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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 10 juin 2014, n° 12-08777

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Enzo 131 (SARL)

Défendeur :

Mexx Boutiques (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mmes Calot, Orsini

Avocats :

Mes Jullien, Benoit, Minault, Ranieri

T. com. Nanterre, 9e ch., du 14 Nov. 201…

14 novembre 2012

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Statuant sur l'appel interjeté par la société Enzo 131 contre le jugement rendu le 14 novembre 2012 par le Tribunal de commerce de Nanterre, qui a :

- condamné la société Enzo 131 à payer à la société Mexx Boutiques la somme de 53 923,35 euro avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2010

- condamné la société Mexx Boutiques à payer à Enzo 131 la somme de 38 668,37 euro

- débouté les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

La société Mexx International qui a son siège aux Pays-Bas, développe un réseau de boutiques de prêt-à-porter sous l'enseigne Mexx.

Elle a mis au point en 2005 un nouveau concept de magasins : les Innovative Partner Stores, ci-après désignés, les magasins IPS.

Elle a souhaité développer son réseau de magasins IPS par le biais de la franchise en France, notamment à St-Gaudens (31) et à Mont-de-Marsan (40).

M. Henri Foare constituait la société Enzo 131 ayant une activité de prêt-à-porter féminin, qui après un investissement de 177 000 euro, ouvrait le magasin Mexx de St-Gaudens le 2 septembre 2006, après l'ouverture presque simultanée du magasin Mexx de Mont-de-Marsan le 24 août 2006.

Les parties sont convenues d'un accord verbal de résiliation amiable et anticipée des contrats conclus lors d'une rencontre le 11 juillet 2008 dans les locaux du franchiseur.

La société Mexx Boutiques se déclarant créancière de la société Enzo 131, qui exploite un magasin Mexx à St-Gaudens (31) au titre du contrat de franchise IPS Mexx conclu le 27 novembre 2006 pour une durée de 5 ans à compter du 1er septembre 2006, pour un montant de 53 923,35 euro à titre de paiement de factures de marchandises, a mis en demeure cette dernière de payer cette somme, par LR/AR en date du 8 août 2008, 21 mai et 21 juillet 2010.

Vu les dernières écritures en date du 20 juin 2013 de la société Enzo 131, appelante ;

Vu les dernières écritures en date du 1er octobre 2013 de la société Mexx Boutiques, intimée ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 décembre 2013.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la recevabilité de la demande principale de la société Enzo 131 en nullité du contrat de franchise en cause d'appel

Considérant que la société intimée invoque l'article 564 du Code de procédure civile en rappelant qu'en première instance, la société Enzo 131 avait fait valoir que les parties s'étaient accordées sur une résiliation anticipée et amiable du contrat de franchise, alors que la société appelante réplique que sa demande en nullité n'est pas une demande nouvelle, mais une demande reconventionnelle selon l'article 567 du même Code qui est recevable, dès lors qu'elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant par application de l'article 700 du même Code, ou par application de l'article 566 du même Code ;

Mais considérant que devant les premiers juges, la société Enzo 131, à la lecture des conclusions déposées devant le tribunal de commerce, revendiquait la stricte application du contrat de franchise ;

Que cette demande en nullité doit être déclarée irrecevable par application de l'article 564 du Code de procédure civile, étant ajouté qu'en tout état de cause, l'exception de nullité par voie d'exception est irrecevable contre un acte ayant déjà reçu exécution ;

- Sur la demande subsidiaire de la société Enzo 131 en résiliation du contrat aux torts et griefs exclusifs du franchiseur

Considérant que la société intimée invoque l'article 564 du Code de procédure civile et subsidiairement la prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce, alors que la société appelante se prévaut à juste titre de l'article 566 du Code de procédure civile en rappelant qu'elle fondait ses demandes sur le manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles et que la société intimée n'explicite pas le moyen tiré de la prescription ;

Considérant que l'appelante soutient que Mexx Boutiques a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles ;

Qu'elle fait valoir pour l'essentiel que le concept franchisé n'a apporté aucun avantage concurrentiel au franchisé qui s'est retrouvé en difficultés financières parce que la rentabilité annoncée par le franchiseur était absente, que son consentement a été vicié par les perspectives de rentabilité qui lui ont été communiquées par le franchiseur, que le savoir-faire du franchiseur était défaillant en termes d'approvisionnement et de gestion des magasins et le franchiseur n'a pas mieux répondu à son obligation d'assistance, que contrairement à la réglementation en vigueur, le franchiseur imposait aux franchisés les prix de revente des marchandises, que son savoir-faire était donc en partie illicite ;

Qu'elle précise que le franchiseur a été défaillant sur deux de ses obligations principales: la transmission d'un savoir-faire licite permettant au franchisé de bénéficier d'un avantage concurrentiel et la fourniture d'une assistance appropriée, en raison d'une maîtrise inadaptée des approvisionnements par le franchiseur, d'un système de gestion imposé non fiable et complètement opaque, de l'imposition des prix de revente des marchandises en violation des dispositions de l'article L. 442-5 du Code de commerce, de l'absence de mesures concrètes pour aider le franchisé à résorber ses difficultés financières;

Considérant que la société intimée réplique que la société Mexx n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat et conclut à la confirmation du jugement ;

Considérant que si les parties sont convenues d'un accord de résiliation amiable et anticipée du contrat conclu lors d'une rencontre le 11 juillet 2008 dans les locaux du franchiseur, cet accord est resté verbal, sans que la cour puisse en déterminer les termes autrement qu'en se référant aux pièces produites par l'appelante qui évoquent le contenu de cet accord:

- pièce 22 : courrier du 26 mai 2008 adressé par le franchisé au franchiseur, par lequel il indique notamment que la société Enzo 131 ne peut plus faire face à ses engagements, se voyant contraint de suspendre l'autorisation de prélèvements sur son compte bancaire à compter de ce jour

- pièce 23 : courrier du 17 juillet 2008 adressé par le franchisé au franchiseur sur le sort des marchandises (stock de vêtements)

- pièce 26 : courriel de M. Foare du 8 août 2008 adressé à l'organisme de recouvrement mandaté par le franchiseur qui évoque un courriel du 11 juillet 2008 fixant les principes de l'accord de résiliation amiable anticipée (non communiqué à la cour)

Considérant qu'il ressort de la pièce 22 que la résiliation a été convenue entre les parties à la suite de manquements imputables à chacune des parties : le franchiseur reconnaissant sa responsabilité au titre des difficultés rencontrées par les boutiques IPS en 2006 et 2007, l'organisation propre au franchisé étant en cause pour la première saison au titre de la non-réalisation du chiffre d'affaires prévu par le compte d'exploitation prévisionnel annexé au contrat, le franchisé imputant au franchiseur la responsabilité de l'insuffisante rentabilité de la boutique depuis le printemps 2007 ;

Que le franchisé évoque également avoir reçu une compensation financière modeste au titre des pertes enregistrées sur la saison printemps-été 2007 ;

Que l'existence de cet accord de résiliation amiable anticipé conclu et entériné par les parties, non contestée, fût-il resté verbal, mais dont les modalités sont évoquées dans des écrits, empêche la cour de statuer sur l'imputabilité de la rupture et sur les fautes invoquées dans l'exécution du contrat de franchise, puisque la résiliation est d'ores et déjà acquise en vertu d'un accord transactionnel conclu entre les parties ;

Que la cour ne peut donc qu'examiner les demandes fondées sur les conséquences de la résiliation prévues à l'article 6 du contrat ;

- Sur les demandes financières de la société Mexx Boutique

Considérant que la société appelante fait valoir que la société intimée ne rapporte pas la preuve de la créance dont elle se prévaut conformément à l'article 1315 du Code civil, en se contentant de communiquer des relevés de factures et des factures établis par elle-même, souligne que le franchiseur n'a pas communiqué les bons de commandes ou les bons de livraison, que de nombreuses factures dont le paiement est réclamé sont postérieures au mois de juin 2008, correspondant à la fin des livraisons ;

Mais considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Enzo 131 à payer à la société Mexx Boutiques la somme de 53 923,35 euro avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2010, en relevant que les factures et avoirs produits concernent des commandes effectuées jusqu'au 31 mai inclus, date à laquelle le contrat de franchise était encore en vigueur entre les parties ;

- Sur les demandes financières de la société Enzo 131

Considérant que la société appelante sollicite la somme de 69 539,70 euro au titre des marchandises restituées en se référant aux bons d'enlèvement des marchandises visés dans sa pièce 30 ;

Considérant que les dispositions de l'article 6.1.6 du contrat relatives à la reprise des stocks prévoient qu'une fois le contrat résilié pour quelque raison que ce soit, le franchisé devra permettre au franchiseur de racheter tous les produits faisant partie du stock de vêtements lié à l'activité à la date de la résiliation effective, à un prix égal au moins élevé du coût ou de la valeur nette réalisable de ces produits ;

Considérant que les premiers juges ont condamné la société Mexx Boutiques à payer à Enzo 131 la somme de 38 668,37 euro au titre du rachat de la marchandise, en retenant le prix de vente déduction faite de la marge de 46 % prévue au business plan, alors que le tribunal, comme le fait valoir à juste titre la société intimée, a omis de tenir compte de l'avoir total de 39 226 euro émis en mai et juin 2009 au profit du franchisé au titre de la restitution des marchandises, qui couvrait en totalité la somme due à ce titre ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Mexx Boutiques à payer à Enzo 131 la somme de 38 668,37 euro ;

Considérant que la société Enzo 131 sera déboutée par application de l'article 6.1.4 du contrat de ses demandes en réparation de son préjudice fondées sur les fautes du franchiseur (redevances versées, remboursement des agencements spécifiques au concept Mexx Boutiques et du matériel informatique, remboursement des pertes cumulées et indemnité pour rupture anticipée du contrat), dès lors que la cour ne peut se prononcer sur l'imputabilité de la rupture ;

- Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions en cause d'appel;

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire, Déclare irrecevables la demande de la société Enzo 131 en nullité du contrat de franchise et sa demande subsidiaire en résiliation du contrat aux torts et griefs exclusifs du franchiseur, Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Mexx Boutiques à payer à Enzo 131 la somme de 38 668,37 euro et au titre des dépens, Statuant à nouveau de ces chefs, Déboute la Sarl Enzo de l'ensemble de ses demandes, Rejette toute autre demande, Condamne la Sarl Enzo 131 aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés par les avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.