CA Versailles, 3e ch., 12 juin 2014, n° 12-02774
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
BMW Distribution (SAS), BMW Finance (SNC)
Défendeur :
Farina
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mmes de Martel, Derniaux
Avocats :
Mes Minault, Bocquet, Serreuille, Jullien, Deshayes, Jeannin, Ricard, Helain
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Farina a acheté le 9 août 2005 à la société BMW Distribution un véhicule BMW 530 Touring d'occasion, affichant 14 000 km, et a financé cette acquisition (50 000 euro) en partie à l'aide d'un prêt consenti par la SNC BMW Finance.
Un mois après l'achat, il a constaté diverses défaillances, et, par ordonnance de référé en date du 15 décembre 2006, un expert a été désigné.
Le rapport a été déposé en septembre 2007.
Il a ensuite assigné la société BMW Distribution et la société BMW Finance devant le Tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la résolution de la vente pour vice caché, la résolution subséquente du contrat de prêt et la condamnation solidaire des défenderesses à lui payer les mensualités de crédit d'ores et déjà acquittées (38 928 euro), à lui restituer le montant de la reprise de son ancien véhicule (14 000 euro) et à lui verser des dommages-intérêts (17 298,50 euro).
L'affaire a été transmise pour compétence au Tribunal de grande instance de Versailles, Monsieur Farina exerçant la profession d'avocat au Barreau de Paris.
Par jugement en date du 27 mars 2012, le Tribunal de grande instance de Versailles a :
Constaté la résolution du contrat de vente du véhicule BMW 530 Touring en date du 9 août 2005,
Condamné la société BMW Distribution à payer à Monsieur Farina :
- le prix de vente et les intérêts du prêt soit la somme de 38 928 euro,
- le montant de la reprise de l'ancien véhicule, soit la somme de 14 000 euro,
- débouté Monsieur Farina de sa demande de dommages-intérêts
- débouté la société BMW Distribution de ses demandes relatives au bénéfice de l'utilisation du véhicule et de sa dépréciation et au remboursement des frais d'immobilisation,
- débouté la société BMW Finance de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société BMW Distribution à payer à Monsieur Farina la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société BMW Distribution a interjeté appel et, aux termes de conclusions en date du 19 novembre 2012, demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil :
D'infirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a :
- fait droit à la demande de résolution de la vente de Monsieur Farina,
- condamné BMW Distribution à verser à Monsieur Farina le prix de vente et les intérêts du prêt à hauteur de 38 928 euro, outre le montant de la reprise de son ancien véhicule et ce, pour la somme de 14 000 euro,
- débouté BMW Distribution de ses demandes au titre de la réduction du prix,
- débouté BMW Distribution de sa demande reconventionnelle,
Et statuant à nouveau, de considérer que les désordres allégués par Monsieur Farina qui auraient affecté le véhicule litigieux ne présentent pas une gravité extrême, qui s'avéreraient, de surcroît, irréparables, le véhicule de Monsieur Farina étant réparé depuis six ans, et avec lequel celui-ci continue à rouler,
En conséquence :
- de considérer que les conditions de la résolution de la vente tirée de la garantie légale des vices cachés ne sont manifestement pas réunies en l'espèce,
- de déclarer mal fondée l'action de Monsieur Farina,
- de débouter Monsieur Farina de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW Distribution,
- de débouter, le cas échéant, BMW Finance de ses éventuelles demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW Distribution.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait prononcée :
- de considérer, s'agissant des effets de la résolution attachée à la vente du véhicule, qu'il devra être pris en compte les bénéfices retirés de l'usage du véhicule par Monsieur Farina, outre la dépréciation du véhicule due notamment à son usage et dont la charge incombe également à Monsieur Farina,
- de considérer qu'il y a lieu de déduire des mensualités de crédit réclamées, et des dommages et intérêts la somme totale de 40 000 euro,
- d'ordonner, en conséquence, la compensation entre les deux montants.
A titre infiniment subsidiaire :
- de considérer que Monsieur Farina ne rapporte pas la preuve de la réalité des préjudices qu'il invoque et/ou qu'il n'existe aucun lien de causalité direct et immédiat entre l'immobilisation inutile et injustifiée de son véhicule et la somme réclamée,
- en conséquence, de débouter Monsieur Farina de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW Distribution,
- de débouter, le cas échéant, BMW Finance de ses éventuelles demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW Distribution.
A titre reconventionnel :
- de condamner Monsieur Farina à verser à BMW Distribution la somme de 8 138,12 euro au titre des frais liés à l'immobilisation du véhicule, outre aux frais de recharge de la batterie,
- de condamner Monsieur Farina à verser à BMW Distribution la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de le condamner, en outre, en tous les dépens.
Dans des conclusions en date du 20 février 2013, Monsieur Farina demande à la cour, vu les articles 1641 et suivants, 1892 et suivants du Code civil :
De confirmer le jugement rendu le 27 mars 2012 par le Tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'il a :
Constaté la résolution du contrat de vente du véhicule BMW 530 Touring en date du 9 août 2005;
- condamné la SAS BMW Distribution à lui payer :
- le prix de vente et les intérêts du prêt, soit la somme de 38 928 euro;
- le montant de la reprise de l'ancien véhicule, soit la somme de 14 000 euro;
- débouté la société BMW Distribution de sa demande d'indemnisation;
D'infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau:
- de juger que Monsieur Farina a subi un préjudice financier du fait des désagréments occasionnés par la chose viciée;
- en conséquence, de condamner solidairement BMW Distribution et BMW Finance à payer à Monsieur Farina la somme de 17 298,50 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de débouter BMW Distribution de l'ensemble de ses demandes.
Aux termes de conclusions en date du 11 septembre 2012, la SNC BMW Finance demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'elle n'a pas de motif opposant à l'appel de la SAS BMW Distribution tendant à la réformation des dispositions du jugement du Tribunal de grande instance de Versailles du 27 mars 2012 concernant l'appelante,
- de voir, en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la SNC BMW Finance et rejeter toutes les demandes de Monsieur Farina à son encontre.
Y ajoutant :
De condamner Monsieur Farina à payer à la SNC BMW Finance :
- la somme de 4 000 euro, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à son encontre;
- la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- de condamner Monsieur Farina aux entiers dépens.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 avril 2014.
MOTIFS
Rappelant les conclusions de l'expert qui n'a découvert aucun défaut en relation avec les désordres allégués par Monsieur Farina, la société BMW Distribution indique que celui-ci a récupéré le véhicule litigieux quelques temps après la seconde réunion d'expertise du 19 mars 2007 et l'utilise depuis, situation dont le premier juge n'a tenu aucun compte, alors qu'il est acquis qu'en septembre 2012, le véhicule affichait 89 462 km.
Elle rappelle que d'une manière générale l'action rédhibitoire est rejetée notamment lorsque le défaut n'est pas d'une gravité suffisante et est facilement réparable, et qu'en l'espèce c'est à tort que le premier juge a indiqué qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer sur la gravité du vice.
Quant à Monsieur Farina, il soutient que son action rédhibitoire est bien fondée dès lors que le défaut était antérieur à l'acquisition, qu'il rend le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné, la défaillance du système de contrôle électronique affectant également les commandes de pilotage, quand bien même il utiliserait le véhicule affecté du vice.
Il est utile de reproduire les conclusions de l'expert judiciaire :
Il n'est pas contestable que M. Farina a connu quelques déboires avec sa BMW 530d.
Aucun défaut, en relation avec les désordres allégués par le demandeur, n'a été observé au cours des deux réunions contradictoires, concernant les alertes de pannes électriques aléatoires, le système de freinage, tant au cours d'un examen statique, d'un essai sur route, que sur banc de contrôle des freins.
Le dysfonctionnement non contesté par les parties est lié aux alertes aléatoires du système de contrôle par l'ordinateur de bord. Une cause de ces dysfonctionnements a été trouvée par le garage BMW Emile Zola : un fil d'un faisceau électrique a été mis à la masse par usure de l'isolant dans son contact avec un rebord vif de tôle de carrosserie. Une isolation que je considère comme test probatoire d'atelier (ou réparation provisoire) est faite avec un ruban isolant, le pli de tôle étant neutralisé par un revêtement textile. Depuis ce dépannage, M. Farina n'a pas constaté de nouvelles alertes électriques erratiques, sauf après la reprise de son véhicule, à une date non communiquée à l'expert judiciaire mais postérieurement à la dernière réunion contradictoire, "alertes" mentionnées dans le dire récapitulatif de son conseil.
Le garage Emile Zola pourrait maintenant conforter ce test de dépannage par une véritable réparation en remplaçant le faisceau par un neuf pour remettre le véhicule dans le même état qu'en sortie de chaîne.
Ce défaut, accostage intempestif d'un faisceau électrique et d'un pli de tôle, provoquant l'usure de l'isolant par frottement, au cours du roulage, ne pouvait que très difficilement être connu de M. Farina quand il a acheté son véhicule d'occasion (1 an et 13 970 km) car il n'est pas apparent sans démontage des garnitures intérieures et que, de plus, l'usure de l'isolant est progressive.
Il apparaît donc que l'expert n'a pas constaté la présence persistante d'un dysfonctionnement.
Le garage Emile Zola a effectué la réparation décrite dans le rapport d'expertise en janvier 2006, après qu'en septembre et octobre 2005 l'ordinateur de bord ait affiché à quatre ou cinq reprises des messages, soit de crevaison, soit de panne électrique, erronés.
Monsieur Farina, qui n'a récupéré son véhicule qu'en mai 2007, l'utilise depuis cette date. Le véhicule comptabilisait ainsi 89 462 km le 11 septembre 2012, et avait donc parcouru 75 462 km depuis l'achat.
Il résulte des articles 1641 et 1644 du Code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou à un moindre prix s'il les avait connus, et que l'acheteur peut, en ce cas, à son choix, rendre la chose et se faire restituer le prix ou garder la chose et se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.
Compte tenu de la date d'apparition du premier dysfonctionnement, à savoir le 19 septembre 2005, il ne peut être soutenu que les défauts affectant l'ordinateur de bord ne préexistaient pas à la vente.
Il est par ailleurs nécessaire, aux termes des textes précités, que l'acquéreur qui entend se prévaloir de cette garantie rapporte la preuve de ce que le bien acquis est atteint d'un défaut suffisamment grave pour rendre le véhicule impropre à son usage ou diminuer très significativement cet usage.
Le seul fait que Monsieur Farina continue à utiliser son véhicule 7 ans après l'avoir récupéré pendant les opérations d'expertise laisse à penser que le défaut qui affectait l'ordinateur de bord ne rend nullement le véhicule impropre à son usage.
S'agissant de la diminution de cet usage, Monsieur Farina, qui invoque de nombreux autres dysfonctionnements postérieurs à la réparation effectuée par le garage Emile Zola, ne verse aux débats que deux pièces en date des 16 février 2010 et 11 septembre 2012, qui révèlent, pour la première que Monsieur Farina a fait vérifier les pneus du véhicule et pour la seconde, qu'il a sollicité, dans le cadre d'un devis relatif au remplacement du toit ouvrant, l'évaluation du coût de l'initialisation de l'avertisseur de crevaison.
Le premier document ne prouve pas qu'il y ait eu un dysfonctionnement de l'ordinateur de bord, le garage s'étant contenté de vérifier les pneus sans autre précision.
S'agissant de la seconde pièce, il s'agit d'un devis et non d'une facture et elle est insuffisante à faire la preuve d'un dysfonctionnement de l'indicateur de crevaison des pneus.
Enfin, Monsieur Farina ne peut raisonnablement prétendre que le véhicule est dangereux alors que l'accident qu'il évoque (et qui a eu lieu le 15 février 2006) a consisté selon l'expert en un dérapage sur route enneigée dans la région d'Argentière, à très faible vitesse, après qu'il a actionné les freins suite à un signal d'alerte au tableau de bord en relation, selon la mémoire informatique du véhicule, avec un capteur de rotation de roue ; les quatre capteurs ont été changés par le garage BMW, selon les prescriptions du constructeur, et l'expert a indiqué très clairement qu'aucun défaut du système de freinage n'avait été décelé lors de ses opérations.
Ce n'est donc pas le dysfonctionnement du véhicule qui était à l'origine de ce dérapage, mais le fait que Monsieur Farina ait freiné brutalement sur une route enneigée en réaction à un signal d'alerte.
En toute hypothèse, BMW a changé les capteurs et aucun désordre du système de freinage du véhicule n'a été constaté par l'expert.
Monsieur Farina ne saurait utilement invoquer le fait que la réparation par le garage Emile Zola ne serait que provisoire dans la mesure où il n'a eu de cesse de réclamer la résolution de la vente, refusant même de venir récupérer le véhicule, et que dans ces conditions il est difficile de reprocher à la société BMW de ne pas avoir procédé à une réparation éventuellement plus pérenne, dont le principe même était refusé par Monsieur Farina.
Il apparaît dans ces conditions que Monsieur Farina ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que l'usage de son véhicule serait diminué au point de justifier une action fondée sur la garantie des vices cachés. En effet, le défaut initial, certes irritant, puisque l'ordinateur signalait des pannes en réalité inexistantes, a été réparé comme le révèle l'absence d'incidents après que Monsieur Farina a repris son véhicule, et même en admettant qu'il ait eu un message d'erreur sur la crevaison d'un pneu à une ou deux reprises en plus de 6 ans, ce petit dysfonctionnement ne saurait constituer une atteinte à l'usage du bien au sens des textes applicables.
Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a fait droit à la demande de résolution de la vente et aux demandes subséquentes de Monsieur Farina.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a constaté la résolution de la vente du véhicule BMW 530 Touring en date du 9 août 2005 et condamné en conséquence la SAS BMW Distribution à verser à Monsieur Farina le prix de vente, les intérêts de retard et le montant de la reprise de l'ancien véhicule.
En l'absence de mise en œuvre de la garantie des vices cachés, Monsieur Farina doit être débouté de ces prétentions.
En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Farina de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 17 298,50 euro qui n'était ni motivée ni étayée par des pièces, situation inchangée en cause d'appel (observation étant faite que contre la société BMW Finance, cette prétention était en tout état de cause vouée à l'échec, le prêteur ne pouvant en aucune façon être condamné à indemniser l'acquéreur dans le cadre de la garantie des vices cachés).
La société BMW Distribution sollicite la condamnation de Monsieur Farina au paiement des frais de gardiennage du véhicule entre le 1er juillet 2006 et le 10 mai 2007.
Il résulte des pièces produites que la société BMW Distribution a demandé à plusieurs reprises à Monsieur Farina de venir récupérer le véhicule, en lui exposant quels étaient les frais exposés pour le garder (23 euro par jour et le maintien de la charge de batterie). Cependant, Monsieur Farina a refusé de venir récupérer son véhicule et exigé la résolution de la vente.
En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point et il sera condamné à payer à la société BMW Distribution la somme de 8 138,12 euro.
La société BMW Finance ne justifie pas que la procédure lui ait causé un préjudice autre que l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée d'assurer sa défense.
Sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera donc rejetée.
Monsieur Farina, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il sera en outre condamné à payer à la société BMW Distribution et à la société BMW Finance la somme de 1 200 euro à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté Monsieur Farina de ses demandes à l'encontre de la société BMW Finance et de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 17 298,50 euro, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Déboute Monsieur Farina de sa demande de résolution de la vente ne date du 9 août 2005 et des demandes subséquentes de restitution du prix, Déboute la société BMW Finance de sa demande de dommages-intérêts, Condamne Monsieur Farina aux dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Farina à payer à la société BMW Distribution la somme de 1 200 euro et à la société BMW Finance la somme de 1 200 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.