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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 11 juin 2014, n° 13-00307

BESANÇON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Lure Distribution (SAS)

Défendeur :

Lidl (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sanvido

Conseillers :

M. Theurey-Parisot, M. Hua

Avocats :

Mes Economou, Parleani, Clement, Leroux, Zimmermann

T. com. Vesoul, du 14 décembre 2012

14 décembre 2012

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du 14 décembre 2012 aux termes duquel le Tribunal de commerce de Vesoul a :

- condamné la SAS Lure Distribution, exploitant une grande surface à l'enseigne E Leclerc à Lure (70), à payer à la SNC Lidl, outre les dépens et une indemnité de procédure de 1 500 euro, la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la publicité comparative illicite réalisée fin juin 2009 dans l'établissement précité,

- débouté la SAS Lure Distribution de sa demande reconventionnelle en indemnisation du dommage causé selon elle par la publicité comparative diffusée par la SNC Lidl avant la publicité incriminée par celle-ci ;

Vu la déclaration d'appel de la SAS Lure Distribution en date du 08/02/2013 ;

Vu les conclusions déposées et dûment notifiées par les parties, au RPVA le 27/08/2013 puis le 02/04/2014 pour l'appelante, et le 13/01/2014 pour la SNC Lidl, intimée et appelante incidente ;

Vu l'ordonnance de clôture du 02/04/2014 ;

Vu les conclusions de procédure déposées le 10/04/2014 par l'intimée, tendant à faire écarter les conclusions de fond de l'appelante susvisées, et les conclusions en réplique de l'appelante du 02/05/2014 tendant au rejet de cette requête ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

SUR CE

La SNC Lidl conclut en vain à l'irrecevabilité de l'appel, sans développer aucun moyen à l'appui de cette prétention qu'elle n'a pas, au surplus, soumise au Conseiller de la mise en état.

Si désagréable qu'il soit de constater qu'une partie qui conclut le jour même annoncé de longue date pour la clôture ne se donne pas le soin d'indiquer à la partie adverse comme au Conseiller de la mise en état le motif d'un tel comportement, il n'en résulte pas obligatoirement que lesdites conclusions doivent être écartées, sans qu'il soit procédé à un examen particulier de ces écritures pour en vérifier le contenu et déterminer si les droits de la partie adverse ont été objectivement atteints : en l'espèce, il apparaît que le seul ajout de ces conclusions, par rapport aux précédentes du , réside dans la citation d'une décision jurisprudentielle que la SNC Lidl ne peut ignorer (étant partie à cette procédure), et dans la réponse à une objection élevée par la SNC Lidl quant à la communication effective d'une pièce : dans ces conditions, il n'existe aucun motif d'écarter les conclusions de l'appelante du 02/04/2014, et la Cour statuera au vu de ces dernières conclusions pour celle-ci et des dernières conclusions de l'intimée et appelante incidente du 13/01/2014, ci-dessus visées, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, en application de l'article 455 du Code de procédure civile .

Sur le fond, la SAS Lure Distribution sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande principale de la SNC Lidl, et réitère sa demande reconventionnelle ;

L'intimée, qui conclut à la confirmation de la décision entreprise en son principe, sollicite, par voie d'appel incident, la fixation des dommages-intérêts à elle alloués à 100 000 euro ainsi que la publication de l'arrêt à intervenir dans la presse régionale et professionnelle.

Il est constant que l'opération de publicité comparative mise en place par la SAS Lure Distribution à partir du 20 juin 2009, sous la forme de l'exposition dans son magasin de deux chariots contenant l'un des produits vendus sous l'enseigne E Leclerc, l'autre des produits vendus par Lidl, accompagnée d'une affiche de comparaison de prix concluant en faveur des premiers, est une réplique à la campagne de publicité comparative organisée par la SNC Lidl, sous la forme de la distribution de prospectus intitulés "Nos offres cette semaine qui est vraiment le moins cher sur ces produits de marque distributeur comparez c'est Lidl et pas Leclerc" .

Le premier juge, par des motifs que la Cour adopte, a caractérisé l'illicéité de la publicité comparative effectuée par la SAS Lure Distribution, au regard des exigences de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, tout en modérant à bon droit la réclamation de la SNC Lidl compte tenu de la faible durée de la comparaison irrégulière, l'allocation de la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en constituant une réparation suffisante sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter une publication inopportune.

Il sera seulement souligné spécialement que, comme le soutient la SNC Lidl sur la base d'explications circonstanciées et étayées de pièces (annexe 7 de l'intimée notamment), les produits Lidl de nature MDD ne pouvaient pas être comparés avec les produits Eco+ de Leclerc, sans manquer à la loyauté commerciale.

En revanche, la demande reconventionnelle de la SAS Lure Distribution mérite aussi d'être accueillie : la publicité comparative initiée par la SNC Lidl est illicite au moins en ce qu'elle ne permet pas d'identifier les produits comparés : le dépliant précité présente un chariot rempli de produits Lidl au prix de 36,38 euro (et un chariot de produits Leclerc au prix de 52 euro, supposés comparés) en portant au-dessus de ces chariots, en gros caractères Lidl 30 % moins cher ;

Or la somme du prix de chaque produit individualisé dans le même document atteint 61,86 euro pour les produits Lidl, de sorte qu'il est impossible de savoir quels produits ont été utilisés pour parvenir à dégager une différence aussi appréciable en faveur de Lidl ;

Et aussi en ce que cette publicité comparative ne permet pas d'identifier les concurrents comparés, la seule indication sur le dépliant de ce que le comparatif avait été établi à partir de la moyenne des prix relevés sur les produits marque repère dans 48 magasins E Leclerc étant totalement insuffisante pour permettre au consommateur de vérifier si cet échantillon de magasins est représentatif (étant observé que contrairement à l'avis du premier juge, ce procédé n'est pas identique à celui du site quiestlemoinscher.com présente certes aussi des relevés de prix moyens, mais en publiant la liste des magasins où ces relevés ont été faits).

Le préjudice subi par la SAS Lure Distribution, du fait de la SNC Lidl, sera suffisamment et complètement réparé par une indemnité de 50 000 euro, sans autre mesure notamment de publication.

Chacune des parties, succombant à la demande de l'autre, supportera ses frais

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement prononcé le 14 décembre 2012 par le Tribunal de Commerce de Vesoul en ce qu'il a condamné la SAS Lure Distribution à payer à la SNC Lidl la somme de cinquante mille (50000) euro à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil, et a débouté la SNC Lidl de sa demande de publication de la décision, INFIRME le dit jugement pour le surplus, Statuant à nouveau et Ajoutant, Condamne la SNC Lidl à payer à la SAS Lure Distribution la somme de cinquante mille euro (50 000 euro) à titre de dommages-intérêts, Déboute la SAS Lure Distribution de sa demande de publication du présent arrêt, Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties supportera ses dépens de première instance et d'appel.