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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 4 juillet 2014, n° 11-04871

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marchand (Epoux)

Défendeur :

Renovatis Habitat (SARL), SCP Dolley-Collet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Bail

Conseillers :

Mmes Le Brun, Lefeuvre

Avocats :

Mes Bourges, Demidoff, Richard

TGI Nantes, du 14 avr. 2011

14 avril 2011

Monsieur et Madame Marchand ont signé un bon de commande, le 14 avril 2010, auprès d'un commercial de la SARL Renovatis Habitat aux fins de poser de la ouate de cellulose pour l'isolation des combles pour un montant de 10 600 euro.

Le même jour, le commercial de cette société leur faisait signer une offre de prêt pour couvrir le montant des travaux.

Les époux Marchand souhaitaient réaliser des travaux d'isolation pour diminuer la consommation d'énergie et bénéficier de ''l'éco prêt".

M. et Mme Marchand ont adressé un courrier, daté du 24 avril, à la SARL Renovatis Habitat, afin de l'informer qu'ils n'entendaient pas donner suite à cette commande.

Ils précisaient leur volonté d'annuler ce bon de commande pour les raisons suivantes :

- a) "le commercial qui nous a démarché le 14 avril 2010, nous a certifié que les travaux d'isolation rentraient dans un éco prêt. Après vérification auprès de plusieurs personnes compétentes, nous savons maintenant que votre technicien nous a menti... Pour avoir droit à un éco prêt, il faut réaliser 2 bouquets de travaux, et l'entreprise doit faire signer un devis et non un BC.

- b) le commercial nous a laissé aucun document pouvant utiliser la loi des 7 jours ...

- c) le commercial a affirmé à mon cousin, par téléphone, que les agios et frais d'assurances seront intégralement remboursés par la société. Etant sûrement une personne de bonne foi, pourquoi ne veut-il par nous le mettre clairement par écrit".

Ils terminaient en indiquant "merci de faire le nécessaire pour l'annulation de la commande ainsi que pour le bon de financement" ;

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 avril 2010, la société Renovatis répondait aux époux Marchand qu'ils avaient sept jours à compter du 14 avril pour se rétracter ; que la société avait commandé la marchandise en vue du chantier, qu'ils restaient redevables de 10 600 euro et qu'à défaut de règlement sous huit jours, le dossier serait transmis à l'avocat de la société ;

Par acte d'huissier du 28 juin 2010, la SARL Renovatis Habitat a fait assigner M. et Mme Marchand devant le Tribunal de grande instance de Nantes sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, aux fins de voir condamner ces derniers à lui verser les sommes suivantes :

- 10 600 euro en exécution du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2010,

- 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du même Code.

Au soutien de ses demandes, la SARL Renovatis Habitat a fait valoir que le bon de commande du 14 avril 2010 valait engagement contractuel de M. et Mme Marchand, qui ne se sont pas rétractés dans le délai de 7 jours.

M. et Mme Marchand n'ont pas constitué avocat. Vu l'appel interjeté le 11 juillet 2011 par M. Georges Marchand et Mme Dorothy N'Gum épouse Marchand, du jugement prononcé le 14 avril 2011 par le Tribunal de grande instance de Nantes qui les a condamnés, avec exécution provisoire, à payer à la SARL Renovatis :

- la somme de 10 600 euro avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2010,

- la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les dépens ;

Vu l'assignation en intervention forcée délivrée à la requête de M. et Mme Marchand, le 14 février 2012, à la SCP Dolley-Collet en qualité de mandataire liquidateur de la société Renovatis Habitat ;

Vu l'ordonnance de jonction rendue le 19 avril 2013 ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2013 par M. Georges Marchand et Mme Dorothy N'Gum épouse Marchand, qui demandent à la cour de :

A titre principal,

- Déclarer le jugement du 14 avril 2011 nul et non avenu pour non-respect du principe du contradictoire,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger qu'il y a eu des manœuvres frauduleuses et en conséquence dol, selon les dispositions de l'article 1116 du Code civil,

- Dire et juger que la société Renovatis Habitat n'a pas respecté les dispositions de la loi sur le démarchage et la vente à domicile,

- En conséquence, annuler le jugement du 14 avril 2011 en toutes ses dispositions, et à défaut, l'infirmer,

- Débouter la SCP Dolley-Collet ès qualités de toutes ses demandes,

- Fixer la créance des époux Marchand à la liquidation judiciaire de la SARL Renovatis Habitat à la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts et à la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la SCP Dolley-Collet ès qualités aux dépens ;

Vu les uniques conclusions signifiées le 17 août 2011 par la SARL Renovatis Habitat, qui concluait à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants au paiement de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens, étant observé que la SCP Dolley-Collet n'a pas constitué devant la cour, mais a adressé un courrier le 21 février 2012, indiquant s'en rapporter à justice, et précisant que les époux Marchand, par l'intermédiaire de leur conseil, Me Bourges, ont produit leur créance chirographaire au passif de la liquidation, pour une somme provisionnelle de 5 000 euro ;

Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction intervenue le 20 mars 2014 ;

SUR CE :

Sur la demande d'annulation du jugement :

Considérant que c'est vainement que les époux Marchand demandent l'annulation du jugement déféré au motif que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté puisque, n'ayant pas constitué avocat devant le tribunal de grande instance, ils n'ont pas été destinataires des pièces produites ; que, n'ayant pas constitué avocat dans le délai de quinze jours, contrairement aux dispositions des articles 750 et suivants du Code de procédure civile, comme les y invitait l'assignation qui leur a été délivrée le 28 juin 2010 et dont ils ne contestent pas la régularité, ils sont mal fondés à soutenir une telle argumentation ;

Qu'ils seront déboutés de ce chef ;

Sur la nullité du contrat :

Considérant que les appelants demandent, à titre subsidiaire, l'infirmation (et non, comme indiqué à l'évidence par erreur, la nullité) du jugement en soutenant qu'ils ont été victimes d'un dol, le commercial de la société Renovatis Habitat les ayant trompés en leur affirmant qu'ils pouvaient bénéficier d'un éco-prêt, que le bon de commande est donc nul ;

Qu'ils font valoir ensuite que le bon de commande ne peut valoir commande, et doit être annulé, comme ne respectant pas les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ;

Considérant qu'il est constant que le bon de commande daté du 14 avril 2010 versé aux débats a été signé par les parties dans le cadre d'un démarchage à domicile effectué par un employé de la société Renovatis Habitat, que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sont donc applicables au litige ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-23 du Code de la consommation :

"Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur,

2° adresse du fournisseur,

3° Adresse du lieu de conclusions du contrat,

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, d'exécution de la prestation de services,

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1,

- Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de ce cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

Considérant que l'article L. 121-24 du même Code précise que :

"Le contrat visé à l'article L 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25".

Considérant que le bon de commande litigieux ne respecte pas toutes les exigences de ces textes, qu'en effet :

- la prestation de services proposée n'est désignée que de manière extrêmement sommaire, à savoir "pose de ouate de cellulose en plaque de 18 cm sur chevron (dalle béton)", sans aucune précision quant aux quantités notamment, donc sans aucune possibilité de comparaison, et sans précisions quant aux modalités d'exécution ;

- si la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 est mentionnée, ce n'est pas de manière très apparente puisque en caractères minuscules, d'une taille très inférieure aux autres mentions de l'imprimé, ce qui équivaut à l'absence de ces mentions ;

Qu'enfin, contrairement aux exigences de l'article L. 121-24, ce bon de commande ne comporte pas le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25 ;

Considérant que la sanction de ces irrégularités est la nullité du contrat ;

Qu'il y a donc lieu, infirmant le jugement déféré, de prononcer la nullité du contrat et de débouter la SARL Renovatis Habitat, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP Dolley-Collet, de toutes ses demandes ;

Sur les autres demandes :

Considérant que les époux Marchand demandent la condamnation de l'intimée à leur payer une somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts ; qu'eu égard à l'ensemble des éléments du litige, au comportement fautif de la société Renovatis Habitat qui s'est trouvée directement à l'origine des multiples tracas subis par les époux Marchand depuis la signature du contrat, et surtout depuis le refus de cette société d'annuler la commande, alors qu'en tant que professionnelle elle ne pouvait ignorer les vices affectant le contrat, il sera fait droit intégralement à cette demande ; qu'eu égard à la procédure de liquidation judiciaire, il ne sera toutefois procédé qu'à une fixation au passif ;

Considérant qu'il leur sera également alloué une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la SCP Dolley-Collet, en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Renovatis Habitat, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR Déclare l'appel recevable, Infirme le jugement, Statuant à nouveau, Prononce la nullité du contrat en date du 14 avril 2010, Déboute la SCP Dolley-Collet, en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Renovatis Habitat de toutes ses demandes, Fixe la créance de M. et Mme Marchand au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Renovatis Habitat à : - 3 000 euro à titre de dommages et intérêts, - 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SCP Dolley-Collet, en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Renovatis Habitat aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.