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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 décembre 2014, n° 13-08241

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Orange (SA), France Telecom (Sté)

Défendeur :

Malmezat-Prat (ès qual.), Aquitaine Câblage Dépannage Téléphonique 33 (Sté), Aquitaine Câblage Dépannage Téléphonique Informatique 22.47 (Sté), Aquitaine Câblage Dépannage Téléphonique Informatique 40.64 (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

M. Birolleau, M. Douvreleur

Avocats :

Me Eslami Nodouchan, Tobolski, Grappotte-Benetreau, Thiery, Mounier

T. com. Bordeaux, du 18 janv. 2013

18 janvier 2013

Faits et procédure

La société France Telecom, aux droits de laquelle vient la société Orange, a conclu le 24 mars 2006 un contrat avec la société Aquitaine Cablage Dépannage Téléphonique (ci-après la société ACDTI), créée par M. Cartulat, un de ses anciens salariés, lui confiant des travaux de câblage, de pose et de dépose de jarretières dans les répartiteurs, dans le département de la Gironde ; conclu pour une durée de 12 mois à compter du 1er septembre 2006, il a reconduit par deux avenants pour une durée équivalente.

La société France Telecom va étendre les prestations commandées à des départements limitrophes et pour leur exécution M.Cartulat a constitué des filiales, notamment les sociétés ACDTI 24-47 et ACDTI 40-64 auxquelles la société ACDTI 33 en sous traitera l'exécution.

Cinq autres avenants seront conclus entre la société France Telecom et la société ACDTI modifiant les modalités d'exécution et le dernier en date du 23 juin 2009 prorogeant l'accord cadre pour une durée de 29 mois à compter du 1er janvier 2008 et jusqu'au 31 mai 2011 selon un calendrier fixé département par département.

Le 1er avril 2009 les sociétés ACDTI 33, ACDTI 24-47 et ACDTI 40-64 ont fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire, la SELARL Malmezat-Prat étant désignée en qualité de mandataire liquidateur. Le 20 janvier 2010, la société ACDTI 40-64 a été mise en liquidation judiciaire ; les sociétés ACDTI 33, ACDTI 24-47 ont bénéficié d'un plan de redressement avant de faire l'objet le 29 juin 2011 d'un jugement de liquidation judiciaire.

C'est dans ces conditions que la SELARL Malmezat-Prat ès-qualités a fait assigner la société France Telecom faisant état d'une rupture brutale des relations commerciales et invoquant un préjudice subi par les trois sociétés précitées.

Par jugement du 18 janvier 2013, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté la société France Telecom de son exception d'incompétence et d'irrecevabilité,

- condamné la société France Telecom à payer à l'administrateur judiciaire des différentes sociétés ACDT la somme de 100 000 euro en réparation des préjudices résultant de la rupture sans préavis de relations anciennement établies,

- débouté les sociétés ACDTI de leurs autres demandes,

- débouté la société France Telecom de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société France Telecom à payer à l'administrateur judiciaire la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 23 avril 2013 par la société France Telecom aux droits de laquelle vient la société Orange.

Vu ses dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2014 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris à titre principal,

- constater l'absence d'intérêt à agir et le défaut de qualité à agir de l'administrateur de justice, en ce que venant aux droits des sociétés ACDT 24.47 et ACDT 40.64, au motif qu'il n'est pas parti au contrat en conséquence, déclarer son action et ses demandes irrecevables,

Subsidiairement,

- constater la validité de l'avenant du 23 juin 2009,

- constater l'absence de caractère brutal de la rupture des relations entre France Telecom et les sociétés ACDTI,

- constater l'absence de justification du montant du préjudice alloué à ces sociétés,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger qu'un préavis de 3 mois serait raisonnable pour calculer le préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies avec ACDT 33,

- porter à 2 mois un tel préavis pour le calcul du préjudice en résultant pour la société ACDT 24 .47,

En tout état de cause,

- condamner l'administrateur judiciaire à lui verser la somme de 15.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société France Telecom soutient que les sociétés ACDTI 24.47 et ACDTI 40.64 sont tiers au contrat cadre qui l'unit exclusivement à la société ACDT 33, que seule cette dernière lui facturait des prestations et que par conséquent les deux autres sont dénuées d'intérêt à agir.

La société France Telecom ajoute que l'administrateur judiciaire ne peut demander la solidarité de France Telecom pour le licenciement de salariés des sociétés ACDTI.

Subsidiairement, la société France Telecom affirme que la rupture n'avait pas de caractère brutal. En effet, la société France Telecom soutient avoir prorogé l'exécution du contrat, et avoir repoussé la date d'échéance du terme, en prévoyant que cet avenant, portant ladite prorogation, valait aussi notification de la rupture, et portait donc à 29 mois le délai de préavis. En conséquence, la société France Telecom soutient que la rupture n'était en aucun cas imprévisible.

Il est dès lors parfaitement inopérant selon elle de soutenir que le point de départ du préavis était la lettre du 6 mai 2011, cette lettre n'ayant pour objet que de rappeler l'accord des volontés intervenu lors de la signature de l'avenant près de deux ans auparavant.

Elle ajoute au surplus que la résiliation ne s'est pas effectuée d'un seul coup, mais a été progressive, et a concerné successivement les différents départements objets du contrat.

La société France Telecom ajoute par ailleurs que les sociétés ACDTI et leur administrateur, ne rapportent en aucun cas la preuve d'un quelconque préjudice, qu'ils fixent arbitrairement. Elle soutient que le préjudice ne peut se calculer forfaitairement, ce qui serait une atteinte au principe de réparation intégrale du préjudice, mais doit se faire sur la base des marges brutes annuelles des sociétés concernées.

A titre infiniment subsidiaire, la société France Telecom soutient que la durée totale des relations commerciales avec la société ACDTI 33 s'étend sur une période de 5 ans et 9 mois entre le 1er septembre 2005 et le 31 mai 2011. Elle affirme en tenant compte de cette durée et au regard de la jurisprudence en la matière qu'un préavis raisonnable de 3 mois maximum semble tout à fait suffisant. Concernant les autres sociétés ACDTI, France Telecom soutient qu'elles n'ont été créées respectivement que les 8 mars et 19 avril 2007, soit plus d'un an après la signature de ce contrat, et que dès lors un préavis de 2 mois serait raisonnable en l'espèce.

Vu les dernières conclusions des sociétés ACDTI et de la SELARL Malmezat-Prat ès-qualités, signifiées le 29 septembre 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- rejeter les demandes de la société France Telecom,

- confirmer partiellement le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux,

Statuant de nouveau, réformer le quantum,

- condamner la société France Telecom à une indemnité au titre de dommages et intérêts réévalués à la somme totale de 699 162,00 euro pour toutes les sociétés ACDT,

- réformer le jugement et condamner la société France Telecom à leur payer la somme de 292 967,37 euro correspondant au relevé de créance salariale,

- condamner la société France Telecom à verser à l'administrateur judiciaire la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SELARL Malmezat-Prat ès-qualités soutient être recevable à agir au nom des trois sociétés ACDTI, même si deux d'entre elles ne sont pas cocontractantes de la société France Telecom, l'action en réparation du préjudice, qui résulte de la rupture abusive du contrat initial par France Telecom, étant connexe à toutes les sociétés ACDTI. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'effet relatif du contrat n'interdit pas aux tiers de se prévaloir de la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils ne sont pas parties, dès lors que cette situation leur cause un préjudice qui justifie réparation. Elle soutient à cet effet, qu'en invoquant l'avenant au contrat cadre, la société France Telecom essaie de créer la confusion entre le renouvellement du contrat des sociétés ACDTI et la période de préavis suffisant pour éviter la brutalité de la rupture.

Elle soutient que la clause de l'avenant ne peut pas être considérée comme une telle clause, non seulement à raison de sa forme, mais aussi parce qu'elle ne correspond pas à l'essence même de l'objectif d'un préavis de rupture, qui est de permettre à un cocontractant de se réorganiser, a fortiori quand il est, comme dans le cas des sociétés ACDTI dans une situation de quasi-exclusivité car l'avenant litigieux contenait une clause limitant les possibilité de reconversion des sociétés ACDTI en retreignant leur possibilité de démarcher ou de contracter, à l'exclusion d'un cocontractant autorisé.

Elle soutient que le seul écrit communiquant aux sociétés ACDT la rupture du contrat est le courrier du 6 mai 2011 et qu'elle a donc bénéficié d'un préavis de 25 jours, qui est insuffisant et permet de caractériser la rupture de brutale et d'imprévisible. Compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales, l'administrateur judiciaire conclut qu'un préavis raisonnable doit être fixé à 2 mois par année de relation, soit un préavis en l'espèce compris entre 6 et 12 mois.

Sur la justification du préjudice, l'administrateur verse aux débats des attestations de divers experts comptables, et affirme que figurent au titre du préjudice réparable non seulement la perte de marge pendant la durée du préavis non respecté, mais aussi les préjudices résultant des procédures collectives et de la réduction des salariés. C'est la raison pour laquelle il demande de réformer le jugement en ce qu'il a retenu une indemnité forfaitaire pour la réparation de la rupture brutale et sans préavis des relations.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes des sociétés ACDTI

Considérant que la société France Telecom soutient que la SELARL Malmezat-Prat, venant aux droits des sociétés ACDTI 24-47 et ACDTI 40.64 n'a pas d'intérêt à agir dans la mesure où seule la société ACDTI 33 était partie au contrat cadre et qu'elle seule a facturé des prestations ;

Considérant que les sociétés ACDTI 24-47 et ACDTI 40.64 ont été créées par la société ACDTI 33 afin d'exécuter des prestations pour le compte de la société France Telecom sur les départements 24-47 et 40-64 ; que, bien que tiers au contrat, les sociétés ACDTI 24-47 et ACDTI 40.64 fondent leur demande de réparation sur l'existence d'un préjudice résultant du seul fait de la rupture brutale du contrat qui les a privées de l'activité découlant des relations commerciales liant la société France Telecom à la société ACDTI 33 ;

Considérant qu'elles sont recevables à demander réparation de leur préjudice personnel.

Sur la rupture des relations commerciales

Considérant que la SELARL Malmezat-Prat ès-qualités soutient que la rupture des relations commerciales a été brutale dans la mesure où la société France Telecom n'a jamais adressé la notification d'un préavis aux sociétés ACDTI 33 et ACDTI 24.47 et que s'agissant de la société ACDTI 40-64, elle lui a notifié par courrier du 15/09/09 qu'aucune activité ne lui serait plus confiée à partir du 01/10/09 ;

Considérant que la société France Telecom affirme que le contrat était à durée déterminée et qu'il prenait fin à la date fixée par les parties ;

Considérant que l'article L. 442-6 du Code de commerce dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels... ".

Considérant que, si le texte prévoit que le préavis doit donner lieu à un écrit, il ne formule nullement la forme que doit revêtir la notification du préavis ; que celui-ci a pour objet de faire connaître la volonté d'un cocontractant de rompre les relations commerciales avec son partenaire à compter d'une date précise permettant de fixer la date du préavis ainsi donné et de lui permettre de se réorganiser ;

Considérant que par un avenant n°5 au contrat cadre et portant sur la "durée du contrat ", les parties ont convenu que le contrat serait prolongé pour une durée de 29 mois jusqu'au 31 août 2011 dans les zones d'intervention selon le calendrier suivant :

1er octobre 2009 pour le département des Pyrénées Atlantiques

1er janvier 2010 pour celui des Landes

31 mai 2011 pour ceux de la Dordogne (24), de la Gironde (33) et du Lot et Garonne (47) ;

Que l'article 3 de cet avenant stipule "il est expressément convenu qu'au terme de cette date, aucune nouvelle prestation de travaux ne sera commandée au cocontractant dans le cadre du contrat " ; que l'article 4 ajoute que "Le présent avenant constitue un préavis de résiliation d'une durée suffisante et est par lui-même libératoire de toute indemnité " ;

Considérant que la société ACDTI fait valoir que ce délai ne peut constituer un délai de préavis dans la mesure où un préavis est destiné à permettre à l'entreprise subissant la rupture de se réorganiser, alors qu'en l'espèce l'article 5 limitait cette réorganisation puisqu'il stipulait qu "'il est expressément convenu que le cocontractant s'interdit de démarcher directement et/ou de signer des contrats et/ou des commandes auprès de toute entité, département, division, service ou filiale de France Telecom en dehors de la Group Sourcing and supply chain " ;

Considérant que le délai ainsi octroyé était privé de l'efficience recherchée par le législateur en ce qu'il était encadré par une interdiction de nature à entraver la liberté de réorganisation de la société ACDTI en restreignant son champ d'action ; que dans ces conditions il ne répond pas à la finalité d'un préavis et ne peut être qualifié comme tel ;

Considérant que, de plus, les échanges de courriels démontrent qu'il s'agissait d'un renouvellement de contrat et non d'un préavis de résiliation, la société France Telecom ayant reconnu par courrier du 10/02/2009 que le contrat arrivé à échéance s'était poursuivi et qu'il y avait lieu de contractualiser cette situation de fait ; que dans ces conditions l'avenant ne pouvait qualifier de façon rétroactive la nouvelle période contractuelle de préavis ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la commune intention des parties a été de prolonger le contrat cadre pour une durée de 29 mois ;

Considérant enfin que la société France Telecom n'ayant formulé aucun reproche à la société ACDTI au cours de leur relation commerciale, celle-ci pouvait espérer une nouvelle reconduction, nonobstant l'utilisation du terme préavis ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'article 5, celui-ci se seulement par prolongation des relations contractuelle résultant de la commune intention des parties et restreignant à l'occasion les conditions de démarchage de la société ACDTI ;

Considérant en conséquence que la société France Telecom a, par un courrier du 6 mai 2011 rappelé que le contrat prenait fin au 31/05/11, peu importe qu'elle ait à cette date rappelé le calendrier figurant à l'avenant n°5, celui-ci ne constituant pas un préavis mais une prolongation du contrat ; qu'il y a lieu, comme l'a fait le tribunal, de retenir ce courrier comme valant notification de la rupture et d'un préavis ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Considérant que les parties au contrat à savoir la société ACDTI 33 et la société France Telecom ont entretenu des relations commerciales depuis 2005, soit une durée de 5 ans et 9 mois ; que, si la SELARL Malmezat-Prat invoque un état de dépendance économique, il n'est pas démontré que l'activité développée à savoir le câblage l'imposait, d'autant qu'à l'occasion du plan de redressement dont a bénéficié la société ACDTI33 son dirigeant a fait état de la restructuration de ses sociétés et d'une diversification de leurs activités ; que la dépendance économique a donc été choisie par celui-ci ; que, dans ces conditions, il y a lieu, comme l'ont fait les premiers juges de fixer le délai de préavis dont aurait dû bénéficier la société ACDTI 33 à 3 mois ;

Sur le préjudice

Considérant que les premiers juges ont alloué une somme forfaitaire de 100 000euro en réparation des préjudices occasionnés aux trois sociétés.

Considérant que, si la Selarl Malmezat-Prat ès-qualités intervient pour les trois sociétés qui avaient le même dirigeant et qui sont toutes en liquidation judiciaire, les préjudices allégués doivent être appréciés individuellement, d'autant que seule la société ACDTI 33 était liée contractuellement avec la société France Telecom et que dès lors, pour elle, son préjudice s'apprécie au regard du préavis qui aurait dû lui être accordé et qui a été fixé à 3 mois ; que les deux autres sociétés n'étant pas dans un lien contractuel avec la société France Telecom, peuvent demander réparation d'un préjudice résultant de la faute commise par celle-ci et qui est donc de nature délictuelle.

Considérant que la SELARL Malmezat-Prat produit des éléments comptables mentionnant les chiffres d'affaires réalisés par chacune des trois sociétés au cours de la période de janvier 2008 à janvier

2010, la société ACDTI 33 ayant réalisé au cours de ces trois exercices un chiffre d'affaires moyen de 1 680 216,21 euro ; qu'elle produit une attestation de l'expert-comptable qui relève que s'agissant d'une activité de services, la marge "ce serait, à mon avis, la marge sur coûts salariaux (chiffre d'affaires moins le coût des salaires et charges sociales). Et dans le domaine des services, il est généralement constaté un taux de 50% du chiffre d'affaires. En d'autres termes le chiffre d'affaires est souvent égal à deux fois les coûts salariaux" ; que la rédaction de cette attestation présente un caractère hypothétique ; qu'elle ne fait aucunement mention de la marge brute réalisée par la société ACDTI 33 qui caractériserait l'existence d'un préjudice ;

Considérant que la marge brute s'apprécie au regard des seules prestations effectivement réalisées par la société cocontractante qui a subi la rupture ; qu'en l'espèce, si les prestations étaient facturées par la société ACDTI 33, la SELARL Malmezat-Prat fait état de ce que la société ACDTI 33 devait constituer la société holding du groupe ; que lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 1er avril 2009, le tribunal de commerce a relevé que l'activité déclarée était celle de prestations de services se rapportant à la comptabilité, à la gestion et au secrétariat ; que le jugement en date du 23 juin 2010 arrêtant le plan de redressement de la société ACDTI33 relate que la société

ACDTI a été créée par M.Cartulat, ancien salarié de la société France Telecom afin de réaliser les travaux confiés par la société France Telecom sur le département 33 puis les prestations s'étant développées sur des départements voisins, ont été créés les sociétés ACDTI24-47 et ACDTI40-64, la société ACDTI 33 leur sous-traitant les travaux et précise qu'en 2007 lors de la reconduite du contrat seule est intervenue la société ACDTI33, devenue la société holding du groupe qui en cette qualité assurait la centralisation des travaux, le suivi des prestations et la facturation ;

Considérant que ces éléments démontrent que la société ACDTI 33 était la holding du groupe ; que, si elle est restée l'interlocuteur et le cocontractant de la société France Telecom, elle n'assurait pas personnellement la réalisation des prestations ; que ces circonstances expliquent l'absence de document comptable ou d'attestation de ses experts comptables identifiant un montant de marge brute ; qu'en conséquence la société ACDTI ne rapporte pas la preuve d'un préjudice au titre du préjudice qu'elle n'a pas exécuté.

Considérant que, si les deux autres sociétés réalisaient les prestations confiées par la société France Telecom, elles n'avaient aucun lien contractuel avec celle-ci ; qu'elles ne sauraient dès lors se prévaloir à l'encontre de la société France Telecom d'un préavis dont elles auraient dû bénéficier fondé au regard de la durée des relations commerciales, leur lien contractuel étant avec la société ACDTI33, seule débitrice en conséquence d'un préavis à leur égard ;

Considérant que celles-ci ne sont pas fondées à réclamer un préjudice résultant de la rupture des relations commerciales entre la société ACDTI 33 et la société France Telecom mais seulement un préjudice résultant de la brutalité de la rupture ;

Considérant que les sociétés ACDTI24-47 et ACDTI 40-64 ont été placées en redressement judiciaire par jugement du 1er avril 2009 ; qu'elles étaient en conséquence toutes deux en état de cessation des paiements à cette date ; que la brutalité de la rupture en ce qu'elle est intervenue le 6 mai 2011 soit bien après, ne peut avoir eu d'incidence sur le dépôt de bilan et l'état de cessation de paiement ; que ces procédures collectives mettent en évidence que les deux sociétés ne dégageaient pas une marge suffisante de l'activité qui leur était sous traitée par leur société mère ; qu'en conséquence les seuls éléments produits concernant les chiffres d'affaires enregistrés par ces sociétés au titre des prestations France Telecom au cours de la période de janvier 2008 à janvier 2010 ne démontrent qu'elles ont subi un préjudice résutant de la brutalité de la rupture ;

Considérant que la société ACDTI 40-64, après avoir bénéficié d'une prolongation de la période de liquidation a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 20 Janvier 2010 ; qu'en conséquence cette liquidation ne résulte pas de la brutalité de la rupture qui n'était pas encore intervenue ;

Considérant que, si la société ACDTI 24-47 a bénéficié d'un plan de redressement, elle a été placée, comme sa société mère, ACDTI 33, en liquidation judiciaire par jugement du 29 juin 2011 ; qu'il n'est pas démontré que l'échec de ce plan résulte de la brutalité de la rupture dans la mesure où le dirigeant des sociétés ACDTI 33 et ACDTI 24-47 avait fait état de la nécessité de restructurer les sociétés du groupe et de diversifier les activités ;

Considérant qu'il n'est produit aucun document par la SELARL Malmezat-Prat démontrant que la société ACDTI dont l'état de cessation des paiements remontait au 1er juillet 2009 et qui n'était pas lié à la brutalité de la rupture aurait subi un préjudice du fait de celle-ci, la liquidation judiciaire démontrant que cet état n'a pas pu être endigué au cours des mois qui ont suivi et qui correspondent à la prolongation d'activité convenue entre la société ACDTI 33 et France Telecom ; qu'il n'est nullement démontré que, si la société ACDTI 33 avait bénéficié d'un préavis de trois mois de sorte qu'elle aurait pu sous-traiter à sa filiale des prestations pendant ce délai et celle-ci en aurait pu retirer un bénéfice ce qui aurait alors caractérisé son préjudice ; que la SELARL Malmezat-Prat ne fournit aucun document comptable concernant la période du plan de nature à étayer l'existence même d'un préjudice.

Sur les demandes de la SELARL Malmezat-Prat au titre des indemnités réglées aux salariés licenciés

Considérant que la SELARL Malmezat-Prat fait valoir qu'elle a dû rembourser les sommes suivantes qui avaient été réglées aux salariés licenciés soit les sommes de :

* 100 441,35 euro concernant la société ACDTI 33

* 37 537,82 euro concernant la société ACDTI 24-47

* 154 988,20 euro concernant la société ACDTI 40-64

Qu'elle prétend être en droit d'en demander paiement à la société France Telecom sur le fondement de l'article L. 8232-2 du Code de travail qui dispose que "Lorsqu'un chef d'entreprise conclut un contrat pour l'exécution d'un travail ou la fourniture de services avec un entrepreneur qui recrute lui-même la main d'œuvre nécessaire et que celui-ci n'est pas propriétaire d'un fonds de commerce ou d'un fonds artisanal... " et sur le fondement de l'article L. 8322-2 qui dispose que "En cas de défaillance de l'entreprise à laquelle il est recouru dans les conditions prévues à l'article L. 8232-2 qui dispose "En cas de défaillance de l'entreprise à laquelle il est recouru dans les conditions prévues à l'article L. 8232-1, le chef d'entreprise encourt, nonobstant toute stipulation contraire, les responsabilités suivantes :

1° Si les travaux sont exécutés ou les services fournis dans son établissement ou dans les dépendances de celui-ci, le chef d'entreprise est substitué au sous-traitant en ce qui concerne les salariés que celui-ci emploie pour le paiement des salaires et des congés payés..."

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que pour que la société France Telecom soit substituée, deux conditions doivent être remplies à savoir :

* Le fournisseur de main d'œuvre ne doit pas être propriétaire d'un fonds de commerce,

* Il doit être défaillant.

Considérant que la défaillance de la société ACDTI 33 ne peut être contestée dans la mesure où elle a fait l'objet d'un plan de redressement puis d'une liquidation judiciaire; qu'en revanche la seconde condition tenant à l'absence de fonds de commerce n'est pas remplie dans la mesure même où le jugement arrêtant le plan de redressement de la société ACDTI 33 a prononcé l'inaliénabilité de son fonds de commerce.

Considérant que si les sociétés ACDTI 24-47 et ACDTI 40-64 avaient été créées par M. Cartulat pour réaliser département par département les prestations confiées par la société France Telecom, elles intervenaient comme sous-traitant de la société ACDTI 33 et n'avaient donc pas de lien direct avec la société France Telecom de sorte que les dispositions des articles L. 8232-1 et 2 du Code de travail ne peuvent être invoquées à l'encontre de la société France Telecom pour leurs salariés ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'elles n'avaient pas de fonds de commerce.

Considérant qu'il y a lieu de débouter la SELARL Malmezat-Prat-de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs, Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé la rupture des relations commerciales brutale et a fixé le préavis à trois mois et en ce qu'il a débouté la SELARL Malmezat-ès-qualités de sa demande de paiement des indemnités AGS, Reforme pour le surplus et statuant à nouveau, Déboute la SELARL Malmezat-Prat ès-qualités de ses demandes, Condamne la SELARL Malmezat-Prat ès-qualités aux dépens qui seront employés en frais privilégiés des procédures collectives et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.