CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 9 juillet 2014, n° 13-03378
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Editions Atlas (SAS)
Défendeur :
Maître
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roussel
Conseillers :
MM. Lippmann, Franco
Avocats :
Mes Babin, Landon, Morlon, Selarl Lexavoué Bordeaux
Vu le jugement rendu le 16 mai 2013 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux qui a prononcé la résiliation du contrat d'agent commercial conclu entre M. Maître et la société Editions Atlas aux torts de cette dernière, avec effet au 24 mai 2011, a condamné la société Editions Atlas à payer à M. Maître la somme de 147 072 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat, la somme de 48 460 euros au titre des dé-commissionnements injustifiés, les intérêts au taux légal calculés sur ces sommes à compter du 24 mai 2011, la somme de 2 000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Vu la déclaration d'appel déposée le 30 mai 2013 par la société Editions Atlas,
Vu les dernières conclusions déposées le 14 mars 2014 par la société Editions Atlas qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter M. Maître de toutes ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 16 353,27 euros au titre des commissions non définitivement acquises, subsidiairement, dans l'hypothèse d'une confirmation de la décision entreprise, de réduire néanmoins l'indemnité de rupture à la somme de 69 427,44 euros, et de condamner M. Maître à lui payer la somme de 8 000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 7 mars 2014 par M. Maître qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité de préavis, de condamner la société Editions Atlas à lui payer à ce titre la somme de 21 987 euros et de la condamner en outre à lui payer la somme de 5 000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction du 25 mars 2014,
Sur ce,
La société Editions Atlas qui a indiqué de façon tout à fait explicite dans ses conclusions du 11 février 2013 devant les premiers juges, qu'elle avait conclu le 12 mars 2006 avec M. Maître un contrat d'agent commercial (p. 2 des conclusions) et qui a ensuite développé toute son défense en tenant ce point pour acquis, faisant valoir, par exemple, que la loi ne lui faisait pas obligation de garantir à son agent commercial en toutes circonstances le succès commercial de ses produits, ne saurait, après avoir ainsi expressément reconnu en justice que les parties avaient bien eu l'intention de conclure un mandat d'agent commercial, conférant dès lors au mandataire le statut légal d'agent commercial, soutenir que celui-ci ne peut en bénéficier faute d'établir cette qualité.
En tout état de cause, cette nouvelle argumentation de la société Editions Atlas est d'autant plus inefficace que la convention litigieuse, qu'elle a conclue le 12 mars 2006 avec M. Maître, est intitulée "contrat d'agent commercial", qu'au demeurant l'article 1.2 du contrat stipule que "le présent mandat est régi par les dispositions générales de la loi 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants", et qu'au surplus la lettre du 17 mars 2006 par laquelle la société a adressé à son mandataire un exemplaire du contrat mentionne qu'il lui est remis "un contrat d'agent commercial".
Il est donc établi que le contrat litigieux est un contrat d'agent commercial, ainsi que les parties en ont expressément convenu et ainsi que la société Editions Atlas l'a reconnu sans aucune ambiguïté devant les premiers juges.
A l'appui de sa demande de résiliation du contrat aux torts de la société Editions Atlas, M. Maître soutient que la société mandante ne respecte pas son obligation de le mettre en mesure d'exécuter son mandat, ainsi que le prévoit l'article L. 134-4 du Code de commerce.
Il prétend être l'une des victimes de la stratégie économique de la société qui, ayant décidé de se séparer de tous ses agents commerciaux sans avoir à les indemniser comme le prévoient les dispositions de l'article L. 134-12, a tenté à cette fin de les contraindre à la démission en diminuant délibérément l'offre commerciale transitant par ses agents, ainsi que la clientèle mise à leur disposition.
Cependant, nonobstant ces considérations générales, il convient de rechercher si, comme il le prétend, M. Maître a effectivement été mis dans l'impossibilité d'exécuter son mandat, ce qui lui permettrait de prétendre à la réparation prévue à l'article L. 134-12, dans la mesure où, comme l'énonce l'article L. 134-13, la résiliation du contrat serait justifiée par des circonstances imputables au mandant.
Il convient, en premier lieu, de constater qu'à supposer, comme l'allègue M. Maître, que la société Editions Atlas aurait procédé à compter de l'année 2008 au tarissement de la production commercialisée par ses agents et à l'assèchement de leur clientèle, cette action n'a toutefois pas eu d'effet sur son activité personnelle puisque son chiffre d'affaires annuel est passé de 299 287 euros en 2009 à 312 432 euros en 2010, le chiffre d'affaires de l'année 2011 pour 3 mois d'activité étant de 42 316,54 euros pour la conclusion de 33 contrats dont 18 avec de nouveaux clients.
M. Maître soutient par ailleurs que la société mandante a réduit de façon importante l'offre des nouveaux produits dont il prétend avoir disposé habituellement, et qu'elle a supprimé la division "fascicules" au mois de décembre 2010.
Il en déduit que l'équilibre du contrat s'en est trouvé modifié de façon unilatérale et que cette modification, décidée par la société Editions Atlas, constituerait une circonstance imputable à la société mandante au sens des dispositions de l'article L. 134-13.
Il convient cependant de constater qu'en fermant la division "fascicules", pour des motifs tenant au manque de rentabilité de ce secteur d'activité, la société mandante n'a violé aucune disposition contractuelle, dès lors que le contrat conclu avec M. Maître ne mentionne pas même la fourniture à l'agent de cette catégorie de produits.
Par ailleurs la société Editions Atlas ne s'est pas davantage engagée à fournir à son mandataire des produits fabriqués par elle-même, le contrat ne prévoyant pas non plus l'obligation de renouveler le catalogue ou de lancer un nombre déterminé de produits nouveaux.
En tout état de cause, alors que selon M. Maître le nombre de produits nouveaux est passé de 14 en 2007, à 8 en 2008, à 3 en 2009 et à 4 en 2010, cette circonstance n'a pas eu d'effet négatif sur le volume de ses ventes, puisque celui-ci a augmenté entre 2009 et 2010.
S'agissant de l'année 2011, alors que M. Maître ne conteste pas avoir cessé de fait son activité à la fin du mois de mars 2011, la société Editions Atlas indique, sans être contredite, que le catalogue du mois de janvier 2011 comportait un produit nouveau, de même que celui du mois de février, le catalogue du mois d'avril comportant quant à lui 3 produits nouveaux, de sorte qu'il n'apparaît pas que la société mandante ait effectivement décidé de ne plus renouveler son offre de produits destinés à la vente à domicile objet du mandat.
Ainsi, les circonstances alléguées ne mettent pas en évidence l'impossibilité pour M. Maître d'exécuter le mandat qui lui a été confié.
Il n'est pas davantage établi que la fermeture de la division "fascicules" ait pu le placer dans une telle situation, M. Maître ne précisant pas la part que ces produits occupaient effectivement dans son activité et se bornant à énoncer, sans l'établir en aucune façon, que ce secteur en représentait une part "substantielle".
M. Maître soutient encore que la société Editions Atlas lui aurait imposé un "retrait massif de clientèle" en diminuant de façon importante le nombre de "coupons", documents formulaires renseignés par des clients intéressés par un produit précis commercialisé par la société et mis par celle-ci à la disposition de ses agents commerciaux aux fins d'exploitation.
Il convient de rappeler à cet égard que l'article 4 du contrat litigieux ne met pas à la charge du mandant de fournir ces "coupons" à l'agent et stipule seulement qu'il lui sera remis un "fichier de la clientèle qui existe dans le secteur déterminé au contrat, ainsi que l'état du suivi des comptes clients".
En tout état de cause, M. Maître et la société Editions Atlas conviennent tous deux en définitive que le nombre des "coupons" est resté constant entre 2009 et 2010, M. Maître faisant seulement observer que cette constance ne serait due qu'à l'extension de son secteur géographique.
Mais outre le fait que M. Maître ne saurait faire grief à la société mandante d'avoir étendu le secteur géographique de son agent, dès lors que cette extension qu'il a d'ailleurs acceptée était de nature à favoriser l'exercice du mandat en maintenant le niveau de son activité, l'intimé n'établit pas, pour le surplus, que la qualité de ces "coupons" se serait dégradée en raison de l'action de son mandant, de sorte qu'il n'aurait pu en exploiter qu'une faible partie.
S'agissant de la concurrence "interne" alléguée par M. Maître entre le site Internet de la société Éditions Atlas et son réseau d'agents commerciaux, les documents produits n'établissent pas qu'il s'agisse d'offres commerciales comparables dans leur consistance, leur prix et leurs modalités de paiement.
Il n'est donc pas établi que la société mandante aurait violé ses engagements contractuels et empêché le bon exercice du mandat.
Par ailleurs, M. Maître n'établit pas, à partir de l'exemple de deux produits, qu'il se serait trouvé dans une situation de concurrence avec d'autres distributeurs le plaçant dans l'impossibilité d'exercer son mandat.
Enfin, alors qu'il ne conteste pas avoir cessé de fait son activité commerciale le 22 mars 2011, comme le relève la société mandante dans un courrier qu'elle lui a adressé le 13 avril 2012, M. Maître ne saurait soutenir que la décision de la société de fermer son accès au portail Internet à compter de la date de ce courrier aurait pu avoir une quelconque incidence sur l'exercice de son mandat.
En définitive la demande de résiliation du contrat n'est pas justifiée par des circonstances imputables à la société Editions Atlas, de sorte que M. Maître ne peut prétendre au paiement des indemnités qu'il sollicite, qu'il s'agisse de l'indemnité de cessation de contrat ou de l'indemnité de préavis.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts de la société Editions Atlas et a condamné la société Editions Atlas à lui payer la somme de 147 072 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat.
M. Maître sera débouté de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité de préavis.
M. Maître demande par ailleurs paiement de la somme totale de 48 460 euros au titre des dé-commissionnements nets décomptés sur les ventes qu'il a réalisés et que la société Editions Atlas n'a cependant pas pu recouvrer.
L'intimé ne conteste pas que ces affaires n'aient pas été effectivement payées par les clients démarchés mais considère que faute pour la société Editions Atlas de justifier de diligences pour tenter de parvenir à les recouvrer, elle serait néanmoins tenue de lui payer les commissions correspondantes.
Cependant, l'article 7.3 du contrat stipule qu'aucune commission n'est due pour les commandes exécutées mais non payées par le client.
L'article 7.8 du contrat prévoit certes le versement de la commission lorsque l'intervention du service contentieux du mandant permet en définitive de recouvrer le montant de la vente, mais n'oblige pas celui-ci à justifier des diligences effectuées à cette fin, sous peine d'avoir à verser la commission au mandataire sur des affaires impayées.
Or il est justifié par les attestations détaillées des sociétés Intrum Justicia et Secep, chargées du recouvrement des impayés, que les dé-commissionnements litigieux correspondent effectivement à des créances restées impayées.
Il s'ensuit que M. Maître ne peut prétendre au remboursement de ces sommes, de sorte que le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société Editions Atlas au paiement de la somme de 48 460 euros et que M. Maître sera débouté de sa demande de ce chef.
De son côté la société Editions Atlas ne justifie pas que M. Maître resterait lui devoir une somme de 16 353,27 euros au titre dé-commissionnements qu'elle n'aurait pas effectués.
Elle sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle de ce chef.
Il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat d'agent d'affaires conclu entre les parties et en ce qu'il a condamné la société Editions Atlas à payer à M. Maître la somme de 147 072 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat, la somme de 48 460 euros au titre des dé-commissionnements non justifiés, les intérêts au taux légal calculés sur ces sommes à compter du 24 mai 2011, la somme de 2000euro, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et les dépens, Statuant à nouveau de ces chefs, Déboute M. Maître de toutes ses demandes, Déboute la société Editions Atlas de ses demandes reconventionnelles, Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Maître aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.