Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 avril 2014, n° 09-02210

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse (Sté), Pharmacie centrale de France (Sté), Valliot (ès qual.), Torelli (ès qual.)

Défendeur :

Markinter (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Bouzidi-Fabre, Sentex, Buret, Morange de Lambertye, Guerre, Ponthieu

T. com. Evry, du 7 janv. 2009

7 janvier 2009

Par acte du 22 septembre 2004, la société de droit américain Markinter a assigné les sociétés Pharmacie Centrale de France (PCF), et Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse (PCAS) devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement avant-dire droit du 12 septembre 2006, le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties au fond devant le Tribunal de commerce d'Évry.

Par actes des 15 et 19 mars 2007, la société Markinter a saisi le Tribunal de commerce d'Évry aux fins de se voir reconnaître la qualité d'agent commercial exclusif de la société PCF aux États-Unis, depuis 30 ans, puis au Mexique, en Chine, en Indonésie, en Malaisie et en Thaïlande, voire constater la rupture de cette relation contractuelle au 31 décembre 2003 et voir condamner solidairement les sociétés PCF et PCAS à lui payer une indemnité de fin de contrat ainsi qu'un arriéré de commissions.

Par jugement du 27 décembre 2007, le Tribunal de commerce d'Aubenas a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société PCF. Cette procédure a été convertie en procédure de liquidation judiciaire, par jugement du 25 novembre 2008, désignant Me Torelli en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte du 1er février 2008, la société Markinter a assigné en intervention forcée, avec dénonciation de procédure, Maître Régis Valliot, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société PCF et Maître Frédéric Torelli, ès qualités de mandataire judiciaire de la société PCF, devant le Tribunal de commerce d'Évry.

Par jugement du 7 janvier 2009, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce d'Evry a :

- débouté la société Pharmacie Centrale de France de sa demande d'irrecevabilité ;

- dit que la société Markinter a, depuis 1975, le statut d'agent commercial pour le territoire des Etats-Unis représentant la société Pharmacie Centrale de France ;

- dit que la société Pharmacie Centrale de France a rompu les relations contractuelles qui la liaient à la société Markinter le 6 juillet 2003 avec prise d'effet au 31 décembre 2003 ;

- condamné solidairement la société Pharmacie Centrale de France et la société Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse à payer à la société Markinter la somme de 70 029,21 USD qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2004 jusqu'à parfait paiement ;

- condamné solidairement la société Pharmacie Centrale de France et la société Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse à payer à la société Markinter la somme de 95 000 USD assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2007 jusqu'à parfait paiement ;

- ordonné la capitalisation de ces sommes dès lors qu'elles sont dues pour une année entière ;

- débouté respectivement les parties de toutes leurs autres demandes ;

- condamné solidairement la société Pharmacie Centrale de France et la société Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse à payer à la société Markinter la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné solidairement la société pharmacie centrale de France et la société produits chimiques auxiliaires et de synthèse aux dépens de l'instance.

La société PCAS et Me Torelli ont interjeté appel du jugement respectivement le 3 février 2009 et le 20 mars 2009.

Par ordonnance du 4 juin 2009, le Premier président de la Cour d'appel de Paris a ordonné la consignation de la somme de 155 294,90 euro sur le compte Carpa du conseil de la société Markinter, jusqu'à ce que la Cour d'appel ait définitivement tranché le litige.

Par arrêt du 27 janvier 2011, la Cour d'appel de Paris (Pôle 5 Chambre 5) a :

- débouté la société PCAS et Me Torelli, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société PCF, de leur demande de nullité du jugement entrepris ;

- infirmé le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société PCF de sa demande d'irrecevabilité, dit que la société Markinter avait, depuis 1975, le statut d'agent commercial pour le territoire des Etats-Unis représentant la société PCF, dit que la société PCF avait rompu les relations contractuelles qui la liaient à la société Markinter le 8 juillet 2003 avec prise d'effet au 31 décembre 2003 et condamné solidairement la société PCF et la société PCAS à payer à la société Markinter la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau pour le surplus,

- dit que la société PCF doit indemniser la société Markinter du préjudice né de la rupture du contrat et lui payer les commissions restant dues en exécution du contrat d'agence ;

- dit que la société PCAS doit donc être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter ;

- fixé au passif de la société PCF la créance de la société Markinter à titre de provision correspondant à la contre-valeur en euros au jour du paiement de 100 000 USD et condamné la société PCAS solidairement avec la société PCF à payer à la société Markinter ce montant ;

- débouté la société Markinter de ses demandes de dommages et intérêts au titre de détournements de clientèle et d'un comportement vexatoire de la part de la société PCAS, ou de sa filiale la société PCF ;

- débouté la société Markinter de ses demandes de dommages et intérêts au titre de détournements de clientèle et d'un comportement vexatoire de la part de la société PCAS, ou de sa filiale la société PCF ;

Tous droits des parties demeurant réservés sur l'indemnité de rupture, les commissions restant dues, les dommages et intérêts pour résistance abusive et l'indemnité au titre de l'article 700 du CPC ;

- ordonné une expertise et désigné M. Alain Auvray <coordonnées> pour y procéder, avec pour mission de :

- convoquer les parties et leurs conseils, recueillir contradictoirement leurs dires et explications et se faire communiquer par elles tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,

- faire contradictoirement toutes constatations utiles à l'exécution de sa mission et entendre tous sachants,

- déterminer la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat d'agence pour l'ensemble des secteurs d'intervention de la société Markinter au bénéfice de son mandant, la société PCF, pour permettre à la cour de calculer l'indemnité de rupture,

- déterminer les commissions de 7 % en ce qui concerne le territoire des Etats-Unis, dus à la société Markinter sur toutes les commandes en cours par les clients créés par elle sur ce territoire pendant les six premiers mois de 2004, soit jusqu'au 30 juin 2004,

- déterminer les commissions d'ores et déjà payées et celles encore dues,

- donner un avis sur le compte entre la société Markinter et la société PCF en ce qui concerne les commissions en procédant aux éventuelles compensations avec les sommes qui pourraient rester dues par l'agent à son mandant,

- d'une manière générale, fournir à la cour tous éléments de fait ou techniques utiles à la solution du litige,

- répondre à tout dire et réquisition des parties,

- déposer un pré-rapport préalablement au dépôt du rapport définitif,

- dit que l'expert pourra, si nécessaire, demander l'assistance d'un sapiteur pour toute spécialité utile,

- dit qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu au remplacement de l'expert par simple ordonnance, du conseiller de la mise en état,

- désigné Mme Pomonti, conseiller de la mise en état, pour suivre les opérations d'expertise,

- dit que l'expert procèdera à l'exécution de sa mission et devra déposer un rapport dans le délai de trois mois à compter de sa saisine,

- subordonné l'exécution de l'expertise au versement préalable par la société Markinter de la somme de 10 000 euro à valoir sur la rémunération de l'expert, avant le 26 mars 2011,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 31 mars 2011 à 13h, pour vérification de la consignation,

- réserver les dépens.

Le 15 avril 2011, la société PCAS a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Le 22 décembre 2011 l'expert judiciaire a déposé un rapport.

Par arrêt du 12 juin 2012, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a dit que la société PCAS doit être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter et en ce qu'il a condamné la société PCAS solidairement avec la société PCF à payer une provision, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ;

- remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris autrement composée ;

- rejeté la demande de la société Markinter au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et l'a condamnée à payer à la société PCAS la somme de 2 500 euro.

La société PCAS a saisi la Cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation.

Par ordonnance du 29 octobre 2013, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de l'appel du jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Evry le 7 janvier 2009 et de la procédure de renvoi après cassation.

Vu les dernières conclusions, notifiées le 13 décembre 2013, par lesquelles la société PCAS demande à la cour de :

- dire et constater que la société PCAS n'est plus concernée par le problème des commissions pouvant rester dues à la société Markinter compte tenu du caractère définitif de l'arrêt du 27 janvier 2011 sur ce point ;

Pour le surplus,

- infirmer le jugement du 7 janvier 2009 en ce qu'il a condamné la société PCAS, solidairement avec la société PCF, au paiement des indemnités de rupture au profit de la société Markinter ;

- condamner la société Markinter à payer à la société PCAS la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, notifiées le 10 février 2014, par lesquelles Me Torelli, ès qualités, demande à la cour de :

- juger que la décision du Tribunal de commerce d'Evry du 7 janvier 2009 est nulle et non avenue ;

- débouter, en conséquence, la société Markinter de ses demandes ;

- condamner la société Markinter au paiement de la somme de 3 000 euro à Me Torelli, ès qualité de liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire de la société Pharmacie Centrale de France, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions, notifiées le 17 février 2014, par lesquelles la société Markinter demande à la cour de :

- déclarer Me Torelli, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de PCF, irrecevable en sa prétention tirée de la nullité du jugement dont appel comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour de céans le 27 janvier 2011 en toute hypothèse le débouter de toutes ses demandes en appel prises pour le compte de cette société ;

- débouter, de la même façon, PCAS de toutes ses demandes d'appel ;

- dire Markinter recevable et bien fondée en son appel incident ;

- entériner le rapport d'expertise de M. Alain Auvray en toutes ses constatations,

En conséquence,

- établir à la somme de 62 816,71 USD (562 898,10 USD - 500 081,39 USD) le montant des commissions restant dues par PCF à Markinter sur les commandes en cours au 31 décembre 2003 (Joslyn, Hubbel-Ohio Brass, Maida, Cooper, Iusa Articulos, etc), déduction étant faite des sommes retenues par Markinter au titre de son droit de rétention ;

- dire PCF et PCAS solidairement responsables vis-à-vis de Markinter et fixer au passif de la première et condamner la seconde à payer à Markinter la somme de 62 816,71 USD (ou son équivalent en euros au jour de l'arrêt à intervenir), au titre des commissions restant dues, déduction étant faite des sommes retenues par l'agent dans le cadre de son droit de rétention ;

- dire que cette somme sera assortie du taux d'intérêt au taux légal, à compter de la date de l'assignation par Markinter du 22 septembre 2004, avec capitalisation après une année entière,

- établir à tout le moins à la somme de 440 420,98 USD (ou son équivalent en euros au jour de l'arrêt à intervenir), soit deux années calculées sur la moyenne annuelle des trois dernières années d'activité de l'agent commercial, le montant de l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale ;

- dire PCF et PCAS solidairement responsables vis-à-vis de Markinter et fixer au passif de la première et condamner la seconde à payer à Markinter la somme de 440 410,98 USD (ou son équivalent en euros au jour de l'arrêt à intervenir), au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale au 31 décembre 2003, liant l'agent commerciale à PCF ;

- dire que cette somme sera assortir du taux d'intérêt au taux légal, à compter de l'assignation de Markinter en date du 22 septembre 2004, avec capitalisation après une année entière ;

- dire qu'il sera procédé à compensation entre les sommes éventuellement en compte entre les parties,

A titre subsidiaire, au cas où par extraordinaire la cour ne reconnaîtrait pas le caractère fautif, susceptible de tromper Markinter quant à la personnalité de son cocontractant, de l'immixtion de PCAS dans les décisions de sa filiale à l'encontre de l'agent commercial,

- dire PCAS responsable d'une faute personnelle à l'encontre de Markinter ;

- condamner PCAS à payer à Markinter la somme de 62 816,71 USD (ou son équivalent en euros au jour de l'arrêt à intervenir), au titre des commissions restant dues, déduction étant faite des sommes retenues par l'agent dans le cadre de son droit de rétention ;

- condamner PCAS à payer à Markinter la somme de 440 420,98 USD (ou son équivalent en euros au jour de l'arrêt à intervenir), au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale au 31 décembre 2003, liant l'agent commercial à PCF ;

- dire que ces sommes seront assorties du taux d'intérêt au taux légal, à compter de l'assignation de Markinter en date du 22 septembre 2004, avec capitalisation après une année entière,

En tant que de besoin,

- dire qu'il sera procédé à compensation entre les sommes éventuellement en compte entre les parties ;

En tout état de cause,

- dire PCF et PCAS solidairement responsables vis-à-vis de Markinter et fixer au passif de la première et condamner la seconde à la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner solidairement PCF et PCAS et fixer au passif de la première, à payer à Markinter la somme de 25 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise, dont le recouvrement sera poursuivi dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile les dépens relatifs à la société PCF étant pris en frais privilégiés de la procédure collective.

Cela étant exposé, LA COUR :

Sur la demande de nullité du jugement :

Considérant que Me Torelli, ès qualités, expose qu'en condamnant la société PCF à payer à la société Markinter plusieurs sommes d'argent, le Tribunal de commerce d'Évry n'a pas respecté les dispositions d'ordre public de l'article L. 622-22 du Code de commerce, si bien que les conditions de reprise d'instance ne sont pas réunies ; que dès lors le jugement doit être déclaré nul et non avenu ;

Considérant que l'arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2012 a cassé partiellement l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 janvier 2011 en ce qu'il a dit que la société PCAS doit être tenue solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter et en ce qu'il a condamné la société PCAS solidairement avec la société PCF à payer une provision ;

Considérant que sont devenues irrévocables les dispositions du jugement du 7 janvier 2009 et de l'arrêt d'appel du 27 janvier 2007 qui ont :

- dit que la société Markinter a depuis 1975 le statut d'agent commercial pour la société PCF sur le territoire des États-Unis,

- dit que la société PCF a rompu les relations commerciales qui la liaient à la société Markinter le 8 juillet 2003 avec pris d'effet au 31 décembre 2003,

- dit que la société PCF doit indemniser la société Markinter du préjudice né de la rupture du contrat et lui payer les commissions restant dues en exécution du contrat d'agence,

- fixé au passif de la société PCF la créance de la société Markinter à titre de provision correspondant à la contre-valeur en euros au jour du paiement de 100 000 USD,

- débouté la société Markinter de ses demandes de dommages et intérêts au titre de détournements de clientèle et d'un comportement vexatoire de la part des sociétés PCAS ou PCF,

- ordonné avant dire droit une expertise confiée à M. Alain Auvray ;

Considérant que l'article 372 du Code de procédure civile prévoit que sont réputés non avenus, sauf s'ils sont confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue, les jugements même passés en force de chose jugée obtenus après l'interruption d'instance ; que l'article L. 622-22 du Code de commerce dispose que les instances interrompues sont reprises de plein droit après que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés ; qu'en application de cet article l'instance avait été reprise devant le Tribunal de commerce d'Évry, puisqu'il n'est pas contesté qu'une copie de la déclaration de créance de la société Markinter avait été produite et que l'administrateur et le mandataire judiciaires avaient été mis en cause ;

Considérant que les condamnations à l'encontre de la société PCF prononcées par le tribunal, alors que le jugement du 7 janvier 2009 ne pouvait que constater les créances et en fixer le montant, sont sans incidence sur la régularité de la reprise instance ; qu'en conséquence le jugement ne peut être déclaré non avenu et la disposition de l'arrêt d'appel du 27 janvier 2007 déboutant la société PCAS et Me Torelli, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PCF, de leur demande de nullité du jugement du 7 janvier 2009 est également devenue irrévocable ;

Sur la responsabilité de la société PCAS :

Considérant que la société PCAS soutient que, en la condamnant solidairement avec la société PCF, le tribunal a méconnu le principe de l'autonomie des personnes morales aux termes duquel les entités qui composent un groupe ne peuvent être tenues aux obligations d'une filiale du seul fait de leur appartenance au groupe ou de la détention du capital de cette filiale ; qu'aucune des trois conditions permettant qu'une société mère soit tenue responsable du passif d'une société filiale n'existe en l'espèce ; que l'immixtion qui lui est reprochée ne peut constituer une faute personnelle car aucune faute et aucune complicité de faute n'est caractérisée ; qu'en effet, le mandant tient de la loi le droit de mettre un terme au contrat d'agence dès lors qu'il est à durée indéterminée, moyennant un préavis et une indemnité ;

Considérant que la société Markinter expose que la correspondance adressée par les plus hauts dirigeants de la société PCAS montre que ceux-ci estimaient être en relation commerciale directe avec la société Markinter ; que les décisions et propositions diverses faites par la société PCAS, société mère quasiment à 100 % de la société PCF, constituaient pour la société Markinter une apparence trompeuse propre à lui laisser croire légitimement que la société PCAS était aussi son cocontractant ; que c'est la société PCAS qui a décidé, dès la prise de contrôle de la société PCF en 1999, de changer les règles de la rémunération de la société Markinter, puis de mettre fin au contrat d'agence en violation des droits de l'agent commercial ; que cette immixtion dans les relations entre la société PCF et la société Markinter et l'intervention directe des dirigeants de la société PCAS auprès de la société Markinter et de son dirigeant, M. de Charette, était de nature à induire en erreur la société Markinter sur la personnalité de son cocontractant ;

Considérant que la responsabilité d'une société mère au titre des préjudices subis par le cocontractant de sa filiale ne peut être retenue que s'il est établi que la filiale est une société fictive, que son patrimoine est confondu avec celui de la société mère ou que cette dernière s'est immiscée dans l'exécution du contrat dans des conditions de nature à créer, pour le cocontractant une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la société mère était aussi son cocontractant ;

Considérant que, au mois d'octobre 1999, la société PCAS a acquis 99,40 % du capital de la société PCF ; que par courrier du 21 décembre 1999, à en-tête de la société PCF, le directeur général de cette société informait la société Markinter que "Notre nouvel actionnaire (la société PCAS) qui travaille déjà aux USA avec des agents confirmés demande de clarifier notre relation avec vous sur plusieurs aspects. En premier lieu, il n'est pas établi de contrat en clair entre PCF et Markinter. Aussi, nous vous proposons un contrat en annexe dont vous voudrez bien nous faire rapidement vos commentaires. Par ailleurs le taux de commission appliqué historiquement (7 % du chiffre d'affaires réalisé) est jugé excessif au regard de ce qui est pratiqué pour d'autres agents au sein de PCAS mais aussi au sein de PCF ... Il est d'ailleurs anormal de constater que Markinter a un taux de commission supérieur de plus de 50 % de la moyenne de commissions de tous les agents de PCF ... Le groupe PCAS n'est d'ailleurs pas opposé à vous proposer une représentation sur des produits autres que ceux fabriqués par PCF et ce, dans une optique de compensation" ;

Considérant que ce premier courrier ainsi que tous les échanges par écrit intervenus entre les sociétés Markinter, PCF et PCAS et produits aux débats montrent que l'initiative de la renégociation du contrat d'agent commercial avec la société Markinter a été prise à la demande de la société PCAS ; que la négociation avec la société Markinter, qui a duré près de quatre années sans aboutir à la signature d'un contrat d'agent commercial, a été difficile et a nécessité l'intervention de la société PCAS, à laquelle la société Markinter s'adressait directement ;

Considérant que si la société Markinter a entretenu des échanges, plutôt tendus, tant avec la société PCF qu'avec la société PCAS au sujet de la négociation du contrat d'agent commercial proposé par la société PCF, cependant les termes des courriers et des courriels échangés, comme le contenu du contrat d'agent commercial ne laissaient aucune ambiguïté sur la qualité de cocontractant de la société PCF et celle de simple intervenant à la négociation de la société PCAS, d'un commun accord entre les parties ;

Considérant que si l'immixtion de la société PCAS est établie, dans la décision prise par la société PCF de renégocier le contrat d'agent commercial la liant à la société Markinter comme dans la négociation qui s'en est suivie, cependant, d'une part, cette immixtion s'explique par l'étroitesse des liens économiques existants entre les sociétés PCAS et PCF et par la volonté d'harmonisation des représentations commerciales à l'étranger du groupe PCAS, d'autre part, l'intervention de la société PCAS a été rendue nécessaire par la difficulté de négocier un nouveau contrat d'agent commercial avec la société Markinter, qui avait accepté de signer un contrat écrit, mais qui refusait la réduction du taux de commission et avait des différents avec la société PCF concernant le client Mallinckrodt, le paiement de commissions ou les zones de prospection ;

Considérant que, loin de s'opposer à cette immixtion, la société Markinter s'est adressée directement à la société PCAS pour régler ses désaccords avec la société PCF, lui a adressé ses propositions sur le contrat d'agent commercial proposé par PCF et a participé à des réunions avec la société PCAS ; qu'il apparaît que ces échanges se sont accompagnés d'une présentation de la société et du groupe PCAS à la société Markinter en vue de la conclusion éventuelle d'un contrat d'agent commercial entre la société PCAS et Markinter, sur les États-Unis, mais qu'aucun accord n'a été trouvé entre les deux sociétés ; qu'il n'est pas contesté que la société Markinter n'a pas distribué les produits de la société PCAS, qui a pour activité la synthèse pharmaceutique et la chimie fine de spécialités, alors que la société PCF a pour activité la chimie minérale ;

Considérant que les lettres et courriels de la société PCAS invoqués par la société Markinter pour démontrer que les contacts entre les sociétés PCAS et Markinter n'étaient pas faits sur papier à en-tête de PCF, notamment ceux des 5 juin 2000, 11 septembre 2000, 29 septembre 2000, 2 octobre 2000, 25 novembre 2002, sont relatifs aux contacts pris entre ces deux sociétés pour conclure entre elles un contrat d'agent commercial ; que le courrier du 9 juillet 2004, postérieur à la rupture du contrat avec PCF, est une réponse de la société PCAS à un courrier de la société Markinter contestant une décision de la société PCF, que la société PCAS a également transmis par télécopie à sa filiale ;

Considérant que ni la présence sur le papier à en-tête de la société PCF du logo PCAS en dessous du logo PCF, ni l'utilisation par la société PCAS de papier à en-tête PCAS, ni la circonstance que des dirigeants de la société PCAS soient devenus dirigeants de la société PCF et inversement, ne sont pas suffisantes, au vu du contenu des échanges, pour laisser penser à la société Markinter que la société PCAS était devenue son cocontractant pour l'exécution du contrat d'agent commercial la liant à la société PCF ;

Considérant que, si en raison des difficultés existant entre les sociétés PCF et Markinter, la société PCAS est intervenue, avec le plein accord de M. de Charette qui s'adressait directement aux dirigeants de cette société pour obtenir leur arbitrage, dans la négociation du contrat d'agent commercial liant les sociétés PCF et Markinter ; que toutefois, les courriers, courriels et télécopies versés aux débats montrent que dans les relations entre la société Markinter et la société PCAS, il a toujours été clair qu'il existait d'une part une négociation pour parvenir à la signature d'un contrat écrit d'agent commercial avec la société PCF et, d'autre part, une prise de contact pour conclure un éventuel contrat d'agent commercial avec la société PCAS, portant sur des produits organométalliques fabriqués par la société PCAS, produits différents de ceux fabriqués par la société PCF ;

Considérant qu'il n'est pas soutenu que la société PCF était fictive ou qu'il existait une confusion des patrimoines entre la société mère et sa filiale ; que la société Markinter ne rapporte pas la preuve que l'immixtion de la société PCAS dans les relations contractuelles entre les sociétés PCF et Markinter a créé pour cette dernière une apparence trompeuse propre à lui permet de croire légitimement que la société PCAS était aussi son cocontractant ; qu'en conséquence le principe de la relativité des conventions et celui de l'indépendance des personnes morales s'oppose à ce que la société PCAS soit condamnée au paiement des sommes dues par la société PCF à la société Markinter, étant précisé que l'arrêt d'appel du 27 janvier 2011, dont le dispositif doit être interprété à la lumière des motifs, est devenu irrévocable en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement dirigées contre la société PCAS au titre des commissions ;

Considérant que, à titre subsidiaire, la société Markinter soutient que la conduite abusive de la société PCAS, qui a pris une part déterminante dans la rupture de ses relations avec la société PCF et dans le refus de lui payer les sommes qui lui sont dues, lui a directement causé des préjudices ; que la société PCAS a ainsi engagé sa responsabilité personnelle ;

Considérant que la dégradation constante des relations entre la société Markinter et la société PCF apparaît nettement au fil des échanges de correspondances entre ces sociétés ; que cette situation a pour origine la proposition de mise en place d'une nouvelle politique de rémunération qui n'a pas été acceptée par la société Markinter, sans toutefois que l'intervention de la société PCAS à la négociation du nouveau contrat d'agent commercial proposé par la société PCF n'ait été un facteur de dégradation des relations entre les sociétés PCF et Markinter ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-11 du Code de commerce "Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis" ; qu'en mettant fin au contrat d'agent commercial qui la liait à la société Markinter, la société PCF n'a commis aucune faute, d'autant que la tentative de négociation d'un nouveau contrat s'est étalée sur presque quatre années, durant lesquelles les désaccords entre les deux sociétés n'ont fait que croître, rendant inévitable la rupture prononcée le 6 juin 2003, avec effet au 31 décembre 2003 ;

Considérant qu'en incitant la société PCF à renégocier le contrat d'agent commercial de la société Markinter, en se montrant solidaire des propositions ou des décisions prises par sa filiale pour aligner les stipulations du contrat d'agent commercial conclu avec la société Markinter avec la politique du groupe PCAS en matière de contrats d'agent commercial, et même en incitant sa filiale à rompre le contrat en raison des désaccords persistants, la société PCAS n'a commis aucune faute ; qu'en conséquence, les demandes de condamnation de la société Markinter à l'égard de la société PCAS doivent être rejetées ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Considérant que la société Markinter sollicite la condamnation des sociétés PCF et PCAS à lui verser la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, tant au titre de commission d'agence que de l'indemnité de fin de contrat sur le territoire des États-Unis et hors de celui-ci ;

Considérant cependant que, d'une part, pour les raisons précédemment énoncées la demande contre la société PCAS doit être rejetée ; que, d'autre part, la société PCF n'a commis aucun abus en se défendre en justice ; qu'enfin, en application des dispositions de l'article 1153 du Code civil, sauf règles particulières, "Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal" ; que la société Markinter doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires ;

Sur les sommes dues par la société PCF à la société Markinter :

Considérant que par décision avant dire droit, l'arrêt d'appel du 27 janvier 2011 a ordonné une expertise confiée à M. Alain Auvray ; que l'expert judiciaire a déposé un rapport le 22 décembre 2011 concluant que :

- les commissions et frais demeurant à payer à la société Markinter s'élèvent à la somme de 562 898,10 USD,

- les sommes à reverser par la société Markinter, au titre des factures encaissées, s'élèvent à la somme de 500 081,39 USD,

- la moyenne annuelle de commissions de la société Markinter pour les trois dernières années (2001-2003) s'élève à la somme de 220 210,49 USD ;

Considérant que la société Markinter expose qu'elle se range au calcul de l'expert et demande à la cour de bien vouloir entériner le rapport d'expertise et de dire qu'il lui reste dû la somme de 62 816,71 USD au titre des commissions et une somme au moins équivalente à deux années de commissions sur la base annuelle de 220 210,49 USD ;

Considérant que, au vu du rapport d'expertise judiciaire non contesté par les parties, il y a lieu de constater que la société PCF reste redevable envers la société Markinter d'une somme de 62 816,71 USD au titre du reliquat de commissions restant dû, ainsi que d'une somme 440 420,98 USD au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agence ;

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 janvier 2009 en ce qu'il a condamné solidairement la société Pharmacie Centrale de France et la société Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse à payer à la société Markinter la somme de 70 029,21 USD assortis des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2007 jusqu'à parfait paiement ; Et statuant à nouveau dans cette limite : Déboute la société Markinter de ses demandes formées contre la société Produits Chimiques Auxiliaires et de Synthèse au titre des commissions et de l'indemnité de rupture ; Constate que la société Pharmacie Centrale de France est redevable envers la société Markinter d'une somme de 62 816,71 USD au titre des commissions lui restantes dues ; Constate que la société Pharmacie Centrale de France est redevable envers la société Markinter d'une somme de 440 420,98 USD au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ; Fixe au passif de la société Pharmacie Centrale de France les créances de la société Markinter : - 62 816,71 USD au titre des commissions ou sa contrevaleur en euros au jour du présent arrêt, - 440 420,98 USD au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ou sa contrevaleur en euros au jour du présent arrêt, Dit que ces sommes seront assortis des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2004, avec capitalisation dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil ; Et y ajoutant : Dit qu'il sera procédé à compensation entre les sommes éventuellement en compte entre les sociétés Pharmacie Centrale de France et Markinter ; Déboute la société Markinter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Pharmacie Centrale de France aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.