Livv
Décisions

Cass. com., 8 juillet 2014, n° 13-11.208

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Santander, Global Ecopower (Sté)

Défendeur :

Théolia (Sté), Athanor Equities (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Bénabent, Jéhannin

Aix-en-Provence, du 15 nov. 2012

15 novembre 2012

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé M. Santander et la société Global Ecopower que sur le pourvoi incident relevé par la société Théolia ; Donne acte à M. Santander et la société Global Ecopower du désistement de leur pourvoi contre la société Athanor Equities ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que cofondateur, courant 1999, de la société Théolia, M. Santander en a exercé, à compter du 6 novembre 2003, les fonctions de président du directoire, puis de président-directeur général ; que cette société, spécialisée dans la production d'électricité essentiellement à partir d'énergie éolienne, a fait l'objet d'une introduction en bourse en 2002 ; que le 29 septembre 2008, M. Santander a démissionné de ses fonctions et, selon procès-verbal de réunion du conseil d'administration du même jour, a contracté une obligation de non-concurrence pendant trois ans ; que faisant valoir que M. Santander, avec la complicité des sociétés Athanor Equities et Global Ecopower, qu'il avait créées, violait la clause de non-concurrence et se livrait à des actes de concurrence déloyale, et estimant qu'il était responsable de la sanction pécuniaire prononcée contre elle par l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) pour manquement à l'information du public, la société Théolia l'a fait assigner, ainsi que les sociétés précitées, en paiement de dommages-intérêts ; que M. Santander a réclamé reconventionnellement l'attribution de 100 000 actions gratuites, prévue dans le procès-verbal du 29 septembre 2008 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses septième et huitième branches, et sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses deuxième et troisième branches, rédigées en termes identiques, réunis : - Attendu que M. Santander et la société Global Ecopower font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il condamnait M. Santander à verser à la société Théolia la somme de 450 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de dire qu'ils ont commis des actes de concurrence déloyale envers la société Théolia et, en conséquence, de les condamner à payer à cette dernière la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi, alors, selon le moyen : 1°/ que la règle du non-cumul des responsabilités interdit au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'en jugeant que M. Santander avait manqué à ses obligations contractuelles de non-concurrence et en le condamnant à ce titre à payer à la société Théolia la somme de 450 000 euros, tout en le condamnant à payer sur un fondement délictuel à la même société la somme de 500 000 euros pour des actes de concurrence déloyale, la cour d'appel a méconnu le principe de non-cumul des responsabilités, violant ainsi les articles 1147 et 1382 du Code civil ; 2°/ que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en condamnant M. Santander à restituer la somme de 450 000 euros qui lui avait été accordée en contrepartie notamment de son engagement de non-concurrence au bénéfice de la société Théolia du fait de manquements à ce dernier, tout en le condamnant in solidum avec la société Global Ecopower à payer à la société Théolia la somme de 500 000 euros en réparation des mêmes manquements, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le créancier d'une obligation contractuelle peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation des règles de la responsabilité délictuelle dès lors qu'il invoque des faits distincts ; qu'ayant retenu que M. Santander avait violé la clause de non-concurrence par laquelle il s'était engagé, pendant une période de trois ans, à ne pas concurrencer la société Théolia et les sociétés de son groupe en Europe et dans les pays émergents dans le domaine de l'électricité éolienne et à ne pas embaucher de salariés de la société Théolia, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle en retenant également des actes distincts, constitutifs, selon elle, de concurrence déloyale ou de parasitisme envers la société Théolia ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner M. Santander à verser à la société Théolia la somme de 450 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient qu'au début de l'année 2008, la société Théolia avait envisagé de réaliser des investissements en Chine, qui ne se sont pas concrétisés, et qu'au mois de janvier 2009, la société Global Ecopower, créée par M. Santander dans le but de concurrencer la société Théolia, a annoncé avoir obtenu l'autorisation de construire deux réacteurs en Chine ; qu'estimant que ces autorisations, obtenues peu de temps après le départ de M. Santander de la société Théolia, démontraient sa participation à l'échec du projet envisagé par cette société, la cour d'appel en a déduit que ce dernier avait violé l'obligation de non-concurrence prévue au procès-verbal du 29 septembre 2008 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Santander, qui faisait valoir que la société Global Ecopower avait obtenu l'autorisation de construire et exploiter des centrales éoliennes en Chine en 2013, soit plus d'un an après l'expiration de son engagement de non-concurrence, et que, de toute façon, cette société, ayant recentré son activité sur la seule énergie photovoltaïque, n'avait pas mis en œuvre ce projet et n'avait jamais eu d'activité éolienne, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa sixième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour retenir une autre violation de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que le débauchage de M. Perret, qui exerçait les fonctions d'administrateur, suivi de son embauche au sein du groupe Athanor, transgresse la clause de non-concurrence par laquelle M. Santander s'était engagé à ne pas solliciter ou engager directement ou indirectement des salariés ou collaborateurs de la société Théolia et des sociétés de son groupe ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Santander, qui contestait l'application de la clause en faisant valoir que dès le 29 septembre 2008, de sorte qu'il n'était plus salarié de la société Théolia, qui l'avait d'ailleurs délié de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, lors de l'embauche reprochée, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa dixième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt confirme le jugement qui condamnait M. Santander à rembourser à la société Théolia la somme de 450 000 euros, que cette dernière avait versée à la société Faracha, détenue par M. Santander, en contrepartie des engagements de non-concurrence qu'il avait souscrits envers elle ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Santander, qui objectait qu'aux termes du procès-verbal du 29 septembre 2008, la somme de 450 000 euros lui avait été versée à l'occasion de son départ, en contrepartie de plusieurs engagements, parmi lesquels celui de non-concurrence dont la violation était alléguée, mais que l'exécution des autres engagements n'avait pas été remise en cause, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner in solidum M. Santander et la société Global Ecopower à payer à la société Théolia une indemnité de 500 000 euros, l'arrêt se borne à retenir que l'installation du siège social de la société Global Ecopower, exerçant des activités similaires à celle de la société Théolia et dirigée par M. Santander, dont la notoriété dans le domaine de l'éolien est reconnue, à l'adresse du siège social de la société Théolia, a manifestement porté atteinte à l'image de cette société et n'avait pour but que de créer une confusion dans l'esprit de ses interlocuteurs et de détourner sa clientèle, et qu'il apparaît ainsi que M. Santander et la société Global Ecopower ont cherché à profiter de manière illégitime de la réputation de la société Théolia, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme au préjudice de la société Théolia, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de M. Santander tendant à l'attribution de 100 000 actions gratuites prévue au procès-verbal de réunion du conseil d'administration du 29 juillet 2008, l'arrêt constate que l'article 8.2 du procès-verbal stipulait que cette attribution serait résolue de plein droit dans l'hypothèse où le rapport remis au conseil d'administration en application de la troisième résolution du conseil d'administration du 25 septembre 2008 ferait apparaître des actes faisant grief significatif à la société Théolia ; qu'il relève que ce rapport d'audit, qui était un préalable nécessaire à l'éventuel rachat par la société Théolia de la participation de M. Santander dans une société dénommée TEM, a fait apparaître que M. Santander avait mis en place un prêt d'un montant de vingt-cinq millions d'euros consenti par la société Théolia au profit de la société TEM en vue du rachat d'une société tierce, qui n'a pas fait l'objet d'une approbation par son conseil d'administration ; que, pour écarter les conclusions de M. Santander, qui faisait valoir que la société Théolia avait néanmoins racheté sa participation et qu'elle ne pouvait se contredire en prétendant ensuite qu'il existait des irrégularités faisant échec à l'attribution gratuite convenue, l'arrêt retient qu'il importe peu que la participation détenue par M. Santander dans la société TEM ait été rachetée par la société Théolia, celle-ci étant tenue par le prêt consenti par son dirigeant ; que la cour d'appel en a déduit que M. Santander avait effectué des actes faisant grief à la société Théolia ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le grief ainsi retenu était significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses trois branches : - Vu l'article L. 225-251 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Théolia contre M. Santander au titre de la sanction pécuniaire prononcée contre elle par l'AMF le 1er octobre 2009, l'arrêt retient, par motifs propres, qu'il n'est pas démontré que M. Santander ait commis une faute séparable de ses fonctions et, par motifs adoptés, que la société Théolia ne justifie d'aucune clause de responsabilité personnelle de son dirigeant sur ses biens propres et qu'aucune condamnation pour faute lourde personnelle n'a été retenue contre M. Santander ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune de ces conditions n'est exigée pour la mise en œuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général envers la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et Annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2012, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;