CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 15 janvier 2015, n° 13-10468
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Greilsammer (SAS)
Défendeur :
But International (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Regnier, Dieudonné, Baechlin, Turbeaux
La société Greilsammer, qui exécutait, depuis 2009, des prestations de transport de Pologne en France pour la société But France, a estimé que But avait, en janvier 2011, brutalement rompu la relation commerciale jusqu'alors entretenue et a assigné cette dernière devant le Tribunal de commerce de Nancy.
Par jugement rendu le 22 mars 2013, le Tribunal de commerce de Nancy a constaté que l'absence de caractère établi des relations entre les sociétés But et Greilsammer faisait obstacle à l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, en conséquence a déclaré la société Greilsammer mal fondée en l'ensemble de ses demandes principale et additionnelle, l'en a débouté et a condamné la société Greilsammer au paiement de la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Greilsammer a interjeté appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions signifiées le 7 août 2013, elle demande à la cour de déclarer l'appel régulier et recevable, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, condamner la société But au paiement de la somme de 27 661,62 euro en principal, au titre du non-respect du préavis, majorée des intérêts légaux à compter de la demande, outre une somme de 15 000 euro au titre de la désorganisation induite par les conditions abusives de la rupture et une somme de 15 000 euro au titre de l'éviction dont la société Greilsammer a fait l'objet, et condamner la société Greilsammer en tous frais et dépens y compris ceux de première instance et à une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle indique que les prestations ont été suivies et régulières, que le chiffre d'affaires de But a d'ailleurs été en progression en 2010 et que le recours à des appels d'offres et le fait que la relation s'inscrive dans un cadre précaire ne suffisent pas à exclure par principe l'existence d'une relation commerciale établie.
Elle précise que la responsabilité de But dans la rupture est entière en ce que :
- il y a bien eu rupture, But ayant délibérément choisi d'évincer Greilsammer en cessant de lui donner des ordres de transport ;
- la rupture n'a pas été notifiée par écrit et n'a été assortie d'aucun préavis.
La société But International, par conclusions signifiées le 1er octobre 2014, demande de :
A titre principal, sur l'absence de relation commerciale établie :
- constater l'absence de caractère établi des relations entre But et Greilsammer en raison du fait que Greilsammer a travaillé avec But suite à des appels d'offres réguliers aux termes desquels il était sélectionné au même titre que d'autres transporteurs ;
- confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 22 mars 2013 en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de condamnation de But International formulées par Greilsammer au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales ;
A titre subsidiaire, sur l'absence de faute de But :
- constater en toute hypothèse que le différend entre Greilsammer et But ne porte que sur deux transports retirés par But à Greilsammer en janvier 2011 suite à la décision unilatérale de Greilsammer d'augmenter ses prix pour de multiples raisons, à la fin de la période annuelle de validité de l'appel d'offres de février 2010 ;
- constater que But n'a commis aucune rupture brutale à l'égard de Greilsammer ;
- débouter en conséquence Greilsammer de l'ensemble de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire, sur les demandes de Greilsammer,
- constater que les demandes d'indemnisation de Greilsammer sont totalement fantaisistes ;
- constater que Greilsammer ne fournit aucune explication sur sa demande d'exécution provisoire ;
- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes de Greilsammer ;
En toute hypothèse, condamner la société Greilsammer au paiement à But de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que les transporteurs qu'elle a fait travailler - parmi lesquels la société Greilsammer - ont été sélectionnés par But après appel d'offres lancé chaque année, que c'est dans ce contexte d'appels d'offres réguliers que la société Greilsammer a réalisé des transports pour But en provenance de la Pologne vers la France de janvier 2009 à décembre 2010 sur une base très irrégulière, de sorte que, compte tenu à la fois du recours aux mises en compétition et de l'irrégularité des commandes passées au transporteur certains mos seulement, la relation n'avait pas de caractère établi.
MOTIFS
Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale ;
Considérant que la société Greilsammer a commencé à travailler au début de l'année 2009 avec But pour laquelle elle a réalisé des prestations de transport de février 2009 jusqu'en décembre 2010 ; que, par courriel en date du 12 janvier 2011, But a indiqué à Greilsammer qu'en raison du désaccord existant sur l'augmentation unilatérale, par Greilsammer, de ses tarifs pour 2011, elle était dans l'obligation d'annuler les deux prochains chargements prévus les 18 et 19 janvier 2011 ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que But a lancé une consultation entre les différents transporteurs intervenant sur la ligne Raciborz - France en 2009 - consultation à laquelle Greilsammer reconnaît avoir participé - et en février-mars 2010 à laquelle Greilsammer, bien que le contestant, a répondu ainsi que l'établit le courriel de But du 5 mars 2010 (" Nous avons bien noté votre accord tarifaire et c'est avec plaisir que nous continuons à travailler avec vous. Vous recevrez prochainement des commandes. " - pièce n° 12 communiquée par But) ;
Considérant qu'ayant participé aux appels d'offres lancés par But en 2009 et 2010 - appels d'offres annuels dont il était clair qu'ils ne valaient que pour l'année en cours - Greilsammer n'ignorait pas que l'engagement de But ne présentait qu'un caractère annuel et que tout renouvellement, en 2011, de la collaboration avec cette dernière demeurait subordonné à un accord des parties sur les tarifs de l'année, accord qui, en l'espèce, n'est pas intervenu ; que la collaboration de But et de Greilsammer était marquée par la précarité de la relation, empreinte d'un aléa résultant de la mise en concurrence de transporteurs et exclusif de toute stabilité, précarité que la société de transport avait d'ailleurs pleinement acceptée puisqu'elle se rapprochait chaque année de son donneur d'ordre pour négocier les tarifs annuels ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu que la relation ne constituait pas une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I, 5° et ont débouté Greilsammer de sa demande fondée sur cet article ; que le jugement entrepris sera confirmé ;
Considérant que l'équité commande de condamner Greilsammer à payer à But la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Condamne la SAS Greilsammer à payer à la SAS But International la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Greilsammer aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.