Livv
Décisions

CA Amiens, ch. économique, 28 mai 2014, n° 12-00444

AMIENS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mertens Transports Logistics (SARL)

Défendeur :

NLMK Coating (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Saint-Schroeder

Conseillers :

Mme Graffeo, M. Bougon

Avocats :

Mes Gravier, Beaurain

T. com. Saint-Quentin, du 25 nov. 2011

25 novembre 2011

Vu le jugement prononcé le 25 novembre 2011 par le Tribunal de commerce de Saint-Quentin qui a débouté la société Mertens transports logistic de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 1 500 euros à la société Duferco Coating en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions 10 janvier 2013 de la société Mertens transports logistic, appelante, qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6 4e et 5e du Code de commerce, de juger que le préavis contractuel de trois mois est insuffisant en considération de la durée des relations commerciales établies et de son importance financière pour elle, de le fixer à six mois, d'infirmer le jugement, de qualifier la rupture de brutale et, à titre principal d'ordonner la reprise sous astreinte par la société Duferco Coating de l'exécution du contrat et de condamner cette société à lui payer la somme de 102 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et, à titre subsidiaire de condamner la société Duferco Coating à réparer le préjudice subi occasionné par la rupture de fait du contrat depuis le 1er janvier 2010 jusqu'au 3 mars 2010, date de la notification du préavis, puis du 3 mars 2010 au 6 juin 2010 et à lui payer la somme de 58 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date "des présentes", en tout état de cause de condamner la société Duferco Coating à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières écritures du 23 mai 2012 de la société NLMK Coating, venant aux droits de la société Duferco Coating, qui conclut à la non-application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, à la confirmation de la décision entreprise, au rejet des demandes de l'appelante et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que par contrat du 11 octobre 2006, la société Duferco Coating a confié à la société Mertens transports logistic, ci-après dénommée Mertens, une prestation de transport ; que ce contrat ne comportait aucune exclusivité au profit de la société Mertens ; qu'arguant de la nécessité pour elle d'économiser un minimum de 15 % sur son budget transport, la société Duferco Coating a adressé le 12 mai 2009 à l'ensemble de ses prestataires un dossier intitulé "appel d'offres" comprenant une demande de tarification pour ses destinations ; que sans réponse à cette demande de la part de la société Mertens, elle s'est à nouveau adressée à celle-ci le 5 octobre 2009 laquelle lui proposait une baisse de 10 % de ses tarifs ; que par lettre du 25 janvier 2010, la société Duferco Coating informait son prestataire qu'elle ne pouvait accepter le forfait proposé de 550 euros sur les deux destinations de Gace et de Theil que jusqu'au 25 avril 2010 et lui a signifié par lettre du 3 mars 2010 qu'elle mettait un terme à leurs relations avec un préavis de trois mois devant s'achever le 6 juin 2010 ; qu'à la suite d'un incident survenu avec un chauffeur de la société Mertens le 3 mars 2010, elle cessait toute relation ; que la société Mertens, estimant que sa cliente avait rompu brutalement leur relation commerciale, a fait assigner celle-ci en réparation de son préjudice devant le Tribunal de commerce de Saint-Quentin qui a statué dans les termes susvisés ;

Considérant que la société Mertens critique le jugement en ce qu'il a retenu que le préavis contractuel de trois mois était suffisant sans préciser en quoi ce préavis était suffisant alors qu'elle estime qu'eu égard aux relations nouées par les parties la durée de ce préavis aurait dû être de six mois, et d'avoir qualifié son comportement consistant à ne pas répondre à la demande de prix du 12 mai 2009 de légèreté blâmable alors que le courriel adressé à cette date par l'intimité ne peut, selon elle, être qualifié d'appel d'offres ; qu'elle soutient que la société Duferco Coating a rompu de fait le contrat de prestations de transport au mois de janvier 2010 ; qu'elle conteste tout manquement de sa part et fait observer que la lettre du 3 mars 2010 notifiant la rupture du contrat ne fait pas état d'un incident survenu le même jour ;

Que la société Duferco Coating objecte que suite à un ralentissement notable de son activité à partir de la fin de l'année 2008, elle a été contrainte de réaliser des économies importantes pour remédier à cette situation ; qu'elle a pour ce faire, et après une étude approfondie sur les volumes, les secteurs géographiques, la globalisation des transporteurs, les moyens techniques ou économiques se rapportant à ces derniers en terme de développement et d'investissement, les prestations de service proposées, la souplesse des prestataires liée à ces nouvelles contraintes ainsi que leurs coûts, adressé à ses prestataires de transport un dossier intitulé "appel d'offres" dont le libellé et la présentation ne laissaient aucun doute sur son objet et les réponses attendues des partenaires, appel auquel la société Mertens s'est abstenue de répondre et qu'elle a relancée le 5 octobre suivant ; que si elle reconnaît que dans le prolongement de son ralentissement d'activité les transports qu'elle a confiés à ses prestataires au cours du premier trimestre 2010 ont été très inférieurs à ceux de l'année précédente, en revanche elle dément avoir cessé toute relation avec la société Mertens dès le mois de janvier 2010 ; qu'elle justifie la cessation des relations malgré le préavis de trois mois par la faute grave de la société Mertens consistant à envoyer un de ces chauffeurs le jour de l'annonce de la rupture et du préavis alors que le transport avait été annulé, et de la contraindre à payer la somme de 908 euros pour que ce chauffeur libère la bascule de l'entreprise sur laquelle il stationnait, bloquant toute activité ;

Considérant, cela exposé, que suivant contrat du 11 octobre 2006, la société Duferco Coating a confié à la société Mertens, sans exclusivité, une mission générale en ce qui concerne l'expédition de ses produits à la demande expresse et écrite du site expéditeur, le chargement de ses produits sur véhicules de transport, l'organisation et la durée du transport ; qu'il était stipulé à l'article XVI que la convention pouvait être résiliée par la société Duferco Coating à tout instant avec un préavis de trois mois et par anticipation en cas de faute lourde ou de manquement renouvelé à ses obligations du prestataire et ce par simple lettre recommandée avec accusé de réception comportant un préavis d'un mois ; qu'il n'est pas contesté par l'intimée que la société Mertens a effectué régulièrement chaque semaine des transports pour son compte depuis le mois d'octobre 2006 jusqu'au mois de décembre 2009 ; que l'existence d'une relation commerciale établie entre les deux sociétés en litige est ainsi démontrée ; que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce sont donc applicables ;

Considérant que la rupture d'une relation établie suppose le respect par celui qui prend l'initiative de la rupture d'un préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation ; qu'en l'espèce, la relation commerciale a débuté avec la signature du contrat le 11 octobre 2006 et le préavis a été donné le 3 mars 2010 ; que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Duferco Coating par la société Mertens s'est élevé en 2007 à 177 728 euros sur un chiffre d'affaires total de celle-ci de 1 693 102 euros, en 2008 à 213 483 euros sur un total de 1 731 383 euros et en 2009 à 167 400 euros sur un total de 1 762 074 euros ; que compte tenu de ces éléments, un préavis de trois mois apparaît suffisant ;

Considérant que la société Mertens prétend que la rupture est en fait intervenue au mois de janvier 2010, la société Duferco Coating ayant réduit le nombre de transports qu'elle lui confiait jusqu'alors ; qu'elle soutient que le courriel du 12 mai 2009 ne précise pas qu'il s'agit d'un appel d'offres et qu'il constituait une simple demande de tarifs ; qu'il ressort cependant de l'intitulé de ce courriel qu'il s'agit bien d'un appel d'offres adressé à l'ensemble des prestataires de la société Duferco Coating et accompagné d'un document de 16 pages comprenant plusieurs tableaux afférents au tarif transport des destinations desservies par chacun et à renseigner par les prestataires ; que l'appelante n'a pas répondu à cet appel d'offres ; qu'elle ne l'a fait qu'après avoir été relancée par la société Duferco Coating au mois d'octobre 2009 ; que les tarifs proposés étant trop élevés, cette société lui a fait savoir le 25 janvier 2010 qu'elle les acceptait jusqu'au 25 avril suivant mais pas au-delà, puis, le 3 mars 2010, lui a fixé un préavis de trois mois ; que la réduction de la demande de transports suivant un appel d'offres et une réduction d'activité de la société Duferco Coating comme les chiffres que cette dernière produit le démontrent, ne constitue pas une rupture partielle ayant nécessité un préavis ;

Considérant que l'appelante affirme que le préavis de trois mois donné le 3 mars 2010 n'a pas été respecté par la société Duferco Coating qui a brutalement rompu toute relation commerciale le jour même ; que celle-ci justifie cette rupture par la faute commise par son prestataire qui a intimé l'ordre à l'un de ses chauffeurs de se présenter au chargement le 3 mars 2010 alors que ce chargement avait été annulé la veille, et de stationner sur la bascule de l'entreprise, empêchant toute activité, jusqu'au payement de la somme de 908 euros correspondant à la perte de marge sur coût variable et non pas seulement, comme l'écrit la société Mertens dans ses conclusions, jusqu'à la signature de la lettre de voiture avec mention du refus ; que si un tel comportement constitue une faute, il ne justifiait pas toutefois la rupture immédiate des relations et ce d'autant moins que l'article XVI du contrat du 11 octobre 2006 stipulait que la société Duferco Coating se réservait le droit de résilier la convention en cas de faute lourde du prestataire par lettre recommandée avec accusé de réception comportant un préavis d'un mois ; que la cour estime que la faute commise par la société Mertens n'autorisait pas l'intimée à rompre immédiatement la relation commerciale mais à réduire le préavis à deux mois ;

Considérant que la société Mertens ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture, lequel doit être réparé au regard de la marge brute qui aurait dû être réalisée au cours du préavis et tenant compte de ce que la rupture est intervenue après l'appel d'offre et une nouvelle tarification ; que l'appelante verse aux débats le montant des chiffres d'affaires réalisés en 2007, 2008 et 2009 ainsi que le taux de marge sur coûts variables ; que n'ont pas été déduits de la marge brute sur charges variables les frais fixes spécifiques ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice résultant du non-respect du préavis sera indemnisé par la somme de 17 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2011, date du jugement ; que la perte de confiance entre la société Duferco Coating et son prestataire conduit à rejeter la demande de reprise des relations commerciales ;

Et considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société Mertens une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la demande formée du même chef par l'intimée étant rejetée ;

Par ces motifs Infirme le jugement, Statuant à nouveau, Condamne la société NLMK Coating, venant aux droits de la société Duferco Coating à payer à la société Mertens transports logistic la somme de 17 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2011 ainsi que celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société NLMK Coating, venant aux droits de la société Duferco Coating, aux dépens de première instance et d'appel.