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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 juillet 2014, n° 13-18048

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Medialog (Sté)

Défendeur :

Presstalis (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Taze Bernard, Mouton, Guidon, Vallet-Pamart, Dereux

T. com. Paris, 13e ch., du 1er juill. 20…

1 juillet 2013

Le 1er mai 2006, un contrat de prestation de services a été conclu entre la société Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP), devenue la société Presstalis, dont l'activité principale est celle de messagerie de presse, et la société Medialog, filiale du groupe Transalliance, qui est un prestataire logistique ayant notamment pour activité l'entreposage et le stockage non frigorifique.

L'article 18 de ce contrat, relatif à la gestion du retour des journaux et périodiques invendus en France, stipulait " Le présent contrat est conclu pour une durée totale de 41 mois, à compter du 1er mai 2006 jusqu'au 30 septembre 2009. À défaut de résiliation express signifiée au moins six mois à l'avance par l'une des parties par lettre recommandée avec AR, le contrat se poursuivra par tacite reconduction pour une durée indéterminée. Chacune des parties pourra le résilié à tout moment par lettre recommandée avec AR moyennant un préavis de six mois."

Par avenant n° 4 au contrat de prestation de services en date du 11 mai 2009, les parties ont prévu de regrouper sur le site CRL de Meung-sur-Loire, exploité par la société Medialog, les activités "retours publications" effectuées jusque-là sur le centre de regroupement logistique (CRL) du Mans, exploité par un prestataire tiers. L'article 5 de l'avenant stipulait "Cet avenant est conclu pour une durée totale de 12 mois, à compter du 1er avril 2009 jusqu'au 31 mars 2010. À défaut de résiliation express signifiée au moins six mois à l'avance par l'une des parties par lettre recommandée avec AR, le contrat se poursuivra par tacite reconduction pour une durée indéterminée. Chacune des parties pourra le résilier à tout moment par lettre recommandée avec AR moyennant un préavis de six mois".

Par courrier du 29 mars 2011 la société Presstalis a résilié le contrat de prestation de services à effet du 30 septembre 2011.

Le 15 avril 2011, la société Presstalis a ouvert à un "Appel d'offres pour un centre de retours logistiques CRL Nord", l'appel d'offres précisait " Dans le cadre de son schéma logistique retour, Presstalis a décidé d'ouvrir un appel d'offres pour un centre de retour logistiques appelé CRL Nord, ce centre étant située actuellement à Meung-sur-Loire. Cet appel d'offres inclut, en deux lots distincts, le centre logistique CRL Nord , ainsi que les transports de ce CRL vers le CAR (centre d'activité en retours) situé au Mans".

Le groupe Transalliance a répondu à cet appel d'offres le 27 mai 2011 et a complété son offre les 24 juin et 7 juillet 2011.

Par courriel du 20 juillet 2011, la société Presstalis a informé la société Medialog que son offre n'était pas retenue.

Par acte du 23 août 2011, la société Medialog a assigné la société Presstalis en référé devant le président du Tribunal de commerce de Paris afin que soit fixé à 12 mois le délai de préavis de rupture, que les relations commerciales soient maintenues durant ce délai et qu'une provision de 10 000 €, lui soit allouée, à valoir sur les dommages et intérêts pour brusque rupture des relations commerciales

Par ordonnance du 21 septembre 2011, le président du tribunal de commerce a dit n'y avoir lieu à référé, les demandes relevant des pouvoirs du juge du fond.

Par acte du 13 mars 2012, la société Medialog a assigné la société Presstalis devant le Tribunal de commerce de Paris en demandant, à titre principal, paiement d'une somme de 810 987 € en réparation du préjudice financier subi pour brusque rupture des relations commerciales.

Par jugement du 1er juillet 2013, le tribunal de commerce a :

- débouté la société Medialog de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société Medialog à payer à la société Presstalis la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société Medialog aux dépens de l'instance.

Le 12 septembre 2013, la société Medialog a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, notifiées le 14 avril 2014, par lesquelles la société Medialog demande à la cour de :

Au visa de l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce,

- infirmer le jugement,

- juger que la société Presstalis a engagé sa responsabilité et est donc obligée de réparer le préjudice causé par la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société Medialog,

- juger d'un délai de préavis minimum de 12 mois, soit six mois de plus que le délai effectivement accordé, s'imposait préalablement à la rupture des relations commerciales entre les parties,

- condamner la société Presstalis au paiement de la somme de 784 984 €, assortie des intérêts au taux légal, au titre de la réparation du préjudice subi à la société Medialog du fait de la brusque rupture des relations commerciales,

- débouter la société Presstalis de toutes ses demandes,

- condamner la société Presstalis à payer à la société Medialog une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, notifiées le 24 avril 2014, par lesquelles la société Presstalis demande à la cour de :

Au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

à titre principal,

- constater que :

la relation contractuelle entre la société Medialog et la société Presstalis a débuté le 1er mai 2006,

Medialog n'a pas repris la relation commerciale antérieurement nouée entre Michel Logistique et Presstalis,

le contrat liant Medialog à Presstalis a été reconduit tacitement aux termes du 31 mars 2010,

le contrat prévoit le respect d'un délai de préavis de six mois,

un préavis d'une durée de six mois est raisonnable au regard de la durée de la relation contractuelle établie entre Medialog et Presstalis,

en conséquence :

- constater que la rupture des relations commerciales unissant Medialog et Presstalis n'est pas brutale,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la brutalité de la rupture n'est pas établie,

- rejeter la demande d'indemnisation d'un montant de 784 987 € formulée par Medialog au titre de la réparation du préjudice financier subi pour brusque rupture des relations commerciales,

à titre subsidiaire,

- rejeter la demande d'indemnisation au titre de la marge brute réalisée au cours des six mois de préavis supplémentaires requis par la société Medialog,

- la demande indemnisation du coût des investissements réalisés par Medialog,

- la demande d'indemnisation formulée par Medialog au titre de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi et du coup supplémentaire de salaire lié à la dispense d'activité accordée à son personnel,

en tout état de cause,

- condamner la société Medialog à payer à la société Presstalis la somme de 15 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Vallet-Pamart, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR :

Sur la durée des relations commerciales établies :

Considérant que la société Medialog expose qu'elle appartient, comme la société Michel Logistique au groupe Transalliance, lequel a, au travers de ces deux filiales, engagé des relations d'affaires avec la société Presstalis, le changement de prestataires résultant d'un choix d'organisation interne au groupe ; que les relations commerciales avec la société Michel Logistique ont débuté au mois de mars 1998 et ont été reprises à compter de 2006 par la société Medialog ; que le fait que les filiales sont des sociétés indépendantes au sein du groupe Transalliance ne modifie en rien l'existence d'une collaboration commerciale suivie pendant près de 13 années ; qu'il ressort du contrat conclu le 1er mai 2006 entre les sociétés Presstalis et Medialog que les parties ont entendu se référer à l'entité économique que constitue le groupe Transalliance ; qu'il a été déterminant pour la société Presstalis que son cocontractant appartienne au groupe Transalliance et bénéficie de l'expérience de ce dernier pour les prestations fournies ;

Considérant que la société Presstalis soutient qu'il n'est pas démontré que les obligations contenues dans le contrat passé avec la société Michel Logistique aient été reprises par la société Medialog ; que le changement de cocontractant ne résulte pas d'un choix interne au groupe Transalliance mais participe de la restructuration initiée par la société Presstalis pour sa gestion des retours des invendus ; que la mention figurant dans l'exposé du contrat conclu avec la société Medialog est une disposition usuelle dont le sens est dénaturé par l'appelante ;

Considérant que la société Medialog affirme sans le démontrer que la société Michel Logistique est membre du groupe Transalliance ; que la lecture des contrats signés respectivement, le 15 octobre 2003 et le 1er mai 2006, par la société NMPP avec les sociétés Michel Logistique et Medialog, ne démontre pas que les parties ont entendu faire reprendre par la société Medialog les droits et obligations de la société Michel Logistique,

le contrat du 1er mai 2006 ne fait aucune référence à la société Michel Logistique, ni à la reprise d'un contrat antérieur ; que, si les deux contrats sont relatifs à la gestion des invendus, les prestations prévues ainsi que le centre de stockage ne sont pas identiques ;

Considérant que le préambule du contrat signé le 1er mai 2006 avec la société Medialog mentionne "...Le prestataire appartient au groupe Transalliance, il est spécialisé dans les prestations logistiques.

Le groupe Transalliance effectuant déjà une partie de ses prestations depuis plusieurs années pour le compte des NMPP, le prestataire déclare avoir les moyens économiques, l'expérience et toutes les compétences nécessaires à la fourniture des prestations prévues dans ce contrat, les parties se sont rapprochées et ont convenu ce qui suit :..." ; que la mention, dans l'exposé du contrat signé le 1er mai 2006, de l'appartenance de la société Medialog au groupe Transalliance, apparaît comme une présentation faite par la société Medialog d'elle-même pour justifier sa capacité à exécuter le contrat ; que cette mention est insuffisante à elle seule à rapporter la preuve de l'existence de relations commerciales suivies entre la société NMPP, devenue Presstalis, et le groupe Transalliance ;

Considérant que l'existence d'une relation commerciale initiée avec la société Michel Logistique et poursuivie avec la société Medialog n'est pas caractérisée ; que la preuve n'est pas non plus rapportée de la volonté de la société Presstalis de nouer des relations contractuelles qu'avec les filiales du groupe Transalliance ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la relation commerciale établie entre les parties a existé du 1er mai 2006 au 30 septembre 2011, soit durant plus de cinq années ;

Sur la brutalité de la rupture des relations commerciales :

Considérant que la société Medialog soutient que l'avenant n° 4 au contrat de prestation de services, qui prévoyait le regroupement sur le seul site de Meung-sur-Loire des activités " retours publications" et l'attribution à la société Medialog de l'ensemble des activités de la société Presstalis, permettait de penser que la collaboration entre les parties avait vocation à perdurer et que malgré l'appel d'offres, qui a suivi l'annonce de la réorganisation de la société Presstalis,

elle pouvait légitimement penser que sa candidature serait retenue ; que le site de Meung-sur-Loire, qui n'existait qu'en raison des besoins de la société Presstalis et dont l'importance justifiait une exploitation exclusive, a créé une dépendance économique à l'égard de la société Presstalis ; que le retrait des activités confiées par Presstalis a entraîné la fermeture de ce site et la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et de licenciements ; qu'un préavis de six mois était insuffisant pour rompre la collaboration entre les parties ;

Considérant que la société Presstalis fait valoir qu'elle a respecté le préavis contractuel, qui a été accepté par la société Medialog, professionnel de la logistique ; que le contrat du 1er mai 2006, qui a été prolongé pour permettre à la société Medialog d'amortir les investissements qu'elle a réalisé pour les besoins des prestations convenues au contrat, est ensuite devenue à durée indéterminée avec faculté de résiliation dans le respect d'un préavis de six mois ; que ce préavis permettait à la société Medialog de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi à défaut d'avoir retrouvé un marché équivalent ;

Considérant que le contrat de prestation de services, conclu initialement jusqu'au 30 septembre 2009, a été prolongé jusqu'au 31 mars 2010 par l'avenant n° 4 du 11 mai 2009, puis s'est poursuivi pour une durée indéterminée ; que la société Presstalis a respecté le préavis de six mois prévu au contrat en informant le 29 mars 2011 la société Medialog de la résiliation du contrat à effet du 30 septembre 2011 ; que la société Medialog, qui est spécialisée dans les prestations logistiques et qui n'était pas tenue par une obligation d'exclusivité, ne démontre pas ne pas disposer de la possibilité de substituer à la société Presstalis un ou plusieurs autres donneurs d'ordres lui permettant de continuer à faire fonctionner son entreprise dans des conditions techniques et économiques comparables ; que l'appelante ne rapporte pas la preuve de sa situation de dépendance économique à l'égard de la société Presstalis, la circonstance que le site de Meung-sur-Loire était exclusivement dédié à la société Presstalis étant insuffisante ;

Considérant que compte tenu de la durée de la relation commerciale, de la possibilité laissée à la société Medialog d'amortir les investissements rendus nécessaires, pour l'accomplissement du contrat de prestation de services, de la capacité pour la société Medialog de réorganiser et réorienter son activité, le préavis de six mois apparaît suffisant et devait permettre à la société Medialog de mettre en œuvre un plan de sauvegarde pour l'emploi ; que le fait que la société Medialog n'ait été informée que le 20 juillet 2011 que ses offres n'étaient pas retenues est sans incidence, puisque dès le 29 mars 2011 elle savait que le contrat allait être résilié et qu'elle n'avait aucune garantie de remporter l'appel d'offres initié le 15 avril 2011 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé suffisant le préavis de rupture et débouté la société Medialog de toutes ses demandes ;

Par ces motifs : Confirme le jugement ; Et y ajoutant, Dit que les relations commerciales entre la société Medialog et la société Presstalis ont débuté le 1er mai 2006 ; Dit que la rupture des relations commerciales entre la société Presstalis et la société Medialog intervenu le 30 septembre 2011 n'est pas brutale ; Condamne la société Medialog à payer à la société Presstalis la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Medialog aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.