ADLC, 30 juillet 2014, n° 14-MC-01
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société beIN Sports France dans le secteur de la télévision payante
L'Autorité de la concurrence (section V),
Vu la lettre enregistrée le 11 mars 2014, sous les numéros 14/0023 F et 14/0024 M, par laquelle la société beIN Sports France a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la Société d'Édition de Canal+, la société Groupe Canal Plus et la Ligue nationale de rugby dans le secteur de la télévision payante et sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du code de commerce modifié ; Vu l'avis n° 2014-8 du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 23 mai 2014 rendu sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du code de commerce ; Vu les observations présentées par la Société d'Édition de Canal+, la Société Groupe Canal Plus, la Ligue nationale de rugby et la société beIN Sports France ; Vu les décisions de secret des affaires n° 14-DSA-99 du 24 avril 2014, n° 14-DSA-117 du 5 mai 2014, n° 14-DSA-118 du 5 mai 2014, n° 14-DSA-119 du 5 mai 2014, n° 14-DSA-132 du 14 mai 2014, n° 14-DSA-133 du 14 mai 2014, n° 14-DSA-134 du 14 mai 2014, n° 14-DSA-137 du 19 mai 2014, n° 14-DSA-140 du 22 mai 2014, n° 14-DSA-141 du 23 mai 2014, n° 14-DSA-142 du 23 mai 2014, n° 14-DSA-144 du 26 mai 2014, n° 14-DSA-157 du 6 juin 2014, n° 14-DSA-167 du 17 juin 2014, n° 14-DSA-176 du 20 juin 2014, n° 14-DSA-177 du 20 juin 2014, n° 14-DEC-37 du 9 juillet 2014, n° 14-DEC-38 du 9 juillet 2014, n° 14-DEC-39 du 9 juillet 2014 et n° 14-DSA-198 du 11 juillet 2014 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la Société d'Édition de Canal+, la Société Groupe Canal Plus, la Ligue nationale de rugby et la société beIN Sports France entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 16 juillet 2014 ;
Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LA SAISINE
1. Par lettre enregistrée le 11 mars 2014, sous les numéros 14/0023 F et 14/0024 M, la société beIN Sports France a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la Société d'Édition de Canal+, la société Groupe Canal Plus (ci-après ensemble " GCP ") et la Ligue nationale de rugby dans le secteur de la télévision payante. La société beIN Sports France a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du code de commerce, accessoirement à sa saisine au fond, le prononcé de mesures conservatoires.
2. Consulté sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du code de commerce, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après " CSA ") a rendu son avis le 23 mai 2014 (1).
B. LE SECTEUR DE LA TÉLÉVISION PAYANTE ET LES ENTREPRISES CONCERNÉES
3. À la différence du secteur de la télévision gratuite qui se finance essentiellement par la publicité, le secteur de la télévision payante perçoit à titre principal des recettes d'abonnement et les opérateurs doivent donc recruter des abonnés en leur offrant des programmes attractifs et exclusifs qu'ils ne pourront pas trouver sur les chaînes gratuites. Ces programmes, susceptibles d'être des " moteurs d'abonnement ", dont certains sont qualifiés de contenus " premium ", peuvent quelquefois être produits par l'opérateur lui-même mais sont le plus souvent achetés sur les marchés des droits de diffusion, ce qui est notamment le cas pour les droits de retransmission des évènements sportifs.
1. LA SOCIÉTÉ BEIN SPORTS FRANCE
a) Présentation de la société beIN Sports France
4. La société beIN Sports France (ci-après " beIN Sports ") a été constituée le 27 décembre 2011. Elle est active depuis 2012 dans le secteur de l'édition de chaînes de télévision payante en France. Son capital est intégralement détenu par la société de droit qatarien Al Jazeera Media Network qui est une société de droit privé à capitaux publics dont l'actionnaire ultime est l'État du Qatar. Al Jazeera Media Network exerce deux activités : l'édition des trois chaînes d'information en continu Al Jazeera (une chaîne diffusée en arabe, une chaîne en anglais destinée à la diffusion aux États-Unis et une chaîne en anglais diffusée dans le reste du monde) et l'édition de chaînes sportives.
5. beIN Sports a réalisé en France un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2012 et de [...] millions d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2013 (2). Pour l'exercice 2014, son chiffre d'affaires devrait dépasser [...] millions d'euros.
6. Les pertes de beIN Sports s'élevaient à [...] millions au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2012 et à [...] millions d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2013 (3). Elles devraient être ramenées autour de [...] millions d'euros en 2014. Ces pertes résultent des charges significatives supportées par beIN Sports liées aux investissements consentis en matière d'acquisition de droits. Ce poste représente le premier centre de coût du fait de la nécessité de constituer une base d'abonnés significative afin d'être crédible auprès des principaux ayant-droits, ce qui passe, selon beIN Sports, par un " repositionnement du contenu de l'offre proposée par beIN SPORTS en renforçant les contenus premium " (4).
b) L'offre de beIN Sports
7. beIN Sports, qui propose principalement des retransmissions de compétitions sportives, des émissions d'information sportive ainsi que des magazines et reportages consacrés au sport, dispose de deux chaînes premium : beIN Sports 1 et beIN Sports 2, ainsi que huit canaux événementiels (beIN Sports Max 3 à 10) permettant de couvrir plusieurs événements en simultané. beIN Sports 1 a été lancée le 1er juin 2012 pour le début de la compétition de l'Euro 2012 de football, beIN Sports 2 le 28 juillet 2012 et les canaux événementiels beIN Sports Max au début du mois d'août 2012.
8. beIN Sports détient, au 31 décembre 2013, les droits de diffusion en France d'une série de compétitions, d'une valeur totale de [...] milliard d'euros (5) qui comprend, à titre principal, les compétitions de la liste ci-après (6) :
(i) Football : Coupe du Monde de la FIFA 2014, Euro 2016, Ligue 1, Ligue 2, UEFA, Ligue des champions, UEFA Europa League, Série A (Italie), Bundesliga, Coupe de la Ligue anglaise, Coupe du Roi, Coupe d'Italie, Coupe d'Allemagne, Copa Libertadores, Super Coupe de l'UEFA ;
(ii) Tennis : Wimbledon, ATP World tour masters 1000, ATP World tour finals, ATP World tour 500, ATP World tour 250 ;
(iii) Basket et sports US : Euroleague, NBA et NFL ;
(iv) Handball : Championnat de France messieurs, Ligues des champions masculine et féminine, EHF European Cup, Championnats du Monde 2015 et 2017 (hommes et femmes) ;
(v) Rugby à XV : Aviva Premiership (Angleterre), Ligue Celte;
(vi) Athlétisme : IAAF Diamond League ;
(vii) Cyclisme : championnat du monde sur route et sur piste, le Giro d'Italie, le Tour de Lombardie, Milan San Remo, etc.
c) La distribution des chaînes sportives beIN Sports
9. beIN Sports a opté pour une distribution non-exclusive de ses chaînes et a donc conclu des contrats de distribution avec la totalité des plateformes, satellite, ADSL et câble de France métropolitaine et d'outre-mer (7). beIN Sports a ainsi noué une trentaine d'accords de distribution en France, à Monaco, dans les DOM, à Maurice et à Madagascar. L'abonnement à beIN Sports est directement souscrit auprès des distributeurs comme les fournisseurs d'accès à internet, les câblo-opérateurs et CanalSat.
10. Compte tenu de ces choix, les distributeurs ont, selon beIN Sports, très rapidement accepté de distribuer ses chaînes et même de soutenir activement son développement par une activité promotionnelle, ce qui a contribué à la réussite de son lancement. Le prix public conseillé de l'abonnement est actuellement de 12 euros par mois, il est passé à 13 euros en mai 2014 (8), hors promotion. L'offre est sans engagement (9).
11. Au 31 mars 2014, beIN Sports comptait [1,75 - 1,85] million d'abonnés (10). Le nombre d'abonnés a progressé rapidement depuis le lancement de la chaîne le 1er juin 2012 : environ 1 million en décembre 2012, environ 1,3 million en juin 2013, environ 1,5 million en octobre 2013, environ 1,7 million en décembre 2013 (11).
2. LA SOCIÉTÉ D'ÉDITION DE CANAL PLUS ET LA SOCIÉTÉ GROUPE CANAL PLUS
a) Présentation de la Société d'Édition de Canal Plus, de la société Groupe Canal Plus et du groupe auquel elles appartiennent
12. La société Groupe Canal Plus est une filiale à 100% du groupe Vivendi. Elle détient 48,5 % du capital et le contrôle de la Société d'Édition de Canal Plus (ci-après ensemble " GCP "). GCP est principalement actif en France dans l'édition de chaînes premium et thématiques, dans l'agrégation et la distribution d'offres de télévision payante (offres " les chaînes Canal+ " et CanalSat), dans l'édition de chaînes de télévision gratuite (D8 et D17), dans les nouveaux usages télévisuels, dans la production et la distribution de contenus cinématographiques ainsi que dans le secteur des télécommunications (internet, fixe et mobile) dans les départements et régions d'Outremer.
13. En 2012, GCP a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 5 milliards d'euros, dont 4,1 milliards d'euros en France, et de 5,3 milliards d'euros en 2013, dont 4,1 milliards d'euros en France (12).
b) L'offre de chaînes sportives de GCP
14. GCP édite une chaîne premium et cinq déclinaisons de cette chaîne (" les chaînes Canal+ ") qui comprend notamment la chaîne Canal Plus Sport. La chaîne Canal+, en tant que chaîne généraliste, propose d'importants programmes sportifs, le plus souvent des compétitions premium, en plus de ses programmes de cinéma, d'information, de fiction, de documentaire et de divertissement. Enfin, GCP propose aux abonnés à l'offre " les chaînes Canal+ " et à l'offre CanalSat deux options supplémentaires : Foot+ et Rugby+.
15. GCP détient les droits de diffusion en France d'une série de compétitions dont les principales sont reproduites ci-après, discipline par discipline :
(i) Football : Ligue 1, Championnat d'Italie, Championnat d'Angleterre, Championnat d'Allemagne, Ligue des champions ;
(ii) Tennis : Coupe Davis, Fed Cup, ATP 1000 Bercy et Monte-Carlo ;
(iii) Basket : Pro A / Pro B, Compétitions basket FIBA (dont championnats d'Europe 2013 et 2015 et Championnat du monde 2014), Équipe de France de basket hommes et femme,
(iv) Handball : Championnat de France de handball, Championnat d'Europe de handball 2012 et 2014, Championnat du monde de handball 2011 et 2013, équipes de France de handball et ligue féminine ;
(v) Rugby : Top 14, Rugby de l'hémisphère sud, Coupe d'Europe de Rugby, Pro D2 ;
(vi) Golf : European Tour, World Golf Championship, USPGA Tour, Ryder Cup, Masters d'Augusta ;
(vii) Course automobile : Formule 1, Championnat du monde de Rallye.
16. Au 31 décembre 2013, la valeur totale des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sportives acquises par GCP au cours des deux derniers exercices clos s'élevait à [...] milliard d'euros (13).
c) La distribution des chaînes
17. Les offres de GCP sont distribuées, dans le cadre d'abonnements, sur toutes les plates-formes de diffusion : satellite (52 % des abonnés), ADSL (29 %), TNT (15 %), câble (uniquement l'offre " les chaînes Canal+ ") (4 %) (14). GCP conserve l'exclusivité de la relation avec ses abonnés, depuis l'activation des droits jusqu'à la résiliation, selon un modèle unique d'auto-distribution.
18. GCP commercialise ses offres directement via ses sites internet, ses centres d'appels ou sur téléviseur. GCP s'appuie également sur un réseau de partenaires commerciaux constitué de 7 000 points de vente ainsi que des plateformes de distribution des fournisseurs d'accès internet (15).
19. Au 31 décembre 2013, le nombre d'abonnés aux différentes offres de GCP s'élevait à 6,1 millions en France métropolitaine. GCP détient le plus grand parc de clients pour une offre de télévision payante sur le marché français (16).
20. Le nombre d'abonnés à Canal+ s'élevait au 31 décembre 2013 à 5,7 millions (comprenant les abonnements individuels et collectifs en métropole, en DROM-COM et en Afrique) (17). Au 31 mars 2014, l'offre " les chaînes Canal+ " comptait [4 - 4,5] millions d'abonnés en France métropolitaine. Le nombre d'abonnés est resté stable depuis juin 2012 (avec une très légère baisse [...]) (18).
21. Le prix de l'abonnement est actuellement de 39,90 euros par mois pour l'offre " les chaînes Canal+ " et de 24,90 euros pour la seule chaîne Canal+ (hors promotions). À ce prix s'ajoutent les options que les abonnés peuvent souscrire en supplément : 5 euros par mois pour l'option Foot+ et 4 euros par mois pour l'option Rugby+.
3. LA LIGUE NATIONALE DE RUGBY
22. La Fédération française de rugby (ci-après " FFR "), association déclarée reconnue d'utilité publique, est une fédération sportive agréée et délégataire du ministre chargé des sports conformément à l'article L. 131-14 du code du sport. À ce titre, la FFR dispose de pouvoirs pour organiser, gérer, promouvoir, réglementer en France la pratique du rugby sous toutes ses formes et le représenter à l'international.
23. Par décision de son assemblée générale extraordinaire du 13 juin 1998, la FFR a décidé de créer une ligue professionnelle dotée de la personnalité morale. Cette ligue professionnelle, dénommée Ligue nationale de rugby (ci-après " LNR ") a été créée le 24 juillet 1998 (19).
24. La LNR est une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Elle assure la représentation, la gestion et la coordination des activités du rugby professionnel. Elle organise le Championnat de France professionnel de 1ère et 2ème division et toute autre compétition créée dans les conditions fixées par la convention conclue avec la FFR.
25. En application de l'article R. 132-13 du code du sport, l'article 28 de la convention conclue entre la FFR et la LNR le 19 décembre 2013 stipule que " la FFR est propriétaire de l'ensemble des droits d'exploitation des compétitions qu'elle organise ou dont l'organisation a été confiée à la LNR. Pour les compétitions professionnelles, la gestion et la commercialisation des droits d'exploitation (droits d'exploitation audiovisuelle, droits marketing et tous autres droits...) sont concédés à la LNR par la FFR pour la durée de la présente convention ". La LNR est donc chargée de la commercialisation des droits audiovisuels du Top 14 pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2017.
26. La LNR a réalisé un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2012 et un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2013 (20).
4. HISTORIQUE DES RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE GCP ET LA LNR
a) La commercialisation des droits audiovisuels du Top 14 pour les saisons 1998/1999 à 2006/2007
27. À la suite d'un appel d'offres lancé le 5 août 1998, un premier contrat, conclu le 16 janvier 1999 entre GCP, la LNR et la FFR, portant sur les saisons 1998/1999 à 2002/2003, pour un montant moyen par saison de 10,7 millions d'euros (21), a permis au Championnat de France de rugby de disposer pour la première fois d'une couverture télévisée régulière.
28. Le 10 septembre 2002, le comité directeur de la LNR a approuvé le lancement d'un appel à candidatures relatif aux droits d'exploitation audiovisuelle du championnat de 1ère et 2ème division, portant sur les saisons 2003/2004 à 2006/2007. La LNR a reçu deux offres de Canal + et de TPS pour le lot principal et a accepté l'offre de GCP. Le 14 mai 2003, la LNR et GCP ont signé un contrat portant sur la concession à titre exclusif de certains droits d'exploitation audiovisuelle du championnat pour une durée de 4 saisons (saisons 2003/2004 à 2006/2007) pour un montant moyen de 19,5 millions d'euros par saison (22).
b) La commercialisation des droits audiovisuels du Top 14 pour les saisons 2007/2008 à 2010/2011
29. La LNR a lancé un appel d'offres le 3 janvier 2007 pour l'attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 et de la Pro D2 pour quatre saisons (2007/2008 à 2010/2011. Les offres initiales des candidats ont été reçues le 6 février 2007 : 14 offres au total dont une seule offre émanant de GCP pour les droits principaux.
30. Le 18 décembre 2007, la LNR et GCP ont conclu deux contrats portant sur la concession à titre exclusif de certains droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 pour une durée de 4 saisons (saisons 2007/2008 à 2010/2011) et un montant moyen de 27,8 millions d'euros par saison (23).
c) La commercialisation des droits audiovisuels du Top 14 pour les saisons 2011/2012 à 2015/2016
31. Le 9 novembre 2010, le comité directeur de la LNR a décidé de lancer un processus de renégociation des droits du Top 14 et de la Pro D2. Une consultation a été lancée en décembre 2010 pour les quatre saisons de 2011/2012 à 2014/2015. Cependant, une seule offre portant sur les principaux droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 a été reçue de GCP pour un montant de [...] millions d'euros en moyenne par saison pour les saisons 2011/2012 à 2014/2015, montant en forte baisse par rapport au contrat précédent. Cette
offre initiale a été rejetée mais les négociations avec GCP ont abouti à un accord approuvé par le comité directeur de la LNR le 10 mai 2011.
32. Le contrat entre la LNR et GCP a été signé le 14 décembre 2011 pour une durée de 5 saisons. Ses modalités principales sont les suivantes :
- les droits sont concédés à titre exclusif à GCP en contrepartie d'une rémunération moyenne par saison de 31,7 millions d'euros pour les saisons 2011/2012 à 2015/2016 (24) ;
- l'article 15.2 prévoit une faculté de résiliation anticipée du contrat au profit de la LNR à l'issue de la troisième saison (à compter de la saison 2014/2015) : " la LNR aura la faculté de mettre un terme au contrat à l'issue de la saison 2013/2014, de manière unilatérale et sans qu'aucune pénalité ne puisse lui être réclamée par Canal + ni Canal + Distribution, sous réserve de notifier à Canal+ et Canal+ Distribution une telle résiliation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au plus tôt le 1er septembre 2013 et au plus tard le 31 décembre 2013. En cas de résiliation du contrat par la LNR à l'issue de la saison 2013/2014 (...), les droits d'exploitation audiovisuelle concédés aux termes des présentes ne pourront être attribués par la LNR pour les saisons suivantes qu'à l'issue d'une mise sur le marché transparente et non discriminatoire telle qu'une consultation ou un appel à candidature qui ne pourra débuter qu'après la notification à Canal+ et Canal+ distribution de la décision de la LNR d'exercer sa faculté de résiliation anticipée du contrat au terme de la saison 2013/2014 " (article 15.2) (25)
33. La faculté de résiliation anticipée a été insérée dans le contrat en exécution d'un des 59 engagements souscrits par GCP dans le cadre de la décision d'autorisation de l'opération de concentration TPS / CanalSat. Cet engagement précisait que : " pour les contrats futurs, portant sur les événements sportifs annuels réguliers, limiter la durée des contrats avec les détenteurs de droits à trois ans et, dans l'hypothèse où les droits seraient vendus pour une durée supérieure, offrir aux détenteurs de droits la faculté de résilier le contrat unilatéralement et sans pénalités à l'expiration d'une durée de trois ans. Pour rendre effectif cette deuxième partie de l'engagement, ne pas mettre en œuvre de pratiques incitant les détenteurs de droits à accepter l'offre et notamment, ne pas offrir aux détenteurs de droits de prime d'acquisition pour les années d'exploitation postérieures à la troisième année " (26).
d) La commercialisation des droits audiovisuels du Top 14 pour les saisons 2014/2015 à 2017/2018
34. Le comité directeur de la LNR a institué dès le mois de décembre 2012 un comité de pilotage chargé de préparer la renégociation des droits du Top 14 et de présenter des propositions en ce sens au comité directeur. Cette décision s'explique, selon la ligue, par le fait que : " Les responsables de la LNR estimaient en effet que le montant des droits audiovisuels du Top 14 fixé par l'accord du 14 décembre 2011 avec Canal+, négociés dans un contexte d'absence totale de concurrence, ne correspondaient pas à la valeur de marché, eu égard tant à l'importance prise par le rugby et à l'intérêt croissant qu'il suscite dans le public en général et parmi les abonnés de Canal+ en particulier " (27).
35. Le comité de pilotage a demandé à deux sociétés spécialisées dans le secteur des droits audiovisuels de réaliser des études préalables sur l'évolution du marché des droits audiovisuels et la valorisation des droits du Top 14. Il a ensuite engagé au mois de mai 2013 un processus d'élaboration d'un appel d'offres destiné à être lancé dans l'hypothèse où le comité directeur déciderait de faire usage de la faculté de résiliation du contrat (28).
36. Le comité de pilotage a enfin organisé en septembre 2013 une consultation " destinée à connaître l'intérêt des principaux opérateurs du marché concernant les droits portant tant sur le Top 14 que sur la Pro D2 ". Des lettres d'invitation pour le 24 et le 25 septembre 2013 ont été adressées le 12 septembre 2013 à GCP, beIN Sports, L'Équipe 24/24, YouTube, DailyMotion, le groupe TF1, Orange et France Télévision. La LNR a rencontré l'ensemble de ces opérateurs.
Les négociations avec GCP
37. Pendant la période de consultation du marché, des négociations ont été engagées entre GCP et la LNR (29), qui n'a discuté avec aucun autre opérateur. GCP a précisé que ces négociations ont commencé dès le mois de juin par deux réunions, les 15 et 21 juin, et se sont poursuivies pendant le mois de juillet pour s'intensifier à compter du 8 octobre(30).
38. Toutefois, GCP et la LNR soutiennent chacun que l'initiative de ces négociations émanait de l'autre partie (31). La LNR précise à cet égard que " les représentants de Canal + demandaient à ceux de la LNR que leurs discussions soient entourées de la plus grande confidentialité et, en conséquence, que les propositions qu'ils pourraient être amenés à formuler ne soient présentées au comité de pilotage de la LNR qu'au dernier moment " (32).
39. Aux mois d'octobre et novembre 2013, GCP a fait plusieurs propositions que la LNR n'a pas jugées acceptables. La LNR a alors remis à GCP, le 24 novembre 2013, un projet de lettre d'intention et trois annexes, correspondant à ce qui pourrait constituer une offre susceptible d'être acceptée par son comité de pilotage. Dans ce projet rédigé par la LNR, les droits étaient valorisés à [...] millions d'euros pour les cinq prochaines saisons, ce qui correspondait à une moyenne de [...] millions d'euros par saison (33).
40. À la suite d'échanges entre les deux parties (34), GCP a remis le 29 novembre 2013 une offre ferme d'acquisition des droits du Top 14 au titre des saisons 2014/2015 à 2018/2019 (35). L'offre était constituée de deux éléments : d'une part, un avenant au contrat du 14 décembre 2011 revalorisant le montant des droits pour les saisons 2014/2015 et 2015/2016 à [...] millions d'euros en moyenne par saison et, d'autre part, la conclusion d'un nouveau contrat pour les saisons 2016/2017, 2017/2018 et 2018/2019 prévoyant le montant des droits à [...] millions d'euros en moyenne par saison et conclu sous la condition suspensive de la réalisation de certains objectifs
36. Cette offre a été refusée par la LNR car elle ne correspondait pas aux critères, notamment financiers, qu'elle avait communiqués à GCP.
41. Une réunion s'est tenue entre les représentants de la LNR et de GCP le dimanche 1er décembre 2013. À la suite de cette réunion, GCP a transmis à la LNR, le 2 décembre 2013, une offre améliorée portant sur les saisons 2014/2015 à 2018/2019 pour montant total de [...] millions d'euros (37). Mais celle-ci a également été refusée par la LNR.
L'appel d'offres
42. Le comité directeur de la LNR, réuni les 2 et 3 décembre 2013, a décidé de dénoncer le contrat avec GCP et de lancer un appel d'offres (38). La LNR " estimait que le montant des droits du contrat ne correspondait pas à la juste valeur du Top 14. Par ailleurs, Canal+ a présenté à la LNR préalablement à cette dénonciation une offre détaillée de revalorisation du montant des droits par rapport au contrat en cours et cette offre a été jugée non satisfaisante par la LNR. Pour ces deux raisons, le comité directeur a pris la décision le 2 décembre de faire usage de la capacité de résiliation anticipée prévue dans le contrat " (39).
43. La LNR a notifié à GCP le 2 décembre 2013 sa décision de résilier de manière anticipée le contrat du 14 décembre 2011 en application de l'article 15.2 dudit contrat (40).
44. Le comité directeur de la LNR a annoncé dans un communiqué de presse du 2 décembre 2013 le lancement d'un appel d'offres pour les 4 prochaines saisons à compter de la saison 2014/2015 jusqu'à la saison 2017/2018 (41). L'appel d'offres a été lancé le 4 décembre 2013 pour une remise des offres le lundi 13 janvier 2014 entre 13 heures et 15 heures.
45. Il était organisé de la manière suivante (42) :
- plusieurs lots étaient proposés ;
- les droits commercialisés portaient sur l'ensemble des matches de la saison régulière, les matches de phase finale et les magazines. ;
- l'appel d'offres prévoyait deux prix de réserve différents, à savoir le prix de réserve en exclusivité, de 73 millions d'euros, et le prix de réserve global dans une configuration de diversité d'attributaires, pour un montant global de 66 millions d'euros ;
- l'appel d'offres prévoyait également la possibilité pour un candidat d'activer une option lui permettant, dans l'hypothèse où il serait le seul candidat, d'obtenir l'intégralité des droits pour un montant de 50 millions d'euros ;
- le périmètre de l'appel d'offres incluait la diffusion sur le territoire français, et de façon variable selon les lots, les droits de diffusion des matches en direct ou en différé, le droit de proposer les magazines, d'utiliser les extraits sur les différents supports et la possibilité d'exploiter leurs droits sur l'ensemble des réseaux et sur l'ensemble des supports ;
- la durée prévue était de 4 saisons (jusqu'au terme de la saison 2017/2018).
46. GCP a adressé le 4 décembre 2013 une lettre à la LNR, formulant des réserves sur l'interruption des négociations en cours, la résiliation du contrat et le lancement d'un appel d'offres (43). Par lettre en date du 6 décembre 2013, GCP a informé la LNR qu'elle comptait mettre en œuvre toutes les actions judiciaires qu'il jugerait nécessaires à la sauvegarde de ses droits si la LNR ne suspendait pas l'appel d'offres (44). La LNR, par courrier du 9 décembre 2013, a informé GCP qu'elle refusait les exigences de GCP, considérant qu'elles relevaient d'une stratégie d'intimidation (45). Les conseils de GCP ont alors adressé à la LNR les 16 et 23 décembre 2013 deux courriers, le premier indiquant l'intention de l'entreprise, si l'appel d'offres n'était pas suspendu dans les 48 heures, de mettre en œuvre les actions judiciaires nécessaires à la sauvegarde de ses droits, le second l'informant de la délivrance d'une assignation à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris (46).
47. La LNR a répondu le 27 décembre 2013 qu'elle n'avait aucune intention de suspendre l'appel d'offres et qu'elle considérait la démarche de GCP " comme une manœuvre d'intimidation visant tout comme [l']assignation à perturber le déroulement de [l']appel d'offres qui prévoit une date de remise des offres par les diffuseurs le 13 janvier 2014 " soulignant que ces " tentatives d'intimidations et menaces constituaient une violation de l'article L 420-2 du code de commerce et de l'article 102 du TFUE " (47).
48. GCP a alors déposé une requête devant le Président du TGI de Paris le 9 décembre 2013 visant à obtenir des documents internes de la LNR (48). Deux audiences étaient prévues dans le cadre de cette procédure, les 15 et 22 janvier 2014 (49). En parallèle, GCP a assigné la LNR à jour fixe le 23 décembre 2013 devant le TGI de Paris, demandant au juge de paralyser les effets de la clause octroyant à la LNR la faculté de résilier le contrat par anticipation et d'ordonner l'exécution forcée du contrat jusqu'à son échéance c'est-à-dire pour les deux années restantes (50). L'audience était prévue le 28 janvier 2014. Enfin, GCP a introduit une demande en référé le 31 décembre 2013, demandant au Président du TGI la suspension de l'appel d'offres (51). La LNR a déposé des conclusions en réponse le 7 janvier 2014 (52). L'audience a eu lieu le 8 janvier. Le juge a renvoyé son délibéré au lundi 13 janvier 2014, à 14 heures, c'est-à-dire le jour même du dépôt des offres (53).
49. La LNR estime que " ces procédures n'étaient absolument pas fondées " mais que " malgré tout, à partir du moment où des procédures sont engagées il y a un aléa judiciaire. " (54) En conséquence, le vendredi 10 janvier 2014, le comité directeur de la LNR a décidé " compte tenu des actions judiciaires en cours qui sont de nature à perturber son déroulement et notamment le dépôt des offres par les candidats prévu le lundi 13 janvier 2014, de prononcer l'arrêt de l'appel d'offres à compter du vendredi 10 janvier 2014 " (55). Cette décision a fait l'objet d'un communiqué de presse du même jour (56) et a été communiquée à tous les candidats potentiels (57).
50. La LNR précise qu'elle a retenu l'option de l'arrêt de l'appel d'offres sans que cela préjudicie à la suite du dossier, de manière à lui donner le temps de la réflexion et de garder la maîtrise des modalités de commercialisation. " L'appel d'offres était à l'évidence perturbé par le contentieux. La réussite de l'appel d'offres était très incertaine compte tenu par exemple de l'incertitude d'une offre de la part de Canal+. Compte tenu de ces éléments et de la nécessité de toute façon de modifier le calendrier initialement prévu, nous avons fait le choix d'arrêter l'appel d'offres " (58).
51. Compte tenu de ces événements, la LNR a considéré qu'elle se retrouvait " dans la situation antérieure au lancement de l'appel d'offres " (59).
L'accord conclu avec GPC
52. GCP a repris contact avec la LNR le samedi 11 janvier 2014, après la décision d'arrêt de l'appel d'offres, afin de " rouvrir les discussions " en repartant " de l'offre du 2 décembre " pour traiter des points en suspens (60). GCP précise que lors de cette négociation, il a " lâché sur tous [l]es points " et a remis le 14 janvier 2014 une offre à la LNR portant sur la diffusion à titre exclusif des matches du Top 14 pour les saisons sportives 2014/2015 à 2018/2019 (5 saisons) pour un montant total de 355 millions d'euros, soit une moyenne de 71 millions d'euros par saison (61).
53. L'offre intègre également la conclusion pour la même durée d'un contrat portant sur la commercialisation des droits du Top 14 à l'international, prévoyant une rémunération spécifique (62).
54. L'offre était valable jusqu'au 15 janvier 2014 et précisait " qu'en cas d'acceptation de votre part de l'offre, nous nous engageons immédiatement à faire le nécessaire pour nous désister de toutes les actions judiciaires que nous avons introduites qui demeurent en cours devant toute juridiction relatives directement ou indirectement à la résiliation de l'ancien contrat, du précédant accord relatif à la commercialisation des droits de diffusion du Top 14 en dehors du territoire français, et à la procédure d'appel d'offres initiée par la LNR le 4 décembre 2013. Ces désistements constitueront des renonciations définitives de notre part. De votre côté vous accepterez ces désistements, et nous attendons que vous fassiez de même s'agissant des actions judiciaires que la LNR a introduites " (63).
55. La LNR a accepté l'offre de GCP (64). Les raisons invoquées par la LNR " sont de plusieurs ordres : (i) le montant proposé qui constituait une très importante revalorisation des droits par rapport au montant actuel et une revalorisation importante par rapport à l'offre que Canal+ avait proposé début décembre, (ii) les montants étaient dans les niveaux des prix de réserve de l'appel d'offres, (iii) en termes de contenu : l'exposition proposée par Canal+ dans son offre était un élément décisif " (65). La LNR considère, à cet égard, que le fait de disposer d'une exposition importante sur la chaîne généraliste Canal+ comporte des avantages importants pour le Top 14 compte tenu du nombre de ses abonnés et de son caractère généraliste qui permet de toucher un public plus large comparé à une chaîne uniquement sportive.
56. GCP et la LNR ont précisé que l'offre contresignée par la LNR n'avait pas encore été formalisée dans un contrat signé entre eux. Un projet de contrat en date du 19 février 2014 a été remis aux services d'instruction (66).
C. LES PRATIQUES DÉNONCÉES
57. Dans le cadre de sa saisine au fond, beIN Sports dénonce principalement trois types de pratiques qui seraient, selon elle, contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ainsi qu'aux articles 101 et 102 du TFUE. beIN Sports soutient que :
- l'inclusion dans le contrat conclu en 2011 entre GCP et la LNR d'un droit de priorité au profit de GCP serait constitutive d'un abus de position dominante de GCP et d'une entente entre GCP et la LNR (1) ;
- la stratégie d'intimidation judiciaire particulièrement agressive mise en œuvre par GCP à l'encontre de la LNR serait constitutive d'un abus de position dominante de GCP (2) ;
- la conclusion d'un accord en janvier 2014, à la suite de l'interruption de la procédure de mise en concurrence, attribuant les droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 à GCP pour cinq saisons serait constitutive d'un abus de position dominante de GCP et d'une entente entre GCP et la LNR (3).
1. LE DROIT DE PRIORITÉ PRÉVU AU PROFIT DE GCP DANS LE CONTRAT DE 2011
58. En premier lieu, beIN Sports soutient que GCP aurait abusé de sa position dominante en obtenant un droit de priorité à son profit lors de la conclusion du contrat de 2011.
59. Selon un article de presse paru dans rugby365.fr le 15 janvier 2014 M. Paul Goze, président de la LNR, aurait en effet indiqué que " le précédent contrat ne nous permettait de négocier directement qu'avec Canal+ " (67). La LNR devait donc procéder à un appel d'offres si elle souhaitait attribuer les droits audiovisuels du Top 14 à une autre entreprise que GCP. Selon beIN Sports, GCP semble donc avoir obtenu dès 2011 un droit de priorité à son profit qui lui permettait de préempter les droits du Top 14 au détriment de ses concurrents.
60. beIN Sports fait valoir, d'une part, que l'article 15.2 du contrat de 2011 conférait à GCP une priorité puisqu'elle lui accordait un droit de négociation de gré à gré exclusive, procédure à laquelle les concurrents n'avaient pas accès et, d'autre part, que GCP a utilisé la procédure de renégociation des clauses du contrat de 2011 en la détournant de son objet pour conclure de gré à gré avec la LNR un nouveau contrat de cinq saisons (68).
61. En second lieu, beIN Sports soutient que le droit de priorité prévu au profit de GCP dans le contrat de 2011 constituerait une entente anticoncurrentielle entre GCP et la LNR, en ce qu'il empêcherait les concurrents d'acquérir les droits de diffusion du Top 14 (69).
2. L'IMPOSITION D'UNE NÉGOCIATION DE GRÉ À GRÉ PAR LA MENACE
62. beIN Sports soutient que, pour échapper à toute mise en concurrence, GCP aurait, après le lancement de l'appel d'offres de la LNR le 4 décembre 2013, développé une stratégie d'intimidation judiciaire à l'encontre de la LNR, qui serait constitutive d'un abus de position dominante.
63. La LNR mentionne plusieurs articles de presse faisant état, deux jours après l'annonce publique du lancement d'un appel à la concurrence, de menaces écrites du président de GCP à l'encontre du président de la LNR et évoquant des actions judiciaires pour l'obliger à négocier de gré à gré et attribuer à GCP l'exclusivité des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 (70), menaces réitérées par l'avocat de GCP quelques jours plus tard (71), puis mises à exécution.
64. beIN Sports soutient que ces pratiques constituent une utilisation abusive par GCP du droit d'agir en justice, en ce que les deux actions introduites par GCP étaient manifestement dépourvues de tout fondement et visaient à éliminer la concurrence en obtenant de la LNR qu'elle renonce à son appel à candidatures. La manœuvre aurait atteint son objectif, comme l'a reconnu le président de la LNR (72).
3. LA CONCLUSION D'UN NOUVEAU CONTRAT DE GRÉ À GRÉ EN JANVIER 2014
65. beIN Sports soutient que l'obtention par GCP des droits de diffusion du Top 14 en exclusivité dans le cadre d'une négociation de gré à gré, constituerait un abus de position dominante car elle a rendu impossible le libre jeu de la concurrence pour l'attribution des droits du Top 14 pendant cinq ans, portant au total à huit années la période d'exclusivité de GCP et renforçant de ce fait sa position dominante.
66. beIN Sports fait également valoir que la même pratique constitue une entente anticoncurrentielle entre GCP et la LNR (73).
II. Discussion
67. L'article R. 464-1 du code de commerce énonce que " la demande de mesures conservatoires mentionnée à l'article L. 464-1 ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de la concurrence. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée ". Une demande de mesures conservatoires ne peut donc être examinée que pour autant que la saisine au fond ne soit pas rejetée faute d'éléments suffisamment probants, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 462-8 du code de commerce.
A. SUR LA PROCÉDURE
1. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES
68. Dans ses observations, la LNR soutient que, dans sa demande de mesures conservatoires, beIN Sports s'est contentée d'un simple renvoi à la saisine au fond concernant la description des pratiques anticoncurrentielles. Selon la LNR, la demande de mesures conservatoires de beIN Sports ne constituerait pas un document autonome, se suffisant à lui-même et serait donc irrecevable (74).
69. Cependant, comme le précise l'article R. 464-1 du code de commerce précité, une demande de mesures conservatoires constitue l'accessoire d'une saisine au fond et ne peut être déposée seule, la question du rejet de la saisine au fond étant d'ailleurs examinée préalablement à celle de l'attribution des mesures conservatoires. À cet égard, dans ses observations du 21 mai 2014, notamment aux points 383, 387 et 408, GPC demande expressément, qu'à l'occasion de l'examen de la demande de mesures conservatoires, l'Autorité de la concurrence rejette la saisine au fond de beIN Sports pour défaut d'éléments probants (75).
70. Il n'est donc pas contesté, en l'espèce, que la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires forment un ensemble solidaire. Le renvoi à la saisine au fond pour les développements relatifs à la qualification des pratiques dénoncées ne peut donc constituer une cause d'irrecevabilité de la demande de mesures conservatoires.
2. SUR LE RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE
71. Dans ses observations, GCP soutient que les droits de la défense n'auraient pas été respectés car le débat contradictoire n'a pas été ouvert dès la nomination de la rapporteure le 1er avril 2014 (76).
72. Mais, selon la pratique décisionnelle constante du Conseil de la concurrence puis de l'Autorité de la concurrence (77), confirmée par la cour d'appel de Paris, notamment dans son arrêt du 12 février 2004 (78), la procédure mise en œuvre pour instruire une demande de mesure conservatoire n'est entourée d'aucun formalisme et doit être adaptée à l'urgence tout en respectant le principe du contradictoire. En l'espèce, le débat contradictoire a été ouvert le 7 mai 2014. GCP a disposé de deux tours de contradictoire, ce qui lui a permis de déposer deux jeux d'observations respectivement les 21 mai et 18 juin 2014 préalablement à la séance du 16 juillet 2014, au cours de laquelle elle a pu formuler des observations orales. Une extension de délai de 48 heures a de surcroît été accordée à GCP par les services d'instruction pour le dépôt de ses premières observations.
73. Il ressort de ces éléments que GCP a disposé d'un temps suffisant pour assurer sa défense dans le respect du principe du contradictoire, conformément aux dispositions de l'article L.463-1 du code de commerce.
B. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS ET LA POSITION DES PARTIES SUR LES MARCHÉS CONCERNÉS
1. SUR LA DÉFINITION DES MARCHÉS PERTINENTS
74. L'Autorité de la concurrence, dans sa pratique décisionnelle constante, considère que se situent sur un même marché les produits et services dont on peut raisonnablement penser que les acheteurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande. La substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent.
75. Le marché géographique, quant à lui, comprend le territoire sur lequel les entreprises sont engagées dans l'offre et la demande en cause et sur lequel les conditions de concurrence sont homogènes.
a) Sur les marchés amont de l'acquisition de droits sportifs
76. La pratique décisionnelle a considéré qu'une distinction entre les droits sportifs relatifs à une diffusion en clair et ceux relatifs à une diffusion payante (services linéaires) n'a pas lieu d'être, dès lors que les droits sportifs sont le plus souvent vendus de manière indifférenciée, que le mode d'exploitation soit payant ou gratuit (79).
77. Au sein de cet ensemble de droits sportifs, la pratique décisionnelle a distingué des droits dits " premium ", susceptibles de constituer des moteurs d'abonnements, et à ce titre non substituables aux droits des autres compétitions sportives moins attractives (80) : " au sein des droits sportifs (...), les droits portant sur le football constituent des contenus premium, susceptibles de générer des taux d'audience élevés (lors d'une diffusion en clair) ou de constituer des moteurs d'abonnements (lors d'une diffusion cryptée) et distincts d'autres contenus " (81).
78. La pratique décisionnelle a ainsi distingué les marchés de droits suivants (82) :
(i) le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des matches de la Ligue 1 de football ;
(ii) le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des compétitions régulières de football qui se déroulent tout au long de l'année et qui impliquent des équipes françaises (Ligue 2, coupes nationales, Ligue des champions et la Coupe de l'UEFA (83) ;
(iii) le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des championnats étrangers de football les plus attractifs (championnats anglais, espagnol, italien et allemand) (84) ;
(iv) le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des autres compétitions de football ;
(v) le marché de l'achat de droit pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des événements sportifs d'importance majeure autres que footballistiques ;
(vi) le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.
79. beIN Sports soutient que, eu égard à des spécificités propres qui lui confèrent une attractivité particulière, les droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 seraient des droits premium et constitueraient un marché distinct au sein du marché des droits des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure (85).
80. GCP ne conteste pas la forte attractivité du Top 14 mais soutient que les droits de cette compétition ne sont pas des droits premium et ne constituent pas un marché distinct. GCP fait valoir que le Top 14 reste bien moins attractif que la Ligue 1 ou la Ligue des champions, que ce soit en termes d'audience, en termes de valeur des droits ou en termes de motivation d'abonnements (86).
81. La LNR soutient également que les droits du Top 14, bien que très attractifs, ne constituent pas un marché pertinent mais font partie d'un marché plus large de droits sportifs autres que ceux relatifs au football (et hors événements d'importance majeure). La LNR fait valoir que le football est le principal moteur en termes d'abonnements aux chaînes payantes et que l'engouement particulier pour le football par rapport à tous les autres sports se reflète dans les taux d'audience et la valeur des droits associés (87).
82. Le CSA estime, au contraire, que la " définition de marché, qui a été consacrée en 2006 lors de l'acquisition de TPS et Canalsatellite par le Groupe Canal Plus, pourrait évoluer dans la mesure où ce marché intègre des droits de diffusion de compétitions dont la nature, l'attractivité et la valeur sont très hétérogènes. Il regroupe ainsi des droits qui constituent des moteurs d'abonnements et participent à l'amélioration de l'image des chaînes, comme le Top 14 et la Coupe d'Europe de rugby ou le Championnat du monde de Formule 1, mais aussi un ensemble de compétitions sportives dont l'attractivité et la valeur sont moindres ".
83. Le CSA estime que " compte tenu des résultats des enquêtes relatives aux intentions d'abonnement liées à la détention des droits de diffusion du Top 14 de rugby, ces droits constituent des droits premium au sens de la pratique décisionnelle, c'est-à-dire des moteurs d'abonnements " et relève à cet égard que " le fait que la motivation d'abonnement du Top 14 puisse être inférieure à celle de certaines compétitions de football, telle que la Ligue 1, n'empêche pas cette compétition d'être qualifiée comme droit sportif premium au sens de la pratique décisionnelle. Les informations communiquées au Conseil par le Groupe Canal Plus montrent par ailleurs que le Top 14 atteint des niveaux de " satisfaction record " auprès des abonnés aux chaînes Canal+, en augmentation depuis 2007. Les audiences réalisées par la diffusion des rencontres du Top 14 sont également en augmentation ". Il souligne que " les droits du Top 14 permettent d'alimenter la grille des programmes sur une grande partie de l'année et constitue un programme " feuilletonnant " particulièrement recherché par les chaînes payantes ".
84. Le CSA considère " qu'un marché de l'acquisition des droits sportifs premium autres que footballistiques pourrait être considéré comme pertinent au sens du droit de la concurrence ", ce marché comprenant " notamment ceux qui portent sur des compétitions saisonnières et organisées sur plusieurs mois ". Le CSA estime également qu'il ne peut exclure, en raison notamment du niveau qualitatif de la compétition par rapport aux autres championnats nationaux de rugby et de son importance culturelle dans plusieurs régions françaises, une définition de marché dont le périmètre serait restreint au Top 14 (88).
85. Il convient de rappeler que la question du marché pertinent auquel appartiennent les droits du Top 14 n'a jamais été abordée en tant que telle par la pratique décisionnelle. La Commission européenne a considéré, dans des décisions qui datent de plus de dix ans à propos des autres compétitions que le football, que " les caractéristiques de ce type de contenus et les conditions tarifaires montrent que l'acquisition de l'exclusivité de retransmission de ces manifestations sportives peut être considérée comme un marché de produits séparé pouvant être distingué d'autres marchés d'achat de contenus ". La Commission toutefois n'a pas tranché " la question de savoir si les marchés en cause doivent être divisés en marchés différents pour chacun des sports en ce qui concerne l'achat des droits de retransmission par des diffuseurs " (89).
86. Dans les décisions plus récentes n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012 et n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 précitées, l'Autorité de la concurrence a repris la segmentation retenue en 2006. Il s'agit toutefois de décisions prises dans le cadre du contrôle des concentrations, dans lesquelles l'analyse de la définition des marchés est faite pour les seuls besoins de l'analyse de l'opération notifiée. Ainsi, à la date de la décision n° 12-DCC-100 concernant la renotification de l'opération de concentration TPS/CanalSat, TPS et Orange n'étaient plus actifs sur les marchés de l'acquisition de droits sportifs et Al Jazeera ne l'était pas encore de manière significative. Une délimitation fine et complète des marchés des droits des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure n'était donc pas nécessaire pour l'appréciation de l'opération et cet examen n'aurait donc pas modifié les résultats de l'analyse concurrentielle menée par l'Autorité de la concurrence. Il en va de même pour la décision n° 14-DCC-50, qui concernait l'acquisition par GCP/Vivendi des chaînes gratuites D8 et D17 et concentrait par conséquent son analyse sur les effets verticaux résultant de l'opération notifiée, le marché des droits des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure n'y est pas analysé en détail. Ces décisions ne se prêtaient donc pas à ce que l'Autorité se prononce sur d'éventuelles sous-segmentations du marché des droits des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.
87. De fait, en l'état actuel de la pratique décisionnelle, le marché des droits des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure est un marché peu homogène comprenant les droits d'une quarantaine de disciplines (rugby, handball, basket, tennis, cyclisme, sports mécaniques, athlétisme, golf, natation, judo, etc.). La régularité et la nature de ces compétitions, les audiences qu'elles génèrent et la valeur des droits correspondants sont très variables. Mais les évolutions récentes du Championnat de France de rugby et le niveau atteint par ses droits de retransmission conduisent à réexaminer la pertinence de ce marché défini par défaut.
88. Sur le plan méthodologique, la Commission européenne a estimé que " les préférences des téléspectateurs sont essentielles pour tous les types de radiodiffuseurs dans leur politique d'acquisition de contenus en ce sens qu'elles déterminent pour eux la valeur des programmes " (90) et qu'à partir de cet objectif central de la constitution d'une base d'abonnés stable " les caractéristiques des programmes permettant d'atteindre l'objectif voulu peuvent délimiter l'étendue du marché de l'acquisition des droits de retransmission. On peut donc déterminer la substituabilité de certains programmes en analysant dans quelle mesure d'autres programmes permettent d'atteindre ce même objectif " (91).
89. Dans ce cadre, il convient de distinguer la question du caractère premium de certains droits sportifs et la question de la délimitation du marché, afin de ne pas aborder ces questions de manière uniforme en s'inspirant uniquement des analyses concurrentielles qui ont, d'un point de vue historique, d'abord été conduites à partir du cas particulier du football et qui ont pu conduire, pour les droits de retransmission des compétitions de football les plus attractives, à définir un marché pertinent limité à une compétition particulière.
90. S'il est incontestable que le caractère premium de certains droits sportifs peut conduire à les placer sur un marché différent des droits non-premium, rien ne s'oppose à ce que plusieurs droits premium soient sur le même marché même s'ils concernent des disciplines différentes ou des compétitions dont les caractéristiques objectives sont différentes comme le fait de se dérouler ou non tout au long de l'année.
91. Ainsi, pour établir s'il est possible de définir un marché pertinent plus étroit que celui des " autres compétitions " mentionné ci-dessus et auquel pourrait appartenir les droits du Top 14, plusieurs éléments d'appréciation doivent être pris en considération : (i) les droits en tant que moteur d'abonnement, (ii) les audiences que ces droits génèrent, (iii) la valeur des droits et (iv) les caractéristiques des compétitions.
(i) Sur la capacité à constituer un moteur d'abonnements
92. Une étude réalisée en juin 2013 par GCP, intitulée " Rugby / Top 14 : image et valorisation auprès des prospects et abonnés ", relève que " 45 % des abonnés Canal+ sont motivés par le rugby, il s'agit de la deuxième discipline sportive (derrière le football) motivant la prise d'abonnement à Canal+ " (62 % pour le football, 42 % pour le rugby) (92). Une autre étude réalisée en décembre 2013, intitulée " Baromètre Sport, Canal+ ", fourni le détail reproduit ci-après des sports motivant l'abonnement à Canal+ : football ([80-90] %), rugby ([50-60] %), tennis ([20-30] %), basket ([20-30] %), Formule 1 ([20-30] %), handball ([20-30] %) (93).
93. S'agissant plus particulièrement du Top 14, l'étude précitée de GCP datant de juin 2013 indique qu'en " 2013, [...] % des nouveaux recrutés Canal+ étaient motivés par le Top 14 (5 % comme motivation principale). Une proportion en hausse depuis 2 ans à l'inverse de la Ligue 1 et de la Ligue des Champions ". " Les compétitions de football restent les compétitions sportives les plus motivantes en conquête mais la part des motivés exclusifs Top 14 a progressé en 2012, à l'inverse des motivés exclusifs football " (94).
94. Cette étude indique également que " le Top 14 est la deuxième compétition sportive la plus motivante pour les abonnés Canal+, au niveau de la Ligue des Champions : Ligue 1 : 51 %, Top 14 : 32 %, Ligue des Champions : 31 %, Premier League : 17 %, HCup : 14 % " (95). Le Top 14 constitue ainsi " la 3ème compétition qui justifie le plus de payer un abonnement et qui est le plus en adéquation avec l'image de Canal+ " (96).
95. L'étude précitée de décembre 2013 de GCP précise que parmi les principales compétitions de rugby, " le Top 14 reste largement la compétition principale de rugby ayant justifié la prise d'abonnement à Canal+ " ([60-70] %), avant la HCup ([30-40] %), la Coupe du monde diffusée sur Canal+ ([10-20] %), le tournoi des six nations ([10-20] %) (97). De même, une étude Ipsos réalisée pour la LNR en avril 2013, intitulée " Top 14 : Potentiel de développement télévisuel ", indique que [...] (98).
96. L'étude précitée de juin 2013 réalisée par GCP souligne, en outre, que " [30-40] % des abonnés Canal+ seraient gênés en cas de perte de l'exclusivité du Top 14, dont [...] % très gênés. Une perte des droits du Top 14 gênerait [40-50] % des abonnés Canal+ " (99). GCP soutient à cet égard que " ce n'est pas parce qu'un abonné serait gêné par la perte du Top 14 qu'il résilierait nécessairement son abonnement. En effet, la décision de se désabonner (ou de s'abonner, pour un prospect) relève de multiples facteurs et du contexte plus général de la chaîne Canal+ (offres promotionnelles, communication, tarifs, contexte concurrentiel, autres droits sportifs conservés, offre cinématographique et audiovisuelle, etc.). Dans ces conditions, les éventuels effets de la perte des droits du Top 14 seraient particulièrement difficiles à isoler de ces autres facteurs expliquant les motivations d'abonnement ou de résiliation " (100).
97. Une autre étude réalisée par Ipsos pour le compte de beIN Sports en septembre 2013 " Rapport d'intention d'abonnement à beIN Sports auprès des abonnés Canal+ 2013 ", mentionne qu'à 11 euros par mois, 24 % des abonnés Canal+ seraient prêts à s'abonner à beIN Sports si tous les matches du Top 14 étaient diffusés sur cette chaîne (19 % pour 3 grosses affiches et 16 % pour 4 autres matches) et qu'à 12 euros pas mois 21 % des abonnés Canal+ seraient prêts à s'abonner à beIN Sports si tous les matches du Top 14 y étaient diffusés (16 % pour 3 grandes affiches et 15 % pour 4 autres matches) (101). beIN Sports indique que " selon les lots, l'étude montre que beIN Sports pourrait gagner jusqu'à 1 million d'abonnés qui sont déjà des abonnés Canal+ ". De plus, " cette étude ne couvre que les abonnés actuels Canal+ et non les primo accédants (102), en incluant ces derniers la base d'abonnés potentiels pourrait être multipliée par deux " (103). beIN Sports évalue donc à près de 2 millions le nombre d'abonnés qu'elle pourrait gagner si elle remportait l'exclusivité de diffusion du Top 14.
98. Ces tendances ont également été relevées dans l'étude réalisée en avril 2013 par McKinsey pour la LNR (" Préparation de la prochaine renégociation des droits audiovisuels "), démontrant la valeur économique significative que revêt le Top 14 pour Canal+ et beIN Sports. Ainsi, selon cette étude, pour Canal+, la valeur du Top 14 dépend des hypothèses de perte d'abonnés que l'étude estime à environ [...]. Et, pour beIN Sports, la valeur du Top 14 dépend du nombre de clients susceptibles d'être attirés par le Top 14 que l'étude estime compris entre [...] (104).
99. Des évaluations légèrement différentes ont été effectuées par l'institut Ipsos dans l'étude précitée d'avril 2013 réalisée pour la LNR, et qui évalue les conséquences du scénario dans lequel beIN Sports diffuserait tous les matches du Top 14 de la manière suivante : [...]. L'étude envisage également les scénarii dans le cadre desquels beIN Sports ne remporterait que certains lots (105).
100. Il ressort de l'ensemble des études réalisées pour GCP, beIN Sports et la LNR que le Top 14 est un moteur d'abonnement pour une chaîne payante même si la quantification du nombre de clients que Canal+ est susceptible de perdre ou que beIN Sports est susceptible de gagner, et qui serait directement attribuable au gain ou la perte totale ou partielle des matches du Top 14, peut varier selon les études. Sur ce critère, le Top 14 est donc susceptible, en l'état de l'instruction, d'être considéré comme une compétition premium.
(ii) Sur les audiences
101. La prise en considération des audiences se justifie pleinement pour les chaînes gratuites, dont le modèle économique repose sur la commercialisation d'espaces publicitaires et donc la capacité à valoriser, auprès des annonceurs, la possibilité de fédérer une audience donnée à un moment déterminé.
102. Mais le modèle économique d'une chaîne premium payante, qui repose essentiellement sur la souscription d'abonnements, n'est pas indifférent aux audiences, indépendamment des recettes publicitaires complémentaires qui peuvent leur être attachées. En effet, les audiences, et accessoirement le taux de satisfaction des consommateurs, constituent un critère pour déterminer l'attractivité d'un programme spécifique auprès des abonnés, dans la mesure où les actes d'abonnement, en eux-mêmes, ne permettent pas à l'éditeur de déterminer quels sont les contenus qui, au sein de son offre, ont joué un rôle décisif dans la décision des téléspectateurs.
103. L'étude précitée de juin 2013 réalisée par GCP précise que " derrière le foot et le tennis, le rugby est le troisième sport le plus suivi, mais c'est celui qui suscite le plus d'intérêt (27% des Français vs 23 % pour le foot et le tennis) ". " Le rugby véhicule une image positive des Français à l'inverse du football ... " (61 % pour le rugby vs 18 % pour le foot) (106).
104. S'agissant plus particulièrement du Top 14, l'étude précitée de juin 2013 réalisée par GCP relève que, sur les 5 dernières saisons, " le Top 14 génère une audience stable, là où la Ligue 1, produit phare de Canal+, s'effrite " : les audiences moyennes du Top 14 (tous horaires de diffusion confondues) étaient de 702 000 téléspectateurs pour la saison 2008/2009, 693 000 pour la saison 2009/2010, 784 000 pour la saison 2010/2011, 763 000 pour la saison 2011/2012 et 754 000 pour la mi-saison 2012/2013.
105. Par comparaison les audiences moyennes de la Ligue 1 étaient de 1,7 million de téléspectateurs pour la saison 2008/2009, 1,5 million pour la saison 2009/2010, 1,6 million pour la saison 2010/2011, 1,4 million pour la saison 2011/2012 et 1,1 million pour la saison 2012/2013.
106. Ainsi, les audiences de la Ligue 1 ont baissé d'un tiers entre la saison 2008/2009 et la saison 2012/2013, alors que celles du Top 14 ont globalement progressé, réduisant fortement l'écart des audiences entre les deux compétitions sur la période (107). En termes d'audiences, le championnat de football était deux fois et demi plus important que le championnat de rugby en 2009, il n'est plus qu'une fois et demi plus important en 2013.
107. Ces éléments sont corrélés par l'étude réalisée par Médiamétrie pour la LNR " Sport-TV-Performances, Bilan de Synthèse de la mi-saison 2012-2013) (108). Pour la saison 2013/2014, les audiences étaient légèrement en baisse à 672 000 téléspectateurs en moyenne, baisse expliquée en grande partie par " une très forte concurrence de la Premier League cette année " (109).
108. GCP et la LNR soutiennent que les audiences moyennes enregistrées par le Top 14 sur les chaînes Canal+ sont inférieures aux audiences enregistrées par la Ligue 1. Il convient cependant de souligner que la Ligue 1 bénéficie de plages horaires beaucoup plus propices à fédérer de grandes audiences et que le Top 14 ne bénéficie pas de la même exposition médiatique que la Ligue 1. En effet, la plupart des matches de la Ligue 1 sont diffusés à des heures de grande écoute (pour la plupart en première partie de soirée), ce qui n'est pas le cas de la plupart des matches du Top 14. La comparaison des audiences moyennes du Top 14 avec la Ligue 1, qui est la compétition sportive la plus regardée, montre donc au contraire à quel point les audiences moyennes du Top 14 sont bonnes.
109. L'évolution des audiences moyennes du Top 14 par saison depuis 1998 sur les chaînes Canal + est significative ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessous (110). GCP précise, à cet égard, concernant Canal+ Sport que l'évolution des audiences correspond à l'évolution de la chaîne (111).
110. GCP a également fourni, à la demande des services d'instruction, un tableau, reproduit ci-après, recensant les performances du Top 14 (en part d'audience et en valeur absolue) sur les chaînes Canal+ et en clair pour la finale sur France 2, couvrant les cinq dernières saisons et distinguant les différentes phases de la compétition (112) :
<Emplacement Tableau>
111. Plusieurs articles de presse soulignent également les excellentes performances du Top 14 pour la saison 2013/2014 (113). L'un de ces articles précise à cet égard : " Vous comprenez désormais mieux pourquoi Canal s'est battu pour conserver les droits du championnat pour les 5 saisons prochaines quitte à débourser un peu plus de 70 millions d'euros par saison contre 32 auparavant. C'est qu'on ne lâche pas ainsi un potentiel de fidèles de cette ampleur " (114).
112. La finale de la saison 2012/2013 a ainsi rassemblé 4,5 millions de téléspectateurs sur France 2 et 1,2 million sur Canal+. De même, la finale de la saison 2013/2014, " codiffusée par France Télévisions et Canal +, [...] a fait le plein au Stade de France et devant la télévision, samedi soir, avec en moyenne 5,6 millions de téléspectateurs. La chaîne cryptée a même enregistré sa meilleure part d'audience depuis 2007 avec 24,1 % de PdA, et 1 015 000 abonnés. France TV est arrivée en tête des meilleures audiences de la soirée de samedi, avec 22,7 % de part de marché et 4,6 millions de téléspectateurs. Au total, 5,6 millions de téléspectateurs ont donc suivi ce dernier match de la saison " (115).
113. Par ailleurs, le Top 14 fait partie des 5 compétitions sportives diffusées sur Canal+ au cours des cinq dernières saisons enregistrant les plus fortes audiences : (i) en 2008/2009, la meilleure audience enregistrée pour le Top 14 atteignait 1,075 million de téléspectateurs et était la troisième meilleure audience enregistrée pour une compétition sportive au cours de la saison sur Canal+, (ii) en 2009/2010, la meilleure audience enregistrée pour le Top 14 atteignait 1,131 million de téléspectateurs et était la quatrième meilleure audience enregistrée pour une compétition sportive au cours de la saison sur Canal+, (iii) en 2010/2011, la meilleure audience enregistrée pour le Top 14 atteignait 1,117 million de téléspectateurs et était la cinquième meilleure audience enregistrée pour une compétition sportive au cours de la saison sur Canal+, (iv) en 2011/2012, la meilleure audience enregistrée pour le Top 14 atteignait 1,187 million de téléspectateurs et était la quatrième meilleure audience enregistrée pour une compétition sportive au cours de la saison sur Canal+ et (v) en 2012/20136, la meilleure audience enregistrée pour le Top 14 atteignait 1,532 million de téléspectateurs et était la troisième meilleure audience enregistrée pour une compétition sportive au cours de la saison sur Canal+ (116). GCP estime que l'audience du Top 14 ne devrait pas connaître d'évolution substantielle au cours de la saison en cours et de la prochaine saison (117).
114. De surcroît, il convient de prendre en compte la tendance, et donc le potentiel de progression que présente cette compétition en termes d'attractivité. L'augmentation des revenus des clubs grâce à la vente des droits d'exploitation audiovisuelle devrait contribuer à alimenter la dynamique actuelle: acquisition de grands joueurs internationaux, excellence des résultats sportifs, amélioration des infrastructures et des recettes de billetterie. En tenant compte de cette dynamique et en projetant sur les années à venir la tendance observée ces dernières années, on peut présumer que le Top 14 va maintenir son attractivité à un niveau élevé et même probablement la renforcer.
115. Il ressort des éléments précédemment exposés que le Top 14 réalise des audiences élevées de façon régulière, durable et continue, qu'il s'agisse de la diffusion des matches en crypté ou de la finale en clair. Sur ce second critère, il est également susceptible, en l'état de l'instruction, d'être considéré comme une compétition premium.
(iii) Sur la valeur des droits
116. Le tableau ci-dessous distingue les principales compétitions sportives autres que footballistiques (hors événements d'importance majeure) en fonction de leur valeur (supérieure ou inférieure à 10 millions d'euros) et mentionne entre parenthèses le détenteur actuel de ces droits (118) :
<Emplacement Tableau>
117. Il ressort de ce tableau que les seuls droits dont la valeur excède 10 millions d'euros sont :
- le Top 14 évalué à 71 millions par saison (GCP),
- la Formule 1 évaluée à [25-35] millions d'euros par saison (GCP) (119),
- Roland Garros (France Télévision, Eurosport) évalué à 17,5 millions d'euros par saison (France Télévision et Eurosport) (120),
- la HCup de rugby évaluée à 15 millions d'euros par saison (France Télévision et GCP pour 2,8 millions d'euros) (121),
- la Coupe du Monde de Rugby à XV estimée à 35-40 millions d'euros, une fois tous les quatre ans, soit l'équivalent budgétaire de 10 millions d'euros par an (TF1) (122),
- et les matches de l'équipe de France de rugby (France Télévision).
118. Le Top 14 est donc très largement en tête de ce classement avec une valeur plus de deux fois supérieure à la Formule 1 qui est la compétition la plus onéreuse après le Top 14.
119. S'agissant des seules compétitions de rugby, les droits du Top 14 sont près de 5 fois plus élevés que ceux de la coupe d'Europe de rugby (H Cup) qui est une compétition de format comparable, et même deux fois plus élevé que ceux de la Coupe du monde de rugby, qui ne se déroule que tous les quatre ans, et n'est donc, à ce titre, pas comparable en terme d'attractivité avec le Top 14 qui se déroule tous les ans sur une période longue de dix mois.
120. Les autres compétitions, à quelques rares exceptions, ont des valeurs nettement inférieures à 10 millions d'euros par saison. Ainsi, pour le principal acteur du marché, GCP, hors Top 14 et Formule 1, les droits d'aucune autre compétition annuelle ne dépassent 5 millions d'euros par saison (123).
121. De plus, l'évolution de la valeur des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 depuis 1998 est très significative (le montant moyen des droits par saison) (124) : (i) saisons 1998/1999 à 2002/2003 : 10,7 millions d'euros ; (ii) saisons 2003/2004 à 2006/2007 : 19,5 millions d'euros ; (iii) saisons 2007/2008 à 2010/2011 : 27,8 millions d'euros ; (iv) saisons 2011/2012 à 2013/2014 : 30,5 millions d'euros et (v) le contrat qui vient d'être négocié entre la LNR et GCP porte le montant moyen des droits par saison pour les saisons 2014/2015 à 2018/2019 à 71 millions d'euros. En seize ans, la valeur des droits a été multipliée par près de 7.
122. Selon GCP, l'augmentation de la valeur des droits du Top 14 est à relativiser au regard de l'augmentation caractérisant l'ensemble des droits sportifs. Mais GCP ne fournit pas d'éléments permettant de montrer une augmentation des droits d'exploitation audiovisuelle de même ampleur portant sur les compétitions sportives non-premium appartenant au marché des droits autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.
123. Il apparaît au contraire que GCP valorise les droits du Top 14 à un niveau supérieur à celui de la Premier League anglaise, compétition de football qualifiée de premium par la pratique décisionnelle et figurant en troisième position dans le classement IFFHS 2013 des meilleurs championnats du monde (125) (63 millions d'euros pour les droits de diffusion en France de la Premier League contre 71 millions d'euros pour les droits du Top 14) (126).
124. Sur le troisième critère de la valeur des droits de retransmission, le Top 14 est également susceptible, en l'état de l'instruction, d'être considéré comme une compétition premium.
(iv) Sur les caractéristiques des compétitions
125. Le Top 14 est une compétition se déroulant tout au long de l'année et opposant les quatorze meilleurs clubs professionnels français de rugby à XV. " Les effectifs des équipes disputant le Top 14 intègrent la plupart des meilleurs joueurs internationaux évoluant en Europe " (127). Le championnat se déroule en deux phases : une phase régulière, qui est disputée par toutes les équipes, et une phase finale regroupant les six meilleurs clubs de la phase régulière, qui se joue par élimination directe. Le Top 14 offre donc 187 matches par saison. Il commence au mois d'août et se termine en général début juin. Comme le relève le CSA dans son avis, " les droits du Top 14 permettent d'alimenter la grille des programmes sur une grande partie de l'année et constituent un programme " feuilletonnant " particulièrement recherché par les chaînes payantes " (128).
126. Les principales compétitions autres que footballistiques qui pourraient rivaliser avec le Top 14 ne présentent pas les mêmes caractéristiques que ce soit en termes de nature de la compétition, de régularité, de continuité, de nationalité des équipes qui y participent ou de canal de diffusion (en clair ou sur des chaînes payantes) :
- La H Cup est une compétition de rugby de dimension européenne qui se déroule chaque année et regroupe 24 équipes différentes, de six nationalités différentes. La première phase, constituée de matches de poules, commence début octobre. La compétition s'achève avec les phases finales à la fin mai. Elle offre 79 matches diffusés majoritairement en clair et en partie sur une chaîne payante ;
- la Formule 1 se déroule tous les ans. Elle débute à la mi-mars et comprend 19 Grands Prix au total, qui s'achèvent fin novembre. La Formule 1 était retransmise en clair jusqu'à l'année dernière où ses droits ont été acquis par GCP ;
- Le tournoi de Roland Garros est une compétition internationale qui se déroule tous les ans pendant quinze jours, au début du mois de juin. En comptant les matches de qualification, elle comprend environ huit cents matches par an mais seulement une partie de ces matches est retransmise en clair ;
- La coupe du monde de rugby est une compétition internationale qui a lieu tous les quatre ans et réunit les vingt équipes qualifiées. La compétition se déroule de la mi-septembre (phases en poules) à fin octobre (finale). Une partie de la compétition est retransmise en clair, l'autre partie sur chaîne payante.
127. Lorsqu'on compare ces différentes compétitions, on relève que le Top 14 est la seule à se dérouler de façon régulière sur presque toute l'année, avec un nombre de rencontres très supérieur aux autres (187 matches par saison). Or, le caractère récurrent d'une compétition est essentiel pour une chaîne payante cherchant à attirer et à fidéliser des abonnés. En effet, la diffusion hebdomadaire des matches permettent de " crée[r] l'événement de façon régulière pendant presque toute l'année " (129), de façonner une habitude de consommation, un mécanisme de rendez-vous permettant au téléspectateur de trouver une justification à l'abonnement qu'il paie.
128. Du point de vue de l'éditeur, l'acquisition d'un championnat offre une garantie de volume d'évènements, c'est-à-dire d'heures de diffusion en direct. Elle permet donc d'occuper un certain nombre de cases horaires et ainsi de " remplir la grille ". Les championnats nationaux présentent donc potentiellement une attractivité supérieure à celles des coupes, et compétitions internationales offrant un moindre volume de matches et ne présentant pas le même caractère " feuilletonnant ".
129. Par ailleurs, le fait que le Top 14 oppose exclusivement des équipes professionnelles de clubs français dont les effectifs intègrent la plupart des meilleurs joueurs internationaux évoluant en Europe est un atout important. Les chaînes tiennent compte du fait que les téléspectateurs français sont davantage attachés aux compétitions voyant s'affronter des équipes françaises, pour des raisons tenant à la notoriété de ces équipes pour les téléspectateurs, à la couverture médiatique qui permet de recueillir des informations sur la compétition et de susciter de l'intérêt pour elle, ainsi qu'à la dimension locale qui fait qu'un téléspectateur résidant dans le bassin de vie d'une ville où évolue une équipe donnée peut être enclin à éprouver un intérêt particulier pour cette équipe.
130. Sur le dernier critère des caractéristiques de la compétition, le Top 14 est également susceptible, en l'état de l'instruction, d'être considéré comme une compétition premium.
Conclusion
131. Dès lors que le Top 14 réunit l'ensemble des critères d'une compétition premium, et même assez largement en comparaison des autres compétitions considérées comme particulièrement attractives, ses droits de retransmission sont susceptibles, en l'état de l'instruction, d'appartenir à un marché distinct de celui défini par défaut comme le marché " des droits des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure ".
Sur les marchés pertinents envisageables
132. Selon les déclarations faites lors de la séance par les diffuseurs GCP et beIN Sports et au vu des l'ensemble des critères pertinents précédemment exposés, les seuls droits susceptibles d'être substituables à ceux du Top 14 en termes d'attractivité pour les abonnés seraient ceux de la Formule 1, de la HCup et des grands tournois de tennis comme Roland-Garros ou Wimbledon. Ces droits pourraient, comme ceux du Top 14, potentiellement revêtir le caractère de droits premium et se trouver sur le même marché. Les droits des autres compétitions qui ne répondent pas aux critères des droits premium n'apparaissent pas susceptibles de constituer des substituts crédibles aux droits du Top 14.
133. Le CSA considère, pour les mêmes raisons, " qu'un marché de l'acquisition des droits sportifs premium autres que footballistiques pourrait être considéré comme pertinent au sens du droit de la concurrence ".
134. Pour tenir compte de l'attractivité particulière des compétitions organisées tout au long de l'année, dont la pratique décisionnelle a déjà relevé l'intérêt pour les diffuseurs, le CSA évoque également une catégorie plus étroite de droits premium " qui portent sur des compétitions saisonnières et organisées sur plusieurs mois " (130).
135. Compte tenu de ces éléments, et sous réserve d'une instruction au fond, on doit considérer que les droits du Top 14, qui génèrent des audiences élevées et constituent un moteur d'abonnements pour une chaîne payante, sont susceptibles de constituer des droits premium et qu'ils pourraient appartenir, à ce titre, à un marché de droits sportifs premium, autres que les droits des compétitions de football, qui rassemblerait les compétitions à forte audience dont les droits de diffusion en France ont une valeur supérieure à 10 millions d'euros.
136. Il est également possible d'envisager, comme le suggère le CSA l'existence d'un marché pertinent plus étroit que le précédent qui serait circonscrit aux droits premium des compétitions autres que footballistiques se déroulant tout au long de l'année.
137. Enfin, au regard des critères précédemment exposés, les droits du Top 14 se distinguent très nettement des droits des autres compétitions susceptibles d'appartenir aux deux marchés pertinents envisagés, particulièrement quant à leur valeur marchande. En effet, la valeur des droits du Top 14 est la seule qui dépasse désormais légèrement celle des droits de diffusion en France de la Premier League anglaise de football et se rapproche du niveau de la valeur des droits de Ligue des champions de football, deux compétitions dont les droits ont été qualifiés de droits sportifs premium par la pratique décisionnelle.
138. Il est donc également possible, en l'état de l'instruction, d'envisager l'existence d'un marché pertinent restreint aux seuls droits du Top 14 et distinct de celui des autres droits sportifs premium.
139. De tels marchés seraient tous de dimension nationale, puisque, même pour des compétitions de dimension supranationale, les droits sont vendus, dans leur très grande majorité, pays par pays et sont achetés exclusivement pour le territoire national. La nécessité de circonscrire l'analyse au territoire français est encore plus importante lorsqu'il s'agit des compétitions nationales, qui présentent en effet des spécificités propres dues, notamment, à des facteurs culturels et aux préférences des téléspectateurs.
b) Sur les marchés intermédiaires de l'édition et de commercialisation de chaînes de télévision payante
140. La pratique décisionnelle a considéré qu'il n'était pas pertinent de distinguer, au sein du marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes de télévision payante, différents marchés en fonction des plateformes de distribution des chaînes.
141. En revanche, la pratique décisionnelle a retenu un marché des chaînes premium qui proposent une offre portant sur les contenus cinématographiques et sportifs les plus attractifs qualifiés de contenus premium. Elle a considéré que ce marché était distinct du marché des chaînes thématiques qui proposent des contenus essentiellement non premium
131. En effet, de telles chaînes ont " la particularité d'être jugées indispensables pour tout distributeur souhaitant proposer un bouquet attractif ", constituant " le principal moteur d'abonnement aux offres payantes les plus chères ", et dont le " coût de constitution, en raison du caractère onéreux [des] contenus, les distingue (...) des autres chaînes " (132).
142. En plus de leurs contenus et de leur attractivité particulière, les chaînes premium se distinguent des autres chaînes payantes par leurs modalités de commercialisation et le niveau de prix auquel elles sont commercialisées. Les chaînes premium sont en effet soit proposées aux abonnés de façon individualisée alors que les chaînes thématiques sont généralement commercialisées sous la forme de bouquets agrégeant un certain nombre de chaînes thématiques.
143. Dans sa décision n°12-DCC-100 précitée, l'Autorité de la concurrence a considéré que le caractère premium pouvait également être attribué à des chaînes spécialisées dans une thématique particulière mais diffusant des contenus qualifiés de premium par la pratique décisionnelle. En effet, seules les chaînes premium, qu'elles soient multi-contenus ou mono-contenus disposent des moyens financiers nécessaires à l'acquisition de droits premium qui doivent, par ailleurs, être amortis sur une base d'abonnés aussi large que possible. Les éditeurs de chaînes premium acquièrent également des droits non premium. En effet, pour indispensables qu'ils soient à une chaîne premium, les droits sportifs premium ne suffisent pas à remplir les grilles de programmes, et les éditeurs doivent, pour cette raison, compléter leur offre avec des droits non premium.
144. Ces chaînes premium mono-contenus exercent une pression concurrentielle partielle sur les chaînes premium multithématiques " les chaînes OCS, ainsi que BeIn Sport 1 et 2, proposent bien des contenus premium au sens de la pratique décisionnelle, certes selon un modèle mono-contenu et non mixte. Du fait de leur thématique unique, ces chaînes sont donc peu substituables à la chaîne Canal+. Néanmoins, en diffusant des contenus premium dans leurs thématiques respectives, ces chaînes exercent bien une pression concurrentielle plus marquée, quoique partielle, sur l'offre premium de GCP, que celle qui émane des autres chaînes thématiques "(133).
145. En l'état du marché, ces chaînes premium sont les chaînes OCS et les chaînes beIN Sports. Leur évolution au cours des deux dernières années confirme qu'elles exercent bien une pression concurrentielle sur l'offre premium de GCP, qui reste cependant partielle compte tenu de leur thématique unique. Les éditeurs de chaînes thématiques ne sont en revanche pas en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur les éditeurs de chaînes premium.
146. La pratique décisionnelle considère que les marchés de l'édition de chaînes de télévision payantes sont de dimension nationale, à l'exception des départements d'outre-mer (134).
c) Sur les marchés aval de la distribution de services de télévision payante
147. La pratique décisionnelle distingue le marché de la télévision payante de celui de la télévision gratuite compte tenu, notamment, du mode de financement différent de ces deux types de télévision, sans distinguer entre les services de télévision selon leur plateforme technique de diffusion (satellite, hertzien, câble, ADSL et fibre).
148. Par ailleurs, la pratique décisionnelle a analysé au sein du marché de la télévision payante, la place occupée par les différentes offres des fournisseurs d'accès à internet (ci-après " FAI ") qui proposent, d'une part, des offres dites " basiques " ou " premier niveau " disponibles sans coût supplémentaire pour les abonnés et, d'autre part, des offres de " second niveau ", en contrepartie du paiement d'un abonnement supplémentaire. L'Autorité de la concurrence a considéré que seules les offres de second niveau des FAI sont de nature à exercer une pression concurrentielle sur les offres de GCP sur le marché aval de la télévision payante (135).
149. La pratique décisionnelle considère que les marchés de la télévision payante sont de dimension nationale, à l'exception des départements et régions d'outre-mer (136).
2. SUR LA POSITION DE GCP ET DES AUTRES OPÉRATEURS SUR LES MARCHÉS EN CAUSE
a) Sur les marchés amont de l'acquisition de droits sportifs
150. L'Autorité de la concurrence a relevé dans sa décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 précitée que GCP dispose d'une position prépondérante sur un grand nombre de marchés d'acquisition de droits sportifs (137).
151. A cet égard il faut relever que les marchés d'acquisition de droits sportifs fonctionnent généralement par appels à candidatures ouverts. Or pour l'appréciation du pouvoir de marché des opérateurs sur un marché d'appel d'offres, le niveau de parts de marché n'est qu'un indicateur de l'intensité de la concurrence sur le marché. Il convient également de prendre en compte l'intensité de la concurrence que se livrent les opérateurs pour remporter les appels d'offres.
152. Sur le marché des droits pour les compétitions sportives autres que footballistiques et hors évènements d'importance majeure, sur la base des informations fournies par GCP reproduites dans la décision n° 14-DCC-50 précitée, la part de marché de GCP est légèrement inférieure à [50-60] % en valeur. Cette part de marché élevée résulte notamment de l'acquisition par GCP, en février 2013, des droits d'exploitation audiovisuelle du Championnat du monde de Formule 1 pour la période 2013-2017.
153. Compte tenu de la détention en exclusivité des droits du Top 14 dont la valeur a sensiblement augmenté, GCP est susceptible d'être en position dominante sur ce marché.
b) Sur le marché de l'édition et de commercialisation de chaînes premium
154. À titre liminaire, il convient de rappeler que l'existence d'une exclusivité de distribution, fût-elle accordée à une société appartenant au même groupe que la société éditrice de la chaîne considérée, ne saurait exclure la chaîne concernée du marché intermédiaire. Un produit auto-distribué dans le cadre d'une relation exclusive ne peut par conséquent être considéré comme relevant de l'autoconsommation.
155. L'Autorité de la concurrence, dans sa décision n° 12-DCC-100 précitée, a donc considéré que le fait que la chaîne Canal+ et ses déclinaisons étaient auto-distribuées ne permettait pas de les exclure du marché de l'édition et de la commercialisation de chaînes premium. L'Autorité de la concurrence a précisé à cet égard que " l'auto-distribution est un système incitatif qui peut favoriser les investissements dans les contenus mais ne constitue nullement la seule modalité possible de distribution pour une chaîne premium. En effet, l'autodistribution n'est pas nécessaire au développement d'une offre premium de qualité disposant d'une large base d'abonnés permettant de couvrir des coûts de programme élevés. L'autodistribution résulte d'un choix stratégique qui appartient à l'opérateur, et qui est potentiellement réversible " (138).
156. Ainsi qu'il a été exposé supra, la seule chaîne premium multi-contenus sur le marché intermédiaire de l'édition et de commercialisation de chaînes premium est, depuis la disparition de TPS, la chaîne Canal+. Les chaînes premium mono-contenus sur ce marché sont les chaînes OCS et beIN Sports.
157. Les parts de marché des éditeurs sur ce marché en 2013 sont les suivantes en volume (nombre d'abonnés) et en valeur (coût des programmes et chiffre d'affaires) :
<Emplacement Tableau>
158. Il ressort de ce tableau que GCP détient une part de marché de [50-60] % en volume (nombre d'abonnés), de [70-80]% en valeur en termes de coût de grille et de [90-100] % en valeur en termes de chiffre d'affaires. GCP soutient que la base d'abonnés de Canal+ s'est érodée du fait de la progression de beIN Sports et d'OCS. Cependant, les éléments fournis relatifs à l'évolution de sa base d'abonnés depuis l'arrivée de beIN Sports en 2012 démontrent au contraire que sa base d'abonnés est restée stable (139). Le modèle économique de GCP est particulièrement résilient et cette société a une remarquable capacité de fidélisation de ses abonnés.
159. La part de marché de GCP reste très forte en valeur qu'elle soit le mode de calcul puisqu'elle s'élève à [70-80]% en coût de grille et [90-100]% en chiffre d'affaires. Concernant sa part de marché en valeur en chiffre d'affaires, Canal+ étant auto-distribuée, seuls les chiffres relatifs à ses ventes sur le marché aval sont disponibles alors que pour ses concurrents, ce sont les redevances perçues auprès des distributeurs qui sont prises en compte.
160. Compte tenu des barrières à l'entrée très élevées sur ce marché et de la pression concurrentielle partielle exercée par beIN Sports et OCS, GCP est susceptible d'être toujours en position dominante sur le marché intermédiaire de l'édition et la commercialisation de chaînes premium.
c) Sur les marchés aval de la distribution de services de télévision payante
161. L'Autorité de la concurrence a relevé dans la décision n°12-DCC-100 précitée que les parts de marché de GCP et de ses concurrents, en 2011, en volume (nombre d'abonnements), sur le marché aval de la distribution de télévision payante, en tenant compte uniquement des offres de second niveau de service des FAI, étaient les suivantes : GCP : [70-80] %, Orange : [5-10] %, Free : [5-10] %, SFR : [0-5] %, Bouygues [0-5] %, Numéricâble [0-5] %. La part de marché du groupe Vivendi était supérieure à [80-90] %.
162. En valeur, les parts de marché de GCP et de ses concurrents, en ne tenant compte que des offres de second niveau, étaient estimées à : GCP : [90-100] %, Orange : [0-5] %, Free : [0-5] %, SFR : [0-5] %, Bouygues [0-5] %, Numéricâble [0-5] %.
163. Sur la base de ces parts de marché, de leur évolution depuis 2006, et des barrières à l'émergence d'une pression concurrentielle significative, l'Autorité de la concurrence a considéré que la position dominante détenue par GCP a été durablement établie (140).
164. Compte tenu de l'absence d'évolution majeure sur ce marché, GCP est toujours susceptible de détenir une position dominante sur ce marché.
3. SUR LA POSITION DE LA LNR SUR LES MARCHÉS EN CAUSE
165. En application de l'article 28 de la convention conclue entre la FFR et la LNR, " la FFR est propriétaire de l'ensemble des droits d'exploitation des compétitions qu'elle organise ou dont l'organisation a été confiée à la LNR. Pour les compétitions professionnelles, la gestion et la commercialisation des droits d'exploitation (droits d'exploitation audiovisuelle, droits marketing et tous autres droits...) sont concédées à la LNR par la FFR pour la durée de la présente convention ". La LNR est donc seule habilitée à commercialiser les droits du Top 14.
166. Il convient, à ce stade de l'instruction, d'examiner les différentes hypothèses relatives au périmètre du marché pertinent sur lequel la LNR est présente et d'évaluer pour chaque périmètre envisagé la possibilité qu'elle détienne un pouvoir de marché.
167. Le CSA " a procédé à plusieurs estimations des parts de marché de la LNR, en se basant, d'une part sur le périmètre actuel du marché de l'acquisition de droits de diffusion des compétitions sportives autres que footballistiques (hors événements d'importance majeure), et, d'autre part sur un marché comprenant les droits de diffusion des compétitions sportives premium autres que footballistiques ".
168. Sur le marché le plus large des droits autres que footballistiques et autres que les évènements d'importance majeure et " en tenant compte des investissements que réalisera GCP au titre du contrat conclu au mois de janvier 2014 ", le CSA estime que " la part de marché de la LNR serait de 34 % " à la date de son avis. Si l'on distingue un marché plus étroit des droits sportifs premium autres que footballistiques, la part de marché de la LNR serait, selon le CSA, " d'environ 50 % sur la base du nouveau contrat ".
169. Au-delà de la simple part de marché qui n'est qu'un des critères à prendre en compte pour déterminer le pouvoir de marché, le CSA estime également que " l'attractivité croissante des droits de diffusion du Top 14 est susceptible de conférer à la LNR un pouvoir de marché. En dehors de certaines compétitions de football (Ligue 1, Ligue des Champions, championnat de football anglais de Premier League), il s'agit en effet des droits sportifs les plus attractifs, probablement devant le Championnat du monde de Formule 1. Le doublement du montant investi par GCP pour l'acquisition du Top 14 illustre l'attractivité croissante de cette compétition et son importance pour le modèle économique des chaînes Canal+ " (141).
170. En tout état de cause, quelle que soit la délimitation du marché auquel appartiennent les droits du Top 14, la part de marché de la LNR reste significative, voire majoritaire.
171. Enfin, ainsi qu'il a été exposé dans la section relative à la définition des marchés pertinents, les droits du Top 14 sont susceptibles, en l'état de l'instruction, de constituer un marché distinct. En effet, les autres détenteurs de droits sportifs (autres que footballistiques) n'apparaissent pas, sous réserve de l'examen au fond, en mesure d'exercer une pression concurrentielle frontale sur la LNR lorsqu'elle commercialise les droits du Top 14, ce qui se traduit, en l'absence de produit substituable, par des niveaux de prix très significativement supérieurs à ceux de toutes les autres compétitions sportives (autres que footballistiques).
172. À cet égard, on doit relever que la LNR a la faculté de choisir un mode d'attribution des droits en fonction des objectifs qu'elle recherche. Elle peut ainsi configurer ses appels d'offres en fonction de la demande des opérateurs présents sur le marché, comme elle l'a fait à l'automne en 2013. Par ailleurs, la LNR a démontré sa capacité à obtenir des hausses de prix significatives dans le cadre d'une négociation de gré en gré avec un opérateur puissant, dans le projet de l'automne 2013 et dans l'accord de janvier 2014.
173. Accessoirement à ces éléments de fait, il est également important de relever que, dans un courrier du 23 décembre 2013 adressé à la LNR, les conseils de GCP ont indiqué que l'appel d'offres lancé par la Ligue le 4 décembre 2013 pour l'attribution des droits du Top 14 était " susceptible de violer les dispositions des articles L.420-1 et 2 du Code de commerce. C'est pourquoi [GCP] envisage[nt] de saisir l'Autorité de la concurrence de ces faits " (142).
174. Interrogé lors de la séance pour préciser le marché sur lequel la LNR pourrait détenir une position dominante justifiant sa mise en cause au titre de l'article L. 420-2 du code de commerce, GCP a indiqué que cette mention d'une éventuelle position dominante de la LNR avait été faite à titre conservatoire dans un contexte marqué par des contentieux multiples mais ne se fondait pas sur une analyse concurrentielle précise des marchés, que seule une instruction au fond devant l'Autorité de la concurrence pouvait mener à bien.
175. Il est cependant à noter qu'une position dominante de la LNR a paru à GCP suffisamment vraisemblable pour être évoquée dans un courrier adressé au président de la LNR dans un contexte de contentieux multiples avec cet organisme, contentieux dont GCP soutient par ailleurs qu'ils ont tous un caractère sérieux.
Conclusion
176. Compte tenu de l'ensemble des éléments précédemment évoqués, la LNR est, en l'état de l'instruction, susceptible de détenir une position dominante sur un éventuel marché de la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 ou sur un marché plus large incluant d'autres droits premium.
C. SUR LES PRATIQUES DÉNONCÉES
177. À ce stade de l'instruction, et sous réserve d'un examen au fond, les pratiques alléguées, qui couvrent l'ensemble du territoire national, sont susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres et d'être qualifiées au regard des articles 101 et 102 du TFUE, ce que les parties ne contestent pas en l'espèce.
178. Il convient également de relever que les faits exposés ci-dessus et qui fondent la saisine de beIN Sports ne sont pas remis en cause par GCP et la LNR. Ces faits sont d'ailleurs abondamment documentés dans le dossier. Seule la qualification de ces faits sous l'angle des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et des articles 101 et 102 du TFUE est contestée par GCP et la LNR.
179. Les pratiques dénoncées par la société saisissante sont de deux ordres :
- les premières relèvent essentiellement de comportements unilatéraux reprochés soit à GCP, soit à la LNR ou mettent en cause le droit de priorité accordé à GCP en 2011 : il sera démontré qu'elles sont, dans leur ensemble, étayées par des éléments suffisamment probants pour mériter une instruction au fond ;
- les secondes se concentrent sur les conditions dans lesquelles a été négocié puis conclu l'accord de 2014 : il sera démontré qu'elles sont susceptibles de revêtir un objet et/ou un effet anticoncurrentiel susceptible de caractériser, en l'état de l'instruction, une entente contraire aux articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE, de nature à justifier le prononcé de mesures conservatoires.
1. SUR LES PRATIQUES MÉRITANT UNE INSTRUCTION SUR LE FOND
a) Sur le droit de priorité accordée à GCP par le contrat de 2011
180. L'article 15.2 du contrat de 2011 prévoyait que " la LNR aura la faculté de mettre un terme au contrat à l'issue de la saison 2013/2014, de manière unilatérale et sans qu'aucune pénalité ne puisse lui être réclamée par Canal +, ni Canal + Distribution, sous réserve de notifier à Canal+ et Canal+ Distribution une telle résiliation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au plus tôt le 1er septembre 2013 et au plus tard le 31 décembre 2013. En cas de résiliation du contrat par la LNR à l'issue de la saison 2013/2014 (...), les droits d'exploitation audiovisuelle concédés aux termes des présentes ne pourront être attribués par la LNR pour les saisons suivantes qu'à l'issue d'une mise sur le marché transparente et non discriminatoire telle qu'une consultation ou un appel à candidature qui ne pourra débuter qu'après la notification à Canal+ et Canal+ distribution de la décision de la LNR d'exercer sa faculté de résiliation anticipée du contrat au terme de la saison 2013/2014 " (article 15.2).
181. Cette stipulation ne confère pas, au sens strict, un droit de priorité à GCP pour renouveler le contrat en cours, mais elle introduit une asymétrie dans le traitement des opérateurs susceptibles d'acquérir les droits du Top 14. En donnant à la LNR la faculté de résilier de manière anticipée le contrat à l'issue de la troisième saison et en lui imposant de mettre en concurrence les acheteurs potentiels si elle exerce cette faculté, cet article lui interdit toute possibilité de négociation de gré à gré avec un autre opérateur que GPC avant la résiliation du contrat. En effet, si cette négociation de gré à gré avec un opérateur tiers devait aboutir, elle ne pourrait déboucher sur un contrat qu'après dénonciation de celui en cours avec GCP, entraînant automatiquement, l'application de l'article 15.2 et une remise en concurrence de l'accord négocié de gré à gré avec l'opérateur tiers.
182. Un tel obstacle n'était pas opposable à GCP puisque l'article 15.2 restait muet sur les obligations des parties si le contrat n'était pas dénoncé à l'issue de la troisième saison. Force est de constater que ni cet article, ni aucun autre, n'interdisait une renégociation de gré à gré des termes du contrat avant son terme, prévu à la fin de la saison 2015/2016, ni son prolongement au seul bénéfice de GCP.
183. De fait, les discussions tenues entre la LNR et GCP entre juin et novembre 2013, avant l'utilisation par la LNR le 2 décembre 2013 de sa faculté de résiliation anticipée du contrat, se sont interrompues alors qu'un projet d'accord, préparé par la LNR le 24 novembre 2013, prévoyait notamment une prolongation de trois ans du partenariat en cours avec GCP, sans mise en concurrence. Ce projet de la LNR et les offres symétriques de GPC sur le même format, démontrent que les deux cocontractants, en dehors de leur désaccord temporaire sur le prix, étaient d'accord pour faire jouer l'asymétrie du contrat en faveur de GPC.
184. GCP et la LNR, longuement interrogées lors de la séance sur l'asymétrie créée par l'article 15.2 du contrat de 2011, en ont fait une lecture concordante et très particulière, en considérant que l'obligation de mise en concurrence transparente et non discriminatoire imposée par cet article devait s'entendre comme une simple obligation d'information du marché sur la mise en vente des droits du Top 14 et que, cette information faite, il était loisible à la LNR d'abandonner la procédure d'appel d'offres engagée et de mener une négociation de gré à gré exclusive avec GCP en vue de conclure un nouveau contrat.
185. Compte tenu de ces éléments, l'instruction au fond devra rechercher si les stipulations de l'article 15-2 du contrat de 2011 et ses modalités d'exercice sont contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et aux articles 101 et 102 du TFUE.
b) Sur la décision de la LNR d'arrêter l'appel d'offres, d'engager des discussions exclusives avec GCP et de lui accorder l'exclusivité des droits du Top 14 de gré à gré
186. La LNR a interrompu le 10 janvier 2014 l'appel d'offres qu'elle avait lancé le 4 décembre 2013 et qui prévoyait une date de dépôt des offres par les diffuseurs le 13 janvier 2014.
187. La LNR soutient que cette décision d'interrompre l'appel d'offres était unilatérale (143). GCP soutient, quant à elle, que les relations conflictuelles entre GCP et la LNR excluraient par nature l'existence d'une entente sur ce point (144).
188. Mais la circonstance que GCP ait, par le biais des procédures judiciaires mises en œuvre, exercé une pression sur la LNR pour obtenir l'interruption de l'appel d'offres, ne fait nullement obstacle à l'identification d'une volonté propre de la LNR. Celle-ci ne peut s'exonérer de sa responsabilité propre en faisant valoir qu'elle aurait été poussée par un autre opérateur à adopter un comportement donné. Le TPUE a en effet jugé que " des entreprises ne sauraient justifier une infraction aux règles de la concurrence en prétextant qu'elles y ont été poussées par le comportement d'autres opérateurs économiques " (145).
189. Le caractère unilatéral de la décision de la LNR est renforcé par le fait que GPC avait demandé au juge civil une simple suspension de l'appel d'offres, ce qui aurait permis à la LNR, si elle avait accédé à la demande de GCP, de repousser la date de dépôt des offres sans interrompre la totalité de la procédure. Or, cette option a été expressément examinée et écartée par le comité directeur de la ligue lors de sa réunion du 10 janvier 2014 qui a bien distingué un " arrêt " de l'appel d'offres d'une simple " suspension " et qui a opté pour l'arrêt. Ce choix opéré, la ligue a considéré qu'elle était juridiquement ramenée à la situation du 2 décembre 2013 avant le lancement de l'appel d'offres. C'est donc en toute connaissance de cause que la LNR a décidé de réduire la procédure d'appels d'offres à une simple parenthèse entre les négociations exclusives avec GCP engagées à l'automne 2013, interrompues le 2 décembre 2013 et reprises en janvier 2014.
190. Compte tenu de la position de GCP sur ce marché et de l'existence de barrières à l'entrée significatives, cette décision de la LNR, a ouvert la possibilité d'attribuer à GCP, sans mise en concurrence, ce qui est susceptible de constituer un comportement discriminatoire ayant eu pour objet et pour effet de favoriser GCP, son partenaire historique depuis 1998, au détriment de beIN Sports.
191. Au vu de ces éléments, l'instruction au fond devra rechercher si l'interruption de l'appel d'offres par la LNR le 10 janvier 2014 et l'octroi de l'exclusivité des droits du Top 14 à GCP, sans mise en concurrence, sont contraires à l'article L.420-2 du code de commerce et à l'article 102 du TFUE.
c) Sur l'obtention par GCP d'une exclusivité de gré à gré en janvier 2014
192. Il n'est pas contesté par GCP qu'elle est à l'initiative de la reprise des négociations de gré à gré le samedi 11 janvier 2014 au matin après l'arrêt de l'appel d'offres décidé par la LNR le 10 janvier 2014 et alors même que la LNR avait envoyé un courrier aux deux candidats potentiels, GCP et beIN Sports, leur indiquant que : " La LNR communiquera ultérieurement sur les suites qui seront données à cette décision ".(146)
193. De même, il n'est pas contesté que GCP a limité la validité de son offre au 15 janvier 2014 conduisant la LNR à se prononcer immédiatement lors de son comité directeur prévu le 14 janvier 2014, renforçant ainsi l'impossibilité d'obtenir une offre concurrente de beIN Sports.
194. Ces deux initiatives unilatérales de GCP ont été déterminantes pour obtenir l'accord du 11 janvier dans des délais très brefs, empêchant ainsi toute consultation d'un opérateur concurrent par la LNR.
195. Au vu de ces éléments, l'instruction au fond devra rechercher si les moyens mis en œuvre par GCP afin d'obtenir de gré à gré de la LNR l'exclusivité des droits du Top 14 après l'arrêt de l'appel d'offres sont contraires à l'article L. 420-2 du code de commerce et à l'article 102 du TFUE.
d) Sur la stratégie d'intimidation judiciaire de GCP à l'encontre de la LNR
196. Deux critères cumulatifs doivent être établis pour pouvoir déterminer les cas dans lesquels une action en justice est abusive au sens de l'article 102 du TFUE ou de l'article L. 420-2 du code de commerce : (i) l'action en justice ne peut être raisonnablement considérée comme visant à faire valoir les droits de l'entreprise et (ii) l'action en justice est conçue dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence (147).
197. En l'espèce, les recours juridictionnels de GCP avaient tous pour objectif de neutraliser les effets de la dénonciation du contrat de 2011 par la LNR, de faire obstacle à la mise en œuvre de l'article 15.2 de ce contrat et de faire échouer l'attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 par le biais d'un appel d'offres.
198. GPC a soutenu que les multiples recours qu'il avait formés devant le juge civil étaient légitimes car " Le fait d'avoir négocié pendant cette période pour nous s'interprétait comme une renonciation de la LNR à dénoncer le contrat pour une raison simple : vous ne pouvez pas demander à un opérateur de dévoiler toute sa stratégie / ses prix préalablement à un appel d'offres. Vous ne pouvez pas plus interrompre les pourparlers lorsque vous êtes allé si loin que l'autre partie considère que le contrat est formé " (148).
199. Dans un courrier du 27 décembre 2013, la LNR analyse, au contraire, la démarche de GCP " comme une manœuvre d'intimidation visant tout comme [l']assignation à perturber le déroulement de [l']appel d'offres qui prévoit une date de remise des offres par les diffuseurs le 13 janvier 2014 " soulignant que ces " tentatives d'intimidations et menaces constituaient une violation de l'article L 420-2 du code de commerce et de l'article 102 du TFUE " (149).
200. Compte tenu de ces éléments, l'instruction au fond devra rechercher si les actions en justice en cause sont susceptibles contraires à l'article L.420-2 du code de commerce et à l'article 102 du TFUE.
2. SUR LA PRATIQUE D'ENTENTE SUSCEPTIBLE DE JUSTIFIER, EN L'ÉTAT DE L'INSTRUCTION, LE PRONONCÉ DE MESURES CONSERVATOIRES
201. En sus des pratiques décrites ci-dessus, beIN Sports dénonce à titre principal l'accord du 14 janvier 2014, qui attribue à titre exclusif la totalité des droits du Top 14 pour cinq saisons, et les conditions dans lesquelles il a été négocié en considérant qu'il s'agit d'une entente dont l'objet et l'effet sont anticoncurrentiels.
202. Les textes applicables et la jurisprudence n'exigent pas que le critère de l'objet anticoncurrentiel et de l'effet anticoncurrentiel soient cumulativement vérifiés pour qu'une entente puisse être jugée contraire à l'article L. 420-1 du code de commerce et à l'article 101 du TFUE.
203. Ces deux conditions doivent donc être examinées séparément pour savoir si l'entente dénoncée est, en l'état de l'instruction, susceptible d'être contraire à l'article L. 420-1 du code de commerce et à l'article 101 du TFUE.
En ce qui concerne l'objet de l'accord
204. La LNR et GCP allèguent que l'accord conclu le 14 janvier 2014 n'a pas d'objet anticoncurrentiel en ce que la LNR n'était pas légalement tenue de procéder à la commercialisation des droits du Top 14 par voie d'appel d'offres et qu'elle pouvait octroyer l'exclusivité des droits de gré à gré (150). La LNR soutient également qu'elle procède à la commercialisation des droits du Top 14 en vertu d'une délégation de la FFR qui est seule propriétaire des droits et qu'elle ne se trouve donc pas dans la situation examinée par la Commission européenne où un accord entre les propriétaires des droits permet de désigner un vendeur unique chargé de la vente centralisée des droits.
205. Selon la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union européenne (ci-après " CJUE "), pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, il convient de s'attacher la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère (voir arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07, Rec. p. I-8637).
206. En l'absence de dispositions législatives et réglementaires régissant les conditions de la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14, cette commercialisation est soumise au respect du droit commun de la concurrence.
207. Or, la pratique décisionnelle nationale et européenne a posé le principe d'un encadrement des modes d'attribution des droits par les ligues professionnelles dans le secteur de la commercialisation des droits de diffusion sportifs premium. La Commission européenne a ainsi été saisie à plusieurs reprises de demandes d'attestations négatives ou d'exemptions individuelles par des ligues tant nationales qu'européennes de football ou par des sociétés privées ayant reçu mandat des clubs de football de commercialiser pour leur compte leurs droits audiovisuels (151).
208. La Commission européenne a considéré que ces droits (droits de la Ligue des champions, de la Bundesliga allemande et de la Premier League anglaise), compte tenu de leur caractère premium, devaient être commercialisés selon une procédure de mise en concurrence, prévoyant une répartition des droits en lots dotés d'une attractivité autonome de manière à ce que les lots soient ouverts à tous les diffuseurs et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée.
209. Les décisions de la Commission européenne ont certes revêtu la forme de décisions individuelles d'exemption au titre de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE mais l'analyse de l'objet et de l'effet anticoncurrentiel des pratiques s'écartant du cadre ainsi défini reste valide. En effet, l'analyse porte dans tous les cas sur le problème concurrentiel que pose l'existence d'un vendeur unique commercialisant des droits premium très attractifs et dont les modalités d'attribution peuvent entraîner des effets de forclusion.
210. Le Conseil de la concurrence a également eu l'occasion de se prononcer dans la décision n° 03-MC-01 du 23 janvier 2003 sur le caractère potentiellement anticoncurrentiel de l'attribution des droits de diffusion de la Ligue 1 dans une situation similaire, où la Ligue de football professionnel (ci-après " LFP ") vendait les droits de cette compétition dans le cadre d'un mandat confié par la Fédération française de football (ci-après " FFF "), qui en était l'unique propriétaire152. Il ne s'agissait donc pas " d'une vente centralisée par mise en commun des droits " mais de pouvoirs, déjà centralisés, délégués à la LFP par la FFF. Ainsi, en 2003, la situation juridique de la LFP était en tout point similaire à celle de la LNR aujourd'hui.
211. La circonstance que la vente des droits du Top 14 ne résulte pas d'un accord d'entreprises (les clubs) dans le cadre d'une vente centralisée d'une part, et ne soit pas soumise aux dispositions du code du sport d'autre part, ne fait donc nullement obstacle à ce que le mode de commercialisation des droits sportifs du Top 14 soit analysé à la lumière de la pratique décisionnelle relative à la commercialisation des droits sportifs premium. Les pratiques dénoncées sont donc susceptibles d'être qualifiées sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE.
212. Ainsi qu'il a été exposé dans la section relative à la définition des marchés pertinents, les droits du Top 14 sont des droits particulièrement attractifs pour les chaînes de télévision payante en ce qu'ils suscitent des audiences importantes et sont un moteur d'abonnements. À ce titre, ils sont susceptibles de constituer des droits premium et relèvent donc de la pratique décisionnelle nationale et communautaire rappelée ci-dessus.
213. À cet égard, il est significatif que la LNR ait lancé, en décembre 2013, un appel d'offres qui répondait aux critères retenus par la pratique décisionnelle, avec une durée de 4 ans et un découpage des lots permettant de susciter la concurrence entre les diffuseurs.
214. Mais le mode d'attribution finalement retenu et le résultat auquel il a conduit se sont significativement écartés de ce schéma. À cet égard, l'ensemble des comportements observés montre qu'il existe un accord de volonté de la LNR et GPC, portant aussi bien sur le choix d'une négociation de gré à gré que sur le résultat final qui fixe notamment la durée de l'attribution des droits et le caractère exclusif de cette attribution. Ils peuvent à ce titre avoir un objet anticoncurrentiel et être appréciés au regard du droit des ententes.
215. Ainsi, le fait pour la LNR et GCP d'avoir (i) successivement engagé à l'automne 2013 des négociations de gré à gré pour amender le contrat de 2011 et prolonger l'exclusivité de GCP par un nouveau contrat de trois ans portant cette exclusivité à une durée de huit ans, (ii) puis d'avoir repris ces négociations de manière exclusive le 11 janvier 2014 après l'arrêt de l'appel d'offres en reprenant, selon les déclarations convergentes de la LNR et de GCP, confirmées lors de la séance, les discussions au point où elles avaient été interrompues le 2 décembre lors de la dénonciation du contrat, (iii) et d'avoir ainsi empêché beIN Sports ou d'autres candidats potentiels de faire une offre ou, à tout le moins, de faire une offre dans des conditions équitables et non discriminatoires compte tenu de l'antériorité de plusieurs mois des discussions menées en exclusivité avec GCP, (iv) d'avoir enfin conclu un accord attribuant l'intégralité des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 pour une durée de cinq années, soit une année de plus que ce que prévoyait le règlement d'appel d'offres, sont des éléments suffisants au regard de la jurisprudence de la CJUE rappelée ci-dessus pour considérer que l'accord du 14 janvier 2014 est le support d'une entente dont l'objet est susceptible d'être regardé, en l'état de l'instruction, comme anticoncurrentiel.
216. À titre subsidiaire, il apparaît qu'en l'état de l'instruction, les modalités de l'accord conclu le 14 janvier 2014 entre GCP et la LNR après l'interruption de l'appel d'offres sont plus favorables à GCP que celles qui étaient prévues dans l'appel d'offres, particulièrement s'agissant de deux stipulations. L'appel d'offres prévoyait un prix de réserve dans la configuration d'exclusivité à 73 millions d'euros par saison ; or, le contrat conclu entre GCP et la LNR prévoit que GCP paiera un montant de 71 millions d'euros par saison. L'appel d'offres prévoyait la cession des droits pour une durée de quatre ans ; or le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans. Sous réserve d'un examen plus approfondi dans le cadre de l'instruction au fond, ces différences sont susceptibles de renforcer le caractère discriminatoire de l'attribution des droits en cause et l'objet anticoncurrentiel de l'accord.
En ce qui concerne les effets potentiellement anticoncurrentiels de l'accord
217. S'agissant de l'effet d'une entente verticale entre un fournisseur et un exploitant de droit, la jurisprudence s'attache à évaluer le caractère sensible des restrictions de concurrence introduites par certaines dispositions de l'accord, dès lors que ces dispositions ne sont pas anticoncurrentielles par objet.
218. À cet égard, la Commission européenne précise que " pour la plupart des restrictions verticales, les problèmes de concurrence ne se posent que lorsque la concurrence est insuffisante à un ou plusieurs stades du commerce, c'est-à-dire lorsqu'il existe un certain pouvoir de marché au niveau du fournisseur, à celui de l'acheteur ou à ces deux niveaux " (points 6 et 23). Ce seuil a été fixé à 30 % de part de marché par ses lignes directrices.
219. La probabilité qu'un accord vertical emporte une restriction de concurrence dépend, d'une part, du pouvoir de marché que pourraient détenir les parties à l'accord (i) et, partant, de la structure du marché concerné (ii) et, d'autre part, de la nature et du fonctionnement de l'accord (iii).
220. En l'espèce, l'accord en cause lie, d'une part, GCP, qui opère sur le marché de l'édition et la commercialisation de chaînes premium et qui est, en l'état de la pratique décisionnelle, considéré comme une entreprise dominante sur ce marché et, d'autre part, la LNR qui opère sur le secteur de la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sportives et qui détient une part de marché au moins égale à 30 %, quelle que soit la segmentation du marché envisagée, et pourrait détenir une part égale ou supérieure à 50 % sur des segmentations de marché plus étroites. Les critères permettant de considérer qu'une entente verticale est susceptible d'avoir des effets sensibles sur le marché sont donc susceptibles d'être remplis.
221. S'agissant de l'effet restrictif de concurrence lui-même, il faut relever que, compte tenu des conditions observées sur le marché de l'édition et la commercialisation de chaînes premium précédemment décrites, l'accord entre GCP et la LNR est bien susceptible de conférer à GCP un avantage compétitif significatif dans la concurrence qui l'oppose à beIN Sports en verrouillant pour cinq ans l'accès à l'un des contenus sportifs les plus attractifs pour les consommateurs français.
222. Par ailleurs, beIN Sports est un nouvel entrant qui supporte dans sa phase de démarrage des niveaux de pertes non négligeables. Ainsi que l'a relevé l'Autorité de la concurrence dans sa décision n°12-DCC-100 précitée, son maintien sur le marché intermédiaire de l'édition et la commercialisation de chaînes premium dépend de sa capacité à mettre en place une activité rentable (153) qui passe par l'élargissement de sa base d'abonnés. Le fait de ne pas pouvoir se porter candidat à l'attribution des droits du Top 14 est susceptible de compromettre son développement.
223. Enfin, s'agissant des effets potentiels de l'accord résultant de sa durée, il y a lieu de relever que, à quelques rares exceptions près, les droits audiovisuels exclusifs des autres sports que le football ne sont pas cédés pour une durée supérieure à quatre ans et que, dans l'accord de 2011, les effets potentiels de la durée de cinq ans du contrat étaient limités par la faculté de résiliation anticipée sans pénalité au bout de trois ans ouverte à la LNR par l'article 15.2 du contrat.
224. Interrogée sur ce point, la LNR a d'ailleurs confirmé lors de la séance que son comité directeur avait exclu de laisser le contrat de 2011 aller jusqu'à son terme compte tenu du faible montant des droits (31,7 millions d'euros en moyenne par saison pour cinq saisons) qui avait été obtenu lors de la précédente négociation dans le cadre de laquelle GCP était le seul candidat.
225. La durée de cinq ans prévue dans l'accord conclu entre GCP et la LNR apparaît, au regard de l'ensemble de ces éléments et compte tenu des barrières élevées à l'entrée du marché, inhabituelle pour des droits très attractifs et potentiellement excessifs en ce qu'elle est susceptible de fermer une partie significative du marché de l'acquisition des droits sportifs premium pour une période trop longue.
226. L'accord conclu de gré à gré par GCP et la LNR le 14 janvier 2014 est donc susceptible, en l'état de l'instruction, d'avoir des effets restrictifs de concurrence au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.
Conclusion
227. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les conditions dans lesquelles la LNR et GCP ont négocié de gré à gré puis conclu un accord exclusif attribuant les droits de retransmission du Top 14 pour une durée de cinq années, en excluant tout autre opérateur du processus d'attribution, révèlent, en l'état de l'instruction un objet et/ou un effet anticoncurrentiel susceptible de caractériser une entente contraire aux articles L. 420-1 du code de commerce et 101du TFUE.
D. SUR LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES
228. Pour déterminer si la pratique examinée aux points 201 à 227 ci-dessus permet de prononcer des mesures conservatoires, il convient d'apprécier le caractère grave et immédiat de l'atteinte portée à l'économie générale, au secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante. Ces différentes atteintes ne constituent toutefois pas des conditions cumulatives mais alternatives : une atteinte grave et immédiate relevée dans un seul de ces cas suffit à permettre l'attribution de mesures conservatoires.
229. En revanche, la gravité et l'immédiateté de l'atteinte sont deux critères cumulatifs. S'ils sont remplis, une mesure conservatoire peut être prononcée s'il existe un lien de causalité entre les faits dénoncés et l'atteinte grave et immédiate constatée.
1. SUR L'ATTEINTE GRAVE ET IMMÉDIATE
a) En ce qui concerne le secteur de la télévision payante
230. Sur un marché d'acquisition de droits audiovisuels fonctionnant, pour les droits les plus attractifs, par le biais de procédures de mise en concurrence, toute pratique susceptible de faire obstacle au déroulement même du jeu concurrentiel, par exemple en réservant l'accès aux droits mis en vente au seul titulaire sortant ou, plus généralement, en empêchant certains opérateurs de présenter une offre, doit être est considérée comme grave et susceptible d'avoir des effets significatifs, en termes de structuration du secteur, au profit des opérateurs dominants.
231. Ainsi, dans sa décision n° 07-MC-05, le Conseil de la concurrence a prononcé des mesures conservatoires après avoir constaté que " la mise en œuvre d'un ciseau tarifaire, interdisant au seul concurrent de TDF de faire des offres aux radios dans des conditions économiques acceptables, est de nature à fermer le marché pour une longue période (5 ans), au moment même où le renouvellement des autorisations par le CSA permettrait d'ouvrir le marché à la concurrence " (154). Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 24 août 2007.
232. En l'espèce, l'atteinte grave au secteur est d'autant plus probable que l'expérience de ces dernières années, avec les échecs successifs de TPS et d'Orange, a montré qu'aucun opérateur français n'était à court terme en mesure de concurrencer GCP dans la télévision payante premium. Les opérateurs étrangers éventuellement susceptibles d'entrer sur le marché français, comme Sky, principal opérateur de télévision payante en Europe, actif au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie (155), n'ont ainsi jamais souhaité le faire, notamment en raison de la position forte détenue par GCP.
233. beIN Sports est donc le premier opérateur qui semble avoir la capacité financière et le modèle économique susceptibles de lui permettre de se maintenir durablement sur le marché, au-delà de deux cycles d'attribution des droits sportifs, ce que ni TPS, ni Orange n'ont réussi à faire durant les quinze dernières années.
234. Une pratique consistant à réserver l'attribution de droits attractifs à l'opérateur dominant est donc susceptible de contribuer à fermer le secteur de la télévision payante en France. Comme le souligne le CSA (156), cette atteinte au marché serait d'autant plus néfaste que les pratiques dénoncées interviennent alors que le principal concurrent de l'entreprise dominante, la société beIN Sports, n'est actif sur le marché que depuis deux ans, et qu'il est encore en phase de conquête d'abonnés.
235. Pour toutes ces raisons, l'atteinte portée par les pratiques dénoncées au secteur de la télévision payante doit être considérée comme grave.
236. S'agissant du caractère immédiat de cette atteinte au secteur, il convient de relever, en premier lieu, que les pratiques dénoncées sont d'effet immédiat, puisque l'accord en cause entrera en vigueur dès le mois d'août 2014, lors du début de la saison 2014-2015, et que GCP a communiqué dès le mois de janvier 2014 sur sa détention en exclusivité de l'ensemble des droits du Top 14 pour cinq ans, suscitant de nouveaux abonnements ou permettant la fidélisation d'abonnés existants.
237. GCP insiste lui-même sur ce point dans ses observations : " depuis l'accord qu'elle a conclu avec la LNR sur l'acquisition des droits du Top 14, CANAL+ a déployé d'importants dispositifs de communication afin de promouvoir cette compétition pour ses abonnés et ses prospects " (157). Dès l'attribution des droits du Top 14, GCP a publié, le 14 janvier 2014, un communiqué de presse dans lequel il était indiqué que " Le Groupe CANAL+ est heureux de la décision de la LNR de lui concéder les droits de diffusion exclusifs du TOP 14 pour les 5 prochaines saisons (2014/2015 à 2018/2019). Ces droits portent sur l'intégralité des matches du TOP 14, sur tous les supports et dans tous les territoires où le Groupe CANAL+ est présent " (158).
238. Dans sa décision n° 03-MC-01, le Conseil de la concurrence avait déjà eu l'occasion de constater l'impact immédiat de la communication des opérateurs sur les choix des abonnés et prospects. Il a ainsi relevé que " les comportements des abonnés et prospects sont déterminés par les offres de programme présentes des télévisions à péage, mais aussi par leurs offres futures ; ainsi, l'effet sur ce marché est obtenu dès l'annonce publique d'une modification de l'offre des diffuseurs et sans qu'il soit besoin d'attendre les changements effectifs de programme, en l'espèce ceux qui résulteraient de l'application des nouveaux contrats de diffusion des épreuves nationales de football à partir de l'été 2004, dès lors que ceux-ci sont présentés comme certains " (159).
239. Il avait également observé que " le flux des abonnements et des désabonnements étant un processus permanent, l'atteinte apportée aux conditions objectives de commercialisation des abonnements de TPS par l'annonce de l'attribution de l'exclusivité des droits du championnat de Ligue 1 à Canal Plus, est immédiate et perdurera tant que cette attribution sera considérée comme définitive par le public et sera d'autant plus grave que la rigidité des mécanismes d'abonnement rendra très difficilement réversibles les pertes enregistrées pendant cette période " (160).
240. Enfin et en tout état de cause, la cour d'appel de Paris a également jugé que la seule signature d'un accord pouvait justifier le prononcé de mesures conservatoires et " qu'il importe peu que, le protocole et son avenant n'ayant pas été appliqués, les effets anticoncurrentiels d'une telle clause n'aient pas été constatés en fait, dès lors qu'une mesure conservatoire peut être prononcée pour prévenir une atteinte lorsque celle-ci doit être considérée comme certaine, ce qui est le cas en l'espèce " (161).
241. Ainsi, cette exclusivité attribuée pour cinq ans, ce qui constitue une durée longue dans le secteur de la télévision payante, aura des effets immédiats et durables sur le secteur si elle n'est pas rapidement et utilement contestée aux yeux des abonnés et des prospects.
242. La demande de mesures conservatoires présentée par beIN Sports au titre de l'atteinte au secteur revêt donc bien un caractère d'urgence.
b) En ce qui concerne les consommateurs
243. Les offres de GCP et de beIN Sports ne sont pas positionnées sur le même segment tarifaire. L'accès à la diffusion des matches du Top 14 requiert, en effet, actuellement un abonnement à l'offre " les chaînes Canal Plus ", soit un abonnement mensuel de 39,90 euros, hors promotions, auquel il faut, le cas échéant, ajouter l'option Rugby+ à 4 euros par mois, alors que l'abonnement à beIN Sports est commercialisé au prix de 12 euros par mois.
244. GCP a confirmé lors de la séance, d'une part, que le Top 14 était diffusé dans des proportions similaires sur la chaîne Canal+ et sa chaîne dérivée Canal+ Sport, étant rappelé que la chaîne Canal+ Sport n'est pas commercialisée séparément et qu'une très large majorité des abonnés souscrivent à l'offre " les chaînes Canal Plus " au prix catalogue de 39,90 euros par mois.
245. L'attribution pour cinq années de l'intégralité des droits du Top 14 à GCP aurait donc bien pour effet de réserver les matches de cette compétition aux consommateurs capables de souscrire un abonnement dans la zone de prix de 40 euros par mois et de fermer l'accès, même partiel, à ces retransmissions aux consommateurs intéressés par un abonnement de milieu de gamme voisin de 12 euros par mois.
246. À cet égard, le fait que le nombre global d'abonnés à la télévision payante premium en France ait sensiblement augmenté en 2013 et 2014 grâce à l'entrée de beIN Sports sur le marché, alors que le nombre d'abonnés à l'offre " les chaînes Canal+ " se maintenait, montre qu'il existe une demande non servie par des offres situées dans la zone de 40 euros par mois, qui correspond au prix de l'offre premium de GCP. Cette partie de la demande, qui apparaît pour des offres situées dans la zone de prix comprise entre 10 et 15 euros par mois, serait pénalisée par le gel des droits du Top 14 pendant les cinq prochaines années au profit de GCP, ce qui constituerait un dommage grave aux consommateurs.
247. Ce dommage serait immédiat à compter de la saison 2014/2015 et perdurerait pendant les cinq saisons concernées par l'exécution du contrat.
c) En ce qui concerne beIN Sports
248. beIN Sports fait valoir que les pratiques dénoncées portent gravement atteinte à ses intérêts, dans la mesure où, en l'excluant pour cinq ans du marché de l'acquisition des droits du Top 14, elles l'empêcheraient de se développer en limitant ses possibilités de faire croître sa base d'abonnés, ce qui pourrait conduire à un affaiblissement durable de sa capacité à continuer d'exercer une pression concurrentielle sur le marché de la télévision payante, voire à une sortie à terme de ce marché (162).
249. La LNR conteste l'existence d'une atteinte grave à beIN Sports, et soutient que cet opérateur ne fait valoir qu'une perte de chance, dans la mesure où il était en tout état de cause hypothétique qu'il obtienne tout ou partie des lots si l'appel à candidatures lancé le 2 décembre 2013 avait été mené jusqu'à son terme.
250. La LNR fait également valoir que les droits du Top 14, bien que très attractifs, ne sont pas indispensables à une chaîne sportive premium et que beIN Sports a vu sa base d'abonnés continuer à augmenter même après l'attribution de ces droits à GCP en janvier 2014, notamment grâce aux bons résultats de la campagne d'abonnements menée à l'occasion de l'attribution des droits des compétitions de football, ce mouvement s'étant renforcé avec la diffusion de la Coupe du monde de football, en juin et juillet 2014.
251. GCP développe des arguments identiques et considère que le fait que beIN Sports n'ait pas pu acquérir les droits du Top 14 ne l'empêche pas de continuer à se développer normalement, grâce à son important portefeuille de droits sportifs. Il indique que la crédibilité de beIN Sports en tant qu'acquéreur de droits audiovisuels est désormais bien assise, que cette société a apporté la preuve qu'il n'existe actuellement pas de barrières à l'entrée insurmontables sur le marché français et qu'elle conserve un important potentiel de développement, comme le montre la croissance de ses abonnements.
252. Mais la circonstance que beIN Sports continue de se développer par ses mérites propres ne signifie pas qu'une pratique anticoncurrentielle n'est pas susceptible de lui causer un dommage grave. Selon une pratique décisionnelle constante, une pratique d'éviction peut avoir pour objet et pour effet de retarder l'entrée d'un concurrent sur le marché et être condamnable à ce titre, quand bien même ce concurrent verrait ses parts de marché progresser. Il n'est donc pas nécessaire de constater une baisse des parts de marché du saisissant ou d'identifier un risque de sortie prochaine du marché pour démontrer l'existence d'un dommage grave.
253. Ainsi, le Conseil de la concurrence a prononcé des mesures conservatoires concernant des pratiques commises sur des marchés dont l'ouverture à la concurrence était imminente et où un opérateur historique retardait la remise en cause de son monopole par les opérateurs alternatifs (163).
254. De même, dans le secteur pharmaceutique, des laboratoires ont pu être condamnés pour avoir retardé l'arrivée des médicaments génériques concurrents du médicament princeps dont le brevet avait expiré, alors même que les parts de marché de ces génériques progressaient, mais moins vite qu'elles n'auraient pu le faire en l'absence de pratiques anticoncurrentielles (164).
255. Bien au contraire, c'est lorsqu'un nouvel entrant est dans une phase d'installation, qui constitue une période décisive, que le jeu de la concurrence par les mérites doit être préservé. En l'espèce, l'Autorité de la concurrence a considéré que la pérennité de la présence d'un nouvel entrant sur le marché de la télévision payante dépend de sa capacité de mettre assez rapidement en place une activité rentable : " le fait pour un nouvel entrant de subir des pertes dans la phase initiale de développement de son offre sur un marché n'est pas une situation anormale à condition de s'inscrire dans une perspective économique à l'issue de laquelle l'opérateur peut envisager d'atteindre un équilibre économique " (165).
256. C'est également ce qu'a relevé le tribunal de commerce de Nanterre dans son jugement du 18 juin 2014 rejetant l'ensemble des demandes de GCP à l'encontre de beIN Sports (166).
257. Dans ce contexte, les droits du Top 14 apparaissent, pour beIN Sports, comme un relais de croissance important, susceptible de conforter son statut de chaîne premium capable de continuer à recruter de nouveaux abonnés et de fidéliser les abonnés existants. Le CSA indique ainsi, dans son avis, que : " Parmi les droits les plus attractifs qui n'ont jamais été diffusés sur les chaînes beIN Sports, le Conseil ne dispose pas, à l'heure actuelle, d'informations sur la remise sur le marché en 2014 de droits premium dont l'attractivité serait comparable au Top 14, dans des disciplines autres que le football " et estime qu' " il apparaît que les perspectives de développement du portefeuille de droits sportifs premium des chaînes beIN Sports sont limitées, à brève échéance " (167).
258. À cet égard, il faut tenir compte du fait que le dernier appel à candidatures organisé par la LNR pour la vente des droits du Top 14 a été organisé au début de 2011, à un moment où beIN Sports n'était pas encore active sur le marché. L'appel d'offres de 2013 représentait donc la première possibilité, pour beIN Sports, d'acquérir tout ou partie des droits de cette compétition.
259. Les arguments consistant à relever le dynamisme actuel de beIN Sports pour conclure à l'absence d'atteinte grave à cette société doivent donc être écartés.
260. S'agissant de l'immédiateté de l'atteinte, les développements exposés ci-dessus pour démontrer l'atteinte immédiate au secteur peuvent être transposés à l'atteinte portée à la société beIN Sports, principal opérateur de ce secteur après GCP et seule concurrente déclarée de GCP pour l'attribution des droits du Top 14.
261. Toutefois, GCP et la LNR soutiennent que le dommage éventuel à beIN sports n'est pas immédiat puisque leur contrat de 2011 devait se poursuivre jusqu'à la saison 2015/2016 et que, si ce contrat s'était poursuivi jusqu' à son terme, les droits du Top 14 n'auraient pas été disponibles avant cette date. Elles considèrent donc que l'immédiateté de l'atteinte doit s'apprécier en comparant la situation de beIN Sports en présence de l'accord contesté avec celle qui aurait résulté de la poursuite de l'accord de 2011.
262. Mais le scénario contrefactuel utilisé par les parties en défense pour démontrer l'absence de dommage immédiat est contredit par les déclarations de la LNR elle-même, qui avait exclu de laisser le contrat aller à son terme comme cela a été indiqué plus haut. Le seul contrefactuel pertinent est donc la situation qui aurait résulté d'un appel d'offres qui serait allé à son terme. Dans cette hypothèse, beIN Sports n'aurait certes eu aucune garantie d'emporter tout ou partie des lots mis en vente, mais aurait disposé d'une possibilité de les obtenir et n'aurait pu être écarté de ce marché pour cinq mais seulement pour quatre ans dans l'hypothèse où elle n'aurait gagné aucun lot.
263. À titre subsidiaire, GCP et la LNR ont confirmé, de manière concordante par leurs déclarations lors de la séance, qu'il avait été exclu, lors des négociations de l'automne 2013, de réévaluer le prix payé pour le Top 14 pour les deux dernières saisons d'exécution du contrat de 2011 au niveau demandé par la LNR sans que GCP obtienne en contrepartie une prolongation de son exclusivité de trois ans par un nouveau contrat, cette durée étant considérée comme nécessaire pour amortir l'investissement consenti. Les deux volets du projet d'accord, à savoir la réévaluation au titre des deux dernières années et la prolongation de trois ans, doivent être considérés comme formant un tout indivisible. Cela renforce encore le caractère irréaliste du scénario contrefactuel basé sur l'exécution jusqu'à son terme de l'accord de 2011 avec un maintien du prix initial, ce que la LNR a fermement exclu, ou avec une réévaluation du prix pour les deux dernières années sans prolongation de l'exclusivité, ce que les deux cocontractants ont également exclu.
264. Au regard de ces éléments, il convient de constater que les pratiques en cause sont de nature à causer une atteinte grave et immédiate à beIN Sports.
d) Sur le lien de causalité entre les faits dénoncés et l'atteinte
265. L'entente dénoncée, consistant à attribuer aux termes d'un accord de gré à gré exclusif et discriminatoire les droits d'une compétition attractive pour une durée longue de cinq années, est directement à l'origine de l'obstacle mis au libre exercice du jeu concurrentiel sur le marché de la télévision payante et du dommage grave et immédiat au secteur, aux consommateurs et à l'entreprise plaignante.
2. SUR LES MESURES CONSERVATOIRES
266. Il résulte de ce qui précède que les trois conditions cumulatives posées par le deuxième alinéa de l'article L. 464-1 du code de commerce pour le prononcé de mesures conservatoires sont remplies.
267. Aux termes du troisième alinéa du même article, ces mesures conservatoires " peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ".
a) Sur les mesures conservatoires demandées par beIN Sports
268. beIN Sports demande à l'Autorité de la concurrence de prononcer les mesures suivantes :
- enjoindre à GCP et à la LNR de suspendre l'exécution de l'accord qu'ils ont conclu ;
- enjoindre à GCP de s'abstenir de toute communication afférente à cet accord, notamment à des fins d'utilisation publicitaire ou commerciale ;
- ordonner la publication d'un extrait de la décision préalablement soumis à l'agrément de l'Autorité de la concurrence, dans un quotidien national.
269. GCP et la LNR estiment que de telles mesures sont disproportionnées.
270. GCP fait valoir qu'elle a, depuis l'annonce de l'attribution des droits, effectué une communication commerciale importante vis-à-vis de ses abonnés et prospects au sujet du Top 14. GCP soutient que, si elles étaient prononcées, les mesures conservatoires demandées par beIN Sports créeraient une confusion dans l'esprit des consommateurs et perturberaient l'exécution de nombreux contrats d'ores et déjà conclus par GCP.
271. Le commissaire du Gouvernement s'est déclaré favorable à ce que des mesures conservatoires soient prononcées, mais a également considéré que la date du dépôt de la saisine et les délais inhérents au débat contradictoire ne permettaient pas de remettre en cause l'attribution des droits à GCP pour la saison 2014/2015. Il a observé que le calendrier permet, au mieux, d'envisager une nouvelle attribution des droits à compter de la saison 2015/2016. En effet, l'expérience montre qu'un appel d'offres devrait être organisé avant la fin de l'année 2014 pour une décision d'attribution en janvier 2015, alors 51 qu'une décision octroyant des mesures conservatoires pourrait ne devenir définitive qu'en septembre 2014, en cas de recours (168).
272. De même, dans son avis, le CSA estime qu'il convient d'être attentif à ce que les éventuelles mesures conservatoires prononcées ne perturbent pas de façon excessive le déroulement de la saison à venir. Il indique ainsi que " dans l'hypothèse où l'Autorité de la concurrence déciderait de prononcer des mesures conservatoires, il importera de s'assurer de l'absence de fragilisation de la situation financière des clubs et de détérioration des conditions de diffusion des rencontres qui viendrait pénaliser les téléspectateurs, de tenir compte des contraintes d'organisation du Top 14, tout en permettant à la société beIN Sports France de se porter candidat, dans un délai raisonnable, à l'attribution des droits de diffusion du Top 14 " (169).
273. Pour l'ensemble des raisons ainsi exposées, et au regard du fait qu'une compétition sportive dont les rencontres se déroulent toutes les semaines sur une période de dix mois doit être considérée comme un ensemble indissociable, l'impératif d'urgence doit être concilié avec les particularités des droits sportifs pour lesquels une interruption du contrat de diffusion en cours de saison peut causer des dommages sérieux aux diffuseurs, aux clubs et aux consommateurs. Le respect du principe de proportionnalité doit donc conduire à envisager des mesures tenant compte du calendrier des compétitions sportives et dont la prise d'effet ne peut, en pratique, s'inscrire que dans les périodes de transition entre chaque saison sportive.
274. La remise en cause de l'attribution des droits à GCP au titre de la saison 2014/2015 et la mise en œuvre d'une nouvelle procédure d'attribution après le début de cette saison seraient matériellement très difficiles et, en toute hypothèse, porteraient une atteinte disproportionnée à GCP, aux intérêts de la LNR, à ceux des clubs qu'elle représente et aux consommateurs qui ont déjà souscrit des abonnements. Il convient donc d'écarter la remise en cause de l'accord contesté au titre de sa première année d'exécution.
b) Sur les mesures conservatoires nécessaires
275. Aux termes de l'article L. 464-1 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut " prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires ". Elle n'est donc pas liée par les mesures demandées par la partie saisissante, et dispose de la faculté de prononcer toute autre mesure qui lui apparaîtrait nécessaire et proportionnée.
Sur le caractère nécessaire de la neutralisation immédiate des effets du contrat
276. Si le calendrier de la procédure ne permet plus de remédier aux effets du contrat pour la première année, il reste nécessaire de neutraliser au plus vite ses effets au titre des autres saisons concernées afin de prévenir une atteinte durable au jeu concurrentiel. En effet, laisser le contrat se poursuivre pour plusieurs saisons, voire jusqu'à son terme compte tenu des possibilités de recours, expose au risque de rendre une décision au fond après que les pratiques auront produit leurs effets sur le marché, tout en laissant, dans l'intervalle, planer une incertitude sur la validité des contrats en cours, ce qui pourrait perturber la gestion des clubs bénéficiaires de la cession des droits d'exploitation audiovisuelle.
277. Dans des circonstances semblables, concernant les droits de la Ligue 1 (football), le Conseil de la concurrence a considéré, dans sa décision n° 03-MC-01 (170), qu'il était nécessaire et proportionné de prendre une mesure aboutissant à suspendre les effets de la décision d'attribution des droits d'exploitation audiovisuelle de cette compétition jusqu'à l'intervention de la décision sur le fond, dès lors que le calendrier permettait l'organisation d'un nouvel appel d'offres.
Sur l'urgence
278. Le troisième alinéa de l'article L. 464-1 du code de commerce dispose que les mesures conservatoires adoptées " doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence ". En l'espèce, dès lors qu'il est exclu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, d'adopter des mesures ayant pour effet de modifier les conditions de diffusion de la saison 2014-2015 du Top 14, avant le début de cette saison ou durant son déroulement, la prochaine fenêtre d'intervention pour les mesures conservatoires se situe entre la fin de la saison 2014-2015 et le début de la saison 2015-2016.
279. Dans cette perspective, l'urgence est avérée. En effet, la préparation et le déroulement d'un appel à candidatures pour la cession des droits d'exploitation audiovisuelle d'une compétition sportive s'étendent sur plusieurs mois. Dès lors que la restauration du jeu concurrentiel doit être effective pour les droits des saisons 2015-2016 et suivantes, la préparation du nouvel appel à candidatures par la LNR doit commencer sans tarder, afin de permettre le déroulement de la prochaine procédure d'attribution des droits dans des conditions satisfaisantes pour l'ensemble des parties concernées. Ces préparatifs se dérouleraient ainsi à l'automne 2014, afin d'aboutir à une attribution des droits avant le 31 janvier 2015, afin de permettre aux diffuseurs de prendre leurs dispositions en fonction du périmètre des droits acquis (confection de la grille de programmes, recrutements de présentateurs et de commentateurs, conclusion de contrats avec les sociétés produisant les images des matches).
Sur les objections soulevées par GCP
280. Lors de la séance, les représentants de GCP ont fait valoir que la mesure consistant dans la limitation à la saison 2014/2015 de la durée de l'accord conclu, était sans précédent et constituerait une immixtion disproportionnée dans les relations contractuelles des sociétés mises en cause. Les représentants de GCP ont indiqué que, dans les précédentes décisions prises par le Conseil de la concurrence dans le cadre de mesures conservatoires, les injonctions consistant dans la limitation de la durée des contrats étaient toujours intervenues avant que ceux-ci ne soient signés.
281. Ces déclarations reposent sur une analyse erronée de la pratique décisionnelle du Conseil et de l'Autorité de la concurrence. L'article 2 de la décision n° 07-MC-05 comportait une injonction faite à la société TDF et ainsi libellée : " Dans l'hypothèse où certains contrats auraient déjà été signés à la date de la notification de la présente décision, il est enjoint à TDF de proposer aux radios concernées de signer un nouveau contrat d'une durée d'un an annulant celui précédemment signé ". Il résulte donc des termes mêmes de cette injonction qu'elle concernait également expressément des contrats déjà signés à la date de la décision. Ce constat contredit donc les affirmations des représentants de GCP en séance.
282. De même, dans la décision n° 06-MC-01 (171), les contrats et protocoles en cause avaient été signés le 30 juin 2005, mais ils n'avaient pas encore reçu de commencement d'exécution, comme l'a relevé la Cour d'appel dans son arrêt confirmatif (172). De même, dans la décision n° 06-MC-02 (173), l'injonction prononcée concernait également des contrats déjà formés. Enfin, dans la décision n° 08-MC-01 du 17 décembre 2008 relative au contrat d'exclusivité passé entre les sociétés Orange et Apple pour la distribution du terminal téléphonique i Phone, la commercialisation des téléphones avait commencé au moment de la décision et Orange avait même mentionné, lors de la séance, le nombre de 300.000 téléphones vendus. Le contrat dont la suspension a été ordonnée était donc bien en cours d'exécution. À ce titre encore, les affirmations des représentants de GCP en séance sont erronées.
283. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qui a été affirmé en séance par les représentants de GCP, la pratique décisionnelle du Conseil et de l'Autorité, confirmée par la cour d'appel de Paris, comporte bien plusieurs précédents de mesures conservatoires consistant dans des injonctions de limiter dans le temps la durée de contrats déjà signés, ou de suspendre leur exécution jusqu'à l'intervention de la décision au fond, étant précisé que le 3ème alinéa de l'article L. 464-1 du code de commerce précise que les mesures conservatoires " peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ".
284. Dans le cas d'espèce et compte tenu du calendrier spécifique de la diffusion d'une compétition sportive, il apparaît donc nécessaire et proportionné :
- d'enjoindre à la Société d'Édition de Canal+, à la Société Groupe Canal Plus et à la LNR de suspendre l'accord conclu le 14 janvier 2014 à l'issue de la diffusion de la saison 2014/2015 du Top 14 ;
- d'enjoindre à la LNR de procéder à une attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 pour la saison 2015/2016 et les saisons suivantes, dans les meilleurs délais et en toute hypothèse avant le 31 janvier 2015, qui sera effectuée à l'issue d'une procédure de mise en concurrence transparente, non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée ;
- d'enjoindre à la Société d'Édition de Canal+, à la société Groupe Canal Plus de cesser, dès la notification de la présente décision, toute communication, qu'elle soit externe ou dirigée vers leurs abonnés, relative à l'attribution pour les cinq prochaines saisons des droits du Top 14 jusqu'à la saison 2018-2019.
DÉCISION
Article 1er : Il est enjoint à la Société d'Édition de Canal+, à la Société Groupe Canal Plus et à la Ligue nationale de rugby de suspendre l'accord conclu le 14 janvier 2014 à l'issue de la diffusion de la saison 2014/2015 du Top 14.
Article 2 : Il est enjoint à la Ligue nationale de rugby de procéder à une nouvelle attribution des droits d'exploitation audiovisuelle du Top 14 au titre de la saison 2015/2016 et des saisons suivantes, dans les meilleurs délais et au plus tard avant le 31 janvier 2015, à l'issue d'une procédure transparente, non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée.
Article 3 : Il est enjoint à la Société d'Édition de Canal+ et à la Société Groupe Canal Plus de cesser, dès la notification de la présente décision, toute communication, qu'elle soit externe ou dirigée vers leurs abonnés, relative à l'attribution exclusive pour les cinq prochaines saisons des droits du Top 14 jusqu'à la saison 2018/2019.
Délibéré sur le rapport oral de Mme Patricia Basset et de M. Antoine Errera, rapporteurs, et l'intervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, par M. Thierry Dahan, vice-président, président de séance, Mme Pierrette Pinot et M. Philippe Choné, membres.
Notes :
1 Avis n° 2014-8, cotes 12645 à 12664 (VC) / 12669 à 12687 (VNC).
2 Cote 11012 (VC).
3 Cotes 11012 (VC).
4 Cotes 14886 et 14887 (VNC).
5 Cote 10997 (VC).
6 Cote 10983 (VNC).
7 Les chaines sportives beIN Sports ne sont pas disponibles sur la TNT, l'attribution de fréquences TNT ne pouvant se faire qu'au profit d'éditeurs français.
8 Initialement fixé à 11 euros, le prix public conseillé a augmenté de 1 euro en mai 2014.
9 Cote 10974 (VNC).
10 Cote 2627 (VC), 14888 (VNC).
11 Cotes 2628 (VC), 14885 (VNC).
12http://www.vivendi.com/wp-content/uploads/2014/02/20140225_Rapport_financier_et_Etats_financiers_consolides_audites_de_l-exercice_2013.pdf
13 Cotes 1346 (VC), 2788 (VNC).
14 http://www.canalplusgroupe.com/distribution.html
15 http://www.canalplusgroupe.com/distribution.html
16 http://www.vivendi.com/wp-content/uploads/2014/02/20140225_Rapport_financier_et_Etats_financiers_consolides_audites_de_l-exercice_2013.pdf et http://www.vivendi.com/wp-content/uploads/2014/04/201404014_Document_de_reference_2013_FR.pdf, page 16
17 Rapport annuel de SECP pour l'exercice 2013, http://actionnaires.canalplus.fr/uploads/news/news_2149.pdf
18 Cotes 10439 (VC), 14947 (VNC).
19 Cote 4083 (VNC).
20 Cotes 4959 à 4978 (VC).
21 Cotes 1764 (VC) / 14941 (VNC).
22 Ibid.
23 Ibid.
24 Cotes 14941, 15021 et 15022 (VNC).
25 Cote 7727 (VNC).
26 C2006-02 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 30 août 2006, aux conseils de la société Vivendi Universal, relative à une concentration dans le secteur de la télévision payante, engagement 14, page 102 et cote 3039 (VNC).
27 Cote 14997 (VNC).
28 Ibid.
29 Cotes 3079 (VNC) et 14998 (VNC).
30 Cotes 3079 (VNC), 3080 (VNC), 2596, paras 15 et 16 (VNC).
31 Cotes 3079 (VNC), 2595, para 5, et 14998 (VNC).
32 Cote 14998 (VNC).
33 Cotes 1641 (VC)/ 3079 (VNC), 5225 à 5228 (VC) et 5362 (VC) /14998 (VNC).
34 Cote 3079 (VNC).
35 Cotes 5181 à 5201 (VC).
36 Cotes 1319, para 19 (VNC), 5182 et 5183 (VC).
37 Cotes 5203 à 5223 (VC).
38 Cotes 8209, 8210 et 8211 (VNC).
39 Cote 1318, para 18 (VNC).
40 Cotes 5157 (VC) et 3042 (VNC).
41 Cote 4247 (VNC).
42 Cotes 279 à 456 (VNC) et 1320 et 1321, paras 27 à 36 (VNC).
43 Cote 3027 (VNC).
44 Cotes 3029 et 3030 (VNC).
45 Cotes 3032 à 3034 (VNC).
46 Cotes 5173, 5174, 5176 et 5177 (VNC).
47 Cote 5179 (VNC).
48 Cotes 3036 à 3054 (VNC).
49 Cote 1321, para 37 (VNC).
50 Cotes 3067 à 3105 (VNC).
51 Cotes 3106 à 3140 (VNC).
52 Cotes 5359 à 5382 (VC) / 14996 à 15015 (VNC).
53 Cote 1321, para 37 (VNC).
54 Cotes 1321 et 1322, para 41 (VNC).
55 Cotes 8203 et 8204 (VNC).
56 Cote 4472 (VNC).
57 Cotes 443 (VNC) et 4470 (VNC).
58 Cote 1322, para 44 (VNC).
59 Cote 8204 (VNC).
60 Cotes 1324, para 58 (VNC) et 2596, para 17 (VNC).
61 Cotes 5394 à 5396.
62 Cotes 5395 (VNC), 5407 (VC), 8195 (VNC).
63 Cote 5395 (VNC).
64 Cotes 5396 (VNC) et 8195 (VNC).
65 Cotes 1324 et 1325, paras 59 à 62 (VNC).
66 Cotes 5409 à 5507 (VC).
67 Cotes 236 à 239 (VNC).
68 Cotes 46 à 49 (VNC).
69 Cotes 59 à 60 (VNC).
70 Cote 432 (VNC).
71 Cote 437 (VNC).
72 Cote 218 (VNC).
73 Cotes 53 à 58 (VNC).
74 Cotes 12328 et 12329 (VNC).
75 Cotes 11960, 11961 et 11963 (VNC)
76 Cotes 14382 et 14383 (VNC).
77 Voir notamment les décisions du Conseil de la concurrence n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Bouygues Télécom Caraïbe, n° 04-D-51 du 4 novembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Lastminute.com et n° 01-MC-07 du 21 décembre 200 1relative à une demande de mesures conservatoires de la société Kosmos.
78 Arrêt de la cour d'appel de Paris (1re chambre, section H) en date du 12 février 2004 relatif au recours formé par la SARL Société auxiliaire pour l'exploitation des marchandises transports de presse (SAEM), la SARL société Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP) contre la décision no 03-MC-04 (*) rendue le 22 décembre 2003 par le Conseil de la concurrence relative à une demande de mesures conservatoires présentées par la société les Messageries lyonnaises de presse.
79 Lettre du ministre de l'économie n° C2006-02 précitée et décisions de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-100 du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi et Groupe Canal Plus, para 69, et n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, para 92.
80 Lettre du ministre de l'économie n° C2006-02 précitée et décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB), para 71, n° 12-DCC-100, para 70, et n° 14-DCC-50, para 94, précitées.
81 Décision de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-100, para 70, précitée.
82 Lettre du ministre de l'économie n° C2006-02 précitée et décision de l'Autorité de la concurrence n°12-DCC-100, para 78, précitée.
83 Aujourd'hui dénommée " Europa League ".
84 Décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative au respect des engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus, paras 87 et 95 et n° 14-DCC-50, précitée.
85 Cotes 41 à 43 (VNC).
86 Cotes 11928 à 11941 (VNC) et 11176 à 11178 (VNC).
87 Cotes 12315 à 12320 (VNC).
88 Cotes 12672 à 12674 (VNC).
89 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.2876 du 2 avril 2003, Newscorp/Telepiù, paras 70 et 71.
90 Décision de la Commission n° 2003/778/CE du 23 juillet 2003, point 57.
91 Ibid, point 58.
92 Cote 14929 (VNC).
93 Cotes 10476 (VC) / 14953 (VNC)
94 Cotes 1729 à 1731 (VC) / 14923 à 14925 (VNC).
95 Cote 14931 (VNC).
96 Cotes 1738 (VC) / 14933 (VNC).
97 Cotes 10494 (VC) / 14955 (VNC).
98 Cote 5679 (VC).
99 Cotes 1739 (VC) / 14935 (VNC).
100 Cote 2795 (VNC).
101 Cotes 732 à 740 (VNC).
102 Sont désignés sous le terme de " primo-accédants " les foyers qui n'étaient auparavant pas abonnés à une offre de télévision payante.
103 Cotes 1303 et 1304, paras 18 et 23 (VNC).
104 Cotes 5601, 5605 et 5610 (VC).
105 Cotes 5739, 5745 et 5746 (VC).
106 Cotes 1725 à 1727 (VC) / 14920 et 14921 (VNC).
107 Cote 5582 (VNC).
108 Cotes 5795 et 5807 (VNC).
109 Cote 5822 (VNC).
110 Cote 14905 (VNC).
111 Cote 2599, para 32 (VNC).
112 Cote 14901 (VNC).
113 " Le million pour Toulouse-Racing Metro ", L'Equipe, 10 mai 2014, " Un record de plus ", L'Equipe, 17 mai 2014, " Finale : Carton d'audience pour Toulon-Castres ", www.rugby365.fr, 1er juin 2014, " Un Top 14 au top ", L'Equipe, 5 mai 2014.
114 " Un Top 14 au top ", L'Equipe, 5 mai 2014.
115 Article paru dans www.rugby365.fr le 1er juin 2014 " Finale : Carton d'audience pour Toulon-Castres ", http://www.rugby365.fr/top-14/finale-carton-d-audience-pour-toulon-castres-1136774.shtml
116 Cote 2574 (VNC).
117 Cote 1356 (VNC).
118 Cotes 14959 à 14961 (VNC).
119 Cote 14957 (VNC).
120 http://www.leparisien.fr/tv/droits-tv-roland-garros-sur-france-televisions-jusqu-en-2018-03-03-2014-3639681.php
121 http://www.lequipe.fr/Medias/Actualites/Canal-vs-bein-sports-ca-repart/457586
122 http://television.telerama.fr/television/tf1-diffusera-la-coupe-du-monde-de-rugby-2015,104751.php#dztgIeRI5Hu0AmUw.99
123 Cotes 1412 à 1429 (VC) et 11099 (VC) / 14957 (VNC).
124 Cotes 1764 (VC) / 14941 (VNC).
125 http://www.lematin.ma/journal/-/195036.html
126 " Médias : Canal Plus a cassé sa tirelire pour la Premier League ", www.sport.tv, 16 février 2013.
127 Cote 12674 (VNC).
128 Cote 12673 (VNC)
129 Décision de la Commission du 23 juillet 2003, 2003/778/CE, précitée, point 64.
130 Cote 12674 (VNC).
131 Décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100, para 80, précitée.
132 Lettre du ministre de l'économie n° C2006-02, précitée.
133 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100, paras 87 à 89, précitée.
134 Lettre du ministre de l'économie n° C2006-02, précitée et décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-15, para 82, précitée.
135 Décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100, para 116, et 14-DCC-15, para 90, précitées.
136 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-15, para 105, précitée.
137 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-50, paras 119 et s et 348 et s, précitée.
138 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100, paras 232 à 237, précitée.
139 Cotes 10439 (VC) / 14947 (VNC).
140 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100, paras. 422 à 437 et 560, précitée.
141 Cote 12675 (VNC).
142 Cotes 5176 et 5177 (VNC).
143 Cote 12337 (VNC).
144 Cotes 11961 et 11962 (VNC).
145 Voir, notamment, arrêts de la CJUE du 12 juillet 1962, Acciaierie Ferriere e Fonderie di Modena/Haute Autorité, 16/61, Rec. p. 547, 576 et 581, et Musique Diffusion française e.a./Commission [...] paras 90 et100) et arrêt du TPUE du 15 mars 2000, T-25/95, Cimenteries CBR SA, para 2557.
146 Cotes 443, 4470 et 4472 (VNC).
147 TUE, 17 juillet 1998, ITT Promedia NV, aff. T-111/96, Rec. P.II-2937.
148 Cote 2597, para 19 (VNC).
149 Cote 5179 (VNC).
150 Cotes 11337 à 11340 (VNC) et 11962 et 11963 (VNC).
151 Voir notamment les décisions de la Commission européenne du 23 juillet 2003, COMP/C.2-37.398, Joint Selling of the commercial rights of the UEFA Champions League, du 19 janvier 2005, n° COMP/C-2/37.214, Joint selling of the media rights to the German Bundesliga, para 23, et du 22 mars 2006, n°COMP/C-2/38.173, Joint Selling of the media rights to the FA Premier League.
152 Décision du Conseil de la concurrence n° 03-MC-01 du 23 janvier 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par la société TPS, para 41.
153 Paras 383 et 388.
154 Point 187.
155 Le groupe 21st Century Fox détient 39 % de BSkyB, dont elle est le premier actionnaire, 100 % de Sky Italia et 57 % de Sky Deutschland. Le 12 mai 2014, BSkyB a annoncé avoir engagé des négociations avec la 21st Century Fox en vue de racheter les participations de cette dernière dans Sky Italia et Sky Deutschland. Les Échos, TV payante : Murdoch veut regrouper ses forces en Europe, 13 mai 2014.
156 Avis n° 2014-8 du CSA en date du 23 mai 2014, cote 12 662.
157 Cote 11 221
158 http://www.canalplusgroupe.com/uploads/pressRelease/press_release_967.pdf .
159 Point 83
160 Point 87
161 Cour d'appel de Paris, arrêt du 9 mai 2006, concernant la décision du Conseil n° 06-MC-01, p. 7.
162 Cotes 79 et 80 (VNC).
163 Voir notamment la décision n° 07-MC-01 du 25 avril 2007 relative à une demande de mesures conservatoires de la société KalibraXE.
164 Voir par exemple, à cet égard, la décision n° 13-D-11 du 14 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique (appel pendant).
165 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100, précitée, paras 383 et 388.
166 Jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 18 juin 2014, Société d'édition Canal Plus - Société Groupe Canal+ c/ beIN Sports France, Aff. 2013F02859.
167 Avis n° 2014-8 du CSA en date du 23 mai 2014, cote 12 661 (VC), 12 684 (VNC).
168 Aux termes du premier alinéa de l'article L. 464-7 du code de commerce, " La décision de l'Autorité prise au titre de l'article L. 464-1 peut faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause et le commissaire du Gouvernement devant la cour d'appel de Paris au maximum dix jours après sa notification. La cour statue dans le mois du recours ".
169 Avis n° 2014-8 du CSA en date du 23 mai 2014, cote 12 663 (VC), 12 687 (VNC).
170 Décision n° 03-MC-01 du 23 janvier 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par la société TPS.
171 Décision n° 06-MC-01 du 23 février 2006 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés les Messageries Lyonnaises de Presse.
172 Cour d'appel de Paris, arrêt du 9 mai 2006, p. 7 : " Considérant [...] qu'il importe peu que, le protocole et son avenant n'ayant pas été appliqués, les effets anticoncurrentiels d'une telle clause n'aient pas été constatés en fait, dès lors qu'une mesure conservatoire peut être prononcée pour prévenir une atteinte lorsque celle-ci doit être considérée comme certaine, ce qui est le cas en l'espèce ".
173 Décision n° 06-MC-02 du 27 juin 2006 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la commune de Bouc Bel Air.