Livv
Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 25 juin 2014, n° 12-05572

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Manurhin K'MX (SARL)

Défendeur :

Vertrieb und Industrie Beratung GmbH & Co KG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallens

Conseillers :

Mmes Schneider, Roubertou

Avocats :

Mes Renaud, Boucon, Lang

TGI Mulhouse, du 12 nov. 2012

12 novembre 2012

La société Vertrieb und Industrie Beratung GmbH (société VIB) a exercé une activité d'agent commercial en Allemagne pour la SARL Manurhin K'MX (société Manurhin) dont le siège est situé à Mulhouse (68), spécialisée dans le tournage industriel et en particulier le décolletage, et commercialisant des machines industrielles d'usinage, à compter de l'année 2004 et au moins jusqu'au 16 avril 2009, date à laquelle la société Manurhin lui a signifié la fin de leur collaboration, selon contrat verbal.

La société VIB a mis en demeure la société Manurhin de lui verser une indemnisation de rupture de 173 385,72 euros, puis l'a assignée en paiement de cette somme devant le Tribunal de grande instance de Mulhouse, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juillet 2009, de la somme de 21 673,22 euros à titre d'indemnité de préavis, outre intérêts au taux légal à compter de ses écritures, et de celle de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle a conclu au débouté des demandes reconventionnelles adverses.

Par jugement du 12 novembre 2012, le tribunal a écarté des débats la note en délibéré de la société Manurhin, constaté que l'incident a été abandonné, rejeté la demande d'expertise, condamné la société Manurhin à payer à la société Vertrieb und Industrie Beratung la somme de 158 715,45 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice lié à la rupture du mandat d'agent commercial, soit celle de 141 080,40 euros au titre de l'indemnité de rupture et celle de 17 635,05 euros au titre du non-respect des trois mois de préavis, et la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, rejeté les autres demandes.

La société Manurhin a interjeté appel de cette décision le 22 novembre 2012.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de juger la demande de la société VIB mal fondée et de l'en débouter, d'ordonner une expertise afin de déterminer son préjudice, subsidiairement de réduire les montants alloués à la société VIB, de rejeter l'appel incident de la société VIB, de la condamner à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens des deux instances.

Elle précise qu'avant ses relations commerciales avec la société VIB elle ne commercialisait pas ses produits sur le marché allemand ; qu'aucun territoire particulier n'a été concédé à la société VIB ; qu'elle a constitué une filiale allemande Manurhin K'MX Deutschland GmbH, située à Stuttgart en novembre 2007 à la demande de la société VIB pour le service après-vente, que la société VIB est devenue agent commercial pour les deux sociétés ; que selon message électronique du 20 décembre 2007 la société VIB a indiqué vouloir limiter sa zone de représentation à quelques régions allemandes et se réserver certains clients souhaitant acheter une machine Manurhin en 2008 ; que ce n'est pas elle qui a limité le territoire géographique de la société VIB ; que la société VIB a entendu percevoir des commissions sur des machines non commandées ; qu'elle a vendu trois machines d'une marque concurrente ; qu'elle lui a réclamé une indemnité pour la réduction de son territoire, mais que ce n'est pas elle qui a réduit le territoire ; qu'elle a retenu le paiement de factures de 3 044,70 euros et 4 929,85 euros tant que sa facture portant sur cette indemnité de 19 775 euros ne lui était pas payée ; qu'elle lui a répondu qu'elle ne pouvait agir ainsi ; qu'elle a décidé le 21 avril 2009 de mettre fin à sa collaboration avec la société VIB ; que sa décision a été motivée par une insuffisance de résultats, une insuffisance de prospection et l'absence de moyens mis en œuvre pour assurer une représentation commerciale sérieuse, la promotion de machines d'une marque concurrente, un défaut de loyauté, par l'absence de vente de mai 2008 à avril 2009 soit dans les 12 mois ayant précédé la résiliation.

Elle fait valoir que les relations contractuelles entre les parties étaient soumises aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ; qu'aucune réparation n'est due en cas de cessation des relations de l'agent commercial avec son mandant quand la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial (article L. 134-12) ; qu'en l'espèce la société VIB a vendu sur le marché allemand des produits concurrents à ceux qu'elle avait en charge dans le cadre de son mandat d'intérêt commun, ce qui constitue une faute grave, qu'elle ignorait qu'elle appartenait à un groupe dont l'une des sociétés fabrique et commercialise des machines concurrentes aux siennes (VIB Maschinen Produktions GmbH) ; que selon l'article L. 134-3 la société VIB ne pouvait accepter la représentation d'une entreprise concurrente sans son accord ; que si elle a accepté à la demande de la société VIB de modifier une facture établie à son nom pour la libeller au nom de la société VIB Maschinen GmbH cela ne signifie pas qu'elle a accepté que la société VIB travaille avec une société concurrente ; que la société VIB vendait encore d'autres machines concurrentes (Tornos, Hanwha) ; que si une insuffisance de résultats commerciaux ne constitue pas en elle-même une faute grave, il en va différemment quand la finalité commune du contrat d'agent commercial est compromise par les agissements de l'agent commercial ; que la société VIB a accompli de moins en moins de diligences pour obtenir des marchés ; qu'elle ne justifie pas des démarches commerciales réalisées dans l'année précédant la rupture du contrat ; qu'elle n'a vendu aucune machine dans les 12 mois précédant la rupture ; que les comptes-rendus téléphoniques produits, établis par la société VIB n'ont pas de valeur probante de ses diligences.

Elle développe subsidiairement sur le préjudice allégué par la société VIB : qu'elle conteste le décompte de la société VIB qui s'appuie sur un tableau qu'elle a établi elle-même, sans justificatif ; que les chiffres présentés par la société VIB ne correspondent pas aux commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années ; que la société VIB a perçu des commissions de 60 858,55 euros par an sur les trois dernières années, ce qui aboutit à 121 717,10 euros pour deux années de commissions ; que la société VIB ne démontre pas le préjudice subi alors qu'elle ne vendait plus de machine, privilégiant les machines des concurrents ; que le préjudice n'est pas nécessairement équivalent à deux années de commissions, puisque l'indemnisation ne peut être supérieure au préjudice subi ; qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des résultats exceptionnels de l'année 2006-2007 ; que la société VIB ne justifie pas d'une baisse de son chiffre d'affaires après la rupture du contrat ; que le contrat d'agent commercial conclu avec la société Manurhin K'MX de droit allemand n'a pas été rompu de sorte que la société VIB a pu continuer à vendre des machines Manurhin ; que si elle n'en a pas vendues, cela démontre que son préjudice est nul ; que le préjudice ne saurait excéder 2 années de bénéfice ou de marge brute liée au contrat Manurhin.

Elle s'oppose au paiement d'une indemnité de préavis compte tenu de la faute grave imputable à la société VIB. Elle demande subsidiairement de réduire son montant en révisant sa base de calcul. Elle s'oppose à l'appel incident.

Elle fait valoir qu'en privilégiant des machines concurrentes, la société VIB l'a délibérément privée d'un chiffre d'affaires, ce qui justifie la mise en œuvre d'une expertise afin de déterminer son préjudice.

La société VIB demande à la cour de débouter la société Manurhin de son appel mal fondé, de la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et sur appel incident, d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions, et statuant à nouveau, de condamner la société Manurhin à lui payer la somme de 21 673,22 euros à titre d'indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2011, et la somme de 173 385,72 euros à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juillet 2009, de condamner la société Manurhin aux dépens nés de l'appel incident.

Elle indique qu'en décembre 2007 la société Manurhin lui a retiré unilatéralement sa représentation dans le nord de l'Allemagne, et ce sans indemnité, que c'est pour cela qu'elle a demandé paiement le 16 septembre 2008 d'une indemnité compensatrice d'un montant de 19 775 euros correspondant à la perte de clientèle, et qu'elle a retourné à la société Manurhin trois factures puisque sa créance était supérieure à ces factures.

Elle applique également aux relations contractuelles des parties les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce.

Elle fait valoir que le contrat d'agent commercial a été résilié à l'initiative de la société Manurhin sans qu'elle ait commis de faute grave ; que c'est la société Manurhin qui a décidé de limiter son secteur de représentation ; qu'elle n'a pas commis de faute grave à l'origine de la rupture du contrat d'agent commercial, définie par la jurisprudence comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ; que la rupture du contrat résulte de la volonté de la société Manurhin de ne pas payer l'indemnité due à la suite de la modification unilatérale de son secteur de représentation ; que les premiers juges ont retenu qu'elle avait dans son courriel du 20 décembre 2007 demandé des zones de vente mais n'avait pas réclamé une réduction de sa zone et qu'elle a demandé une indemnisation pour la perte de secteurs ; que les pièces produites ne démontrent pas un comportement fautif de sa part ; que le reproche d'avoir privilégié la vente de machines concurrentes ne peut constituer une faute grave ; qu'aucun objectif n'était fixé en terme de visites et de chiffre d'affaires, qu'elle a proposé régulièrement des actions publicitaires, de marketing, qu'elle n'a pas violé l'obligation de loyauté vis-à-vis de sa mandante, que la baisse des ventes est uniquement imputable à la société Manurhin qui a réduit son secteur d'activité, que la crise économique a sévèrement impacté la vente ; qu'il ne peut lui être reproché une insuffisance de prospection, qu'elle a informé la société Manurhin de ses visites à la clientèle et lui a transmis des rapports, qu'elle n'a pas représenté les intérêts de la société VIB Maschinen Produktions, qu'elle a mené une action commerciale efficace pour la foire de Stuttgart, que le manque de diligences de la société Manurhin à l'égard de ses clients a entraîné des mécontentements, qu'aucun manquement précis ne lui est reproché au sujet d'une insuffisance de prospection et qu'aucune injonction ou mise en demeure ne lui a été délivrée à cet égard.

Elle précise que si elle assure la promotion de machines neuves Manurhin, la société VIB Maschinen Produktions, qui appartient au même groupe, assure la promotion de machines d'occasion, qu'il n'y a donc pas de conflit d'intérêts, et qu'elle n'avait pas à demander d'autorisation à la société Manurhin ; que les sociétés Manurhin et VIB Maschinen Produktions ne sont pas concurrentes, que Manurhin fabrique des machines-outils et que VIB Maschinen Produktions commercialise des machines-outils d'occasion ; que ce n'est pas elle qui a commercialisé les machines Hanwha mais la société VIB Maschinen Produktions ; que lorsque les machines ont été commercialisées elle n'était plus en charge de la représentation commerciale de la société Manurhin dans le secteur de la Saxe ; qu'elle n'a pas vendu de machines Tornos ; qu'elle n'a pas exercé de concurrence clandestine et n'a pas commis de faute grave la privant de son droit à indemnité.

Elle demande que la demande d'expertise comptable adverse, qui n'est destinée qu'à pallier la carence de la société Manurhin dans l'administration de la preuve, soit rejetée.

Elle conteste avoir manqué à son devoir d'information à l'égard de la société Manurhin, indique qu'elle a toujours transmis les rapports réalisés, tenu sa mandante informée des manifestations auxquelles elle participait pour assurer la promotion de ses machines, que la société Manurhin ne lui a jamais adressé de critique sur ce point, qu'elle a bien participé à l'exposition de Stuttgart en 2008, que le grief selon lequel elle favoriserait le client au lieu de sa mandante est sans emport.

Elle développe sur l'indemnisation de son préjudice du fait de la résiliation, qu'il y a lieu de retenir la moyenne des commissions perçues au cours des trois années précédant la rupture et de la multiplier par 2 (deux années) ; qu'elle a perçu sur les années 2006 à 2008 des commissions d'un montant de 260 078,57 euros ; que la société Manurhin devait observer un délai de préavis de 3 mois selon l'article L. 134-11 du Code de commerce, que l'indemnité de préavis se calcule comme suit : moyenne des commissions des années 2006, 2007 et 2008 : 86 692,57 euros x 3 : 12 = 21 673,22 euros ; que l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi se calcule comme suit : 260 078,57 x 2/3 = 173 385, 72 euros.

Elle fait valoir que l'indemnité de rupture ne s'apprécie pas par rapport aux contrats apportés par l'agent, ni par rapport à l'activité développée ultérieurement à la rupture par l'agent, mais en fonction de la perte de revenus que l'agent aurait retirés de son activité si elle s'était poursuivie, et en tenant compte de la perte du droit de transmettre à titre onéreux le mandat à un successeur.

Elle s'oppose à la demande reconventionnelle visant à la mise en œuvre d'une expertise alors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et que la société Manurhin n'apporte pas la preuve de son préjudice.

SUR CE :

Attendu que la société Manurhin a plusieurs agents commerciaux intervenant sur le territoire allemand (courriel Manurhin au dirigeant de VIB) ; qu'elle indique elle-même dans ses écritures qu'elle n'avait pas concédé à la société VIB de territoire particulier ; que celle-ci précise cependant que la Rhénanie du Nord-Westphalie était exclue de son champ d'intervention ;

Attendu qu'il apparaît que la société VIB est intervenue, pour le moins, selon sa pièce 9 récapitulant ses ventes, sur les régions suivantes : Bade-Wurtemberg, Thuringe et Rhénanie Palatinat, ainsi que sur Berlin ; qu'elle a principalement réalisé des ventes sur Gosheim (Bade-Wurtemberg) auprès de deux sociétés ;

Attendu que la société Manurhin a souhaité redéfinir les zones d'intervention de ses agents, et qu'une réunion a été organisée à cette fin avec eux ;

Que par courriel du 20 décembre 2007, la société VIB a fait connaître à la société Manurhin qu'elle réclamait comme zone de représentation les régions Bade-Wurtemberg, Bavière, le sud de la Hesse, le sud de la Rhénanie Palatinat et le Pays de la Sarre ; qu'elle a demandé parallèlement la sauvegarde de clientèle pour les clients qui lui ont déclaré en 2007 qu'ils achèteraient une machine en 2008 ;

Que dans un autre courriel du 15 septembre 2008, elle a indiqué n'avoir reçu aucune réponse à ses courriels demandant à Manurhin de lui communiquer précisément sa zone de vente ; que par courriel en réponse du même jour, la société Manurhin lui a rappelé que les zones situées au nord des zones correspondant à certains codes postaux feront l'objet d'une réaffectation et par conséquent ne rentrent pas dans la zone de vente de VIB ; qu'il apparaît en définitive que la société VIB a obtenu les zones demandées, mais qu'elle ne pouvait obtenir plus puisque des zones lui ont été rétirées et que l'objectif de la société Manurhin en prenant ces mesures, c'est-à-dire en réduisant les zones, était que les agents suivent de plus près les zones affectées ;

Attendu que selon l'article L. 134-4 du Code de commerce, le contrat d'agence commerciale est conclu dans l'intérêt commun des parties, que les rapports entre l'agent commercial et son mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information, et que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ;

Attendu que dans son courrier de résiliation du contrat d'agence commerciale, adressé pour la première fois le 16 avril 2009, la société Manurhin a reproché à la société VIB une insuffisance de résultat, une insuffisance de prospection, l'inutilisation de sa filiale en Allemagne créée à sa demande, le non-paiement de factures, un défaut de loyauté résultant d'une photographie représentant le dirigeant de la société VIB devant une machine concurrente, son absence lors de la foire de Stuttgart en 2008, une défense permanente du client avec pour contrepartie un défaut de soutien à son égard ;

Attendu que comme l'indique la société Manurhin, pour apprécier si les manquements de l'agent commercial à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, le juge peut prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de la décision, et le mandant peut invoquer l'existence d'une faute commise antérieurement à la rupture du contrat, même si elle s'est révélée postérieurement à celle-ci ;

Attendu que la société Manurhin fabrique et commercialise, selon les plaquettes produites, des machines dans le domaine du tournage, permettant d'usiner des pièces complexes, des pièces de décolletage ; que la société VIB appartient à un groupe (VIB Gruppe) qui comporte une société VIB Maschinen Produktions GmbH, qui commercialise des machines-outils d'occasion ;

Attendu qu'il n'est pas rapporté par les pièces communiquées, que la société Manurhin avait connaissance lorsqu'elle a établi des relations contractuelles avec la société VIB GmbH, que celle-ci appartenait à un groupe comportant une société commercialisant des machines de même nature que celles qu'elle commercialise elle-même, ou si la société VIB Maschinen Produktions a été constituée après la conclusion du contrat d'agence commerciale avec la société VIB, qu'elle a eu connaissance de la création de cette société et de son activité ; que la société VIB ne prétend pas en tous cas l'avoir informée de l'existence de cette société et de son activité, et que rien ne permet de retenir que cette information a été donnée à la société Manurhin ; que les documents de la société VIB ne mentionnent pas par ailleurs son appartenance à un groupe, qu'ils sont établis à son seul nom ;

Attendu que les sociétés Manurhin et VIB Maschinen Produktions commercialisent le même type de machines et qu'il ne peut être retenu d'emblée que la clientèle de la société Manurhin ne peut être intéressée par une machine commercialisée par la société VIB Maschinen Produktions ; que les machines vendues intéressent potentiellement les mêmes acquéreurs, selon les circonstances qui leur sont propres, qu'une machine d'occasion n'est pas forcément une machine d'un modèle qui n'est plus mis en vente à l'état neuf ; que selon le site de la société VIB Maschinen Produktions, elle vend des machines Manurhin, Star, Hanwha, Tornos, Gildermesiter et Citizen ;

Attendu que le fait que la société Manurhin a effectué en 2008 des réparations sur une machine de sa marque pour le compte de la société VIB Maschinen Produktions n'est pas significatif d'une connaissance de la commercialisation par celle-ci de machines concurrentes ; qu'elle a d'ailleurs dans un premier temps établi sa facture à la société VIB ;

Attendu qu'en n'ayant pas informé la société Manurhin de l'activité concurrente de la société VIB Maschinen Produktions, la société VIB ne s'est pas montrée loyale envers son mandant ; qu'elle a aussi manqué à son obligation de loyauté lorsque son dirigeant a fait la promotion d'une machine de marque Tornos parallèlement à celle d'une machine Manurhin en mars 2009 (selon courrier électronique du 2 juillet 2009, pièce 26 de Manurhin) ;

Attendu sur l'insuffisance de résultat de la société VIB invoquée par la société Manurhin, que de mai 2006 à avril 2007, les ventes de la société VIB se sont élevées à 2 732 884,43 euros, que de mai 2007 à avril 2008 elles se sont élevées à 1 221 213,92 euros, et que de mai 2008 à avril 2009 il n'y a pas eu de vente ; qu'il convient cependant de souligner que la société Manurhin indique elle-même dans ses écritures que les ventes de mai 2006 à avril 2007 ont été exceptionnelles ; qu'il y a lieu ensuite de tenir compte du fait qu'à compter du 15 septembre 2008 il a été expressément indiqué à la société VIB que son territoire était réduit, tout en retenant que précédemment elle a esentiellement réalisé des ventes sur la zone d'intervention qui lui a été concédée ; qu'il convient finalement de rechercher si la société VIB a été diligente dans son action de promotion des machines Manurhin ;

Attendu que courant 2006 la société VIB a entrepris des opérations d'exposition des machines Manurhin pour attirer la clientèle sur le site Manurhin ;

Qu'en 2007 elle a proposé des mesures pour vérifier la satisfaction après-vente des clients existants, leur surface financière, pour informer le public de la foire Turning Days, pour attirer la clientèle à la société Manurhin, proposé une stratégie pour améliorer les ventes, la mise en place de conditions de paiement aux clients, une facilitation du paiement par la clientèle allemande par l'ouverture d'un compte dans une banque allemande, une stratégie de distribution, une amélioration du service après-vente, la clientèle allemande en étant mécontente ;

Qu'en juillet 2008 elle a réalisé une action par mailing pour l'AMB de Stuttgart (manifestation au parc des expositions) en septembre 2008, concernant notamment deux nouvelles machines Manurhin, et qu'elle a bien été présente à cette manifestation, a établi des fiches de contact desquelles il résulte que certains visiteurs ont été intéressés par les machines Manurhin ; qu'en octobre 2008 elle a fait part d'un plan d'action pour améliorer les ventes, mis à exécution par la société Manurhin qui a cependant demandé sa participation financière, et a rappelé qu'une machine de démonstration n'est pas utilisée ;

Attendu que le 16 avril 2009 elle a établi un document de trois pages destiné à être diffusé par mail comportant une invitation à deux salons phares de l'année, l'un se tenant à Karlsruhe du 22 au 24 avril 2009, afférent aux machines d'occasion sur lequel la société VIB Maschinen Produktions devait exposer une machine entièrement révisée, et l'autre, intitulé Turning Days, se tenant du 23 au 25 avril 2009 à Villigen-Schwenningen (Allemagne), sur lequel la société Manurhin devait présenter deux nouvelles machines, et sur lequel la société VIB devait intervenir ;

Que malgré les suspicions de la société Manurhin, il n'est pas établi que le document concernant ses machines aurait été établi après sa notification de la rupture du contrat d'agence commerciale par télécopie ; qu'il peut en revanche être constaté que le document a concerné à la fois les machines de VIB Maschinen Produktions et de Manurhin, de sorte que la société VIB a par une même action favorisé les intérêts des deux sociétés, et que cela confirme que la société VIB, tout en étant agent commercial de la société Manurhin, exerçait aussi une représentation pour la société VIB Maschinen Produktions, comme cela est déjà apparu en mars 2009 ;

Attendu que toujours dans le cadre des diligences effectuées en 2009 pour la société Manurhin, la société VIB produit deux fiches faisant état d'un contact avec deux clients le 25 août 2009 (société Eschricht Metalltechnick, et société Mathä Müller), dont l'objet n'est néanmoins pas connu en l'absence de traduction ;

Attendu cependant que s'il est incontestable qu'elle a joué un rôle de conseil en stratégie auprès de la société Manurhin, et a participé à des manifestations collectives promouvant les machines Manurhin, elle ne justifie pas de prospections individuelles, présentant une certaine régularité et donc d'une certaine conséquence, comme l'a souligné la société Manurhin dans son courrier de résiliation, alors que c'est l'obligation première de l'agent commercial de démarcher la clientèle potentielle, et non seulement lors de salons, et qu'elle avait la possibilité de présenter une machine de démonstration qu'elle n'a pas utilisée comme elle le pouvait, et elle ne mentionne pas de diligences effectuées après le salon de Stuttgart en 2008 auprès des personnes qui l'ont approchée et se sont déclarées intéressées par l'acquisition de machines Manurhin ; qu'elle communique seulement deux fiches afférentes à deux clients anciens, de 2004 et 2006, relatant des démarches dont la traduction n'est pas fournie ; qu'elle n'a pas dans ces conditions suffisamment rempli ses obligations d'agent commercial ; que la société Manurhin a en revanche suivi ses conseils pour se faire davantage connaître et pallier les inconvénients de l'achat d'une de ses machines pour la clientèle allemande, en créant notamment sa filiale allemande de service après-vente ;

Attendu que la résiliation du contrat d'agence commerciale par la société Manurhin est fondée compte tenu des manquements de la société VIB établis ;

Attendu que le défaut de loyauté et d'information de la société VIB à l'égard de la société Manurhin relatif à son appartenance à un groupe commercialisant des machines d'occasion de même nature, dont des machines Manurhin, et à l'assistance à la commercialisation des machines de celui-ci, a porté atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun, et est constitutif d'une faute grave privant la société VIB des indemnités de résiliation et de préavis ;

Attendu que la société Manurhin considère qu'en privilégiant des machines concurrentes, la société VIB l'a privée d'un chiffre d'affaires ;

Attendu cependant qu'au plus, la société Manurhin a perdu une marge sur la vente de machines fabriquées par elle ; qu'il ne peut toutefois être affirmé que si la société VIB Maschinen Produktions n'avait pas vendu de machines en bénéficiant de l'assistance de la société VIB, la société Manurhin aurait vendu des machines de sa fabrication ; que le préjudice de la société Manurhin ne peut ainsi s'analyser qu'en une perte de chance ; que la société VIB Maschinen Produktions commercialise cependant des machines d'occasion, et que la société Manurhin commercialise des machines neuves, donc plus chères, et qu'il résulte en outre des échanges ayant eu lieu entre les parties au cours de leurs relations commerciales, que les machines Manurhin sont d'un coût plus élevé que celui des machines de ses concurrents, qu'il existe ainsi trop d'incertitudes sur le fait que la société Manurhin a perdu une réelle chance de commercialiser des machines neuves, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir de perte de chance ; qu'il n'est pas justifié dans ces conditions d'ordonner une expertise pour déterminer un préjudice non établi ;

Attendu qu'il est équitable de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Manurhin, mais non de la société VIB ;

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de Mulhouse du du 12 novembre 2012 en ce qu'il a condamné la SARL Manurhin K'MX à payer à la société Vertrieb und Industrie Beratung GmbH & Co KG la somme de 158 715,45 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice lié à la rupture du contrat d'agence commerciale, et la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Et statuant à nouveau, Deboute la société Vertrieb und Industrie Beratung GmbH & Co KG de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture du contrat d'agence commerciale, et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Confirme le jugement pour le surplus. Condamne la société Vertrieb und Industrie Beratung GmbH & Co KG aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à la SARL Manurhin K'MX la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles. Déboute la société Vertrieb und Industrie Beratung GmbH & Co KG de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.