CA Lyon, 3e ch. A, 20 mars 2014, n° 12-00427
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Troisgros
Défendeur :
Locam (SAS), Arge (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Mes Chauplannaz, Anne, Selarl Legi Conseil Bourgogne, Selarl Lexi, SCP Baufume-Sourbe
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 5 novembre 2009 Jean-Luc Troisgros a signé avec un commercial de la société Arge un contrat d'abonnement de télésurveillance et un contrat de location du matériel de télésurveillance. Le même jour, il signe un procès-verbal de réception de matériel.
Le 21 novembre 2009 il a fait l'objet d'un arrêt de travail, renouvelé en longue maladie et a obtenu, le 29 avril 2010, une allocation adulte handicapé.
Le 14 septembre 2011, la SAS Locam a assigné Jean-Luc Troisgros en paiement de 33 loyers impayés échus ou à échoir, outre clause pénale et frais irrépétibles.
Le 15 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a, par décision réputée contradictoire :
- condamné Jean-Luc Troisgros à payer à la société Locam la somme de 6 314,55 euros et celle de 1 euro à titre de clause pénale, outre intérêts au taux légal à dater de l'assignation,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de Jean-Luc Troisgros.
Par déclaration enregistrée le 19 janvier 2012, Jean-Luc Troisgros a fait appel de cette décision. Le 8 janvier 2013 il a assigné en intervention forcée la SARL Arge.
L'ordonnance de clôture était du 8 octobre 2013 et l'affaire avait été plaidée le 24 octobre 2013.
Par arrêt du 28 novembre 2013, la cour a :
- Dit recevable les demandes de la société Locam,
- Déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée de la société Arge,
- Mis cette société hors de cause,
- Débouté Jean-Luc Troisgros de ses demandes de résiliation du contrat fondées sur :
> la force majeure,
> la cessation des prestations du fournisseur,
- Rejeté la demande de Jean-Luc Troisgros fondée sur le caractère abusif des clauses du contrat prévoyant une durée de quatre ans à la location ou visant son irrévocabilité ou prévoyant une indemnité de rupture égale au solde des loyers,
- Dit qu'il existe en l'espèce une interdépendance des conventions,
- Et, avant-dire plus avant le droit
- Rabattu l'ordonnance de clôture du 8 octobre 2013,
- Ré ouvert les débats,
- Enjoint aux parties de conclure sur la question de la compétence de la Cour d'appel de Lyon pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 1 et 2 du Code de commerce, ce avant le 3 février 2014, date de la nouvelle clôture,
- Renvoyé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 6 février 2014 à 13 h 30,
- Réservé les dépens.
Par courrier réceptionné le 31 janvier 2014, Jean-Luc Troisgros fait savoir que, sur la question de la compétence de la cour, il s'en rapporte à la décision à intervenir et n'assistera pas à l'audience des plaidoiries.
Par conclusions du 20 janvier 2014, la SAS Locam demande de :
- Débouter Monsieur Troisgros de toutes ses demandes, fins et conclusions
- Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné Monsieur Troisgros à payer à la société Locam la somme principale de 6 314,55 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 mai ;
- L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau :
- Condamner Monsieur Troisgros à régler à la société Locam la somme de 631,46 euros au titre de la clause pénale de 10 % ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 2 mai 2011 ;
- Condamner Monsieur Troisgros à régler à la société Locam une indemnité de 1 800 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- Le condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits étant distraits.
Elle fait notamment valoir que, s'agissant en l'espèce d'un contrat de location, il s'agit là d'une opération ponctuelle à objet et durée limités, ne générant aucun courant d'affaires entre les parties de sorte qu'il n'existe pas entre la société Locam et Monsieur Troisgros un courant d'affaires qui l'autoriserait à se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6-I du Code de commerce. Pour le reste elle reprend son argumentaire déjà développé dans ses conclusions du 12 décembre 2012.
Par courrier du 4 février 2014, la société Arge, qui a été mise hors de cause par l'arrêt du 28 novembre 2013, précisé qu'elle ne déposera pas et ne plaidera pas.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur les dispositions de l'article L. 442-6 I, 2 du Code de commerce :
Attendu que l'article L. 442-6 I, 2 du Code de commerce vise la responsabilité d'un "producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers" qui soumettrait ou tenterait de soumettre son "partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties" ;
Que, d'une part, les demandes fondées sur l'article L. 442-6 I 2 du Code de commerce ne sont pas recevables devant la Cour d'appel de Lyon, seule la Cour de Paris étant compétente pour en connaître, s'agissant de la seule juridiction d'appel spécialisée en matière de pratiques restrictives de concurrence;
Que, bien que la cour ait attiré l'attention des parties sur ce point de procédure par son arrêt du 28 novembre 2013, l'appelant n'a pas conclu sur ce point indiquant simplement par courrier qu'il s'en rapportait à la décision à intervenir ;
Que, d'autre part, s'il est exact que la qualification de partenaire commercial suppose en général une certaine continuité de la relation commerciale et que la SAS Locam n'est qu'un établissement de crédit qui ayant, de façon ponctuelle, réglé le prix d'acquisition du matériel commandé et choisi par Jean-Luc Troisgros, le lui loue de sorte que cette opération unique ne génère donc aucun courant d'affaires entre les parties, cette considération est sans incidence depuis la réforme du 3 janvier 2008 ;
Qu'en revanche, pour être prohibé le déséquilibre doit être "significatif" et force est de constater que Jean-Luc Troisgros ne caractérise pas, dans ses conclusions, ce caractère "significatif", se contentant de critiquer en des termes vagues certaines clauses du contrat sans établir l'abus contractuel ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces motivations que Jean-Luc Troisgros est irrecevable à se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2 du Code de commerce ;
Sur la créance de la société Locam :
Attendu que l'article 10-1 a) des conditions générales du contrat de location stipule que "le contrat est résilié de plein droit, sans aucune formalité, en cas de non-paiement même partiel à sa date d'exigibilité d'un seul terme du loyer";
Qu'en l'espèce, il n'est ni contestable ni contesté que Jean-Luc Troisgros, après avoir réglé ses loyers pendant 15 mois, a subitement suspendu ses paiements à compter de l'échéance du 10 février 2011;
Que le contrat s'en est trouvé résilié de plein droit ;
Que la SAS Locam a adressé à Jean-Luc Troisgros une lettre recommandée avec avis de réception intitulée "résiliation de contrat en vertu de la clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement", l'avisant qu'il était redevable de trois loyers impayés (ceux des 10 février, 10 mars et 10 avril 2011) et qu'à défaut de paiement dans le délai de 8 jours la créance deviendrait exigible en totalité avec déchéance du terme;
Que cette mise en demeure est demeurée sans effet ;
Attendu que l'article 10-1 c) des conditions générales du contrat de location prévoit qu'en cas de résiliation pour une telle cause le locataire s'oblige notamment à verser immédiatement au loueur :
- les sommes dues en vertu du contrat (loyers, abonnements, frais de retard...)
- une indemnité de résiliation égale au total des loyers TTC non encore échus majorée de 10 % ;
Qu'en application de ces stipulations contractuelles, qui tiennent lieu de loi des parties au sens de l'article 1134 du Code civil, il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Jean-Luc Troisgros à payer à la société Locam la somme de 6 314,55 euros en principal ;
Que les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter du 2 mai 2011, date de la mise en demeure ;
Attendu qu'en revanche le jugement entrepris se contente d'indiquer que "la clause pénale de 10 % apparaît excessive" sans expliquer en quoi elle le serait et sans même dire qu'elle serait "manifestement" excessive, condition préalable à sa réduction éventuelle;
Que la décision entreprise ne pourra donc qu'être infirmée sur ce point ;
Que cette clause pénale ne présente pas un caractère excessif au regard de l'investissement réalisé par le bailleur et de l'interruption du contrat avant son terme ;
Que, statuant à nouveau, Jean-Luc Troisgros sera condamné à payer à la SAS Locam la somme de 631,46 euros au titre de cette clause pénale ;
Attendu que l'article 1154 du Code civil dispose que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts pourvu que ce soit pour une année entière ;
Qu'il convient donc de faire droit à la demande d'anatocisme présentée par la société Locam ;
Sur l'article 700 :
Attendu que l'équité ne commande pas en l'espèce qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que chaque partie conservera donc la charge de ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Complétant l'arrêt du 28 novembre 2013, Dit irrecevable la demande de Jean-Luc Troisgros fondée sur l'article L. 442-6 I, 2 du Code de commerce, Confirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a réduit la clause pénale, l'Infirmant sur ce point et statuant à nouveau, Condamne Jean-Luc Troisgros à payer à la SAS Locam la somme de 631,46 euros au titre de la clause pénale de 10 %, Y Ajoutant, Dit que la condamnation à payer la somme de 6 314,55 euros à titre principal sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2011, date de la mise en demeure, Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter de cette date, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties, Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Jean-Luc Troisgros aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.