Cass. com., 24 juin 2014, n° 13-15.953
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Moto fusion 66 (SARL), Samson (ès qualités)
Défendeur :
Triumph (SAS), Gascon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Richard, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2013), et les productions, que la société Triumph, importateur en France des motos de la marque Triumph, a conclu avec la société Moto fusion 66 (la société Moto fusion), vendeur et réparateur de motos neuves et d'occasion de différentes marques, un contrat de concession à durée indéterminée pour la vente de produits de la marque Triumph, sur la zone de Perpignan, sans exclusivité ; qu'ayant choisi de confier la concession à une société tierce, la société Triumph a notifié le 17 décembre 2007 à la société Moto fusion la résiliation du contrat qui a pris effet le 21 juin 2008 conformément au délai de préavis de six mois contractuellement convenu ; qu'estimant avoir subi un préjudice résultant de la clause de non-concurrence stipulée pour une durée de douze mois à compter de la fin des relations contractuelles, la société Moto fusion a fait assigner la société Triumph en responsabilité et en réparation du préjudice résultant de la rupture ; que la société Moto fusion ayant été mise en redressement judiciaire, M. Samson et Mme Gascon ont été désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires ; que devant la cour d'appel, la société Moto fusion s'est prévalue d'une rupture brutale des relations commerciales ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Moto fusion fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en réparation causée par la rupture brutale des relations commerciales établies alors, selon le moyen, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, de nature contractuelle ou non, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que la durée du préavis doit être appréciée au regard, notamment, de l'état de dépendance économique de celui qui se voit notifier la rupture des relations commerciales établies ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le préavis de six mois avec lequel la société Triumph avait prononcé la résiliation du contrat de concession était insuffisant, au regard du fait que les ventes des produits de cette marque représentaient, pour la société Moto fusion, 83 % du chiffre d'affaires des ventes de motos neuves, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I 5o, du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la société Moto fusion représentait d'autres marques et n'était tenue à aucune exclusivité à l'égard de la marque Triumph, conformément à l'article 6.1 du contrat de concession ; qu'il retient que la société Moto fusion, distributeur multi-marques, était libre de déterminer sa stratégie commerciale et que la preuve d'une quelconque influence de la société Triumph sur cette dernière n'est pas rapportée ; qu'il retient enfin que la société Triumph n'était pas responsable de la part représentée par la marque Triumph dans le chiffre d'affaires réalisé par le concessionnaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines faisant ressortir qu'en l'absence d'exclusivité des relations contractuelles, l'importance de la part du chiffre d'affaires représenté par les produits de la marque du concédant est indifférente dans l'appréciation de la situation de dépendance économique du concessionnaire, la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen pris en sa première branche : - Attendu que la société Moto fusion fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en réparation de son préjudice résultant de la mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle alors, selon le moyen, qu'en affirmant que la société Moto fusion n'avait subi aucun préjudice, en ayant été contrainte d'exécuter la clause de non-concurrence illicite, après avoir pourtant constaté que " son activité professionnelle s'est néanmoins trouvée réduite par l'effet de la clause de non-concurrence qui lui interdisait de s'intéresser à la vente de moto Triumph ", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la société Moto fusion n'établissait pas avoir subi une perte de clientèle du fait de la clause litigieuse en démontrant la baisse immédiate de son chiffre d'affaires à partir de juin 2008, la cour d'appel n'a fait que tirer les conséquences légales de ses constatations ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.