Cass. 1re civ., 20 mars 2014, n° 12-26.518
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Croisitour Voyages (Sté)
Défendeur :
Bailly
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gridel
Rapporteur :
Mme Ladant
Avocat général :
M. Cailliau
Avocats :
SCP Boulloche, SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Donne acte à la société Croisitour voyages du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les consorts X... et constate qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Croisitour voyages, l'instance a été reprise par le liquidateur, M. Y..., agissant ès qualités ;- Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Aix-en-Provence, du 26 janvier 2012 ), qu'Isabelle X... a fait l'acquisition le 2 mai 2005, auprès de la société Orsud (l'agence), d'un circuit touristique au Mexique d'une durée de treize jours pour elle-même, son époux et leurs trois enfants ; que le voyage ayant été annulé en raison du passage d'un ouragan sur le Mexique le jour prévu pour leur départ, ils ont refusé l'offre qui leur a été faite de reporter ce voyage à une autre date ; qu'ils ont assigné l'agence et la société Croisitour voyages (le tour opérateur) en remboursement du prix du voyage et en paiement de dommages-intérêts ; qu'Isabelle X... étant décédée en cours d'instance, son époux et ses enfants ont repris l'instance ès nom et qualités (les consorts X...) ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, et sur le premier moyen du pourvoi incident : - Attendu que le tour opérateur et l'agence font grief à l'arrêt de condamner cette dernière à payer la somme de 11 655 euros aux consorts X... en remboursement du prix du voyage, et de condamner le premier à garantir la seconde du chef de cette condamnation, alors, selon le moyen : 1°/ que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat ; que seule la modification unilatérale d'un élément substantiel du contrat peut justifier la résiliation du contrat par le client, si celui-ci a informé son contractant de ce caractère substantiel à ses yeux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les dates choisies étaient un élément essentiel du contrat aux yeux des consorts X..., mais qu'il n'était pas établi que ces éléments aient été portés à la connaissance du vendeur ; qu'en décidant que les consorts X... pouvaient obtenir le remboursement du prix du voyage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1150 du code civil et L. 211-13 du code de tourisme ; 2°/ que les juges sont tenus d'examiner au moins sommairement les éléments de preuve versés par les parties au soutien de leur argumentation ; que la société Croisitour voyages a soutenu et produit plusieurs pièces en justifiant, qu'elle n'avait pas modifié ni annulé le voyage des consorts X..., et que ces derniers avaient décidé d'annuler leur voyage ; qu'en décidant que le voyage avait été annulé par la société Croisitour, sans s'expliquer sur les pièces qu'elle avait versées aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ que la modification unilatérale d'un élément du contrat de vente d'un voyage rendu impossible par un événement extérieur peut justifier la résiliation par l'acquéreur à la condition que cet élément ait été essentiel, pour avoir été intégré dans le champ contractuel par la loi ou les parties ; qu'en relevant que la modification unilatérale par le vendeur de la date du voyage portait sur un élément essentiel et justifiait la résiliation du contrat par les acquéreurs, quand elle constatait elle-même, par ailleurs, qu'il n'avait pas été porté à la connaissance du vendeur que la période et les dates choisies étaient un élément essentiel du contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble L. 211-14 du code du tourisme, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, devenu l'article L. 211-13 du même code ;
Mais attendu que dans l'achat d'un tel voyage, la date du départ constitue un des éléments essentiels du contrat ; qu'ayant constaté que leur départ prévu le 22 novembre 2003 avait été rendu impossible à la suite du passage d'un ouragan sur le Mexique, événement extérieur qui avait contraint le tour opérateur à prendre l'initiative d'annuler leur séjour, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur chacun des documents produits, a, au regard des dispositions invoquées du code du tourisme, légalement justifié sa décision en retenant que les consorts X... étaient en droit d'opter pour la résiliation du contrat et d'obtenir le remboursement du prix du voyage ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches : - Attendu que la société Croisitour voyages grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société Orsud, alors, selon le moyen : 1°/ que la société Croisitour voyages a expressément fait référence dans ses conclusions d'appel aux attestations de Mmes Z...et A...desquelles il résultait que la société Orsud avait manqué à ses obligations en ne restituant pas le carnet de voyage ; qu'en se bornant à affirmer que la société Croisitour voyages ne rapportait pas la preuve du manquement de la société Orsud à ses obligations, sans nullement examiner même sommairement ces attestations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ qu'une agence de voyages ne peut être garantie par un tour opérateur d'une condamnation à rembourser le prix d'un voyage annulé que si elle justifie d'une faute de ce tour opérateur ; qu'en condamnant la société Croisitour voyages, tour opérateur, à garantir la société Orsud, agence de voyages, du remboursement du prix du voyage annulé par les consorts X... sans justifier d'une faute du tour opérateur, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 211-16 du code du tourisme ; 3°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Croisitour voyages a soutenu qu'il appartenait à l'agence de voyages d'informer les voyageurs sur les conditions d'annulation du contrat et les données essentielles du voyage, qu'elle ne pouvait être condamnée à garantir la société Orsud, agence qui a manqué à cette obligation, de la condamnation prononcée au bénéfice des consorts X... ; qu'en condamnant la société Croisitour à garantir Orsud du remboursement aux consorts X... de la somme de 11 655 euros, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que celui qui présente une demande de garantie doit justifier du montant réclamé ; qu'en affirmant, pour condamner la société Croisitour à garantir la société Orsud du remboursement du voyage vendu aux consorts X... qu'il appartenait à la société Croisitour de rapporter la preuve du montant des honoraires de la société Orsud, quand celle-ci demandait à être garantie du remboursement du voyage, de sorte qu'elle devait rapporter la preuve du montant exact de celui-ci, déduction faite de ses honoraires, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs adoptés, que l'agence avait reversé la totalité du montant du voyage au tour opérateur, soit la somme de 11 655 euros, et estimé, par motifs propres, qu'il n'était pas établi que la société Orsud était tenue de lui restituer le carnet de voyage des consorts X..., la cour d'appel a, sans avoir à caractériser une faute de la société Croisitour voyages, ni omis de répondre à ses conclusions, légalement justifié sa décision de la condamner à garantie ;
Mais sur le second moyen du pourvoi incident : Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; - Attendu qu'en condamnant la société Orsud à payer aux consorts X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à une obligation précontractuelle d'information sur le risque du passage d'un ouragan aux lieux et dates de leur voyage, tandis que ceux-ci sollicitaient, à titre principal, la condamnation solidaire de l'agence et du tour opérateur à leur rembourser la somme de 11 655 euros au titre du voyage annulé, la même somme au titre de l'indemnité légale et contractuelle due en raison de l'annulation tardive du voyage outre celle de 5 000 euros pour préjudice moral sur le fondement de l'obligation légale d'information issue des articles L. 211-14 et suivants et de l'article R. 211- 12 du code du tourisme, faisant valoir à l'appui de cette dernière demande, d'une part, qu'ils n'avaient pas été informés de l'option possible entre la résiliation du contrat et une solution de rechange, et d'autre part, que le voyage ayant été annulé la veille du départ, la famille n'avait pas pu partir et fêter deux anniversaires comme elle l'espérait, et à titre subsidiaire seulement, la condamnation de l'agence et le tour opérateur au paiement de la somme de 11 655 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation précontractuelle d'information, reprochant à l'agence de ne pas les avoir informés du risque qu'ils prenaient de partir à cette période et dans cette région, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ; Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs : Casse et Annule, par voie de retranchement mais seulement en ce qu'il condamne la société Orsud à payer aux consorts X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;