CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 22 mai 2014, n° 13-20616
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
TNT Express International (Sté)
Défendeur :
Speed Parcel (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charlon
Conseillers :
Mmes Louys, Graff-Daudret
Avocats :
Mes Perrachon, Berdugo
FAITS ET PROCEDURE :
Depuis 2005, la SARL Speed Parcel effectuait pour le compte de la SAS TNT Express International (TNT Express) différentes prestations de transport.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 juillet 2011, TNT Express avisait Speed Parcel qu'elle mettait fin à ses relations commerciales pour le 13 octobre 2011.
Le 21 mai 2012, Speed Parcel adressait une lettre recommandée avec avis de réception à TNT Express dans laquelle elle contestait les conditions de cette résiliation et lui réclamait une indemnité de 420 000 euros au titre de la rupture brutale et abusive.
Par acte du 20 décembre 2012, après des échanges de correspondances infructueux, Speed Parcel assignait TNT Express devant le Tribunal de commerce de Paris, aux fins de voir juger que TNT Express avait rompu brutalement les relations commerciales entre les parties.
TNT Express a soulevé une exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de Bobigny.
Par jugement contradictoire du 7 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Paris, au visa de "l'article D. 442-3 du Code de commerce qui donne au Tribunal de commerce de Paris la compétence pour régler les litiges liés à l'article L. 442-6 du Code de commerce pour les sociétés dont le siège est situé dans le ressort de la Cour d'appel de Paris" :
- a dit l'exception d'incompétence soulevée par TNT Express recevable mais mal fondée,
- s'est déclaré compétent,
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes, en tant qu'elles visent l'exception d'incompétence,
- a condamné TNT Express aux dépens de l'incident.
TNT Express a formé contredit le 16 octobre 2013.
MOTIFS DU CONTREDIT :
Dans son contredit, complété par des écritures n° 2 du 27 mars 2014, TNT Express fait valoir :
- qu'il existe un texte spécial dans le cas de la sous-traitance de transport, à savoir le contrat-type applicable au transport routier de marchandises exécuté par des sous-traitants publié par décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, qui exclut l'application de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce, que la jurisprudence de la Cour de cassation décide qu'il faut écarter l'application de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce, dès lors que les rapports entre les parties sont régis par le contrat-type,
- qu'au regard de la jurisprudence, il convient de s'interroger sur le point de savoir si les conditions d'application de l'article L. 442-6-I-5 sont réunies en l'espèce, que si la rupture de la relation commerciale de sous-traitance a été faite dans le respect du préavis prévu par l'accord interprofessionnel (au cas présent, le contrat-type), une action fondée sur l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce n'est pas possible, mais si la rupture de la relation commerciale de sous-traitance transport a été faite sans préavis ou sans préavis respectant le délai établi par le contrat-type sous-traitance, l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce retrouve son empire et, de façon logique, les juges, pour apprécier la durée du préavis qui aurait dû être respecté, s'inspireront du contrat-type précité, étant précisé qu'il existe d'autres cas où compétence d'attribution et compétence territoriale sont liées (brevet, PACS),
- que les prestations occasionnelles et d'urgence dites "recovery" ont un caractère accessoire et que sa volonté était bien de mettre un terme à l'ensemble des relations commerciales entre les parties,
- subsidiairement, et dès lors que la solution du litige dépend essentiellement de l'interprétation des arrêts de la Cour de cassation depuis 2008, afin de lever toute ambiguïté, elle suggère de saisir pour avis la Haute Juridiction en application de l'article L. 441-1 du Code de l'organisation judiciaire.
Elle demande à la cour :
- de dire recevable et bien fondé son contredit,
- de déclarer le Tribunal de commerce de Paris territorialement incompétent,
- de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Bobigny,
- de condamner Speed Parcel à supporter les entiers dépens de la présente procédure de contredit.
MOYENS EN DEFENSE :
Dans ses écritures en réponse n° 3, reprises oralement à l'audience, Speed Parcel fait valoir :
- que son activité essentielle pour le compte de TNT Express ne consistait pas dans l'exécution du contrat signé en 2006, amendé en 2009 et 2010, et résilié par TNT à effet du 30 novembre 2011, mais dans la réalisation des prestations originelles de courses quotidiennes affectées chacune d'un code spécifique qui furent l'objet des relations commerciales établies avec TNT depuis le mois de mars 2005 et jamais contractualisées,
- que les dispositions du contrat-type et de l'article L. 442-6-I 5 du Code de commerce doivent être appliquées cumulativement, le contrat-type devant être utilisé comme donnant une information sur les usages professionnels devant servir de minimum à l'appréciation de la durée du préavis qui aurait dû être respecté au regard de la durée de la relation et d'une éventuelle situation de dépendance économique, cette analyse étant non démentie mais confortée par la Cour de cassation,
- que les règles de compétence spéciales de l'article D. 442-3 du Code de commerce sont inévitablement applicables dès lors que l'article L. 442-6 du Code de commerce est, comme en l'espèce, visé par l'assignation,
- que la Cour de cassation, dans son arrêt du 19 novembre 2013, a parfaitement répondu aux questions soulevées par TNT Express et qu'il n'y a lieu de la saisir pour avis.
Elle demande à la cour :
- de dire recevable mais mal fondé le contredit de TNT Express,
- de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 7 octobre 2013 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige,
- de condamner TNT Express à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner TNT Express aux entiers dépens de la présente procédure de contredit dont distraction en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Sur la recevabilité :
Considérant que le contredit, élevé dans les conditions de forme et de délais prévues par l'article 82 du Code de procédure civile, est recevable ;
Sur la compétence :
Considérant que la compétence doit s'apprécier au regard des textes qui fondent la demande et n'est pas subordonnée à l'examen du bien-fondé de celle-ci ;
Considérant que les parties ont conclu un "contrat de sous-traitance de transport routier de marchandises le 10 novembre 2006, "aménageant" expressément "en fonction des particularités de leur relation, les dispositions du contrat-type "sous-traitance" institué par le décret n° 2001-659 du 19 juillet 2001" ;
Que ce contrat de sous-traitance a pour objet les prestations expressément "définies aux articles I et II et décrites en annexe 2" ;
Que par lettre recommandée avec avis de réception du 13 juillet 2011, TNT Express a notifié à Parcel la dénonciation de ce contrat, précisant que les relations commerciales liant les parties prendraient fin le 13 octobre 2011 ;
Que dans l'assignation introductive d'instance, délivrée sur le fondement des seuls articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, Parcel invoque la rupture brutale, à compter du 1er janvier 2012, des relations commerciales établies entre les parties depuis mars 2005 portant sur les courses à codes spécifiques, non concernées par le courrier de résiliation de TNT qui portait exclusivement sur les tournées 211, 318 et 715 ;
Que dès lors, c'est à juste titre que le Tribunal de commerce de Paris a retenu sa compétence au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, fondant la demande ;
Que le contredit est mal fondé et sera rejeté ;
Que l'article 699 du Code de procédure civile est inapplicable dans les matières où, comme en l'espèce, le ministère d'avocat n'est pas obligatoire ;
Par ces motifs Déclare le contredit recevable, le Rejette, Condamne la SAS TNT Express International à payer à la SARL Speed Parcel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS TNT Express International aux frais du contredit sur le fondement de l'article 88 du Code de procédure civile.