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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 26 juin 2014, n° 12-22490

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Relation Publique (Sté)

Défendeur :

Myst-r (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Sroussi, de la Taille, Zanotto

T. com. Paris, 5e ch., du 29 oct. 2012

29 octobre 2012

FAITS ET PROCÉDURE

La société Myst-r a conclu le 5 mars 2008 un mandat d'agent commercial pour le compte de la société Relation Publique sur la France et l'Europe ; à l'occasion de ce mandat, elle proposait à une clientèle composée de chaînes de magasins des collections de prêt-à-porter féminin avec une exclusivité sur certains clients ; sa rémunération était fixée à 6 % à titre de commissions sur ventes.

Le 13 mai 2011, la société Relation Publique l'a informée de sa décision de mettre un terme à leur relation contractuelle.

C'est dans ces conditions que la société Myst-r à fait assigner la société Relation Publique devant le Tribunal de commerce de Paris le 25 octobre 2011.

Par jugement rendu le 29 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Relation Publique à payer à la société Myst-r la somme de 8 982 € à titre de préavis ;

- condamné la société Relation Publique à payer à la société Myst-r la somme de 19 210,80 €, représentant deux années d'activités, à titre d'indemnités de rupture, avec intérêts aux taux légal à compter du 25 octobre 2011 ;

- débouté la société Myst-r de sa demande de dommages-intérêts ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Relation Publique à verser à la société Myst-r la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 11 novembre 2012 par la société Relation Publique contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 18 février 2014 par la société Relation Publique et par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement entrepris ;

- dire que la société Myst-r a été l'auteur d'une faute grave à l'égard de la société Relation Publique dans le cadre de l'exécution du contrat d'agence commerciale conclu entre elles le 6 mars 2008, faute grave la privant de tout droit à indemnité de rupture dudit contrat ;

- la débouter de sa demande d'indemnité de rupture et en conséquence de sa demande de préavis ;

A titre extrêmement subsidiaire,

- dire que le montant du préavis est de 2 401 € ;

- dire que l'indemnité de rupture est de 6 455 € au regard de l'absence de facturation émise pour l'année 2011 et après absence de prise en compte du client Breal ;

- confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a débouté la société Myst-r de sa demande de provision sur commission et de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamner la société Myst-r à verser à la société Relation Publique une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante soulève que le prétendu rappel de commissions de 6 000 € ne s'appuie sur aucun chiffre d'affaires réel et rappelle que le contrat d'agent commercial du 5 mars 2008 vise limitativement la clientèle confiée à Myst-r, dont la société Breal ne fait pas partie.

Elle fait valoir que la société Myst-r a commis une faute grave, à savoir les injures prononcées à l'égard du dirigeant de la société Relation Publique, et qu'ainsi l'indemnité de préavis n'est pas due.

Elle ajoute, à titre extrêmement subsidiaire, dans l'hypothèse où la faute grave ne serait pas retenue, que le montant demandé par la société Myst-r au titre de l'indemnité de préavis est totalement injustifié et devrait être fixé à 2 401€ maximum.

Vu les dernières conclusions signifiées le 10 avril 2013 par la société Myst-r par lesquelles il est demandé à la cour de :

- déclarer la société Relation Publique irrecevable et mal fondée en son appel ;

En conséquence :

- l'en débouter ;

- déclarer la société Myst-r recevable et bien fondée en son appel incident.

En conséquence :

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 8 982 € le montant du préavis et considéré qu'aucune motivation sérieuse ne pouvait justifier la rupture intervenue.

- l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- condamner la société Relation Publique à payer à Myst-r les sommes de :

6 000 € à titre de commissions,

71 856 €, subsidiairement 24 567 €, à titre d'indemnité consécutive à la rupture,

36 000 €, subsidiairement 12 000 € à titre de dommages et intérêts,

Outre intérêts de droits à compter de la demande :

- condamner la société Relation Publique à payer à Myst-r la somme de 4 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée fait valoir que sa demande de rappel de commission est justifiée car, si le contrat détermine un certain nombre de clients dédiés à Myst-r, il n'exclut en revanche nullement la faculté pour celle-ci de prospecter de nouveaux clients.

Elle soulève ensuite que la société Relation Publique ne justifie nullement qu'elle demeurait en relation d'affaires effective et suivie avec la société Breal avant son intervention et alors qu'elle démontre son implication auprès de ce client.

Elle précise également à propos de l'indemnité de préavis que la société Relation Publique, en ne s'opposant pas au paiement d'un préavis et en soulignant être en désaccord sur le montant accordé, reconnaît ainsi le bénéfice d'un préavis au bénéfice de l'appelante et admet, par la même, qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société Myst-r.

Elle se prévaut de son droit à indemnité compensatrice en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la cessation brutale de ses relations avec son mandant et ne reposant sur aucun motif effectif, pertinent et légitime.

Elle souligne enfin avoir subi un préjudice économique et professionnel.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le rappel de commissions

Considérant que la société Relation Publique soutient que l'intégralité des commissions ont été réglées et que la somme de 6 000 € réclamée par la société Myst-r n'est pas fondée car il porte sur le chiffre d'affaires réalisé avec le client Bréal qui ne figure pas sur la liste des clients limitativement énumérés par le contrat d'agence commerciale.

Considérant que la société Myst-r affirme que la société Relation Publique n'avait plus aucune relation avec ce client depuis 2006 et que c'est elle qui avait initié un nouveau courant d'affaires et que si son contrat lui réservait l'exclusivité de certains clients, il n'excluait pas un travail de prospection auprès de nouveaux clients.

Considérant que la société Relation Publique avait cessé de travailler avec le client Breal depuis deux ans ; que, par ailleurs, la société Myst-r démontre avoir noué une relation personnelle avec ce client qui a écrit le 9 mai 2011 au dirigeant de la société Myst-r "Nous souhaitons que ce soit toi qui continues à nous voir pour tamar"; que l'intégralité du chiffre d'affaires enregistré sur ce client en 2010 ont donné lieu à commissions au bénéfice de la société Myst-r ; que dès lors, si la société Relation Publique a écrit le 9 mai 2011 à son agent "Je ne veux pas que tu t'occupes de Breal. Saches que le client est un client maison et que nous avons travaillé avant avec Breal", cette affirmation ne saurait priver d'effet le travail de son agent commercial en ce qu'il a généré à nouveau du chiffre d'affaires avec un client qui avait pu dans le passé être référencé mais qui avait cessé ses relations commerciales avec la société Relation Publique ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit à sa demande au titre des commissions dues sur celui-ci.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial

Considérant que la société Relation Publique fait valoir que la société Myst-r a commis une faute grave, à savoir les injures prononcées à l'égard de son dirigeant, et qu'ainsi l'indemnité de préavis n'est pas due.

Considérant que la société Myst-r fait valoir qu'aucune faute ne saurait être retenue à son encontre.

Considérant que les propos injurieux résultent d'un courriel adressé par M. Meimoun, le dirigeant de la société Myst-r au dirigeant de la société Relation Publique, courriel sur la teneur duquel les deux parties ne sont pas d'accord, la société Relation Publique produisant un courriel contenant les propos suivants "As-tu vu avec Edgar, car cette histoire commence à me casser les...., c'est honteux pour toi, un religieux et responsable de RP Tamar" et la société Myst-r un courriel avec ces termes "cette histoire commence à me casser les pieds", le reste étant identique.

Considérant que, si les deux expressions diffèrent, elles traduisent seulement l'exaspération de M. Meimoun de sorte qu'elles ne sauraient constituer une injure à l'endroit du dirigeant de la société Relation Publique mais seulement dans un des cas une manière grossière de s'exprimer ;

Considérant que le reste du texte : "c'est honteux pour toi, un religieux et responsable" exprime la réprobation au regard de la qualité de religieux du dirigeant de la société et de son attitude vis-à-vis de son agent commercial de sorte qu'un tel propos ne saurait être qualifié d'injures constitutives d'une faute grave.

Sur le montant au titre du préavis

Considérant que le préavis de 3 mois n'est discuté par les parties que dans son quantum, la société Relation Publique affirmant que le montant octroyé ne repose pas sur un montant justifié et que de plus la société Myst-r facturait ensuite la société Cash Production.

Considérant que la société Myst-r expose que le quantum retenu par les premiers juges correspond à trois mois de la moyenne des commissions acquises par elle au cours de l'année 2010 et que la société Relation Publique entretenait également des relations avec la société Cash Production de sorte que les deux sociétés se rétrocédaient mutuellement des commissions.

Considérant que le préavis ne peut être calculé que sur le montant des commissions correspondant aux seules facturations émises ; qu'en 2009 et 2010, les deux dernières années complètes, celles-ci se sont élevées respectivement à 14 961 € et 9 605,40 € de sorte qu'il y a lieu d'évaluer le montant dû au titre du préavis sur la moyenne mensuelle de celles-ci et de le chiffrer à la somme de 3 070,91 €.

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de réformer la décision entreprise sur le quantum alloué au titre de l'indemnité de préavis.

Sur le droit à indemnité de la société Myst-r

Considérant que la société Myst-r fait valoir que la société Relation Publique a entendu cesser sa collaboration à compter du 13 mai 2011 et que le calcul de l'indemnité se fait habituellement sur la valeur de deux années de commissions.

Considérant que la société Relation Publique soutient que la société Myst-r n'a réalisé aucun chiffre d'affaires en 2011, que c'est à tort que les premiers juges ont intégré les commissions au titre du client Breal et ont calculé l'indemnité TTC de sorte que l'indemnité pouvait au mieux être de 6 455 € ;

Considérant que le contrat d'agence commerciale liant les deux parties stipule que l'indemnité compensatrice sera "égale à deux ans de commissions"; qu'au regard des deux années d'activité complète de la société Myst-r, il y a lieu de fixer cette indemnité à la somme de 24 567 € correspondant aux commissions perçues en 2009 et 2010 et de réformer la décision entreprise.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Myst-r

Considérant que la société Myst-r expose que la société Relation Publique a pris l'initiative de rompre le contrat d'agent commercial ce qui lui a causé un préjudice économique et professionnel.

Considérant que la société Relation Publique pouvait rompre le contrat d'agent commercial sauf à indemniser son agent ; que celui-ci ne démontre pas avoir subi un préjudice autre que celui indemnisé par l'indemnité compensatrice ; que c'est à juste titre qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Myst-r a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs Et, adoptant ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des sommes restant dues au titre des commissions, au titre du préavis et de l'indemnité de rupture Et statuant à nouveau Condamne la société Relation Publique à payer à la société Myst-r la somme de 6 000 € à titre de commissions restant dues Condamne la société Relation Publique à payer à la société Myst-r la somme de 3 070,91 € au titre du préavis Condamne la société Relation Publique à payer à la société Myst-r la somme de 24 567 € à titre d'indemnité compensatrice Condamne la société Relation Publique à payer à la société Myst-r la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile Condamne la société Relation Publique aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.