période 2006 à 2012, contre [10-20] % pour Orange. L'entrée d'Al Jazeera sur ce marché a modifié cette position, avec [60-70] % de parts de marché pour GCP en valeur (155) (les droits relatifs à la diffusion en France du championnat anglais on été acquis par GCP en 2013, postérieurement à la réalisation de l'opération).

351. En ce qui concerne les droits pour les autres compétitions de football à caractère régulier qui ont lieu chaque année et auxquelles participent des clubs français, la part de marché de GCP, quoique significative, est inférieure ([30-40] %).

352. Les caractéristiques du marché conduisent cependant à écarter le risque d'effet vertical lié à l'acquisition de D8 et D17 pour les droits de la Ligue 1 et des championnats étrangers attractifs. En effet, GCP n'a juridiquement pas la possibilité d'exploiter les droits concédés par la Ligue de Football Professionnel (" LFP ") pour la diffusion des matches de la Ligue 1 sur D8 ou D17. En effet, GCP s'est engagé dans l'offre qu'a acceptée la LFP, en réponse à l'appel à candidatures pour la Ligue 1, à n'exploiter les lots acquis que sur les chaînes " Canal+ Premium et/ou Canal+ Sport du Service Désigné Canal+ ". Les contrats avec les ayants-droits des championnats étrangers attractifs comportent des clauses analogues.

(ii) Position de GCP et caractéristique des marchés relatifs aux évènements d'importance majeure

353. GCP est également présent sur le marché des droits des évènements d'importance majeure. Comme il a été indiqué plus haut, les évènements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité par le détenteur de leurs droits d'une manière qui aboutisse à priver une part importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre (156). Une compétition peut être classée comme étant d'importance majeure dans son intégralité (comme les Jeux Olympiques) ou seulement pour ses tours d'ouverture et finaux (demi-finale et finale), ou seulement la finale si l'équipe de France y participe (comme le championnat du monde de handball, par exemple).

354. En application des dispositions du décret du 22 décembre 2004, si un éditeur de chaîne de télévision à accès payant n'est pas en mesure de diffuser en clair un évènement d'importance majeure pour lequel il dispose de droits exclusifs, il est tenu de proposer la cession de ces droits aux éditeurs de services de télévision à accès libre. Cette offre doit être formulée dans un délai raisonnable avant l'évènement et selon des termes et des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires. Si aucune proposition n'est faite, le titulaire du droit peut l'utiliser dans les conditions qu'il souhaite (157).

355. Compte tenu de la spécificité du régime des évènements d'importance majeure, lorsque GCP acquérait les droits de tels événements avant l'opération il ne s'en réservait pas pour autant la diffusion. Ainsi, par exemple, GCP a cédé à France Télévisions les droits de la finale du championnat d'Europe masculin de hand-ball en 2010, et des finales des championnats du monde masculin et féminin de handball ainsi que de la finale du championnat d'Europe de basket-ball masculin en 2011 (158).

356. Ces compétitions sont en effet vendues en bloc par les fédérations concernées et seuls des groupes disposant de chaînes thématiques sportives, comme GCP, sont en mesure d'absorber la diffusion du volume important de matches qu'elles représentent. Bien que susceptibles de devenir des évènements d'importance majeure (si l'équipe de France y participe), les finales ne peuvent en pratique être vendues séparément, les dispositions du décret du 22 décembre 2004 étant les seules à même de garantir l'accès général du public à ces évènements (159).

357. Avant l'opération, GCP était en position d'acquérir des droits de compétitions sportives d'importance majeure (ou incluant des évènements d'importance majeure) mais devait conclure des partenariats avec des chaines gratuites pour partager ces droits ou céder la fraction de la compétition classée comme étant d'importance majeure à des chaînes gratuites en mesure de la diffuser. L'opération a donc permis à GCP d'être en capacité de réserver à ses propres chaînes en clair la diffusion des droits d'importance majeure qu'il détient.

b) Sur les incitations des parties à verrouiller les achats de droits relatifs aux évènements sportifs d'importance majeure

358. L'acquisition d'une chaîne gratuite généraliste modifie le positionnement de GCP vis-à-vis des vendeurs de droits. En effet, GCP, est un acheteur majeur de droits sportifs, principalement positionné sur les droits des compétitions annuelles à caractère régulier (Ligue 1 et championnats étrangers attractifs), qui sont les plus susceptibles d'être diffusées sur des chaînes payantes. Avant l'opération, GCP souffrait donc d'un désavantage relatif pour les acquisitions de droits de diffusion d'évènements d'importance majeure ou de compétitions dont les ayants droits sont soucieux de bénéficier d'une exposition en clair.

359. L'opération a modifié cette situation, puisque GCP dispose désormais d'une chaîne généraliste en clair sur laquelle il est en mesure de diffuser les évènements d'importance majeure qu'il était auparavant contraint de rétrocéder à des chaînes gratuites. C'est ainsi que les concurrents de GCP pourraient ne plus avoir accès aux évènements d'importance majeure qui leur étaient auparavant rétrocédés.

360. Certes, GCP doit désormais arbitrer entre les pertes qui découleraient du renoncement à vendre les droits qu'il détient à une autre chaîne en clair pour les diffuser sur D8. Néanmoins, le gain tiré, en termes de recettes publicitaires, de la diffusion d'évènements sportifs obligatoirement diffusés en clair est considérable. Dans une étude publiée en 2011, le CSA constate en effet que " les dix meilleures audiences enregistrées depuis 1989 sont des retransmissions sportives. Ces dernières occupent quatorze des quinze premières places de ce palmarès recouvrant vingt-et-une années de télévision " (160). Le CSA note également que la diffusion d'évènements sportifs constitue un élément de la stratégie de développement des nouvelles chaînes en clair de la TNT puisque " face à certains programmes sportifs dont le potentiel de fédération d'audience semblait important, la tentation a été grande pour les nouvelles chaînes gratuites (...) d'acquérir les droits de diffusion d'une compétition de football non couverte, au moins en télévision gratuite, en entrant en concurrence avec les chaînes payantes de sport. Cette tentation s'explique d'autant mieux que les nouvelles chaînes gratuites ont obtenu, à l'occasion de certaines retransmissions, des audiences importantes, au-delà du million de téléspectateurs, ce qui constitue pour elles des niveaux élevés " et qu'" un constat identique peut être effectué pour le rugby, le tennis ou le cyclisme " (161). Ceci est d'autant plus valable pour les évènements d'importance majeure, qu'ils ont précisément été sélectionnés notamment parce qu'ils fédèrent un public plus large que celui qui est traditionnellement concerné et parce qu'ils réunissent traditionnellement une large audience (162).

361. Il s'ensuit qu'au regard tant du potentiel important d'audience que représentent les droits de diffusion des évènements d'importance majeure, en particulier au vu des objectifs assignés à cet égard par GCP à l'acquisition de D8 et D17, et du comportement passé de GCP, le groupe sera incité à réserver à ses propres chaînes en clair la diffusion des évènements d'importance majeure dont il détient les droits.

c) Sur les effets d'un verrouillage des droits relatifs aux évènements sportifs d'importance majeure

362. Le risque de marginalisation des chaînes gratuites en ce qui concerne les évènements d'importance majeure est d'autant plus significatif que GCP se positionne de manière croissante sur des lots de droits auparavant diffusés sur des chaînes gratuites, dans un contexte d'intensification de la concurrence entre chaînes gratuites et payantes pour les droits sportifs. C'est ainsi que GCP a fait, en décembre 2011, l'acquisition d'un lot de Ligue des champions comportant les 13 meilleures affiches, dont la finale, lot auparavant diffusé par TF1. Cette finale, qui fait partie des événements d'importance majeure qui doivent être diffusés en clair, pourrait donc l'être sur D8. De même, GCP a fait l'acquisition des droits de diffusion de la Formule 1 pour les saisons de 2013 à 2017, compétition qui était précédemment diffusée en clair sur TF1.

363. Ces exemples étayent donc l'existence d'un phénomène de report par lequel GCP acquiert ou cherche à acquérir les droits de diffusion de compétitions auparavant diffusées sur des chaînes en clair et, par conséquent, l'incitation accrue de GCP à verrouiller l'accès des chaînes gratuites aux droits qu'il détient pour les réserver à ses propres chaînes en clair.

364. L'intensification de la concurrence entre chaînes gratuites et payantes place GCP dans une situation particulièrement favorable. L'acquisition de D8 et D17 permet à GCP d'intervenir sur les deux marchés concernés et met donc le groupe en mesure, après avoir acquis l'intégralité d'une compétition, de la répartir entre son offre thématique sportive (pour la fraction de la compétition s'adressant aux passionnés), son offre payante premium et son offre en clair (pour la partie la plus évènementielle de la compétition). Alors qu'il est déjà incontournable pour les ayants droits, GCP disposera ainsi d'un avantage significatif vis-à-vis de ces derniers, auxquels il pourra proposer le volume de diffusion propre aux chaînes thématiques payantes ainsi que l'exposition apportée par une chaîne en clair. Cette position sera unique sur le marché, puisque les chaînes exclusivement gratuites ou exclusivement payantes (comme Al Jazeera, qui a revendu une partie des droits des championnats d'Europe de football 2012 et 2016 à TF1 et M6) ne disposent pas de ces avantages.

365. Une telle situation aurait un impact significatif sur les chaînes de télévision en clair, au premier rang desquelles France Télévisions, qui a été dans un passé récent le premier bénéficiaire des rétrocessions des droits d'évènements d'importance majeure par GCP. France Télévisions se trouve en effet, en ce qui concerne les droits sportifs, dans une situation plus contrainte que certaines de ses concurrentes, dans la mesure où sa vocation à diffuser une offre sportive diversifiée nécessite une répartition de ses achats de droits d'évènements sportifs entre de nombreux évènements, et non une concentration sur les évènements les plus porteurs. Ses ressources financières limitées, dans un contexte d'inflation du montant des droits sportifs, n'ont pas non plus permis à France Télévisions de se porter candidat à l'achat des droits de certaines compétitions majeures, comme la Coupe du monde de football ou la coupe du monde de rugby.

366. Historiquement toutefois, le fait de bénéficier d'une forte capacité d'exposition en clair a parfois permis à France Télévisions, en matière de droits sportifs, de compenser ses ressources financières inférieures à celles de ses concurrents et, par conséquent, a permis d'intensifier l'animation concurrentielle du marché. Il est toutefois à craindre que la possibilité de combiner, dans le cadre de l'opération projetée, le volume de diffusion propre aux chaînes payantes et la force d'exposition apportée par les chaînes en clair, ne modifie les conditions de concurrence au bénéfice de GCP et au détriment des chaînes en clair, en réduisant la capacité concurrentielle de ces dernières.

367. La position prépondérante dont bénéficie GCP sur les marchés des compétitions sportives régulières, notamment de football, pourrait donc être utilisée comme un levier sur le marché des évènements d'importance majeure. En l'absence de mesures correctrices adaptées, elle pourrait aboutir à la marginalisation progressive de certains acteurs sur ce marché des évènements d'importance majeure.

368. S'agissant en revanche des droits de la Ligue 1 ou des championnats étrangers attractifs, outre l'impossibilité juridique de diffuser les matches de ces championnats sur D8 et D17, il convient de constater que, l'attractivité du spectacle sportif résidant dans la diffusion exclusive en direct de l'évènement, toute diffusion d'un spectacle sportif premium sur une chaîne en clair priverait les chaînes payantes de GCP de cet évènement et contribuerait à diminuer l'attractivité de l'offre payante du groupe, ce qui serait contraire à ses intérêts. Le risque de mise en œuvre d'un effet vertical concernant ce type de contenus peut donc être écarté.

3. EFFETS VERTICAUX S'AGISSANT DU MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE

369. Sur le marché de la publicité télévisée, GCP est présent par l'intermédiaire de sa filiale Canal+ Régie qui commercialise les espaces publicitaires de l'ensemble de ses chaînes payantes. Depuis la réalisation de l'opération les espaces publicitaires des chaînes D8 et D17 sont également commercialisés par Canal+ Régie qui s'est substituée à la société Bolloré Intermedia. La part de marché détenue par la nouvelle entité est présentée dans le tableau suivant (163) :

<Emplacement Tableau>

<Emplacement Tableau>

370. Avec les chaînes D8 et D17, la position de GCP sur le marché de la publicité reste modérée (9,5 % en 2012 et 10,2 % en 2013), sans commune mesure avec celle des groupes TF1 (43,8 % en 2013) et M6 (22,6 % 2013).

371. Toutefois, certains répondants au test de marché s'inquiètent de la possibilité que pourrait avoir la nouvelle entité de bénéficier d'un accès privilégié à la ressource publicitaire compte tenu des liens capitalistiques qui existeront entre Vivendi et Bolloré à l'issue de l'opération.

372. En effet, sur le marché de la publicité télévisée, la quasi-totalité des annonceurs ont recours aux services des agences médias pour leur relation avec les régies. Les agences médias appartiennent à de grands groupes de communication internationaux, comprenant souvent également des agences de publicité et de relations publiques. Parmi ces acteurs figure le groupe Bolloré qui, avec Havas Médias représente une part du marché de la publicité télévisée de l'ordre de 16 % (164).

373. Cependant, compte tenu de la position occupée par les groupes TF1, M6 et France Télévisions en termes d'audience et d'investissements publicitaires, il est peu probable que les agences liées au groupe Bolloré soient incitées à exclure ces chaînes historiques du périmètre de leur activité publicitaire au profit des chaînes de GCP, au motif que le groupe Bolloré est désormais actionnaire minoritaire de Vivendi. Le test de marché mené au cours de l'instruction confirme par ailleurs que les chaînes gratuites historiques demeurent aujourd'hui incontournables sur le marché de la publicité pour les annonceurs.

374. Par ailleurs, les agences média dans lesquelles le groupe Bolloré détient des participations jouent un rôle d'intermédiaire entre, d'une part, leurs clients annonceurs et d'autre part les régies publicitaires. Dès lors, une stratégie qui consisterait pour ces agences à acheter de manière disproportionnée des espaces publicitaires sur les chaînes D8 et D17 dont les audiences sont très inférieures à celles de la plupart des chaînes en clair, paraît peu vraisemblable. Une telle stratégie serait en effet incompatible avec les intérêts des clients annonceurs qui risqueraient alors de se détourner des agences concernées. Il est donc improbable que ces agences encourent un tel risque vis-à-vis de leurs clients pour favoriser le groupe Vivendi.

375. Il convient également d'observer qu'aucun surinvestissement des chaînes D8 et D17 n'est venu perturber à leur avantage l'équilibre du marché publicitaire depuis la réalisation de l'opération. En effet, à titre d'exemple, entre 2011 et 2013, l'audience de la chaîne TMC a très légèrement reculée de 0,1 point d'audience, passant de 3,5 à 3,4 alors que celle de D8 a progressée de 0,9 point (passant de 2,3 % à 3,2 %). Or durant cette même période, les investissements publicitaires brut on progressés sur ces deux chaînes dans les mêmes proportions, soit environ 16 %. Par conséquent, non seulement l'évolution des revenus publicitaires ne témoigne pas d'un traitement privilégié dont bénéficierait D8 mais, par ailleurs, elle met en évidence le maintient d'un pouvoir de marché plus élevé pour certaines chaînes de la TNT telles que TMC en comparaison de celui dont bénéficie D8.

376. Enfin, il convient de rappeler que, alors que le groupe Bolloré détenait le contrôle exclusif des chaînes D8 et D17 avant la concentration, celle-ci a réduit sa participation dans les chaînes cibles à une portion minoritaire. En l'absence d'autres éléments susceptibles d'influer sur les décisions stratégiques du groupe Bolloré, il est donc improbable que la concentration renforce ses incitations à privilégier les achats de publicité sur D8 et D17.

377. Compte tenu de ce qui précède, l'opération notifiée ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la publicité par le biais d'effets verticaux.

D. EFFETS DITS DE " SPIRALE D'AUDIENCE "

378. A l'occasion de sa décision n° 10-DCC-11 relative à l'opération TF1/TMC-NT1, l'Autorité de la concurrence a fondé son analyse sur un scénario d'éviction dynamique propre au secteur de la télévision gratuite, appelé " effet de spirale ". Ce scénario, qui procède des interdépendances qui existent entre le marché de la publicité télévisée, les marchés des droits et l'audience des chaînes, peut conduire à plus ou moins long terme au renforcement d'une position dominante et à l'affaiblissement voire l'exclusion des opérateurs concurrents.

379. La télévision gratuite est en effet un marché biface mettant en relation des annonceurs et des téléspectateurs. Une chaîne de télévision gratuite fournit aux téléspectateurs des programmes dont la qualité conditionne l'audience. A son tour, l'audience conditionne la valeur des espaces publicitaires de la chaîne et donc les revenus avec lesquels cette dernière pourra acquérir des programmes attractifs.

380. Dans un tel contexte, le renforcement du pouvoir de marché d'un acteur en matière d'acquisition de droits de diffusion serait susceptible de se transmettre sur le marché de la publicité télévisuelle, dans la mesure où l'accroissement de l'attractivité de ses programmes lui donne les moyens d'obtenir des recettes publicitaires plus élevées, puis à nouveau sur les marchés des droits, les revenus publicitaires soutenant la qualité des contenus diffusés et avec eux l'audience et la demande des annonceurs.

381. En l'espèce, selon les préoccupations exprimées par les acteurs du marché à l'occasion de la première notification de l'opération, le mécanisme d'éviction dynamique trouverait son origine dans la capacité qu'aura GCP d'améliorer la grille des chaînes cibles, grâce à l'accès privilégié dont il dispose aux contenus attractifs, du fait de sa situation sur les marchés de la télévision payante. Comme relevé plus haut, GCP pourra en effet exploiter des effets de levier consistant à utiliser les positions dominantes qu'il détient sur les différents marchés des droits afin d'alimenter en contenus D8, chaîne généraliste, et D17, spécialisée sur la thématique musicale mais qui peut diffuser des programmes généralistes aux heures de grande écoute. Par conséquent, l'augmentation de l'audience des chaînes en clair de GCP conduirait à l'accroissement de leurs recettes publicitaires, ce qui amorcerait un effet de spirale d'audience.

382. Il n'en reste pas moins que l'Autorité de la concurrence a considéré, dans sa décision n° 10-DCC-11, que " le renforcement du pouvoir de marché d'un acteur sur le marché de la publicité télévisuelle est susceptible de se transmettre sur les marchés des droits, dans la mesure où l'accroissement de ses recettes publicitaires lui donne les moyens d'obtenir des programmes plus attractifs, puis à nouveau sur le marché de la publicité, l'attractivité des programmes soutenant l'audience et donc la demande des annonceurs " (165). Le scénario sur lequel se fondait, dans cette décision, l'effet de spirale, reposait donc sur le renforcement du pouvoir de marché du groupe TF1 sur le marché de la publicité.

383. Tel n'est pas le cas en l'espèce, où les positions de D8 et D17 sur le marché de la publicité télévisuelle restent trop modestes pour laisser penser que celles-ci disposent d'un pouvoir de marché que l'opération serait venue renforcer. Certes, comme démontré dans les développements ci-dessus, les risques que GCP mette en œuvre des stratégies dont l'un des effets sera d'améliorer les grilles de programmes diffusés par D8 et D17 en préemptant des droits attractifs au détriment des autres chaînes en clair sont significatifs. Néanmoins, à ce stade, les éléments au dossier ne peuvent conduire à conclure que la nouvelle entité serait capable de renforcer sa position sur le marché de la publicité télévisuelle au point d'y détenir un pouvoir de marché suffisant pour amorcer un effet de spirale.

384. Au demeurant, le constat d'un effet de spirale repose sur un double postulat :

- d'une part, l'amélioration de la qualité des programmes proposés par D8 et D17 s'effectuerait dans des conditions de concurrence entravées dans lesquelles les autres chaînes gratuites, victimes d'un effet anticoncurrentiel d'éviction, ne pourraient s'engager dans une dynamique concurrentielle vertueuse ;

- d'autre part, l'accroissement du bien-être des téléspectateurs consécutif à l'amélioration des programmes qui leur seraient proposés à court terme par D8 et D17 serait surcompensé par l'effet négatif induit par la détérioration, à moyen ou long terme, de la qualité des contenus proposés par les autres chaînes gratuites.

385. Avant de discuter la vraisemblance de ces deux hypothèses, il convient de rappeler que si, compte tenu de la maturité du marché, l'augmentation des revenus publicitaires de D8 et D17 pourrait se faire au détriment des recettes des autres chaînes, ce phénomène ne constitue pas en soi une atteinte à la concurrence. Lorsqu'une ressource est disponible en quantité limitée, son allocation à l'opérateur le plus efficace est en effet un résultat naturel qui maximise le surplus collectif lorsqu'il résulte du libre jeu de la concurrence. Il est donc nécessaire de s'assurer qu'une telle allocation est bien le fruit des caractéristiques intrinsèques du marché et des performances des chaînes, et non celui de pratiques visant à restreindre la concurrence. Ce questionnement renvoie au premier postulat et il convient donc d'apprécier si, une fois l'opération réalisée, D8 et D17 auront les moyens de s'affranchir de la concurrence exercée par les autres chaînes gratuites pour l'obtention de recettes publicitaires.

386. En l'occurrence, il a précédemment été démontré que GCP, du fait de sa position sur les marchés de la télévision payante, est en mesure d'assécher les droits en clair les plus attractifs pour alimenter ses propres chaines en clair au détriment des opérateurs concurrents. GCP pourrait ainsi améliorer la qualité relative des programmes de D8 et D17 et, par conséquent, leurs revenus publicitaires, grâce aux effets de levier mis en œuvre par GCP sur les marchés de droits, sans que les autres chaînes puissent efficacement les concurrencer.

387. Toutefois, l'adoption de mesures correctives pour prévenir les risques d'effets congloméraux qu'entraîne l'opération empêche la mise en œuvre d'un effet d'éviction dynamique. En effet, le premier postulat se trouve invalidé dans la mesure où, du fait de la mise en œuvre effective de remèdes adéquats, les chaînes concurrentes de D8 et D17 seront assurées d'avoir accès aux droits attractifs (qu'il s'agisse de cinéma, de séries ou de sport) dans des conditions de concurrence non entravées. Dès lors, ces dernières pourront répondre efficacement à toute amélioration des contenus de D8 et D17, amorçant une dynamique concurrentielle vertueuse pour l'obtention de recettes publicitaires, qui bénéficiera aux téléspectateurs.

V. Les engagements

388. Les parties notifiantes ont présenté à nouveau le 15 janvier 2014 les engagements souscrits dans le cadre de la décision annulée et y ont ajouté des mesures visant à prévenir les effets de l'opération sur les marchés de droits de diffusion en clair de films français en deuxième et troisième fenêtre, qui n'étaient pas couverts par les engagements initiaux. Ces nouveaux engagements ont fait l'objet d'un test de marché auprès de détenteurs de droits et auprès des concurrents des parties.

389. Il appartient à l'Autorité, statuant à nouveau sur l'opération, de tenir compte de l'état des marchés à la date de la présente décision et d'évaluer par conséquent le caractère approprié de l'ensemble des engagements proposés par les parties notifiantes au regard des résultats de l'analyse concurrentielle présentée ci-dessus.

390. L'ensemble des engagements ont donc été examinés puis discutés avec les parties notifiantes, avant d'être formulés de manière définitive le 1er avril 2014. C'est cette version ultime, qui permet de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées par l'Autorité, qui est annexée à la présente décision et présentée ci-après.

391. Les engagements proposés par les parties ont pour but de remédier aux atteintes à la concurrence qu'entraîne l'opération par le biais d'effets congloméraux sur les marchés des acquisitions de droits de diffusion de séries et films américains (B) et de films EOF récents (C). Les engagements doivent également prévenir les risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux en matière d'acquisitions de droits de diffusion de films de catalogue EOF (D) et d'évènements sportifs d'importance majeure (E).

A. LES PRINCIPES D'APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

392. Les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle et la jurisprudence afin d'être jugées aptes à assurer une concurrence suffisante, conformément aux dispositions de l'article L. 430-7 du code de commerce.

393. Ainsi que le précisent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, ces mesures doivent être efficaces en permettant pleinement de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées. A cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables (166). Enfin, l'Autorité doit veiller à ce que les mesures correctives soient neutres, au sens où elles doivent viser à protéger la concurrence en tant que telle et non des concurrents spécifiques, et proportionnées, dans la mesure où elles doivent être nécessaires pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante (167).

394. Par ailleurs, afin de remédier aux atteintes résultant d'une opération de concentration, l'Autorité recherche généralement en priorité des mesures structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs à un acquéreur approprié, susceptible d'exercer une concurrence réelle, ou l'élimination de liens capitalistiques entre des concurrents (168). Toutefois, dans la mesure où, afin de satisfaire l'objectif de neutralité qui s'impose à l'Autorité, des remèdes de nature comportementale apparaîtraient au cas d'espèce plus appropriés pour compenser certaines des atteintes à la concurrence résultant de l'opération, il convient de définir de tels remèdes de manière à assurer leur efficacité et leur contrôlabilité. Il est notamment impératif que l'efficacité des mesures prescrites dans le cadre de la présente décision ne puisse dépendre de la seule diligence et du bon vouloir des parties notifiantes.

B. LES ENGAGEMENTS RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE SÉRIES ET FILMS AMÉRICAINS

1. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

395. En ce qui concerne les séries ou les films américains récents, les parties notifiantes s'engagent à limiter à un seul le nombre de majors américains avec lequel elles pourront conclure à la fois un contrat cadre portant sur les droits de diffusion en télévision payante et un contrat cadre portant sur les droits de diffusion en clair. Auprès des autres majors, GCP devra choisir de conclure pour ce type de droits, soit un contrat cadre pour la télévision payante, soit un contrat cadre pour une diffusion en clair.

396. Par ailleurs, des dispositions ont été prévues afin de laisser aux parties la possibilité de changer le studio auprès duquel elles souhaitent cumuler un contrat cadre payant et un contrat cadre en clair sans que pour autant l'engagement ci-dessus soit étendu à deux majors du fait d'un chevauchement entre l'échéance du premier contrat et la date de prise d'effet du second contrat. Ainsi, à l'échéance d'un premier contrat cadre portant sur des droits de diffusion en clair avec un major auprès duquel les parties sont également titulaires d'un contrat cadre pour les droits de diffusion en télévision payante, les parties ne pourront changer de fournisseur avant l'échéance du premier contrat que si elles revendent les droits acquis par son entremise (" clause de chevauchement "). Cette revente sera effectuée par le biais d'une procédure de mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire mise en œuvre par le mandataire en charge du suivi des engagements. En toute hypothèse, tout chevauchement ne pourra excéder 18 mois.

397. Hors contrats cadres, les parties conservent la possibilité d'acheter ces mêmes types de droits tant pour la télévision payante que pour une diffusion en clair auprès de l'ensemble des majors, par le biais d'achats ponctuels unitaires, ou portant sur un nombre d'œuvres non significatif.

398. Cependant, pour ce type d'achats auprès des majors, les parties notifiantes s'engagent à confier leurs acquisitions de droits de diffusion en clair de séries et de films américains récents à des équipes d'achats spécifiques, distinctes de leurs équipes chargées des acquisitions de droits de diffusion en télévision payante. Ces acquisitions devront être effectuées sans aucune forme de couplage, subordination, avantage ou contrepartie susceptibles de les lier à des achats de droits de diffusion en télévision payante. Seul le contrat cadre en clair négocié auprès du studio avec lequel GCP souhaite cumuler des contrats cadres en clair et en payant pourra être négocié par les mêmes équipes que celles chargées des achats de droits payants.

399. Les équipes en charge des acquisitions de droits pour une diffusion en clair sont affectées à une société juridiquement distincte de celles en charge des acquisitions pour la télévision payante. Cette société procède à leur recrutement et les emploie. De plus, les parties s'engagent à prendre toutes mesures propres à préserver la confidentialité des informations relatives aux acquisitions, stratégies, négociations, conditions commerciales et contractuelles vis-à-vis des autres activités des parties.

2. SUR LE CARACTÈRE APPROPRIÉ DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS

400. Les engagements proposés relatifs aux acquisitions de droits américains sont les mêmes que ceux qui avaient été acceptés par l'Autorité dans la décision annulée. Comme ils l'avaient fait dans ce cadre, les concurrents des parties ont soutenu, dans le cadre du test de marché réalisé sur l'opération renotifiée, que ces engagements étaient insuffisants. Selon eux, des remèdes appropriés auraient dû empêcher tout exercice d'un effet de levier des achats de droits payants sur les achats de droits en clair. Tout cumul de contrats cadres en payant et en clair auprès du même major aurait donc dû être interdit, de même qu'auprès des autres studios dits " indépendants ". De plus, ils déplorent que ces engagements soient limités aux seuls contrats cadres et ne concernent pas les achats ponctuels ou les package deals. Enfin, ils considèrent que la séparation des équipes d'achat est un remède inopérant.

401. A titre liminaire, il convient de relever que les répondants au test de marché n'ont pas mis en avant, à l'appui de leurs objections à l'encontre du caractère suffisant des engagements, d'évolutions récentes qui seraient intervenues sur les marchés d'acquisitions de droits concernés et qui remettraient en cause l'analyse qui avait été faite de ces engagements en juillet 2012.

402. Le caractère approprié des engagements proposés sera néanmoins analysé compte tenu des éléments d'actualisation sur la situation des marchés concernés relevés dans l'analyse concurrentielle faite ci-dessus.

a) L'engagement doit être limité à ce qui est strictement nécessaire pour empêcher que l'effet de levier susceptible d'être exercé fausse le jeu de la concurrence

403. L'objectif des engagements relatifs aux droits américains consiste à éviter que GCP s'appuie sur le pouvoir de marché qu'il détient, en tant que principal acheteur de droits de diffusion en télévision payante pour la France, pour acquérir des droits de diffusion en clair dans des conditions qui fausseraient le jeu de la concurrence vis-à-vis des autres chaînes en clair. Un tel effet ne pourrait toutefois être constaté que s'il porte sur une part significative des droits attractifs et provoque ainsi un effet d'assèchement des droits disponibles pour les chaînes concurrentes de nature à obérer leur capacité d'animation de la concurrence. Il n'est donc pas nécessaire d'empêcher tout exercice d'un effet de levier entre la position de GCP sur les marchés d'achats de droits payants et les marchés d'achats de droits en clair.

404. De plus, empêcher tout effet de levier serait disproportionné dans la mesure où le potentiel concurrentiel des chaînes acquises serait inutilement contraint. Il faut en effet rappeler qu'à fin 2013, la part d'audience de ces chaînes s'élevaient à 3,2 % pour D8 et à 1,3 % pour D17, contre 22,8 % pour la chaîne TF1 et 10,6 % pour M6. TF1, M6 et France Télévisions captent l'essentiel des revenus publicitaires, soit 73 % en 2012. Or, l'exercice d'un effet de levier limité peut permettre à GCP d'acquérir pour les grilles de D8 et D17 des droits attractifs auxquels ces chaînes n'avaient pas accès avant l'opération, voire des droits qui n'étaient diffusés par aucune chaîne gratuite.

405. Il aurait également été disproportionné de contraindre GCP de n'acquérir des droits en clair qu'en renonçant à acquérir des droits payants auprès des mêmes vendeurs, compte tenu du nombre limité de vendeurs de droits de diffusion de films et de séries américains récents et de la situation concurrentielle sur les marchés d'acquisition de droits payants. L'offre est concentrée entre les majors et quelques studios indépendants dont la plupart commercialisent une partie significative des droits concernés par le biais d'un seul contrat-cadre en payant et d'un seul contrat cadre en clair. Si, pour acquérir des droits en clair pour D8 et D17, GCP n'avait d'autre solution que de renoncer à acheter des droits payants auprès d'un de ces vendeurs, il n'est pas certain que ces droits payants trouveraient, pour le territoire français, un acquéreur. En effet, comme cela a été exposé ci-dessus, alors que GCP n'a pas souhaité renouveler en 2013 le contrat cadre pour la télévision payante qu'il détenait avec Sony, aucun autre opérateur de télévision payante n'a récupéré ce contrat. GCP est donc à ce jour, pour le territoire français, le seul titulaire de contrats-cadre portant sur des droits de diffusion de films récents américains, soit cinq contrats conclus avec cinq majors. Si ces éléments d'actualisation confirment que GCP dispose toujours de la possibilité d'exercer un effet de levier à partir de sa position sur ces marchés, ils suggèrent également qu'il convient de limiter l'exercice de cet effet de levier de façon strictement nécessaire.

b) Le plafonnement des contrats cadres conclus avec les majors, complété par la séparation des équipes d'achat correspond à ce qui est strictement nécessaire

406. Compte tenu de la nature particulière des produits achetés, dont chacun constitue un prototype dont la valeur n'est pas connue par avance, et de l'opacité des conditions dans lesquelles se déroulent les négociations avec les ayants-droits, une simple obligation de moyens consistant à négocier séparément les acquisitions de droits sur les différents marchés susceptibles de faire l'objet d'un effet de levier n'est pas suffisante. En revanche, les engagements proposés contraignent directement la possibilité même pour la nouvelle entité d'acheter de façon simultanée des droits de diffusion en télévision payante et gratuite auprès des mêmes ayants-droits.

(i) Le plafonnement est limité aux contrats cadres conclus avec les majors

407. Les six majors représentent 80 % de la production de films et séries américaines. La production des studios indépendants n'en représente que 20 %. Aucun major pris individuellement ne représente plus de 26 % de la production cinématographique de la totalité des majors.

408. Les majors américains commercialisent la grande majorité de leurs droits de diffusion de films et de séries télévisées par le biais de contrats cadre. Pour la télévision payante et pour la France, ce mode de vente représente la quasi-totalité des ventes de droits de diffusion de films (plus de [90-100 %]) et la majeure partie des ventes de droits de diffusion de séries ([50-60 %]). S'agissant des ventes de droits de diffusion en clair, les ventes générées par les contrats cadre passés avec TF1 et M6 représentent également la majorité ([50-60 %]) des revenus des majors pour la France (la même proportion est applicable aux films et aux séries).

409. Aucun élément au dossier n'indique que ce mode de commercialisation devrait évoluer. La vente de droits de diffusion de la production future des studios par le biais de contrats cadre pluriannuels permet en effet aux studios américains de préfinancer la production des films et séries, au contraire de la vente ponctuelle de films identifiés généralement déjà financés. Ces contrats cadre sont négociés et conclus, non seulement avant la mise en production des œuvres, mais avant même que les films et séries concernés ne soient identifiés.

410. Néanmoins, au sens des engagements, un contrat cadre s'entend de tout contrat portant sur une portion significative de la production annuelle inédite en France des majors, que les œuvres soient identifiées ou non, afin de ne pas favoriser une évolution du comportement des majors qui consisterait, pour répondre à la demande de GCP, à sortir des contrats cadres un nombre significatif d'œuvres pour les commercialiser dans des package deals, c'est-à-dire des contrats de vente de plusieurs œuvres identifiées. L'instruction conduite dans le cadre de la première analyse de l'opération notifiée avait en effet permis de constater que, dans un passé récent, les droits de diffusion d'une franchise de films à forte notoriété avait été retirés du contrat-cadre d'une major portant sur les droits en clair (169).

411. Par ailleurs, les engagements excluent de façon spécifique de leur champ un contrat permettant à GCP d'acquérir des droits de diffusion en clair de séries auprès de [confidentiel]. Ce contrat a été initialement conclu en [...] et a fait l'objet de reconductions jusqu'en [...]. Il ne s'analyse toutefois pas comme un contrat-cadre au sens des présents engagements dans la mesure où il porte sur un nombre limité de séries et ne prévoit pas de droit de priorité pour l'acquisition des séries produites par [confidentiel]. C'est au contraire le groupe Métropole Télévision qui jouit d'un choix prioritaire sur cette production en application du contrat-cadre que le groupe a conclu avec [confidentiel] en 2013. Le cumul de ce contrat avec le contrat cadre détenu par GCP pour l'acquisition de droits de télévision payante auprès du même studio ne peut donc être analysé comme relevant de l'exercice d'un effet de levier susceptible de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés concernés.

412. En limitant à un seul le nombre de majors américains avec lequel GCP pourra conclure un ou plusieurs contrats cadre portant tant sur les achats de droits de diffusion de films inédits en télévision payante que sur les droits de diffusion en clair de films et/ou de séries récentes, les engagements permettent donc d'empêcher tout effet de levier entre ces deux types d'achats pour une partie significative des droits attractifs disponibles pour les chaînes en clair.

(ii) La possibilité d'un chevauchement de contrats cadre successifs est strictement encadrée

413. La clause de chevauchement prévue dans les engagements a pour objectif de permettre aux parties notifiantes de conclure des contrats cadre successifs avec différents majors sans être contraintes par les échéances variables des différents contrats. En l'absence d'une telle clause, en effet, les parties pourraient se retrouver dans l'obligation de conserver le même fournisseur pour toute la durée des engagements. L'existence d'une clause de chevauchement est donc, dans son principe, justifiée en ce qu'elle confère à la nouvelle entité une souplesse nécessaire pour modifier ses acquisitions, dans le cadre des engagements, en fonction de ses besoins et de l'état de l'offre.

414. Afin de garantir néanmoins que cette souplesse ne permette pas à la nouvelle entité de verrouiller une portion significative de l'offre, les parties s'engagent, en cas de chevauchement, à céder les droits acquis en application du premier contrat à un opérateur tiers. Cette cession permettra de prévenir tout verrouillage en garantissant la disponibilité des droits concernés aux chaînes concurrentes de la télévision gratuite.

415. De plus, toute cession de droits à ce titre sera effectuée par le biais d'une mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire au terme de laquelle le repreneur sera sélectionné sur la base de critères économiques objectifs. Les parties notifiantes, qui confieront la mise en œuvre de cette procédure au mandataire, ne pourront s'immiscer dans la sélection de l'acquéreur.

(iii) Le plafonnement est complété par la séparation des équipes chargées des acquisitions de droits de diffusion en clair et en télévision payante

416. Le plafonnement du cumul des achats de droits payants et en clair avec un même major est limité aux droits achetés par le biais de contrats cadres. Néanmoins, les autres achats de droits auprès des mêmes major, qu'il s'agisse d'achats ponctuels d'œuvres à l'unité ou de contrats portant sur un nombre limité d'œuvres identifiées, devront être effectués par des équipes commerciales distinctes pour les achats de droits pour la télévision payante, d'une part, et les achats de droits pour une diffusion en clair, d'autre part.

417. Cette mesure limite encore l'exercice d'un effet de levier entre les deux types d'achats. Depuis la réalisation de l'opération, les achats de droits réalisés auprès des majors pour une diffusion en clair sont effectivement effectués par une société distincte.

418. Conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité (170), la séparation des équipes d'achat permet aussi de contrôler qu'aucune forme de couplage, de subordination, d'avantage ou de contrepartie n'est réalisée entre les acquisitions de droits payants et de droits en clair.

419. Certains répondants au test de marché contestent toutefois l'efficacité et la contrôlabilité de cet engagement. Ces répondants font valoir que l'équipe de GCP chargée des achats de droits de diffusion en télévision payante est en contact permanent avec les majors, et aurait toute latitude pour négocier l'acquisition de droits en clair de manière occulte.

420. Comme cela a été précisé ci-dessus, l'opacité des conditions dans lesquelles se déroulent les négociations avec les majors américaines est l'une des principales raisons qui ont conduit à privilégier le plafonnement des achats de droits et à ne pas limiter les remèdes à une simple obligation de moyens consistant à négocier séparément les acquisitions de droits. Le Conseil d'Etat a cependant déjà eu l'occasion de constater qu'un engagement de séparation de fonctions commerciales au sein d'un même groupe, combiné à un engagement de non couplage et d'absence d'échange d'information, contribuait utilement à remédier aux risques de couplage découlant d'une opération de concentration (171).

421. En second lieu, ces engagements sont contrôlables, dans la mesure où leur mise en œuvre pratique est observable. Tel est le cas de l'utilisation d'équipes d'achats distinctes. En pratique, l'Autorité note que cet engagement, déjà mis en œuvre en application de la décision annulée, n'a suscité aucune difficulté de contrôle. En effet, les documents contractuels sont soumis au mandataire et lui permettent de vérifier que l'obligation de plafonnement des acquisitions est respectée. Par ailleurs, les acquisitions ponctuelles de droits de diffusion en télévision gratuite de séries et films américains ont été confiées, conformément aux engagements, à une société juridiquement distincte de celle en charge des acquisitions de droits de diffusion en télévision payant. En l'espèce, Canal Plus a externalisé ces achats et les a confiés par un contrat de sous-traitance à un tiers indépendant.

422. Au surplus, la négociation par l'équipe de GCP chargée des achats de droits en télévision payante, de droits pour une diffusion en clair autres que le contrat-cadre visé par la mesure de plafonnement constituerait un non respect des engagements souscrits. L'éventuelle méconnaissance de ses obligations par GCP ressort de la compétence de l'Autorité, et fait l'objet des sanctions prévues à l'article L. 430-8 du code de commerce. L'existence d'un risque que GCP méconnaisse ses engagements ne saurait donc, en soi, invalider ni l'efficacité, ni la contrôlabilité des engagements. Au contraire, dans sa décision du 21 décembre 2012 relative à la décision par laquelle l'Autorité a retiré l'autorisation de la fusion Canal Plus/TPS (n° 353.856), le Conseil d'Etat a défini un principe d'interprétation strict des engagements souscrits par les parties et a jugé que " l'Autorité de la concurrence est en droit de rechercher si, alors même que serait assuré le respect formel des critères expressément prévus par un engagement que l'évolution du marché n'a pas privé de son objet, les parties ayant pris cet engagement auraient adopté des mesures ou un comportement ayant pour conséquence de le priver de toute portée et de produire des effets anticoncurrentiels qu'il entendait prévenir " (172). L'Autorité serait donc compétente pour connaître des comportements dénoncés par les répondants au test de marché si ceux-ci devaient être mis en œuvre.

C. ENGAGEMENTS RELATIFS AUX ACQUISITIONS DE DROITS DE DIFFUSION DE FILMS EOF

423. Les parties notifiantes s'engagent à ne pas préacheter au cours d'une même année calendaire les droits de diffusion en télévision payante et en clair du même film EOF, au-delà d'un plafond de 20 films. A l'intérieur de ce total de 20 films, les parties ne pourront acquérir à la fois les droits en clair et en télévision payante de plus de deux films d'un devis supérieur à 15 millions d'euros, de 3 films d'un devis compris entre 10 et 15 millions d'euros et de 5 films d'un devis compris entre 7 et 10 millions d'euros.

424. Outre les préachats, toute acquisition de droits de diffusion en clair devant intervenir avant l'expiration d'un délai de 72 mois après la sortie en salle des films concernée sera également comptabilisée dans le plafond au titre de l'année du préachat des droits de diffusion en télévision payante. Par exception, toutefois, tel ne sera pas le cas de droits de diffusion en clair achetés par GCP si la première fenêtre de diffusion en clair est détenue par un tiers jouissant, à ce titre, d'un droit de préemption ou de priorité.

425. GCP s'engage également à renoncer à acquérir tout droit de préemption au bénéfice de D8 ou D17 de films EOF dont il n'aurait pas préacheté la 1ère fenêtre de diffusion en clair.

426. Pour assurer la transparence de ses pratiques commerciales et la contrôlabilité de ses engagements, GCP formalisera tout préachat ou achat de droits de diffusion, en télévision payante et en clair, par le biais de contrats distincts qui seront communiqués au mandataire.

427. Enfin, de la même façon que pour les achats de droits de diffusion de films et de séries américains, toutes les acquisitions de droits de diffusion en clair de films EOF récents autres que ceux relatifs aux 20 films mentionnés ci-dessus devront être effectuées par des équipes d'achat spécifiques, distinctes de celles chargées des acquisition de droits pour la télévision payante.

1. SUR LE PRINCIPE D'UN PLAFONNEMENT DES PRÉACHATS DE DROITS

428. L'objectif des engagements relatifs aux droits EOF consiste à éviter que GCP s'appuie sur le pouvoir de marché qu'il détient, en tant que principal acheteur de droits de diffusion en télévision payante, pour acquérir des droits de diffusion en clair dans des conditions qui fausseraient le jeu de la concurrence vis-à-vis des autres chaînes en clair. Comme pour les droits américains, un tel effet n'est cependant possible que s'il porte sur une part significative des droits disponibles. Il n'est donc pas nécessaire d'empêcher tout exercice d'un effet de levier entre les deux types d'achats.

429. De plus, il serait disproportionné d'empêcher tout exercice d'un effet de levier en contraignant GCP à choisir d'acheter, auprès d'un même ayant-droit, soit les droits pour la télévision payante, soit les droits pour une diffusion en clair. En effet, il ressort de l'analyse concurrentielle faite ci-dessus que l'essentiel des droits de diffusion, en télévision payante comme en clair, est commercialisé au stade du préfinancement (ou " préachat "), avant l'agrément des investissements ou une autorisation de production délivrée par le CNC. Les films dont les droits de diffusion télévisuels ne peuvent être commercialisés au stade du préfinancement courent un risque non négligeable de ne pas pouvoir être produits ou de ne pas recevoir l'agrément du CNC. Or, GCP est, de très loin, le principal acquéreur de droits de télévision payante puisqu'il représente près de [90-100] % des montants investis pour le préachat de tels droits.

430. En revanche, le plafonnement du nombre de films pour lesquels GCP peut préacheter à la fois les droits payants et les droits en clair permet de garantir que l'effet de levier ne peut être exercé sur une part significative des droits et ne peut donc fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de la télévision gratuite en asséchant le nombre de films disponibles pour les chaînes concurrentes.

431. Les préachats des droits portent, en ce qui concerne les droits pour une diffusion en clair, sur un nombre variable de fenêtres. En effet, comme il ressort des développements précédents, l'offre s'est adaptée à l'émergence d'une demande spécifique pour alimenter les nouvelles chaînes gratuites. En application de la chronologie des médias, les films récents sont disponibles pour une diffusion en clair généralement 30 mois après leur sortie en salle. Durant la période d'exploitation en clair, la chronologie des médias ne prévoit aucun fenêtrage. Une subdivision de plusieurs fenêtres de diffusion en clair s'est néanmoins organisée contractuellement entre les producteurs et les acheteurs de droits. Les informations communiquées dans le cadre du test de marché montrent que les producteurs de films vendent généralement au stade du préfinancement jusqu'à trois fenêtres de diffusion en clair (173). La durée de ces fenêtres et le nombre de diffusions prévues dans chacune d'entre elles varie d'un contrat à l'autre, mais les éléments communiqués par les chaînes en clair et les principaux producteurs de films EOF font état dans la plupart des cas de deux premières fenêtres d'une durée de 18 mois. Ces fenêtres correspondent généralement à des diffusions sur l'une des chaînes gratuites historiques. La troisième fenêtre, d'une durée plus variable (les exemples vont de 6 à 18 mois), est généralement achetée par le même acquéreur pour une ou plusieurs diffusions sur une chaîne de la TNT adossée au groupe. La diffusion de films correspondant à cette troisième fenêtre peut être, soit concomitante à la deuxième fenêtre, soit postérieure. Dans ce dernier cas, en l'état du marché, la troisième fenêtre n'excède pas 6 mois. Au total, la période couverte par les préachats ne dépasse pas 72 mois après la sortie du film en salle. Les diffusions ultérieures font donc, dans la très grande majorité des cas, l'objet d'achats postérieurs au préfinancement du film.

432. Les engagements sont donc étendus à tous les préachats de droits, ce qui permet de remédier, comme le Conseil d'Etat l'a estimé nécessaire, au risque de préemption par GCP des droits de diffusion en clair en 2ème et 3ème fenêtres aux dépens des chaînes gratuites concurrentes (174).

433. Si l'essentiel des droits de diffusion en payant comme en clair sont acquis au stade du préachat, plusieurs acteurs du secteur ont néanmoins manifesté une préoccupation tenant au risque d'accords passés entre GCP et les producteurs au stade du préfinancement, par lesquels le groupe conditionnerait le préachat des droits de diffusion pour la télévision payante à la réservation de la 1ère, 2ème et/ou 3ème fenêtre en clair, dont GCP achèterait les droits en dehors de tout plafonnement une fois passé le stade du préfinancement.

434. Pour remédier à cette préoccupation, tout achat par GCP, postérieur à la période de préfinancement, de droits de diffusion en clair devant intervenir durant la période correspondant à trois fenêtres successives de diffusion en clair, c'est-à-dire 72 mois après la sortie en salle des films concernés, sera comptabilisé dans les plafonds définis par les engagements, dès lors que GCP détiendrait les droits de diffusion en télévision payante pour le film concerné. Toutefois, tel ne sera pas le cas dès lors qu'un tiers détiendrait la 1ère fenêtre de diffusion en clair et un droit de préemption ou de priorité sur les diffusions ultérieures. En effet, dans ce dernier cas, l'acquisition d'autres fenêtres de diffusion en clair par GCP ne pourrait procéder de l'exercice d'un effet de levier au stade du préachat des droits payants.

435. Cette dernière disposition ne saurait toutefois s'appliquer qu'aux films agréés par le CNC à la date à laquelle les parties ont envisagé la présente opération, soit le 1er décembre 2011, date du protocole d'accord initial entre les groupes Vivendi et Bolloré. Aucune forme d'effet de levier ne peut en effet être envisagée avant cette date, faute de projet de concentration entre les parties.

436. En outre, les achats de droits de diffusion en clair de films EOF non concernés par le plafonnement (175), devront être effectués par des équipes commerciales distinctes de celles en charge des achats de droits pour la télévision payante. Comme pour les droits de programmes américains, ces acquisitions devront être effectuées sans pratiquer de couplage, de subordination, d'avantage ou de contrepartie entre les acquisitions de droits payants et de droits en clair.

437. Enfin, conformément aux constats ci-dessus, outre leurs droits de diffusion, les chaînes en clair qui interviennent au stade du préfinancement obtiennent en contrepartie de leur investissement des droits de priorité ou de préemption. Ces droits leur garantissent une option d'achat prioritaire ou la possibilité de préempter l'achat de droits de diffusion des films concernés par des chaînes tiers une fois que le premier cycle d'exploitation en clair est achevé (176). L'acquisition par GCP de tels droits alors qu'il ne préachèterait pas les droits de diffusion de films inédits en 1ère fenêtre en clair serait singulière par rapport aux usages du marché. En effet, de telles acquisitions priveraient les concurrents ayant investit dans la 1ère fenêtre de diffusion d'une modalité de protection de leur Les parties notifiantes se sont donc engagées à ne pas faire de telles acquisitions.

2. SUR LES MODALITÉS DU PLAFONNEMENT

438. Il ressort de l'analyse concurrentielle que le risque d'assèchement de l'accès des chaînes gratuites aux droits de diffusion en clair est particulièrement préoccupant pour les films dont le potentiel d'audience est le plus élevé. Même si le succès de tout film préacheté est nécessairement incertain, le budget des films concernés est considéré comme une indication fiable de l'attractivité d'un projet. Or un nombre limité de films à fort budget est produit chaque année. Les bilans de la production annuelle française dressés par le CNC montrent ainsi que, depuis 2009, moins d'une trentaine de films dotés d'un devis de production supérieur à 10 millions d'euros sont produits chaque année, dont une douzaine dotés d'un devis dépassant 15 millions d'euros.

439. Les engagements plafonnent donc l'acquisition par GCP des droits de diffusion en télévision payante et en clair en distinguant quatre tranches de devis (177) de films correspondant aux catégories reconnues par les acteurs du secteur de la production (178). Ces plafonds permettent de limiter l'effet de verrouillage induit par d'éventuels achats cumulés des fenêtres de télévision payante et gratuite par GCP pour chaque catégorie de films. Les éléments présentés dans le tableau suivant montrent qu'en application de l'engagement, et sur la base de la production annuelle moyenne constatée sur la période 2009-2013, les plafonds d'acquisitions prévus par GCP empêcheraient la nouvelle entité de faire jouer un effet de levier pour environ 20 % de l'offre dans chaque catégorie de films, à l'exception des films dont le devis est compris entre 10 et 15 millions, où l'effet de levier pourrait jouer pour environ 22 % de la production :

<Emplacement Tableau>

440. Le plafonnement prévu permet en conséquence d'empêcher tout effet de levier entre achats pour la télévision payante et achats pour une diffusion en clair pour une partie significative des droits attractifs disponibles pour les chaînes en clair. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs considéré, à propos de ces plafonds, que " la société Groupe Canal Plus ne pourra faire jouer un effet de levier que sur moins de 20 % des films d'un devis supérieur à quinze millions d'euros, moins de 20 % des films d'un devis compris entre dix et quinze millions d'euros et moins de 22 % des films d'un devis compris entre sept et dix millions d'euros ; qu'ainsi ces engagements garantissent que les chaînes concurrentes auront suffisamment accès aux films français récents les plus attractifs leur permettant de réaliser une offre concurrentielle " (179).

441. Ces plafonds s'appliquent au préachat de toutes fenêtres en clair. Les parties notifiantes avaient initialement proposé de ne faire porter ces plafonds que sur les acquisitions de premières fenêtres en clair, en se réservant par ailleurs la possibilité de préacheter les droits de diffusion en 2ème et 3ème fenêtre de 20 films par an. Les répondants au test de marché ont relevé qu'un tel engagement permettrait à GCP d'exercer un effet de levier pour l'acquisition des droits de diffusion en clair de 40 films au total, parmi lesquels 20 films pour une diffusion en première fenêtres et 20 films supplémentaires pour une diffusion en 2ème et/ou 3ème fenêtres, soit plus du tiers des films préfinancés par les chaînes gratuites. En outre, en s'abstenant de décliner le plafonnement des acquisitions couplées de 2ème et 3ème fenêtres de diffusion en clair, les parties se réservaient la possibilité de faire porter l'intégralité de leurs acquisitions sur les films dont le budget est le plus important, en verrouillant la quasi-totalité de cette production.

442. L'adoption d'un tel engagement se serait avérée par ailleurs incompatible avec la décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2013 qui a retenu une erreur d'appréciation de l'Autorité en tant que les engagements conditionnant la décision annulée n'étaient pas de nature " à prévenir les effets anticoncurrentiels de l'opération liés au verrouillage des marchés de droits de films français en deuxième et troisième fenêtres en clair " (180). Il ne découle en effet pas de ces motifs qu'il convient d'augmenter le nombre de films dont GCP pourra acquérir les droits de diffusion en clair par le biais d'un effet de levier, nombre qui a été validé par ailleurs comme cela a été rappelé ci-dessus.

443. Enfin, le CSA relève également le risque que l'opération renforce la position dominante de GCP pour l'acquisition de droits de diffusion en télévision payante. A la différence d'acheteurs alternatifs de droits de diffusion en télévision payante, l'opération permet en effet à GCP de se positionner sur l'acquisition de l'intégralité des droits de diffusion télévisuels, en payant comme en clair. Les plafonds retenus, en contraignant les volumes d'acquisition de droits de diffusion en clair de la nouvelle entité permettent cependant de remédier à cet effet.

D. MESURES RELATIVES AUX DROITS DE DIFFUSION DE FILMS DE CATALOGUE EOF

444. S'agissant des films de catalogue EOF, il est nécessaire d'assurer que la concentration n'aboutisse pas à verrouiller l'accès des chaînes en clair indépendantes qui ne sont pas adossées à un grand groupe audiovisuel au portefeuille de droits détenus par StudioCanal.

445. Pour réaliser cet objectif, les parties ont proposé de s'engager à respecter un principe de limitation de l'auto-alimentation des chaînes gratuites du groupe à l'issue de l'opération aux niveaux constatés antérieurement à celle-ci. Le plafonnement des acquisitions internes des chaînes D8 et D17 correspond à leurs achats après de StudioCanal, en volume et en valeur, de films EOF diffusés avant l'opération durant la période 2009 à 2011.

446. L'engagement proposé limite ainsi l'auto-alimentation de D8 et D17 auprès de StudioCanal à 36 % du volume de leurs acquisitions totales de films de catalogue EOF et à 41 % de la valeur de ces acquisitions.

447. Par ailleurs, compte tenu des variations du montant des acquisitions auprès de StudioCanal d'une année à l'autre, effectivement constatée durant la période 2009-2011, les parties souhaitent conserver une marge de variation de leurs acquisitions de quatre points par rapport aux plafonds retenus. Les variations constatées seraient corrigées l'année suivante pour garantir l'effectivité des engagements.

448. Enfin, les engagements comportent des dispositions visant à interdire à GCP tout comportement discriminatoire dans la vente de films de catalogue EOF à D8 et D17 consistant en particulier à leur accorder des conditions préférentielles. Une mesure est également prévue afin d'éviter tout achat par D8 et D17 des droits vendus par StudioCanal pour une période excédant 6 mois, ce qui correspond à la pratique du marché et permettra de garantir que la nouvelle entité ne puisse faire obstacle à une circulation normale des droits.

E. MESURES RELATIVES AUX DROITS DE DIFFUSION D'ÉVÈNEMENTS SPORTIFS D'IMPORTANCE MAJEURE

449. En ce qui concerne les évènements sportifs d'importance majeure, le rétablissement d'une concurrence suffisante suppose de maintenir la situation préexistant à l'opération selon laquelle GCP était juridiquement contraint de proposer ces droits aux opérateurs de télévision gratuite pour assurer leur diffusion en clair lorsqu'il ne pouvait l'assurer lui-même sur les plages en clair de la chaîne Canal+.

450. Les parties s'engagent donc à continuer de procéder à ces cessions par le biais d'une mise en concurrence ouverte, transparente et non discriminatoire. Elles n'entendent cependant pas interdire aux chaînes cibles de participer à ces procédures, ce qui nécessite d'adopter des mesures de nature à garantir que les propres chaînes de GCP ne puissent être favorisées par rapport aux autres candidats.

451. Les engagements prévoient que la sélection de la meilleure offre pour la reprise des droits de diffusion en clair des évènements sportifs d'importance majeure qu'elles détiendraient devra être effectuée en application de critères économiques objectifs, transparents et non discriminatoires, dans le cadre d'une procédure dont la mise en œuvre sera entièrement confiée au mandataire. Les parties s'engagent ainsi à ne pas s'immiscer dans la procédure de cession au-delà de ce qui sera nécessaire pour permettre au mandataire d'exercer sa mission. Les parties devront notamment assurer la confidentialité des offres remises au mandataire, dont elles ne pourront prendre connaissance.

F. LA DURÉE RETENUE POUR LES ENGAGEMENTS

452. Les engagements sont souscrits jusqu'au 23 juillet 2017. Ils pourront être renouvelés une fois pour une durée de cinq ans courant à compter de cette date.

453. Dans la mesure où les atteintes à la concurrence pourraient perdurer tant que la puissance d'achat de GCP sur les marchés d'acquisition de droits pour la télévision payante ne sera pas remise en cause et qu'une telle remise en cause ne pourrait intervenir à défaut d'une modification structurelle significative et pérenne des marchés amont de la télévision payante (181), il convient de prévoir une clause de réexamen à l'issue de laquelle l'Autorité décidera, par une décision motivée et après avoir recueilli les observations des parties, s'il y a lieu de prolonger l'application des présents engagements, en tout ou en partie, en considération de l'évolution des circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de la présente opération.

454. Les parties notifiantes pourront cependant à tout moment adresser à l'Autorité une demande de levée ou de révision partielle ou totale des présents engagements, si les circonstances de droit ou de fait prises en compte à l'occasion de l'examen de l'opération venaient à être modifiées de manière significative au point de remettre en cause l'analyse concurrentielle sur les marchés concernés et, donc, la nécessité des mesures correctives.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-006 est autorisée sous réserve des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 Le 21 septembre 2012, Vivendi et Universal Music Groupe ont obtenu l'accord de la Commission européenne et celui de la Federal Trade Commission aux Etats-Unis pour l'acquisition d'EMI Recorded Music. La finalisation de cet accord d'acquisition est intervenue le 28 septembre 2012

2 Vivendi a annoncé le 26 juillet 2013 la cession de plus de 85 % de sa participation dans Activision Blizzard

3 Le groupe Vivendi souhaite céder SFR et a annoncé, par communiqué du 14 mars 2014, être entré en négociation exclusive avec Altice à cette fin.

4 Le 23 juillet 2013, Vivendi a annoncé être entré en négociations exclusives avec Etisalat en vue de la cession de sa participation de 53 % dans Maroc Telecom puis a annoncé la conclusion d'un accord définitif le 5 novembre 2013. Cette acquisition est toutefois soumise à l'approbation des autorités de régulation.

5 Décision de l'Autorité de la concurrence n°14-DCC-15 du 10 février 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique par Canal Plus Overseas

6 Lettre n° C2006-02 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 30 août 2006 aux conseils de la société Vivendi Universal, relative à une concentration dans le secteur de la télévision payante, BOCCRF n° 7 bis du 15 septembre 2006.

7 Décision de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-100 du 23 juillet 2012.

8 Décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2013, stés Métropole Télévision et TF1, n° 363702 (ci-après, la " décision du Conseil d'Etat ").

9 Source : données Médiamat Annuel 2013.

10 Source : Institut de Recherches et d'Etudes Publicitaires.

11 Source : Médiamétrie, L'année TV 2013.

12 Source : Médiamétrie

13 Source : Kantar Media et réponse au test de marché du 21 janvier 2014.

14 Décision de l'Autorité n° 11-DCC-10 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB), §33.

15 Voir la décision n°12-DCC-100 du 23 juillet 2012 ainsi que la décision n°14-DCC-15 du 10 février 2014.

16 Lettre n° C2006-02 précitée, p. 7 et s. ; avis n° 06-A-13, p. 10 ; décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11, précitée.

17 La chronologie des médias fait actuellement l'objet d'examens par les pouvoirs publics qui pourraient aboutir à sa modification. Voir notamment le rapport du CSA au Gouvernement sur l'application du décret n°2010-1379 publié le 23 décembre 2013, le rapport Bonnell " Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique " de décembre 2013 et le rapport Lescure " Mission " Acte II de l'exception culturelle ": Contribution aux politiques culturelles à l'ère numérique " de mai 2013.

18 Lettre n° C2006-02, précitée.

19 Décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.

20 Conclusions de Vincent Daumas, rapporteur public auprès du Conseil d'Etat, lecture du 23 décembre 2013 (n° ; 363702, 362719 et 363978) (ci-après, les " conclusions du rapporteur public "), p. 6.

21 Conclusions du rapporteur public, précitée, p. 12.

22 Décision du Conseil d'Etat, précitée, §18.

23 Avis du CSA n°2014-2 du 13 février 2014 à l'Autorité de la concurrence sur la saisine de l'Autorité de la concurrence relative à la notification de l'acquisition des sociétés Direct 8, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermedia par les sociétés Vivendi et Groupe Canal Plus (ci-après, l'" avis du CSA ").

24 Avis du CSA, p. 10

25 Avis du CSA, p. 12.

26 Id.

27 Réponse du groupe TF1 au test de marché du 21 janvier 2014, question n°4.

28 Décision n°10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 des sociétés NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB)

29 Avis du CSA du 22 mai 2012, p. 17.

30 Décisions n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 et n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012, précitées.

31 Article 7 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision

32 Avis de l'Autorité de la concurrence n°06-A-13 du 13 juillet 2006 relatif à l'acquisition des sociétés TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus et décision de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-100 précitée

33 Avis du CSA, p. 16-17.

34 Formulaire de notification, §203.

35 Avis n° 2012-11 du 22 mai 2012 à l'Autorité de la concurrence sur la notification de l'acquisition des sociétés Direct 8, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermedia par les sociétés Vivendi Universal et Groupe Canal Plus.

36 Avis du CSA, p. 16.

37 Formulaire de notification, §180 et s.

38 Avis du CSA du 22 mai 2012, p. 15.

39 Lettre n° C2006-02 et décision n° 10-DCC-11, précitées.

40 Formulaire de notification §233.

41 Formulaire de notification, §238

42 Les heures de " grande écoute " sont comprises entre 9 et 12h et entre 15 et 23h et ne correspondent donc pas exactement au " prime time " (19h-23h).

43 Canal+ France, document de base enregistré auprès de l'Autorité des marchés financiers le 16 février 2011, p. 32.

44 Voir l'avis du CSA du 22 mai 2012, annexe 1 relative au " déroulement d'une campagne publicitaire ", évolution des audiences selon les grandes périodes de la journée, p. 91.

45 Avis du CSA, p. 18.

46 Voir notamment l'avis du Conseil de la concurrence de 2006 ; la décision du ministre de 2006 ainsi que la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11, du 26 janvier 2010.

47 Lettre n° C2006-02 et décision de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-100 précitée.

48 Décision de la Commission européenne GCP/RTL/GJCD du 13 novembre 2001 ; lettre n° C2006-02 ; décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 et 12-DCC-100 précitées.

49 Lettre n° C2006-02 précitée, §87 et 95.

50 Articles 4 et 5 du décret du 22 décembre 2004.

51 Voir la lettre du ministre de l'économie n° C2006-02, précitée.

52 Réponse du groupe MMA au test de marché de phase II.

53 Réponse du groupe Orange au test de marché de phase II.

54 Décision de la Commission européenne du 11 mars 2008, n° COMP/M.4731, Google/ DoubleClick.

55 Avis du CSA du 22 mai 2012, p. 19.

56 Voir décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 ; l'avis du Conseil de la concurrence n° 06-A-13 du 13 juillet 2006 relatif à l'acquisition des sociétés TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus ; lettres du ministre de l'économie n° C2006-02 et C2004-127 ; décision de la Commission, RTL/Veronica/Endemol, précitée.

57 Décision n° 10-DCC-11, précitée, §192.

58 Décision n° IV/M.553, point 30.

59 Voir, notamment, les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §446, et les lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, §18.

60 A titre de comparaison, en 2010, les chaînes gratuites ont diffusés 1 654 films de catalogue, dont 857 pour les nouvelles chaînes de la TNT.

61 Formulaire de notification, Figure 23.

62 Sources : Rapports sur Direct 8/D8 et Direct Star/D17, CSA. 30

63 Source : Médiamétrie/Médiamat, Kantar Média, formulaire de notification, figure n°83.

64 Voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 décembre 2005, aff. T-210/01, General Electric Co c/ Commission, §405.

65 Données publiques (http://www.videoageinternational.com/screenings/screen-new-series-12.htm).

66 Total des films exploités en salle aux Etats-Unis par chaque studio en 2011, inclus une partie de la production de 2010 qui continue d'être exploités en salle en 2011 (source : http://boxofficemojo.com/studio/ ?view=company&view2=yearly&yr=2011&p=.htm).

67 Part de marché exprimée en pourcentage du box office américain total en 2011 et tirée des revenus de films exploités en 2011 (source : http://boxofficemojo.com/studio/?view=company&view2=yearly&yr=2011&p=.htm).

68 Inclus la production de Focus Features.

<Emplacement Tableau>

69 Inclus la production de CBS Films.

70 Inclus la production de Sony Classics.

71 Inclus la production de Fox Searchlight.

72 Voir Satellifax, n° 3797, 14 mars 2012 (http://www.satellifax.com/lettre/gratuit/ cb24cfde96bdd53244c46e703a4436aaad3bbd1a/2012-03-14.pdf), p. 4-5 (données tirées du rapport " Imported Drama Series in Europe " publié par ETS, Madigan Cluff et Digital TV Research, mars 2012).

73 Ces notions font l'objet de définitions contractuelles dont le sens est le même d'un studio à l'autre : les chaînes gratuites sont celles qui sont accessibles aux téléspectateurs sans abonnement ; les chaînes payantes non-premium sont visées sous la dénomination " basic television ", qui vise les chaînes non-premium comprises dans les bouquets de distributeurs comme CanalSat, accessibles contre le paiement d'un abonnement ; et les chaînes payantes premium sont visées sous la dénomination " pay TV ", qui vise les chaînes diffusant des contenus premium contre le paiement d'un abonnement correspondant, comme la chaîne Canal+. En utilisant ces dénominations et en leur conférant des fenêtres spécifiques de diffusion, les ayants-droits créent contractuellement une chronologie des diffusions entre ces différents services de télévision

74 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence sur le contrôle des concentrations, §430.

75 Lettre C2006-02, précitée.

76 Ces contrats étaient limités à 3 ans en application des engagements pris par GCP pour obtenir l'autorisation de prendre le contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite en 2006.

77 OCS comporte les chaînes suivantes : Orange Cinémax, Orange Cinéhappy, Orange Cinéchoc, Orange Cinénovo et Orange CinéGéants.

78 Avis de l'ARCEP du 10 mai 2012, p 34.

79 Mission sur le développement des services de vidéo à la demande et leur impact sur la création confiée à Mme Sylvie Hubac, rapport au CNC, décembre 2010 (ci-après, le " rapport Hubac "), p. 16.

80 Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande.

81 Voir http://www.lejdd.fr/Medias/Internet/Filippetti-Netflix-doit-se-plier-aux-regulations-francaises-650255.

82 British Film Institute Yearbook 2011, p. 123 (http://www.bfi.org.uk/sites/bfi.org.uk/files/downloads/bfi-statistical-yearbook-2011.pdf).

83 Voir réponse des majors au test de marché de phase II.

84 Voir Satellifax, n° 3797, 14 mars 2012, reprise des conclusions du rapport " Imported Drama Series in Europe " précité.

85 Voir procès-verbal d'audition de M. Belmer du 10 mai 2012.

86 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §434.

87 Observations des parties notifiantes du 25 juin 2012.

88 Procès-verbal d'audition de M. Belmer du 10 mai 2012

89 Présentation du " Projet Claire " de Canal+, non daté.

90 Pris dans le cadre de la fusion Canal+/TPS et ultérieurement par GCP.

91 Depuis la dernière négociation intervenue en 2011 avec les organisations professionnelles du cinéma, il est prévu de ramener l'obligation d'investissement de Ciné+ en matière d'acquisition de droits de diffusion d'œuvres cinématographiques d'expression originale française à 22 %, de fixer à 0,70 € Hors TVA par mois et par abonné la part devant être consacrée aux œuvres cinématographiques de long métrage d'expression originale française au sein du minimum garanti actuellement fixé pour les œuvres européennes et de porter le taux de la diversité de 25 % à 28,4 % pour maintenir un niveau de diversité comparable au précédent, eu égard à la modification prévue du niveau de l'obligation d'acquisition des œuvres cinématographiques d'expression originale française.

92 Décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ; décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le CSA.

93 La qualification d'œuvre relevant de la " production indépendante " est attribuée par le CSA après avis du CNC.

94 Formulaire de notification, §487.

95 Avis du CSA, p. 13.

96 Cette dernière diffuse en France des épisodes de séries américaines 24 heures après leur diffusion aux Etats Unis (service dit " US+24 "). OCS propose également à ses abonnés une chaîne délinéarisée, OCS Go, qui dispose d'un corner consacré aux séries d'HBO disponibles en VàD.

97 Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande.

98 Pathé Production, Gaumont, Légende Films, Les Films du 24 et Wild Bunch.

99 CNC - La production cinématographique en 2012.

100 Avis du CSA n°2012-11 du 22 mai 2012 précité.

101 En 2011, d'après les données du CNC, 66 % des films préacheté par les chaînes Canal+ en première fenêtre ont été préachetés par les chaînes Ciné + en deuxième fenêtre.

102 D'une durée de 6 mois, celle-ci se situe au 22ème mois après la sortie du film en salles. Cette fenêtre est prioritaire sur la première fenêtre gratuite, cette dernière étant donc reculée de 6 mois en cas de négociation de la deuxième fenêtre payante.

103 Avis du CSA du 22 mai 2012, p. 25.

104 Source : avis du CSA n°2014-2 du 13 février 2014 et réponse de GCP aux questionnaires des 22 et 24 janvier 2014.

105 Source : CNC - La production cinématographique en 2012.

106 Source : CNC - La production cinématographique en 2012, avis du CSA n°2014-2 du 13 février 2014 et réponses des chaînes au test de marché du 21 janvier 2014.

107 Formulaire de notification §501.

108 CNC - La production cinématographique en 2012, p. 7.

109 Formulaire de notification §501.

110 A l'exception de " Tout ce qui brille " dont le devis est de 6,6 millions d'euros.

111 CNC - La production cinématographique en 2013.

112 Avis du CSA, p.17.

113 Id.

114 Interview de M. Rodolphe Belmer dans le Film Français du 18 mai 2012 et procès-verbal des déclarations de M. Belmer du 10 mai 2012.

115 Voir présentation du " Projet Claire " de Canal+, non daté, p. 5.

116 Les chaînes historiques commercialisent également une minorité d'écrans publicitaires en GRP garantis.

117 Sur ce point, voir notamment la note du groupe TF1 du 22 mai 2012. Voir également les grilles tarifaires des chaînes hertziennes historiques comme TF1 (http://www.tf1pub.fr/offre/tf1/grille-tarifs/) ou M6 (http://m6pub.fr/tarifs-cgv/).

118 Voir, sur ce point, la décision n° 10-DC-11, précitée, §433. Il convient cependant de noter que la contrainte réglementaire qui pèse sur France Télévisions n'est cependant pas immuable (voir, par exemple, http://www.lefigaro.fr/medias/ 2012/06/01/20004-20120601ARTFIG00626-france-televisions-en-quete-d-argent.php).

119 Source : Les dossiers du CNC, n°328 - novembre 2013, Les programmes audiovisuels.

120 Avis du CSA du 22 mai 2012, p. 34.

121 Source : Les dossiers du CNC, n°328 - novembre 2013, Les programmes audiovisuels.

122 La diffusion de la fiction à la télévision en 2012. Le CNC ajoute qu'en 2012, l'offre de fiction étrangère augmente de 15 soirées sur les chaînes nationales historiques.

123 Diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision en 2012, CNC.

124 Id.

125 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010, §366.

126 Diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision en 2012, CNC.

127 Décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ; décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

128 Article 7 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision

129 Voir Satellifax, n° 3797, 14 mars 2012, reprise des conclusions du rapport " Imported Drama Series in Europe " précité, p. 5.

130 La diffusion de la fiction à la télévision en 2011, les études du CNC, avril 2012, p. 36.

131 Comme expliqué plus haut, les contrats-cadre des chaînes gratuites portent généralement sur les deux types de contenus (séries et films), ce qui justifie de globaliser l'analyse des effets sur ceux-ci. Toutefois, le rôle que jouent les séries américaines dans l'économie des chaînes gratuites montre que l'essentiel de l'impact de la mise en œuvre d'un effet de levier portera sur ce type de contenu.

132 Voir, en ce sens, le procès-verbal des déclarations des représentants de NRJ 12.

133 Formulaire de notification, §501.

134 CNC - La production cinématographique en 2012.

135 Avis du CSA, p. 7.

136 Réponse au test de marché de Métropole Télévision, p. 31.

137 Lignes directrices, §478.

138 Note du groupe TF1 du 21 février 2014, p. 4.

139 Sauf dérogation permettant une diffusion en clair sur l'antenne de Canal+.

140 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §449.

141 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, §384.

142 Formulaire de notification, §509.

143 Formulaire de notification et la revue professionnelle Le Film Français.

144 Réponse de GCP aux questionnaires des 22 et 24 janvier 2014.

145 Estimation établie à partir des données fournies en réponse au test de marché de marché du 21 janvier 2014 et de l'étude du CNC : L'économie des films français.

146 Réponse de GCP aux questionnaires des 22 et 24 janvier 2014.

147 Décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision.

148 Procès-verbal de l'audition du groupe M6, réponse à la question n°14.

149 Décision n° 10-DCC-11, précitée, §282.

150 CNC, la production cinématographique en 2012.

151 Décret n°90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision

152 Avis du CSA n°2012-11 précité, p. 33.

153 Lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, §48.

154 Diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision en 2012, CNC, septembre 2013.

155 Formulaire de notification, figure n°17.

156 Loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

157 Article 5 du décret n° 2004-1932 du 22 décembre 2004 relatif à la diffusion des évènements d'importance majeure.

158 Réponse de GCP au questionnaire des services d'instruction en date du 14 mai 2012, question n° 7d. Ces évènements ne sont considérés comme étant d'importance majeure que dans la mesure où l'équipe de France y participe, ce qui était le cas ces années-là.

159 La situation de la finale du championnat de France de rugby est différente puisque GCP partage les droits de la finale avec France Télévisions, qui achète les droits de la finale seule (GCP ayant fait pour sa part l'acquisition de l'intégralité de la compétition).

160 CSA, Sport et télévision : quels défis pour le régulateur dans le nouvel équilibre gratuit-payant ?, juin 2011, p. 18.

161 Id., p. 20-21.

162 Id., p. 47.

163 Source : formulaire de notification du 15 janvier 2014, figure n°83

164 Voir la décision n° 10-DCC-11 précitée, §411.

165 Décision de l'Autorité n° 10-DCC-11, précitée, §557.

166 Paragraphe 525 des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations.

167 Id., paragraphe 526.

168 Id., paragraphe 528.

169 Voir annexes à la réponse de M6 du 14 mai 2012 au questionnaire adressé aux chaînes en phase II. Par " franchise " on entend une série d'œuvres portant sur le même thème, voire une même fiction, qu'il s'agisse de films ou d'une série, dont les épisodes sont successifs, et présentant des caractéristiques (personnages, scenario) récurrentes ou présentant une forme de continuité.

170 Voir, par exemple, la décision n° 12-DCC-20 du 7 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d'Enerest par Electricité de Strasbourg, §84.

171 Décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2010 relative à un recours de Métropole Télévision contre une décision autorisant l'acquisition de chaînes de la TNT par le groupe TF1 (n° 338197).

172 Décision du Conseil d'Etat du 21 décembre 2012 relative à la décision par laquelle l'Autorité a retiré l'autorisation de la fusion Canal Plus/TPS (n° 353.856), §29.

173 Le CSA constate également que, dans certains cas, les producteurs vendent des fenêtres supplémentaires de diffusion. Les éléments au dossier montrent toutefois que ces cas restent très minoritaires.

174 Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que " Canal Plus pourra s'appuyer sur sa position de quasi-monopsone sur les marchés de droits de diffusion de films français en télévision payante pour conquérir une position dominante sur les marchés de droits de diffusion de films français en deuxième et troisième fenêtre en clair, grâce à un effet de levier consistant dans la liaison des acquisitions de droits exclusifs de diffusion en télévision payante et des acquisitions de droits exclusifs de diffusion en deuxième ou troisième fenêtre en clair "174. Le Conseil d'Etat a ainsi estimé que la mise en œuvre d'un tel effet de levier " aurait pour effet d'ériger de fortes barrières à l'entrée sur les marchés de droits de diffusion de films français en deuxième et troisième fenêtres en clair "174, effet auquel les engagements souscrits dans le cadre de la décision annulée ne remédiaient pas.

175 Il peut s'agir soit d'acquisitions de droits de diffusion en clair de films EOF dont GCP n'a pas acquis les droits de diffusion en télévision payante ou les acquisitions de droits de diffusion en clair de films EOF agréés par le CNC avant le 1er décembre 2011.

176 Le premier cycle d'exploitation en clair correspond aux diffusions du film acquises au stade du préfinancement.

177 Au sens des " devis de production " recensés par le CNC.

178 Réponse de la société Gaumont du 20 juin 2012 au questionnaire relatif aux engagements proposés par les parties notifiantes dans le cadre de la première notification de l'opération.

179 Décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2013, sté Métropole télévision et autres (n° 363978), §21.

180 Décision du Conseil d'Etat du 23 décembre 2013, n° 363702 précitée, §18.

181 Une telle modification des marchés amont de la télévision payante pourrait découler de l'émergence de nouveaux acteurs exerçant sur GCP une pression concurrentielle significative, comme le permettront les opportunités ouvertes pour la concurrence par les mesures correctives enjointes aux parties par l'Autorité dans le cadre du nouvel examen de l'acquisition de TPS et CanalSatellite. Néanmoins, au-delà de la mise en œuvre de ces mesures, un tel résultat ne pourra découler que d'une contestation significative et durable des positions détenues par GCP dans les marchés concernés.