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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 7 janvier 2015, n° 12-03482

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Loga (SARL)

Défendeur :

New Caro (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gousteaux

Conseillers :

Mmes Salmeron, Pellarin

Avocats :

Mes Vacarie, Cantaloube-Ferrieu, Cabinet AARPI Saidani Mirivel

T. com. Albi, du 11 mai 2012

11 mai 2012

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Loga et la SARL New Caro ont signé un contrat d'agent commercial, en date du 29 août 2008 aux fins de distribution exclusive de produits de chaussures et maroquineries dans le secteur géographique défini dans ledit contrat dans son article 4.

La SARL New Caro a décidé de mettre fin à leurs relations par LRAR du 9 février 2011.

La SARL Loga l'a alors assigné en référé afin d'obtenir les documents comptables demandés à savoir les commandes prises par la SARL New Caro sur le secteur géographique attribué à la SARL Loga depuis le 29 aout 2008. La SARL New Caro a été condamnée sous astreinte à produire ces pièces comptables le 31 mai 2011.

C'est dans ce contexte que la SARL Loga a assigné au fond la SARL New Caro le 10 août 2011 pour la voir condamner au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 11 mai 2012, le Tribunal de commerce d'Albi a :

- pris acte de la remise sur l'audience par la SARL New Caro de deux chèques respectivement d'un montant de 4 036,70 euros TTC au titre des commissions dues à la SARL Loga sur les ventes facturées aux clients par la société New Caro sous réserve de la délivrance de factures par la SARL Loga et 2 986,68 euros TTC au titre des commissions dues à la société Loga pour la collection Automne/Hiver 2011 sous réserve de la délivrance de factures par la société Loga.

- débouté la SARL Loga de ses demandes à l'encontre de la SARL New Caro

- condamné la SARL Loga à restituer à la SARL New Caro les échantillons ou à régler une somme représentant leur valeur soit celle de 2 560,03 euros

- condamné la SARL Loga à payer à la SARL New Caro 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance liquidés et taxés à la somme de 143,85 euros outre le cout de la signification de la présente décision.

La SARL Loga a interjeté appel le 9 juillet 2012.

La SARL Loga a transmis ses écritures par RPVA le 4 octobre 2012.

La SARL New Caro a déposé des écritures le 4 décembre 2012.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 octobre 2014.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L. 134-1 et suivants ainsi que R. 134-1 et suivants du Code de commerce, la SARL Loga demande à la cour de :

- infirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions,

- rejeter toutes les demandes de la SARL New Caro

- condamner la SARL New Caro à lui payer :

- la somme de 129 081,52 euros à titre de rappel de commissions

- la somme de 100 791,27 euros à titre d'indemnité de rupture

- la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts

- la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'appelant fait essentiellement valoir que :

- la SARL Loga a droit à commission sur toutes les commandes prises par la SARL New Caro dans son secteur géographique exclusif (article IV du contrat et article L. 134-6 du Code de commerce).

- Les dispositions de l'article VII du contrat ne peuvent anéantir les dispositions claires de l'article IV puisqu'elles portent uniquement sur les modalités de calcul de la rémunération due à l'agent commercial.

- Conformément à l'article L. 134-12 du Code de commerce, la société Loga a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la cessation de ses relations avec la société New Caro soit 24 mois de commissions.

- Les échantillons ne sont pas dus dans la mesure où ils n'ont jamais été réclamés par la société New Caro (exigence contractuelle de demande préalable).

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1315 et 1156 du Code civil ainsi que les articles L 134-6 et suivants du Code de commerce, la SARL New Caro demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

- débouter la SARL Loga de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la SARL New Caro

- condamner la SARL Loga à lui payer la somme de 2 560,03 euros au titre des échantillons non restitués au mandant.

A titre subsidiaire : si la société New Caro était condamnée à verser une indemnité sur le fondement de l'article L. 134-6 du Code de commerce, dire que cette indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 10 389,20 euros

En tout état de cause : condamner la SARL Loga à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimé fait essentiellement valoir que :

- l'art VII du contrat liant les parties ne prévoit en aucune manière une rémunération telle que prévue par l'article L. 134-6 du Code de commerce, lequel n'est pas d'ordre public et a expressément été écarté par les dispositions contractuelles.

- à titre subsidiaire : la base de calcul de l'indemnité de rupture s'il y a lieu ne doit pas inclure le chiffre d'affaires de la société Mouchet Bury ZA, client à exclure du calcul de la commission de la société Loga.

- les échantillons, restant la propriété du mandat, doivent être retournés à ce dernier à sa demande. En l'espèce, seule une partie des échantillons a été rendue.

- le préjudice subi par la société Loga n'est pas démontré et ne peut, à ce titre, être indemnisé

- en application du contrat, l'indemnité de rupture est égale à la commission annuelle de l'année précédente.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article L. 134-16 du Code de commerce, est réputée non écrite toute clause ou convention contraire aux dispositions des articles L. 134-2 et L. 134-4, des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 134-11, et de l'article L. 134-15 ou dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 134-9, du premier alinéa de l'article L. 134-10, des articles L. 134-12 et L. 134-13 et du troisième alinéa de l'article L. 134-14.

Sur le rappel de commissions

Selon l'article L. 134-6 dudit Code, pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

Selon l'article L. 134-5 dudit Code, tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre.

Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s'appliquent lorsque l'agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie.

Dans le silence du contrat, l'agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d'activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l'absence d'usages, l'agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération.

L'article L. 134-6 du Code de commerce n'est pas une disposition d'ordre public. Les parties peuvent y déroger.

Mais, d'une part, selon l'article VII du contrat d'agent commercial ayant lié les parties, intitulé "rémunération",

- l'agent commercial perçoit sur les ventes de sac à main de son secteur, uniquement des nouveaux clients prospectés ou gagnés par l'agent commercial, une commission égale à 15 % du montant HT des factures,

- l'agent commercial perçoit sur les ventes aux clients prospectés ou gagnés aux salons une commission sur les sacs à main de 5 % et sur les chaussures de 6 %. Ainsi qu'aux clients existants de la SAS Caro ou de la SARL New Caro dont la liste est annexée au contrat.

D'autre part, l'article IV dudit contrat intitulé "secteur" est ainsi rédigé : le secteur dans lequel l'agent commercial est chargé du mandat est constitué par les régions du Sud de la France qui lui sont attribuées en exclusivité, à savoir.....

L'exclusivité dont bénéficiait la SARL Loga impliquait dès lors un droit à commission sur toutes les opérations conclues sur le secteur, qu'elles aient été ou non réalisées par son intervention, l'article 7 ne prévoyant que des modalités de calcul des commissions.

Selon l'attestation établie par l'expert-comptable de la SARL New Caro, pendant la période des relations contractuelles entre les parties, soit du 8 juillet 2008 au 12 mai 2011, les ventes en HT dans les comptes de la SARL New Caro, correspondant à des clients existants ou prospectés sans les interventions de la SARL Loga se sont élevées à 719 518 euros et les ventes en HT facturées aux clients par l'intermédiaire de la SARL New Caro, ventes commissionnées par la SARL Loga, à 316 489 euros.

La SARL Loga sollicite la condamnation de la SARL New Caro au paiement de la somme de 10 927,70 euros HT, soit 129 081,52 euros TTC correspondant à 15 % de la somme de 719 518 euros.

En l'absence de liste des clients existants annexée au contrat initial, les taux réduits ne s'appliquent qu'aux salons.

Il importe peu que pendant leurs relations contractuelles la SARL Loga n'ait pas sollicité le paiement de ces commissions, dans la mesure où elle a été contrainte de saisir le juge des référés postérieurement à la rupture des relations afin d'obtenir les éléments chiffrés lui permettant de solliciter le paiement des commissions litigieuses.

De plus, un avenant du 28 janvier 2010 intitulé "notification" a été signé par les parties le 28 janvier 2010. Le second paragraphe est ainsi rédigé (sic) :

"pour les clients déjà existant de notre base de données (au 28/10/10), (à l'exception de 14 clients mentionnés. Pour ces clients, les conditions restes inchangées) si vous êtes l'auteur d'une vente directement chez lui, ou bien en showroom, vous serez commissionné en totalité. Par contre, si la commande est passée chez nous pour x raison, nous restons sur les mêmes conditions qu'avant".

Devant le caractère particulièrement obscur de cette clause qui ne permet pas de déterminer les clients visés comme le souligne à bon droit l'appelante, la cour estime que les conditions de rémunération n'ont pas été modifiées après cette notification.

Il est ainsi établi que la SARL Loga a droit à des commissions sur les ventes en HT apparaissant dans les comptes de la SARL New Caro, correspondant à des clients existants ou prospectés sans les interventions de la SARL Loga, soit la somme de 107 927,70 euros HT, soit 129 081,52 euros TTC correspondant à 15 % de la somme de 719 518 euros.

Sur l'indemnité de rupture

Selon l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Le contrat ayant lié les parties prévoit à l'article X intitulé "indemnisation de la cessation du contrat", au point 1, qu'en cas de résiliation du présent contrat d'agence par le mandant (sauf si cette résiliation est consécutive à une faute grave de l'agent commercial) ou en cas de cessation d'activité de l'agent commercial provoquée par l'âge, l'infirmité ou la maladie, l'agent commercial aura droit à une indemnité en réparation du préjudice subi (indemnité de rupture équivalente à la commission annuelle de l'année précédente).

Une telle disposition est contraire à l'article L. 134-12 du Code de commerce, disposition d'ordre public, en ce qu'elle limite à une année de commission l'indemnisation quelle que soit la durée des relations contractuelles.

Les relations contractuelles ont duré de juillet 2008 à mai 2011 soit pendant 34 mois. Il est dès lors d'usage, quand la durée est supérieure à 24 mois, d'accorder à l'agent commercial l'équivalent de deux années de commissions.

En prenant pour base de calcul le montant de toutes les ventes HT donnant droit à commission soit 1 036 007 euros, multiplié par 15 %, à défaut d'indication de la part de la SARL New Caro sur une ventilation des commissions telle que prévue à l'article VII du contrat, on obtient la somme 155 401euros, que l'on divise par 34 mois, correspondant à la durée des relations, soit 4 570 euros, et non 4 710 euros comme calculé par l'appelante. En multipliant 4 570 euros par 24, on obtient 109 680 euros, somme à laquelle il convient de déduire 12 248,79 euros remis par la SARL New Caro, soit 97 431,21 euros, somme que celle-ci sera condamnée à payer à la SARL Loga.

Sur les échantillons

Le contrat ayant lié les parties, prévoit à l'article V.7 que les échantillons restent la propriété du mandant à moins qu'ils ne soient destinés à la consommation et seront retournés à ce dernier à sa demande.

D'une part, la SARL Loga ne justifie pas du retour des échantillons dont la valeur est réclamée par la SARL New Caro. D'autre part, le moyen avancé par la SARL Loga pour s'opposer à la condamnation prononcée par les premiers juges consistant à soutenir que la SARL New Caro n'a pas demandé le renvoi des échantillons est inopérant, une demande étant formulée dans le cadre de la présente instance. Dès lors, il convient de confirmer la condamnation prononcée en première instance.

Sur les dommages et intérêts

La défense à une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le défendeur a agi par malice ou de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable. En l'espèce, le simple fait que l'appel soit reçu partiellement ne rend pas abusive la résistance opposée par la SARL New Caro. La SARL Loga n'établit pas la malice, la mauvaise foi ou la légèreté blâmable de la SARL New Caro ; il semble plutôt que cette dernière se soit méprise sur l'étendue des droits de la SARL Loga en sa qualité d'agent commercial. Le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Loga doit en conséquence être confirmé.

Ainsi, le jugement entrepris doit être infirmé hormis sur la condamnation de la SARL Loga au paiement de la somme de 2 560,03 euros et sur le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Loga.

Enfin, la SARL New Caro qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : Infirme le jugement du Tribunal de commerce d'Albi hormis sur la condamnation de la SARL Loga au paiement de la somme de 2 560,03 euros et sur le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Loga, Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, Condamne la SARL New Caro au paiement de la somme de 129 081,52 euros TTC, Condamne la SARL New Caro au paiement de la somme de 97 431,21 euros, Condamne la SARL New Caro aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SARL New Caro de sa demande sur ce fondement, Condamne la SARL New Caro au paiement à la SARL Loga de la somme de 3 000 euros de ce chef.