CA Lyon, 6e ch., 12 juin 2014, n° 13-00346
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Résine Stone Color (SARL)
Défendeur :
Sainte Marie (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cuny
Conseillers :
Mme Collin-Jelensperger, M. Goursaud
Avocats :
SCP Tudela, associés, Selarl Blanc Larmaraud Bogue Angeli Gossweiler, Me Morel-Vulliez
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 8 avril 2011, Monsieur et Madame Sainte Marie ont conclu avec la SARL Résine Stone Color deux contrats portant sur la réfection de leur piscine et ont versé à cette occasion un acompte de 6 800 euros.
Ils ont par la suite fait part de leur intention d'annuler cette commande, souhait confirmé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 avril 2011, soit dans le délai de 7 jours suivant la signature du contrat.
Suivant acte en date du 28 juillet 2011, Monsieur et Madame Sainte Marie ont fait assigner la SARL Résine Stone Color devant le Tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse à l'effet d'obtenir le paiement de la somme de 6 800 euros qui avait été encaissée par cette société outre des dommages intérêts pour résistance abusive.
Ils ont soutenu que le contrat avait été résilié de plein droit par l'exercice de la faculté de résiliation prévue par la loi, considérant que le contrat avait été signé à leur domicile, et la SARL Résine Stone Color a déclaré au contraire que le contrat avait été conclu sur le stand qu'elle tenait à la foire de Bourg-en-Bresse.
Par un premier jugement avant dire droit en date du 15 mars 2012, le Tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse a ordonné la comparution personnelle des époux Sainte Marie et du représentant de la SARL Résine Stone Color.
Le tribunal a procédé à cette mesure d'instruction le 30 avril 2012.
Par jugement en date du 22 novembre 2012 auquel il est expressément référé pour un exposé plus complet des faits, des prétentions et des moyens des parties, le Tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse a :
- condamné la SARL Résine Stone Color à payer à Monsieur et Madame Sainte Marie la somme de 6 800 euros au titre du remboursement de la somme versée sur le contrat annulé,
- condamné la SARL Résine Stone Color à payer à Monsieur et Madame Sainte Marie la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
- condamné la SARL Résine Stone Color à payer à Monsieur et Madame Sainte Marie la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes de Monsieur et Madame Sainte Marie,
- débouté la SARL Résine Stone Color de l'intégralité de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SARL Résine Stone Color aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 14 janvier 2013, la SARL Résine Stone Color a interjeté appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 1er août 2013, la SARL Résine Stone Color demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse le 22/11/2012,
Et statuant de nouveau,
- dire et juger que le contrat litigieux a été signé par les parties le 08/04/2011 à la foire de Bourg-en-Bresse,
- dire et juger que la visite technique contractuellement prévue n'a pas la nature de condition suspensive,
En conséquence,
- débouter les époux Sainte Marie de l'intégralité de leurs prétentions dépourvues de tout fondement,
- dire et juger que l'acompte d'un montant de 6 800 euros versé lors de la conclusion du contrat lui reste acquis,
- condamner les époux Sainte Marie au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- condamner les époux Sainte Marie au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, qui comprendront les frais d'appel, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Tudela et Associés, Avocats pour les dépens d'appel.
La SARL Résine Stone Color expose qu'après un premier passage à la foire de Bourg-en-Bresse le 6 avril 2011, les époux Sainte Marie, très intéressés par les prestations qu'elle offrait, se sont rendus une 2ème fois à la foire le 8 avril et ont souhaité à cette occasion formaliser leur intention de contracter en signant deux documents contractuels, un devis et un bon de commande, avec remise d'un chèque d'acompte le jour même, sur le stand de la foire.
Elle conteste que son représentant se soit rendu au domicile des époux Sainte Marie, ni pour la conclusion du contrat ni pour une visite technique, et elle déclare que lors de leur 2ème visite, les époux Sainte Marie se sont présentés avec un plan et un métré.
Elle fait valoir :
- que le devis et le bon de commande signés tiennent lieu de contrat et que les documents contractuels font clairement apparaître que le lieu de conclusion du contrat est la foire de Bourg-en-Bresse,
- qu'il est également stipulé que l'acompte versé lui reste acquis en cas d'annulation de chantier,
- que les époux Sainte Marie qui prétendent avoir été démarchés à domicile sont de mauvaise foi,
- que les bons de commande précisent que les indications de métrés qu'elles comportent sont faites 'sous réserve de visite technique' mais qu'une telle visite intervient après la signature du contrat et qu'elle n'a pas la nature d'une condition suspensive.
Dans leurs conclusions déposées au greffe le 12 juin 2013, Monsieur et Madame Sainte Marie, intimés, demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse le 22 novembre 2012,
- condamner la SARL Résine Stone Color à leur restituer l'acompte de 6 800 euros encaissé par elle outre 2 500 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- condamner la SARL Résine Stone Color à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Monsieur et Madame Sainte Marie exposent qu'ils se sont rendus au stand de la SARL Résine Stone Color à la foire de Bourg-en-Bresse le 6 avril 2011, qu'il a été convenu que la SARL Résine Stone Color passe à leur domicile et procède à la signature du devis, après avoir mesuré la superficie des lieux pour réaliser la prestation, le prix ne pouvant être défini qu'en fonction du métré sur place, que la société s'est ainsi présentée à leur domicile le 8 avril et a établi deux devis, qu'elle a renseigné les documents et a coché la mention selon laquelle la commande avait été effectuée à la foire alors qu'il n'en n'était rien, et qu'usant de leur faculté de rétractation prévue pour les ventes à domicile, ils ont immédiatement après la signature du devis, fait part par un mail de leur souhait d'annuler la commande, souhait qu'ils ont confirmé par une lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2011.
Ils font valoir :
- que les contrats convenus avec la SARL Résine Stone Color, respectivement signés à leur domicile le 8 avril 2011 et pour un montant de 11 000 euros et de 6 000 euros, ont été résiliés de plein droit par l'exercice de la faculté de rétractation notifiée le 11 avril 2011, ce qui justifie la restitution de l'acompte de 6 800 euros,
- que si par impossible, la cour considère que les contrats n'ont pas été signés à leur domicile, elle constatera que les contrats n'ont reçu aucun commencement d'exécution,
- que la SARL Résine Stone Color a en outre accusé réception dès le 14 avril de la résiliation des contrats et ne peut prétendre à leur exécution,
- que la SARL Résine Stone Color n'a pas hésité à accepter de réaliser finalement la prestation d'origine mais pour un prix sensiblement supérieur, révélant ainsi sa volonté de ne pas réaliser ladite prestation
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 novembre 2013 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 15 avril 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Monsieur et Madame Sainte Marie se prévalent des dispositions du Code de la Consommation sur le démarchage à domicile, applicables selon l'article L. 121-21 dudit code, à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage à domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat de biens ou de fourniture de services, cette disposition étant également applicable au démarchage intervenant dans les lieux non destinés à la commercialisation d'un bien.
Ils versent aux débats un devis et un bon de commande datés du 8 avril 2011 concernant pour le premier la fourniture et la pose d'un revêtement et pour le second des travaux de maçonnerie.
Ces documents portent la signature de Madame Sainte Marie, avec sur le devis la mention manuscrite "bon pour accord" et la signature du représentant de la SARL Résine Stone Color.
La cour constate que sur ces deux documents, il a été coché à la rubrique "lieu de conclusion du contrat", la case "salon foire", ce dont il se déduit que les deux parties ont d'un commun accord admis que la vente avait été conclue à la foire de Bourg-en-Bresse, laquelle ne constitue pas le domicile des acheteurs et s'apparente à un lieu destiné à la commercialisation.
Il appartient aux intimés qui soutiennent qu'en réalité la vente aurait été conclue le 8 avril 2011 à leur domicile, après un premier contact avec la SARL Résine Stone Color à la foire de Bourg-en-Bresse le 6 avril, d'établir la réalité de leurs allégations et la cour constate, à l'examen des pièces produites que cette preuve n'est pas rapportée.
En effet, il n'apparaît pas, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, que le représentant de la SARL Résine Stone Color n'a pas contesté s'être rendu au domicile des époux Sainte Marie le 8 avril 2011.
Il ressort au contraire du procès-verbal de la comparution des parties organisée par le tribunal le 30 avril 2012 que Monsieur Vernay, gérant de la SARL Résine Stone Color, a déclaré que Monsieur et Madame Sainte Marie étaient venus le 6 avril puis qu'ils étaient revenus le 8 avril avec un métré et un plan pour faire un aménagement de terrasse, dans l'après-midi, qu'il était seul sur le stand à la foire de Bourg, qu'ils lui ont donné des informations orales quant au métré et qu'il n'a pas fait de visite technique chez eux.
D'autre part, il ne peut être déduit de la justification par Monsieur et Madame Sainte Marie qu'ils se sont rendus à la foire de Bourg-en-Bresse dans la journée du 6 avril qu'ils ne se soient pas de nouveau présentés au stand de la SARL Résine Stone Color le 8 avril pour finaliser la vente et signer le bon de commande.
Enfin, l'attestation établie par Monsieur Pierre-Laurent Sainte Marie selon laquelle il atteste de la présence de Monsieur Vernay le 8 avril 2011 ne peut être considérée comme un élément de preuve déterminant dès lors qu'il émane du propre fils des intimés.
Ainsi, la cour ne peut, compte tenu de la mention portée sur le bon de commande selon laquelle la vente est intervenue à la foire, que constater que les dispositions sur le démarchage à domicile sont sans application en l'espèce.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a appliqué les dites dispositions et considéré que Monsieur et Madame Sainte Marie avaient valablement usé de la faculté de rétraction ouvert par l'article L. 121-25 du Code de la Consommation dans le délai de 7 jours.
Il est constant que par courrier électronique en date du 9 avril 2011, Monsieur et Madame Sainte Marie ont annulé leur commande et ont sollicité la restitution du chèque d'acompte et que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 avril 2011, ils ont réitéré leur demande de restitution de ce chèque de 6 800 euros.
Par courrier du 14 avril 2011, la SARL Résine Stone Color a confirmé la demande d'annulation de la commande et indiqué que l'acompte versé restait du et serait encaissé, ce qui a été fait dans les jours qui ont suivi ainsi qu'il ressort du relevé de compte de Monsieur et Madame Sainte Marie.
Il résulte de cet échange de courriers que la rupture des relations contractuelles était consommée entre les parties à la date du 14 avril et la SARL Résine Stone Color n'était donc pas tenue d'accepter l'exécution du contrat que Monsieur et Madame Sainte Marie ont sollicité par la suite.
C'est donc vainement qu'ils font valoir à titre subsidiaire que la SARL Résine Stone Color aurait manqué à ses obligations contractuelles en refusant d'exécuter le contrat ou en voulant leur imposer de nouvelles conditions.
Monsieur et Madame Sainte Marie ont versé lors de la signature du contrat un chèque de 6 800 euros correspondant à 40 % du coût total des deux commandes.
Pour refuser de restituer cet acompte, la SARL Résine Stone Color invoque la disposition du contrat, stipulée dans les conditions générales de vente, selon laquelle "en cas de remise ou d'annulation du chantier, les sommes versées à la commande lui resteront définitivement acquises à titre de dommages intérêts forfaitaires et non révisables".
Toutefois, la cour relève à l'examen des conditions générales de vente qu'il est également stipulé au paragraphe III qu'"en cas d'annulation de commande de la part de l'acheteur, quelqu'en soit la raison, il sera du par ce dernier, une somme équivalente à 10 % de la commande et ce à titre d'indemnité destinée à couvrir les différents frais commerciaux et financiers entraînés par la commande".
Dès lors que l'acompte demandé est automatiquement de 40 %, ainsi qu'il ressort des mentions pré imprimées au recto des bons de commande, ces deux clauses pénales sont manifestement contradictoires l'une par rapport à l'autre, un même contrat ne pouvant à la fois envisager au titre d'un même événement l'application d'une indemnité de 40 % ou de 10 %.
Outre le fait que la clause permettant au professionnel de conserver 40 % de la commande alors que celle-ci a été annulée le lendemain même de sa signature serait manifestement excessive au regard du faible préjudice subi, il est nécessaire en raison d'un doute sur l'application de telle ou telle clause pénale, d'interpréter la convention en faveur de celui qui a contracté l'obligation, soit en l'espèce Monsieur et Madame Sainte Marie, débiteurs de l'indemnité contractuelle, et d'appliquer la clause pénale la moins rigoureuse.
Monsieur et Madame Sainte Marie du fait de l'annulation de la commande, sont donc redevables au titre de la clause pénale de 10 % de 17 000 euros, soit la somme de 1 700 euros.
Après déduction de ce montant, la SARL Résine Stone Color sera condamnée à leur payer le solde restant dû sur l'acompte de 6 800 euros qu'elle a encaissé, soit la somme de 5 100 euros.
Il n'est fait que partiellement droit à demande des époux Sainte Marie et la résistance apportée par la SARL Résine Stone Color à cette demande ne peut être qualifiée d'abusive.
L'équité ne commande pas en l'espèce de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
La SARL Résine Stone Color succombant pour l'essentiel en ses prétentions, les dépens de première instance et d'appel seront mis à sa charge.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Statuant de nouveau, Condamne la SARL Résine Stone Color à payer à Monsieur et Madame Sainte Marie la somme de cinq mille cents euros (5 100 euros). Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SARL Résine Stone Color aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats de la cause qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.