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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 mai 2014, n° 12-10054

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mora (SAS)

Défendeur :

Nobel Plastiques (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Guizard, Berthelet, Bolland-Blanchard, Fisselier, Sivignon

T. com. Lyon, du 25 avr. 2012

25 avril 2012

FAITS ET PROCÉDURE

À compter de l'année 2001, la société Mora a produit pour le compte de la société Nobel Plastiques (la société Nobel) des pièces injectées en plastique que celle-ci incorporait dans des éléments d'équipements pour l'industrie automobile.

Par lettre du 21 décembre 2005, la société Nobel, invoquant des problèmes de qualité des produits livrés, a annoncé à la société Mora son intention de cesser leur relation commerciale et a revendiqué la restitution des moules qu'elle lui avait confiés. La société Mora a répondu à cette lettre en contestant les défauts de qualité invoqués, en précisant qu'elle était prête à restituer les moules sous réserve de la reprise des stocks de produits réalisés pour la société Nobel et de la prise en charge des coûts qu'elle avait exposés pour la mise au point des moules.

La relation commerciale s'est néanmoins poursuivie jusqu'en mai 2007, les tentatives des parties pour trouver un accord ne trouvant aucune issue favorable.

Par courriers des 4 et 11 mai 2007, la société Mora a mis en demeure la société Nobel de lui payer les droits de propriété sus mentionnés et celle-ci, en réponse, lui a notifié l'arrêt de la relation commerciale moyennant un préavis de quatre mois prenant effet le 16 mai 2007.

Par un arrêt du 30 juin 2009, la Cour d'appel de Lyon a confirmé l'injonction faite à la société Mora de restituer l'ensemble des outillages, prononcée par Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 19 octobre 2007.

Le 5 août 2010, la société Mora a fait assigner la société Nobel en paiement des sommes qu'elle estime lui être dues du fait de la rupture de leurs relations commerciales.

Par un jugement en date du 25 avril 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Lyon a :

- constaté que les relations commerciales établies entre la société Nobel Plastiques et la société Mora ont été rompues le 16 mai 2007 moyennant un préavis de 4 mois,

- jugé la durée de 4 mois du préavis suffisante au regard de l'importance et l'ancienneté des relations ayant existé entre les parties,

- constaté que le préavis n'a pas été prorogé,

- jugé que la rupture de ces relations commerciales par la société Nobel Plastiques n'est pas abusive,

n'a causé à la société Mora aucun préjudice susceptible de réparation et débouté la société Mora de sa prétention au paiement d'une somme de 100 000 euros à ce titre,

- jugé non fondée la demande de la société Mora de se voir indemnisée au titre de la perte de marge brute pendant une durée de deux ans, et l'en a déboutée,

- jugé que les conditions générales de vente de la plasturgie ne sont pas applicables aux relations commerciales ayant existé entre la société Nobel Plastiques et la société Mora,

- constaté que la société Nobel Plastiques a réglé à tort à la société Mora la facture n° 10091009 d'un montant de 167 801 euros HT et condamné la société Mora à la rembourser, outre intérêts au taux légal à compter du jour du paiement,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière,

- jugé que la société Mora a de son propre chef constitué des stocks de sécurité et réservé des capacités de production inutiles faute de prorogation du préavis, et l'a débouté de sa demande de les lui voir payés,

- condamné la société Nobel Plastiques au paiement à la société Mora de la somme de 36 602,92 euros au titre des marchandises livrées et non réglées,

- condamné la société Nobel Plastiques au paiement à la société Mora de la somme de 2 800 euros au titre de la réparation du bloc chaud,

- débouté la société Mora de ses autres demandes, fins et prétentions,

- ordonné la compensation des condamnations prononcées à l'encontre des parties,

- condamné la société Mora au paiement à la société Nobel Plastiques de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu l'appel interjeté le 1er juin 2012 par la société Mora contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2012 par lesquelles la société Mora demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Mora à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 25 avril 2012,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Nobel Plastiques à payer à la société Mora la somme de 36 602,92 euros au titre des marchandises livrées et non payées, et la somme de 2 800 euros au titre de la réparation du bloc chaud,

- rejeter l'appel incident formé par la société Nobel Plastiques comme étant non fondé

Infirmant le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Nobel Plastiques a rompu brutalement les relations commerciales entretenues avec la société Mora, à défaut de respect d'un préavis suffisant ;

En conséquence,

- condamner la société Nobel Plastiques à payer à la société Mora l'équivalent de deux ans de préavis compte tenu de la relation commerciale établie depuis l'année 2001 entre les parties, soit la somme de 1 400 965 euros au titre de la perte de marge brute,

- condamner, en outre, la société Nobel Plastiques à payer à la société Mora :

. la somme de 72 782,01 euros au titre du stock,

. la somme de 267 413 euros à titre de dommages intérêts au titre de la réservation par la société Mora de ses capacités de production jusqu'à la fin de l'année 2007,

. la somme de 36 602,92 euros au titre des factures de marchandises livrées et non réglées,

. la somme de 2 800 euros au titre de la réparation du bloc chaud

Vu le comportement de la société Nobel Plastiques,

- dire et juger que la rupture est, au surplus, abusive

En conséquence,

- condamner la société Nobel Plastiques à payer à la société Mora la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner la société Nobel Plastiques à payer à la société Mora la somme de 167 801 euros HT,

soit 200 609 euros TTC au titre de la facture n° 10091009.

La société Mora soutient que la relation commerciale l'unissant à la société Nobel était établie, ce qui imposait un préavis écrit et suffisant en cas de rupture. Elle précise que la première rupture intervenue en 2005 n'a pas été suivie d'effet et qu'elle n'a pas rendu celle de 2007 prévisible. Dans ces circonstances, elle estime qu'au regard de l'ancienneté de leurs relations, un préavis d'une année aurait été raisonnable.

L'appelante expose par ailleurs que la société Nobel ne rapporte pas la preuve des défauts de qualité des produits livrés, et que la défectuosité de certaines pièces produites est exclusivement imputable à celle-ci car elle l'avait à maintes reprises avertie de ce que la durée d'utilisation de l'outillage qui lui était fourni était dépassé. Elle précise que les retards de livraison invoqués par la société Nobel Plastiques pour justifier la rupture de la relation commerciale sont dus à la défectuosité des moules.

La société Mora soutient, de plus, que la relation commerciale avec la société Nobel Plastiques avait vocation à se développer et que ni l'absence de dépendance économique ni l'évolution de son chiffre d'affaires postérieurement à la rupture ne doivent être pris en compte dans l'appréciation de sa brutalité et de la durée du préavis. Elle affirme que la rupture est motivée par un changement des stratégies d'achat de la société Nobel Plastiques, et qu'elle est, dès lors, brutale et fautive.

S'agissant de son préjudice, la société Mora estime qu'il doit être calculé sur deux années de marge brute, celle-ci s'établissant à 63,9 %. Elle demande aussi le paiement de la valeur des stocks de composants nécessaires à la production qui ont été constitués, ainsi que la réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la réservation de ses capacités de production de septembre à décembre 2007.

Elle ajoute que la rupture des relations commerciales est abusive, car la société Nobel a abusé de la confiance qu'elle plaçait en elle ainsi que des efforts fournis pour satisfaire ses exigences de production et qu'elle a été maintenue dans l'illusion d'une poursuite de leurs relations commerciales.

Elle demande enfin la condamnation de la société Nobel Plastiques au paiement des droits de propriété intellectuelle sur les moules conformément aux conditions générales de la plasturgie.

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 décembre 2013 par lesquelles la société Nobel Plastiques demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

. condamné la société Nobel Plastiques au paiement à la société Mora de la somme de 36 602,92 euros au titre des marchandises livrées et non réglées ;

. condamné la société Nobel Plastiques au paiement à la société Mora de la somme de 2 800 euros au titre de la réparation du bloc chaud.

- l'infirmer sur ces deux points et, statuant à nouveau, débouter la société Mora de ses demandes de paiement au titre des marchandises livrées et non réglées et au titre de la réparation du bloc chaud.

- condamner la société Mora à la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Nobel oppose que le délai de préavis de quatre mois était suffisant au regard de l'ancienneté des relations commerciales et de la faible part que représentait cette relation dans le chiffre d'affaire de l'appelante. Elle fait valoir que dans ces circonstances celle-ci n'a subi aucun préjudice commercial du fait de la rupture.

Elle affirme par ailleurs que la société Mora n'apporte pas la preuve du montant du préjudice qu'elle invoque et que le taux de marge brute invoqué est manifestement surestimé.

L'intimée affirme, par ailleurs, qu'aucun comportement déloyal ne peut lui être reproché et que la société Mora n'avait aucun doute sur le fait que les relations commerciales ne se poursuivraient pas après le 17 septembre 2007.

Elle soutient que les conditions générales de la plasturgie lui sont inopposables et par conséquent conteste le bien-fondé de la demande de paiement de droits de propriété intellectuelle sur les moules formulée par la société Mora.

La société Nobel affirme par ailleurs qu'aucune prorogation du préavis jusqu'au 31 décembre 2007 n'est intervenue et elle conteste donc le montant invoqué par la société Mora au titre de la réservation de capacités de production jusqu'en décembre 2007.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas à supporter le paiement de la valeur des stocks de sécurité que la société Mora a constitués de sa propre initiative et que le retard de livraison à l'issue du préavis démontre que ces stocks ne lui étaient pas destinés.

Elle soutient enfin que la société Mora ne rapporte pas la preuve de la livraison des pièces ayant donné lieu à certaines factures invoquées par elle, et que d'autres factures correspondent à des commandes qui ont été annulées.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture

Il n'est pas contesté entre les parties que la première lettre du 21 décembre 2005 par laquelle la société Nobel a informé la société Mora de son intention de ne plus faire appel à ses services n'a pas été suivie d'effet. Cette rupture n'étant pas intervenue, il s'ensuit que la société Nobel devait accorder un préavis suffisant lors de la seconde rupture intervenue le 16 mai 2007.

En application de l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce, le préavis doit être suffisant au regard de la durée de la relation des parties et il résulte de la jurisprudence appliquant cette disposition que, si ce critère est déterminant, le juge doit aussi tenir compte de l'ensemble des circonstances de la relation commerciale en cause, comme, notamment, l'éventuelle situation de dépendance économique de la victime de la rupture à l'égard de son auteur, ou encore des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue.

En l'espèce, la relation des parties a duré de 2001 au mois de mai 2007, soit cinq ans et demi et dans sa lettre de rupture, la société Nobel a indiqué à la société Mora que le préavis serait de quatre mois.

La société Mora soutient que seule une durée minimale de douze mois, soit un an, aurait été satisfaisante.

La lettre du 18 mai 2007 précitée fait référence à plusieurs points de désaccords qui s'étaient au cours des années précédentes élevés entre les parties. Ainsi, le refus de la société Nobel de verser des droits de propriété intellectuelle sur les moules et de payer la facture que la société Mora lui avait adressée à ce sujet pour un total de 200 690 euros, l'augmentation de 30 % du prix de certaines pièces, à la suite d'une réparation des moules correspondants, des problèmes de qualité des pièces produites, des retards de livraisons.

La relation commerciale des parties n'étant pas limitée par une durée contractuelle dont elles auraient convenu, la société Nobel pouvait décider d'y mettre fin à tout moment et sans motif particulier. Il est donc sans importance que les raisons invoquées aient ou non été fondées ou même que la raison de la rupture ait été un changement de politique d'achats au sein de la société Nobel, ce qui, au demeurant n'est pas établi. Les termes de la lettre de rupture démontrent, ainsi que le tribunal l'a relevé, que celle-ci est intervenue dans un contexte de désaccords multiples entre les sociétés, qui existaient au moins depuis la fin de l'année 2005 et qui ressort clairement des échanges de correspondances entre elles. Dans ces circonstances, la société Mora ne peut soutenir que la rupture intervenue a été totalement imprévisible pour elle. Il ressort en effet des courriers électroniques qu'elle produit que les difficultés invoquées dans la lettre du 21 décembre 2005 n'étaient pas résolues et que les parties continuaient à s'opposer sur leur responsabilités respectives.

S'agissant de l'importance de la relation en cause dans le chiffre d'affaires réalisé par la société Mora, celle-ci ne conteste pas que les fournitures qu'elle a livrées à la société Nobel ont représenté 4,4 % d'octobre 2003 à septembre 2004, 1,2 % d'octobre 2004 à septembre 2005 et 1,8 % d'octobre 2005 à septembre 2006, soit une moyenne de 2,4 % pour ces trois années, étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'inclure dans le chiffre d'affaires réalisé avec la société Nobel celui réalisé avec la société Nobel Plastique Ibérica, qui est une personne morale indépendante et dont il n'est pas démontré qu'il y ait jamais eu de commandes groupées des deux sociétés. En tout état de cause, si l'on incluait dans le chiffre d'affaires celui réalisé avec la société Nobel Plastique Ibérica, les parts qui s'élèveraient alors à 5,9 % d'octobre 2003 à septembre 2004, 2,6 % d'octobre 2004 à septembre 2005 et 2,8 % d'octobre 2005 à septembre 2006, soit pour ces trois années une moyenne de 3,8 % seraient tout autant de faible importance ce qui était de nature à permettre à la société Mora de trouver facilement un palliatif à la perte de la clientèle de la société Nobel et démontre, en tout état de cause, qu'elle ne se trouvait pas dans une situation de dépendance économique.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et, à titre principal, de la durée de la relation des parties, le préavis de quatre mois accordé par la société Nobel à la société Mora constituait un délai suffisant pour lui permettre de se réorganiser de façon satisfaisante.

Sur la réalité du préavis

Le préavis aurait dû s'achever le 17 septembre 2007. La société Mora soutient que la société Nobel s'est ravisée à la suite de la lettre du mois de mai 2007 et qu'elle a, au mois de juillet suivant, sollicité la poursuite des relations jusqu'au 31 décembre pour finalement revenir sur sa décision le 16 septembre et exiger alors la remise des moules.

Il résulte d'échanges de courriers électroniques et de lettres entre les parties durant les mois de juillet et septembre 2007 (pièces Mora 38 bis) que celles-ci ont effectivement tenté de prolonger leurs relations commerciales et de résoudre leurs désaccords par des concessions mutuelles et notamment une prolongation du préavis jusqu'en décembre 2007. Cependant, ces tentatives n'ont pas abouti et il n'est pas démontré par la société Mora qu'elle aurait, durant ces négociations, été trompée sur l'intention de la société Nobel de poursuivre la relation indépendamment d'un accord sur les points en litige que les parties n'ont finalement pas conclu. Elle ne soutient par ailleurs pas que pendant le délai écoulé entre le 16 mai et le 16 septembre 2007, le volume des commandes passées n'aurait pas été équivalent à celui réalisé préalablement à la rupture et dans ces conditions, il convient de considérer que le préavis accordé a bien été réalisé.

C'est donc, au regard de l'ensemble de ces éléments, à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Mora à l'encontre de la société Nobel et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les autres sommes dont le paiement est revendiqué par la société Mora

Les stocks, autres composants et matières premières

La société Mora soutient que le 29 juin 2007, la société Nobel l'a informée de sa volonté de poursuivre les commandes jusqu'au mois de décembre 2007 et lui a adressé un programme d'approvisionnement prévoyant des quantités à fournir jusqu'à cette date, avant de se raviser brutalement deux mois plus tard.

Elle ne produit cependant pas d'éléments qui permettraient de considérer que la société Nobel aurait donné un accord ferme sur la poursuite des relations. Les seuls échanges produits conduisent en effet seulement à constater que cette poursuite au-delà du préavis de quatre mois était envisagée dans le cadre d'un accord global conditionné par des concessions réciproques sur les points en litiges, lequel n'a pas été conclu. Ainsi, le courrier électronique adressé le 18 juillet 2007 par M. Ferrien, directeur des approvisionnements de la société Nobel à M. Gontreau de la société Mora (Pièce Mora n° 38 bis) précise que "Si les grandes lignes de cette proposition vous conviennent alors nous vous proposons de rédiger un accord qui sera rédigé par les deux parties afin d'éviter tout malentendu dans le déroulement et la mise en œuvre de cet accord", or la société Mora ne soutient, ni ne démontre, qu'un tel accord aurait été signé. Par ailleurs, si le programme des livraisons adressé le 29 juin 2007 par la société Nobel à la société Mora mentionne des demandes de pièces jusqu'en décembre 2007, celle-ci n'ignorait pas que ces demandes au-delà du 16 septembre étaient suspendues à l'intervention d'un accord écrit entre les parties. Elle ne peut donc soutenir qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de constituer des stocks de matières premières ou des stocks de sécurité de fournitures pour réaliser ces commandes et les honorer, ce dont elle ne justifie d'ailleurs pas. Le tribunal a donc à juste titre rejeté sa demande en paiement de la somme de 72 782,01 euros.

Sur la réserve des capacités de production

Ainsi qu'il vient d'être relevé et contrairement à ce que soutient la société Mora, les demandes de livraisons de la société Nobel au-delà de l'aboutissement du délai de préavis, le 16 septembre 2007, étaient suspendues à la conclusion d'un accord entre les parties sur la résolution de leurs dissensions, lequel n'est pas intervenu. À cet égard la société Mora ne saurait se prévaloir d'une lettre recommandée adressée par elle à la société Nobel le 12 septembre 2007, indiquant qu'elle avait pris bonne note des besoins en capacité d'injections alors qu'elle ne pouvait ignorer que faute d'accord sur la continuation des relations le préavis de quatre mois allait arriver à échéance quatre jours plus tard. Dans ces circonstances, elle ne saurait prétendre à obtenir l'indemnisation d'une réserve de capacité de production qui ne lui avait pas été demandée par la société Nobel, qu'elle ne justifie d'ailleurs pas avoir finalement constituée, ni avoir subi un préjudice quelconque de ce fait.

Sur les factures impayées

La société Mora réclame le paiement de plusieurs factures relatives à des livraisons de pièces et demeurées impayées pour un montant total de 36 602,92 euros. La société Nobel reconnaît devoir encore le paiement de quatre factures des 7 et 9 février, 5 et 13 mars 2008 pour un montant total de 3 867,57 euros, mais elle conteste devoir les autres factures en soutenant que la société Mora ne rapporte pas la preuve que les pièces concernées lui ont bien été livrées. Elle conteste par ailleurs spécifiquement devoir les factures émises le 28 septembre 2007 qui correspondent, selon elle, à des pièces dont les commandes ont été annulées par elle du fait du retard dans la livraison par lettre du 27 septembre 2007.

Par cette lettre la société Nobel mettait la société Mora en demeure de lui livrer sous 24 heures les pièces commandées avant le 16 septembre, date d'aboutissement du préavis, à compter de son expédition. Elle précisait "Passé ce délai nous considérerons ces commandes comme purement et simplement annulées (...) conformément à l'article III de nos conditions d'achat que vous avez expressément acceptées". Il résulte cependant des factures en cause que les marchandises ont été livrées le 28 septembre, soit dans les vingt-quatre heures de l'expédition de la lettre de mise en demeure, sans que la société Nobel conteste l'exactitude de ces mentions. Il s'en déduit qu'elle est donc redevable du montant des factures. En ce qui concerne les autres, la cour relève que la société Nobel ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait, à leur réception, revendiqué auprès de la société Mora que les pièces ne lui auraient pas été livrées, la seule contestation apportée dans ses conclusions de première instance et d'appel étant insuffisante à rapporter cette preuve, alors même que les dates de livraisons sont inscrites sur chacune des factures.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Nobel à payer la somme de 36 602,92 euros à la société Mora au titre des factures impayées.

Par ailleurs il convient aussi de le confirmer en ce qu'il a, par une motivation que la cour adopte, condamné la société Nobel à payer à la société Mora la somme de 2 800 euros au titre de la réparation d'un moule (bloc chaud).

Sur le caractère vexatoire de la rupture

La société Mora soutient que la société Nobel a entretenu l'illusion de la poursuite des relations commerciales au-delà du préavis dont le terme avait été fixé, de manière insuffisante, au mois de septembre 2007 et qu'elle a, au dernier moment, fait volte-face, revenant brutalement sur sa décision, alors qu'elle savait que la société Mora avait tout mis en œuvre pour constituer ses stocks et assurer ses prestations jusqu'à la fin de l'année. Elle ajoute que la société Nobel a montré sa mauvaise foi en tentant d'obtenir la restitution des outillages sans rien payer, bien que les juridictions espagnoles l'aient déjà condamnée à ce titre.

Il résulte cependant des échanges des parties produits aux débats que, si à la suite de la lettre du rupture du 16 mai 2007, elles ont tenté de trouver un accord pour prolonger le préavis dans leurs intérêts respectifs, elles n'ont toutefois pas réussi à se concilier, sans que ces correspondances ne permettent de déterminer que l'une ou l'autre aurait été de mauvaise foi. Par ailleurs, ainsi qu'il a été relevé précédemment, le courrier électronique adressé le 18 juillet 2007 par M. Ferrien de la société Nobel à M. Gontreau de la société Mora (Pièce Mora n° 38 bis) précise clairement que l'accord sur une prolongation du préavis doit être rédigé et adopté par les deux parties, ce qui n'a pas été fait. La société Mora ne peut donc prétendre avoir été entretenue dans l'illusion de ce que le préavis serait prolongé, alors qu'elle savait parfaitement que les relations demeuraient conflictuelles et qu'aucun accord n'était conclu avec sa partenaire. Enfin, il ne saurait être considéré que la société Nobel a fait preuve de mauvaise foi en s'opposant à l'application des conditions générales de la plasturgie qu'elle estimait contraires à ses intérêts et pour l'application desquelles elle n'avait conclu aucun accord. Le fait qu'une condamnation ait été prononcée par une juridiction de première instance espagnole ne permet pas de conclure à l'évidence de mauvaise foi prétendue par la société Mora, dès lors que ce jugement a été rendu le 4 novembre 2009, soit bien postérieurement aux faits reprochés.

Il n'est dans ces circonstances pas établi que la société Nobel aurait fait preuve de mauvaise foi dans la rupture ou l'aurait mise en œuvre de façon vexatoire. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes de la société Mora sur ce point.

Sur la demande de la société Nobel de restitution des sommes versées au titre de la propriété intellectuelle sur les moules

La société Nobel soutient qu'elle n'a payé les montants revendiqués par la société Mora au titre des droits de propriété intellectuelle que sous la pression économique de celle-ci qui avait cessé de la livrer afin de l'y obliger et qu'elle a formulé lors de son paiement les plus expresses réserves sur l'applicabilité des dispositions des conditions générales de la plasturgie. Elle requiert la confirmation du jugement qui a retenu que ces dispositions ne s'appliquaient pas et qui a ordonné à la société Mora de restituer les sommes versées.

Ainsi que l'a retenu le tribunal il n'a jamais été convenu entre les parties que les conditions générales de la plasturgie seraient applicables à leurs relations et la société Mora n'a ni dans ses conditions générales de vente, ni dans ses remises de prix ou accusés de réception de commandes, précisé qu'elle entendait en revendiquer l'application. Peu importe à ce sujet que la société Nobel ait connu les dispositions que sa partenaire a, à la suite de la première rupture, invoquées, dès lors que leur application n'avait pas fait l'objet d'un accord.

Par ailleurs, il est clairement établi par les échanges des parties que la société Nobel a contesté l'application des dispositions en cause et le paiement des factures ne saurait en constituer une reconnaissance, dès lors que celle-ci a dans un courrier électronique précisé à la société Mora que constatant la cessation des livraisons, elle avait décidé de régler les factures relatives aux droits de propriété revendiqués afin de ne pas se trouver dans l'impossibilité de fournir ses clients. Elle ajoutait "Ce paiement ne saurait constituer une quelconque admission de notre part du bien fondé de votre position dans l'ensemble du différend qui nous oppose".

Enfin, et quand bien même ces conditions générales de la plasturgie seraient elles applicables à la relation des parties, celles prévoyant la rémunération du fournisseur pour sa participation à l'étude et à la mise au point des outillages (article 5.4) ne pourraient trouver à s'appliquer en l'espèce puisque cette rémunération n'est prévue que dans le cas d'une reprise par le client avant l'amortissement de ceux-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. À ce sujet, la cour relève que la société Mora ne produit aucun élément comptable qui permettrait de constater que les outillages seraient amortis sur une période de dix ans et non de cinq, comme elle le prétend, et alors même que dans un courrier électronique du 13 mars 2006, M. Rossi, directeur de la société Mora, soulignait que les moules avaient "largement dépassé leur garantie", ce qui ne permet aucunement de constater que la société Nobel aurait fait fabriquer des pièces avec des outillages obsolètes.

Il n'est enfin pas établi que la société Nobel aurait attendu malicieusement l'arrivée du terme de l'amortissement pour rompre les relations commerciales afin de ne pas avoir à payer les droits de propriété intellectuelle sur les moules, alors même que depuis 2005, elle soutient que les dispositions de les conditions générales de la plasturgie n'ont pas vocation à s'appliquer.

Le jugement doit donc au regard des éléments qui précèdent être confirmé en ce qu'il a énoncé que les conditions générales de vente de la plasturgie ne sont pas applicables aux relations commerciales ayant existé entre la société Nobel Plastiques et la société Mora, constaté que la société Nobel a réglé à tort à la société Mora la facture n° 10091009 d'un montant de 167 801 euros HT et a condamné la société Mora à rembourser cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du jour du paiement.

Sur les frais irrépétibles

Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Nobel l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits et la société Mora sera condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Mora à verser à la société Nobel Plastique la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile Rejette toute demande autre plus ample ou contraire des parties ; Condamne la société Mora aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.