CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 15 janvier 2015, n° 13-03832
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
Défendeur :
Blampin Fruit Holding (SAS), Blampin (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Bellichach, Rota
Faits et procédure
Le groupe Blampin exerce au travers de nombreuses sociétés, contrôlées par la société Blampin Fruits Holding (ci-après BFH), la profession de grossiste en fruits et légumes dans plusieurs sites, notamment sur le Marché d'Intérêt National (MIN) des Arnavaux à Marseille.
Ce site a fait l'objet de plusieurs visites de la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) au cours de l'année 2011, qui ont amené le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (ci-après le ministre) à conclure que la société Blampin s'est livrée à des manœuvres vis-à-vis de ses fournisseurs en leur imposant des clauses contractuelles de coopération commerciale ne correspondant à aucun service réel et contrevenant aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et d'avoir ainsi obtenu ou tenté d'obtenir des remises, rabais et ristournes interdites en matière de distribution de fruits et légumes.
C'est dans ces conditions que le 26 janvier 2012, le ministre a fait assigner les sociétés BFH et Blampin aux fins de les faire condamner pour avoir obtenu ou tenté d'obtenir un avantage sans contrepartie au titre de la prestation de service de mise en avant des produits sur les lieux de vente.
Par jugement du 29 novembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Marseille a :
- dit et jugé recevable l'action de M. le ministre à l'encontre de la société BFH ;
- dit et jugé que les sociétés BFH et Blampin n'ont pas contrevenu aux dispositions légales en vigueur et notamment aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce et qu'elles n'ont commis aucune faute ;
- débouté M. le ministre de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- débouté la société BFH et la société Blampin de leur demande en réparation d'un préjudice économique ;
- condamné M. le ministre à payer à la société BFH et la société Blampin, la somme de 15 000 , chacune, à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
- condamné M. le ministre à payer à la société BFH et la société Blampin, la somme globale de 5 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois journaux au choix des sociétés BFH et Blampin, aux frais exclusifs de M. le ministre, sans que le coût total de l'ensemble de ces insertions ne puisse excéder la somme de 7 000 TTC, étant précisé que pour cela, le ministre disposera d'un délai de cinq jours pour verser aux sociétés BFH et Blampin le prix TTC des publications, sur simple présentation par ces dernières du devis pour lesdites publications ;
- dit n'y avoir lieu d'ordonner une astreinte ;
- rejeté pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires aux dispositions du présent jugement.
Vu l'appel interjeté le 26 février 2013 par M. le ministre contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 avril 2014 par M. le ministre par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Marseille le 29 novembre 2012, sauf en ce qu'il a estimé la mise en cause de la société BFH recevable et en ce qu'il a débouté les intimées de leur demande de réparation de leur préjudice économique ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la société BFH et la société Blampin ont obtenu ou tenté d'obtenir un avantage sans contrepartie au titre de la prestation de service de mise en avant des produits sur les lieux de vente, prévue à l'article 5 de la convention 2011 conclue avec 40 fournisseurs ;
- dire et juger que la société BFH a tenté d'obtenir un avantage sans contrepartie au titre de la prestation de service de mise en avant de produits sur le site Internet http://blampinfruits.com, prévue à l'article 5 de la convention 2011 conclue avec dix fournisseurs, dont huit ne disposent pas d'une marque commerciale ;
- dire et juger que, ce faisant, la société BFH et la société Blampin contreviennent aux dispositions de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce ;
En conséquence,
- prononcer la nullité de l'article 5 des contrats pour 2011 signés entre la société BFH et les 40 fournisseurs ;
- condamner la société BFH et la société Blampin à payer aux 28 fournisseurs concernés, par l'intermédiaire du Trésor public, à charge pour ce dernier d'opérer le paiement de la somme due à chaque fournisseur, au titre du service de mise en avant des produits sur les lieux de vente, pour un montant total de 186 899,84 ;
- enjoindre à la société BFH et à la société Blampin de cesser les pratiques dénoncées ;
- condamner solidairement la société BFH et la société Blampin à une amende civile de 100 000 en réparation du trouble causé à l'ordre public économique et en répression du contournement délibéré de la loi prohibant l'obtention de remises, rabais ou ristournes lors de l'achat de fruits et légumes frais ;
- condamner la société BFH à publier le dispositif de l'arrêt à intervenir en première page du site Internet http://blampinfruits.com pour une durée de 3 mois à compter de la signification de la décision ;
- condamner solidairement la société BFH et la société Blampin à la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, somme à verser au Trésor public ;
- dire que les demandes de réparation des préjudices allégués par la société BFH et la société Blampin sont mal fondées dans la mesure où c'est au juge administratif d'en connaître ;
- si la cour devait examiner ces demandes de réparation, dire et juger que les conditions de la responsabilité civile ne sont pas réunies à l'encontre du ministre, qui n'a commis aucune faute.
Le ministre de l'Economie soutient que la société BFH est signataire des contrats conclus avec les fournisseurs et a cherché à conserver les remises de 2% qu'elle percevait de ses fournisseurs pour paiement centralisé et qui sont devenues illégales à compter des nouvelles dispositions législatives intervenues le 28 janvier 2011, en les remplaçant par des services de coopération commerciale fictifs.
Il indique que l'enquête effectuée qui a consisté à recueillir des pièces et des déclarations qui ont été soumises au débat contradictoire établit que le service de mise en avant des produits sur les lieux de vente et sur le site Internet était fictif, les sociétés BFH et Blampin qui ont perçu une rémunération auprès de 28 fournisseurs pour ce service et qui ont la charge de la preuve de la réalité de la prestation, ne la rapportant pas, ni sur le MIN de Marseille, ni sur les autres sites.
Il fait valoir que les pratiques commerciales du groupe Blampin sont développées sur le plan national et les constatations faites sur le site du MIN de Marseille sont transposables aux autres sites.
Il ajoute qu'un service de mise en avant des produits a également été prévu sur Internet, et que ce service de mise en avant des produits par l'insertion visuelle des marques des fournisseurs Internet relève également de la tentative d'obtention d'avantage sans contrepartie puisque le site Internet en question n'était pas prêt pour permettre de tels services.
Il considère que la clause du contrat concernant ces services de coopération commerciale doit être déclarée nulle car elle avait pour unique objectif de contourner l'interdiction des remises, rabais et ristournes.
Il affirme qu'il n'a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité puisqu'il a usé de son droit d'agir en justice après une enquête de ses services et que les conditions nécessaires à engager sa responsabilité ne sont pas établies. De plus, ces griefs relèvent de la compétence du tribunal administratif.
Il soutient enfin que l'information des fournisseurs sur l'existence d'une action du ministre est une obligation constitutionnelle au regard des demandes qui ont été faites, et que la perte d'images qui en résulte ne justifie pas d'indemnisation pour préjudice moral.
Vu les dernières conclusions signifiées le 5 juin 2014 par les sociétés BFH et Blampin par lesquelles il est demandé à la cour de :
Sur les demandes de M. le ministre :
A titre principal :
- infirmer le jugement du 29 novembre 2012 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a mis hors de cause la société BFH ;
- confirmer pour le surplus ;
- organiser, si elle l'estime nécessaire, un transport sur les lieux à l'heure d'ouverture du MIN de Marseille pour les clients fruits et légumes (03h00), ainsi que pendant les heures de fermeture ;
En conséquence,
- dire et juger irrecevable et non fondé l'appel de M. le ministre ;
- l'en débouter ;
A titre subsidiaire :
- constater que M. le ministre a expressément reconnu la validité des clauses dont il demande pourtant la nullité ;
- constater que l'assiette qu'il prend en considération pour le calcul des sommes qui auraient été indûment versées dépasse le cadre des contrôles intervenus exclusivement sur le MIN de Marseille ;
- constater l'absence de trouble à l'ordre public économique ;
En conséquence,
- ramener le montant de la restitution des sommes qui seraient indues à la juste répétition des sommes réellement versées et démontrées, laquelle ne saurait, en tout état de cause, être supérieure à la somme de 49 422 .
- ramener le montant de l'amende civile à proportion de l'importance du dommage à l'économie qui en serait résulté, soit à la somme de l'euro symbolique ;
- débouté purement et simplement M. le ministre de l'ensemble de ses autres demandes.
Sur les demandes des sociétés Blampin et BFH :
- infirmer le jugement du 29 novembre 2012 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a débouté la société Blampin de sa demande de réparation au titre du préjudice économique qu'elle a subi du fait de la présente procédure ;
- confirmer le jugement du 29 novembre 2012 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a constaté que les sociétés BFH et Blampin ont subi un préjudice moral du fait de la présente procédure ;
- confirmer jugement du 29 novembre 2012 du Tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a ordonné la publication sollicitée par les sociétés BFH et Blampin dans trois journaux au choix de ces dernières, à savoir publication du dispositif du jugement dans trois journaux au choix des sociétés BFH et Blampin, aux frais exclusifs de M. le ministre, sans que le coût total de l'ensemble de ces insertions ne puisse excéder la somme de 7 000 TTC, étant précisé que pour cela, le ministre disposera d'un délai de cinq jours pour verser aux sociétés BFH et Blampin le prix TTC des publications, sur simple présentation par ces dernières du devis pour lesdites publications' ;
Y ajoutant,
- condamner M. le ministre à payer à la société Blampin la somme de 49 422 en réparation de son préjudice économique au titre de l'année 2012, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- réévaluer la somme indemnitaire de 15 000 allouée aux deux sociétés BFH et Blampin en réparation de leur préjudice moral à la somme de 50 000 chacune, outre les intérêts dus par application des articles 1153 et 1154 du Code civil courant à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- ordonner à M. le ministre de publier un communiqué reprenant le dispositif de la décision à intervenir sur le site Internet www.paca.direccte.gouv.fr en haut de la page d'accueil, en dehors de tout autre encart, et sans autre mention ajoutée de quelque nature qu'elle soit, dans un encadré occupant toute la largeur de la page et un tiers de sa hauteur, en caractère gras de taille suffisante pour occuper tout l'espace de l'encadré qui lui est réservé, sous le titre " le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a été débouté de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre des sociétés Blampin Fruits Holding SAS et Blampin SAS ", ce titre devant être reproduit en caractères majuscules ;
- ordonner à M. le ministre d'exécuter cette publication au plus tard dans les trois jours après la signification de la décision à intervenir, et ce durant trois mois consécutifs, sous astreinte de 2 000 par jour de retard ;
- ordonner la publication du communiqué judiciaire ordonné par le tribunal dans la revue Concurrence & Consommation éditée par la DGCCRF dans les deux mois suivants la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 10 000 par mois de retard, dans un encadré de 15 cms x 23 cms, aux frais exclusifs de M. le ministre ;
- autoriser les sociétés BFH et Blampin à publier des extraits de la décision à intervenir sur leur site Internet et/ou tout autre support que ces dernières estimeront utile ;
- se réserver la faculté de liquider l'astreinte.
En tout état de cause :
- rejeter toutes prétentions adverses ;
- condamner M. le ministre à verser aux sociétés BFH et Blampin, la somme de 20 000 chacune en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les intimées estiment que le ministre a agi dans la précipitation en commettant de nombreuses erreurs et approximations, en détournant la nature juridique des procès-verbaux, en faisant dire aux déclarations du directeur général de la société BFH ce qu'elles ne disaient pas et en s'appuyant sur une interprétation erronée de l'article L. 442-6 du Code de commerce et des pétitions de principe.
Elles opposent que la société BFH n'a qu'une vocation financière et ne définit pas la politique commerciale, tarifaire et contractuelle vis-à-vis des fournisseurs et que, si elle a signé les contrats conclus avec les fournisseurs, c'est en qualité de mandataire de la société Blampin, cette dernière réalisant seule les services de mise et la société BFH ne recevant aucune contrepartie des services de coopération commerciale.
Elles font valoir que la société Blampin a facturé et obtenu la rémunération correspondante aux services rendus et que ce n'est pas le cas pour les fournisseurs pour lesquels le service n'a pas été effectué ou s'est avéré impossible de sorte qu'il n'y a pas eu de faute commise au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Elles exposent qu'avant l'entrée en vigueur de la loi, soit avant le 28 janvier 2011, les fournisseurs et distributeurs dans le secteur des fruits et légumes frais pouvaient convenir de rabais, remises et ristournes, et/ou de rémunérations de services de coopération commerciale (RRR) et qu'après leur interdiction, la prestation de services de coopération commerciale contre rémunération est demeurée possible.
Elles opposent, concernant la charge de la preuve, que c'est au ministre de justifier des faits qu'il allègue mais aussi de l'existence de l'obligation dont il conteste tant l'exécution que l'étendue.
Elles affirment qu'il n'est pas démontré que la société Blampin devait réaliser les services concernés au moment des contrôles effectués par l'Administration, ni que les produits de l'un des 40 fournisseurs signataires étaient revendus à ce moment-là dès lors même que les visites ont été faites en dehors des heures de commercialisation, les produits non vendus se trouvant donc dans la chambre froide. Elle ajoute que la mention d'un service rendu de "façon continue" n'implique pas une mise en avant sur l'ensemble des points de vente et pendant toute l'année, puisque par nature, certains produits saisonniers ne se retrouvent à la vente que périodiquement ce qui résulte des factures produites aux débats.
Elles indiquent qu'il n'est pas prouvé que les produits d'un fournisseur n'étaient pas mis en avant par rapport aux autres et produit des photographies pour justifier de la réalité de la prestation de mise en avant, faisant valoir que les chiffres d'affaires des fournisseurs partenaires démontrent le bénéfice tiré de ces services de mise en avant ; elles affirment que les mises en avant en question ont pris la forme d'un espace séparé, adapté aux produits et permettant aux professionnels de visualiser rapidement, puisque placés en premier plan, et d'identifier par une affichette les produits de la marque du fournisseur.
Elles se prévalent du fait que le ministre ne produit aucun procès-verbal de constat, qu'il se fonde sur des procès-verbaux de déclarations et de prise de copies de documents, alors que les services d'enquête ne se sont pas rendus dans tous les points de vente de la société Blampin mais seulement sur le MIN de Marseille de sorte qu'aucune appréciation globale ne peut donc en résulter.
Elles affirment que la référence dans le contrat à la visualisation et à l'identification des produits ne renvoie pas expressément à la notion de marque et qu'il importe donc peu que seuls cinq fournisseurs signataires disposent d'une marque commerciale et qu'un changement intégral des locaux n'était pas une nécessité pour permettre une mise en avant des produits des fournisseurs signataires du moment que leur commercialisation était valorisée.
Elles opposent qu'une tentative d'obtention d'un avantage ne correspondant à aucun service commercial rendu n'est caractérisée que si le distributeur facture ou demande un paiement au titre d'une prestation de coopération commerciale qu'il n'aurait pas effectuée, une tentative ne pouvant pas reposer sur une simple stipulation contractuelle dès lors qu'elle n'a pas facturé les 11 sociétés pour lesquelles le service n'a pas été exécuté à défaut d'achats des produits.
Elles opposent également qu'il n'y a pas de tentative d'obtention d'un avantage sans contrepartie en ce qui concerne la mise en avant des produits sur Internet puisque les parties avaient convenu que la société Blampin ne pourrait percevoir de rémunération à ce titre à défaut de réalisation effective du service et qu'il n'y a donc pas eu de facturation ni de rémunération puisque le service sur Internet n'a pas pu être mis en place.
Elles font donc valoir au vu de ces constatations qu'il n'y a pas eu de contournement ou de tentative de contournement de l'interdiction des remises, rabais et ristournes.
Elles opposent encore que la non-exécution du contrat de coopération commerciale, si tel était le cas, ne permettrait pas de justifier la nullité des clauses du contrat relatives aux services concernés.
De même, aucune répétition de l'indu ne pourra être demandée en l'absence de justificatifs, d'autant que la société n'a pas été rémunérée pour des services non exécutés. En outre, les intimées font valoir qu'une amende civile de 100 000 n'est pas modérée concernant une entreprise familiale, et que cette amende n'a d'ailleurs pas lieu d'être puisqu'aucune pression d'aucune sorte n'a été commise sur les fournisseurs signataires, faisant observer que seuls 24 fournisseurs ont été facturés, et ce sur les 1 184 fournisseurs du groupe Blampin.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'action du ministre à l'encontre de la société BFH
Considérant que les sociétés Blampin font valoir que la société Blampin (BFH) n'a qu'une vocation financière et n'exerce aucune activité commerciale et que, si elle a signé les contrats avec les fournisseurs ayant entendu bénéficier d'une mise en avant de leurs produits, c'est en qualité de mandataire de la société Blampin SAS qui réalise ces services ;
Considérant que le ministre de l'Economie soutient que la société Blampin Fruits Holding a initié l'introduction dans les contrats des modifications rédactionnelles en introduisant un article 5 destiné à remplacer les remises ;
Considérant que chaque année c'est la société Blampin Fruits Holding qui conclut avec chacun des fournisseurs un contrat dénommé "accord formalisant les négociations commerciales" ; que pour l'année 2011, elle a engagé des négociations à partir du quatrième trimestre 2010 auprès des fournisseurs pour substituer des services de coopération commerciale à une remise pour paiement centralisé de 2 % devenue illégale à compter du 28 janvier 2011 ; que M. Colin, son directeur général a indiqué que la société Blampin Fruits Holding a proposé aux fournisseurs du groupe les nouveaux services de mise en avant, a négocié avec eux la conclusion de ces services et s'est engagée à effectuer les diligences nécessaires à la bonne réalisation des services prévus ;
Considérant que la société Blampin qui est sa filiale à 98 % exerce son activité sur le MIN de Marseille, détient deux filiales à Rungis et à Lyon en charge de l'importation de fruits et légumes ainsi que deux établissements secondaires ;
Considérant qu'il n'est pas démontré que la société Holding aurait reçu mandat de négocier les contrats au nom des différentes sociétés du groupe dont la société Blampin et d'y insérer une clause de coopération commerciale pour remplacer les remises devenues illégales ; que la holding qui percevait la remise de 2 % était à l'évidence intéressée à remédier à sa suppression ; que l'action du ministre de l'Economie tend à démontrer que les clauses de coopération commerciale ont eu pour seul objet de remplacer les clauses de remise et ne correspondaient à aucune prestation effective ; qu'il importe peu dans ces conditions que la société BFH n'intervienne pas dans l'exécution des contrats puisque l'action du ministre de l'Economie est fondée sur une clause qui, selon lui, n'avait pas vocation à être exécutée et présentait un caractère purement fictif ;
Considérant que la société Blampin Fruits Holding définit la politique du groupe ; qu'elle a conclu tous les accords avec les fournisseurs ayant accepté la clause de coopération ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont jugé que le ministre de l'Economie était recevable en son action à son encontre ;
Sur la réalité du service de mise en avant :
Considérant que le ministre de l'Economie soutient que les sociétés BFH et Blampin ont obtenu ou tenté d'obtenir des avantages indus en introduisant dans certains contrats des prestations de coopération commerciale de mise en avant fictives, d'une part, sur les lieux de vente physique à savoir les Marchés d'Intérêt National (MIN), d'autre part sur son site Internet ;
Considérant que les sociétés BFH et Blampin affirment que le ministre ne rapporte pas la preuve de ses affirmations et affirment avoir facturé les prestations de mise en avant seulement dans l'hypothèse où elles ont été fournies ;
Considérant que l'article L. 442-6 I-1° du Code de commerce dispose :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
- d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu" ;
Considérant que les sociétés BFH et Blampin interviennent dans le secteur de la vente en gros de fruits et légumes, la société Blampin exerçant son activité de distribution sur le Marché d'Intérêt National (MIN) de Marseille ;
Considérant que les MIN sont définis comme étant "des services publics de gestion de marchés dont l'accès est réservé aux producteurs et aux commerçants qui contribuent à l'organisation et à la productivité des circuits de distribution des produits agricoles et alimentaires, à l'animation de la concurrence dans ces secteurs et à la sécurité alimentaire des populations" ;
Considérant que les sociétés BFH et Blampin avaient instauré dans leurs relations avec leurs fournisseurs une politique de prix permettant à certains d'apparaître comme mieux disant ; qu'ainsi en 2010 ils étaient 170 à lui consentir des réductions de prix sous forme de remise, rabais ou ristourne (RRR) ; que cette pratique a été prohibée par la loi 2010-874 du 27 juillet 2010 ; que cette évolution législative a conduit le groupe Blampin à modifier ses formules contractuelles avec les fournisseurs concernés en supprimant toute clause l'autorisant à consentir des RRR ;
Considérant que la société BHF et la société Blampin font valoir qu'il existe un autre moyen qui est d'optimiser l'espace de vente afin de mettre en avant de manière plus spécifique les produits de certains fournisseurs ; qu'elles exposent que la configuration du marché sur lequel la SAS Blampin intervient n'est pas comparable à celui d'une grande surface et donc qu'elle ne dispose pas des mêmes moyens tels que tête de gondole, annonces publicitaires diffusées dans le point de vente, animations en magasins et que cette mise en avant est traditionnellement réalisée à travers des emplacements privilégiés au sein du local, des affichettes et des bandeaux ; qu'à cette fin de mise en avant elle expose qu'à partir de 2011, il a été convenu avec les fournisseurs intéressés l'ajout dans le contrat d'un article 5 qui prévoit une mise en avant des produits selon les modalités suivantes :
- d'une part sur les lieux de vente "organiser une présentation à la vente de l'ensemble des produits du fournisseur dans un espace réservé, soigné et identifié, permettant la valorisation et leur individualisation par rapport aux autres produits", cet espace privilégié devant "prendre la forme d'un emplacement exclusivement affecté aux produits du fournisseur...", la rémunération prévue étant de 2 % du chiffre d'affaires réalisé avec le fournisseur ;
- d'autre part sur le site Internet du groupe Blampin " dans un encart privilégié et parfaitement visible pour les internautes" ;
Considérant que si la société Blampin fait état de ce qu'elle a consulté l'Administration sur le libellé de la clause de coopération commerciale qu'elle insérait dans ses nouveaux contrats 2011, le grief du ministre de l'Economie ne porte pas sur la rédaction de la clause de coopération commerciale mais sur le fait qu'elle est fictive en ce qu'elle n'a eu pour objet que de suppléer la perte de la société Blampin du fait de la prohibition des RRR sans donner lieu à une prestation réelle ;
La coopération commerciale par la mise en avant sur les lieux de vente physiques :
Considérant que l'article 5 du contrat conclu avec les fournisseurs ayant accepté une coopération commerciale stipule que :
"Ce service permet au fournisseur de bénéficier d'une offre de vente de l'ensemble de ses produits parfaitement appropriée à leur qualité, notoriété et image de marque et adaptée au marché et à aux besoins de ses clients ;
Tous les produits vendus par le fournisseur à l'acheteur, bénéficieront de cette mise en avant.
...
L'acheteur s'engage à cet effet à mettre à la disposition du fournisseur un espace clairement séparé, spécialement adapté et exclusivement dédié à ses produits, permettant à l'ensemble des professionnels de visualiser et d'identifier aisément les produits de la marque du fournisseur.
Cet espace privilégié prendra la forme d'un emplacement exclusivement affecté aux produits du fournisseur et devra comporter les bandeaux ou affichettes apposés sur les palettes fournies par le fournisseur faisant apparaître la marque du fournisseur.
L'espace retenu et sa présentation générale assurent une exposition privilégiée des produits correspondant parfaitement à la qualité de ceux-ci" ;
Considérant que la société Blampin a été contrôlée dès le 7 février 2011 sur le MIN de Marseille, puis le 26 avril et le 3 octobre 2011, les sociétés BFH et Blampin faisant valoir que l'intervention de l'Administration a été effectuée uniquement à Marseille, de plus en dehors des heures d'ouverture du MIN et qu'elle a conduit à l'établissement de simples procès-verbaux de déclaration et prise de copie de documents qui ne sauraient constituer des procès-verbaux de constatations matérielles et valoir preuve du caractère fictif des prestations de mise en avant ;
Considérant que le ministre de l'Economie fait état de deux autres visites les 2 février et 5 mai 2011 et soutient que les documents recueillis constituent les éléments de son enquête et sont suffisants ;
Considérant que les sociétés BFH et Blampin soutiennent que le MIN était ouvert à l'époque des faits pour les clients et grossistes seulement de 3h à 7h et que les services d'enquête ne pouvaient pas, au regard des dispositions de l'article L. 450-3 alors en vigueur, effectuer de contrôle pendant ce créneau horaire, le législateur ayant réformé ces dispositions dans le cadre de la loi du 17 mars 2014 dite loi Hamon, de sorte que les enquêteurs n'ont pu réaliser aucune constatation concernant la réalité des services de mise en avant puisque les contrôles se sont déroulés le 7 février 2011 puis le 26 avril à 10h et le 3 octobre 2011 à 14h, sur le MIN de Marseille, donc en dehors des heures d'ouverture de ce marché et qu'ils ont conduit à l'établissement de simples procès-verbaux de prise de copie de documents et de déclaration de M. Colin, directeur général de la société BFH sur les prestations de mise en avant, dont il est fait par ailleurs une interprétation erronée ;
Considérant que les interventions de l'Administration, qui avaient pour but de connaître les conditions commerciales négociées par la société BFH avec les fournisseurs (producteurs, grossistes ou importateurs) et ses clients qui sont pour l'essentiel des détaillants ont été effectuées sur la base des pouvoirs d'enquête de l'article L. 450-3 du Code de commerce qui dispose que "Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel ; demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en obtenir ou en prendre copie par tous moyens et sur tous supports, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications" ;
Considérant que les prises de déclaration et de documents effectuées par les enquêteurs font partie des pouvoirs d'enquête qui sont les leurs, pièces qui ont servi de base à l'engagement de l'instance en cours par le ministre de l'Economie ; que l'enquêteur a recueilli par copie les contrats souscrits par 19 fournisseurs, d'une part, pour 2010 d'autre part pour 2011 ; qu'au cours de cette enquête a été entendu M. Colin, directeur général de la société BFH, sur les prestations de mise en avant tant sur les marchés que sur le site Internet ; que celui-ci a signé le procès-verbal de transcription de ses déclarations ; que l'ensemble de ces pièces qui constituent l'enquête ont été soumises au débat contradictoire ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont écarté les procès-verbaux de déclaration et de prise de documents comme ne pouvant pas présenter un caractère probant ; qu'il appartient au juge de les analyser au regard des éléments de contradiction apportés par les sociétés BFH et Blampin ;
Considérant que le ministre de l'Economie conteste l'attestation de M. Gra, responsable du MIN, quant aux heures d'ouverture du MIN ; qu'il fait valoir qu'elle est en contradiction avec l'article 18 du règlement intérieur du MIN et avec son site Internet qui précise que le marché est ouvert du lundi au vendredi de 4h à 12h pour les grossistes ;
Considérant que l'attestation de M. Gra est imprécise en ce qu'elle ne précise pas les dates auxquelles les horaires qu'il cite s'appliquent ; que la société Blampin a d'ailleurs produit une publicité concernant les horaires d'ouverture du MIN (pièce 23) mentionnant que la zone grossiste est ouverte de 4 h à 12 h ;
Considérant que les enquêteurs se sont transportés sur ce marché et ont été accueillis sur place par le dirigeant de la société Blampin qui exploite les box 506 à 510 le 7 février 2011 et le 26 avril à 10h sans que celui-ci évoque alors la fermeture dudit marché ; qu'ils ont alors reçu ses déclarations dans le cadre même de son activité sur ce marché ;
Considérant que, quand bien même le marché n'aurait-il pas été en activité, et quand bien même à 10 h tous les produits d'un fournisseur concerné auraient-ils été vendus, il s'agissait de recueillir les copies des contrats signés avec les fournisseurs et les déclarations du dirigeant des sociétés Blampin sur l'existence de la mise en avant ; que, de plus, si les opérations de vente avaient cessé et si les produits avaient réintégré les chambres froides, les éléments matériels destinés à caractériser cette prestation de mise en avant n'avaient pas vocation à disparaître d'autant qu'il était prévu que le service de mise en avant consistait en "un espace clairement séparé, spécialement, adapté et exclusivement dédié à ses produits" ;
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de déclaration et de prise de copie dressé que M. Brandini, inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes s'est transporté ce jour-là au MIN des Arevaux à Marseille et a entendu, M. Colin, directeur général de la société BFH, sur les prestations de mise en avant tant sur les marchés que sur le site Internet ; que celui-ci a signé sa déclaration qui ne saurait donc être contestée ;
Considérant que M. Colin a expliqué le 26 avril 2011 que "le service de mise en avant sur les lieux de vente des sociétés du groupe Blampin est rendu depuis le 1er février 2011 pour les fournisseurs du groupe qui ont accepté ce service, les sociétés du groupe mettent les produits à la vente toujours au même endroit, par fournisseur et n'exposent à la vente pour des produits donnés que les produits d'un seul fournisseur, les mêmes produits d'un autre fournisseur non signataire du contrat de service sont proposés à la vente en même temps, ils sont mis en retrait par rapport à ceux des fournisseurs partenaires qui ont accepté le service de mise en avant" ;
Qu'il ajoute "les produits de ces 19 fournisseurs du groupe Blampin sont proposés à la vente par palettes dans les mêmes locaux des sociétés du groupe comme ils l'étaient les années précédentes" tout en mentionnant que le service rendu consiste à placer dans les premiers rangs les palettes des fournisseurs concernés ;
Considérant que M. Colin décrit le service rendu comme consistant seulement à placer les produits des fournisseurs partenaires toujours "au même endroit", dans les premiers rangs, ceux des autres fournisseurs étant placés en retrait" ce qui ne caractérise pas le service spécifique convenu qui était, aux termes du contrat de mettre en place un "espace réservé, soigné et identifié, permettant la valorisation et leur individualisation par rapport aux autres produits", le contrat qualifiant cet espace de privilégié de sorte qu'il ne peut consister en un simple placement sur un rang plus en avant que celui des autres fournisseurs ; que dès lors peu importe que l'Administration n'ait pas procédé à un constat matériel concernant les produits d'un des 28 fournisseurs ayant réglé cette prestation ;
Considérant que les sociétés BFH et Blampin ne contestent d'ailleurs pas le caractère illusoire de cette affirmation puisque, évoquant les pratiques de la grande distribution, elles indiquent que les particularités des MIN font que les prestations telles que placement en tête de gondole sont impossibles et qu'elles ne disposent comme seul moyen que d'identifier les espaces au sein du local par des affichettes et des bandeaux ;
Considérant que la déclaration de M. Colin porte sur l'application des prestations de mise en avant par les sociétés Blampin sur l'ensemble de leurs points de distribution ; qu'il ne vise pas la réalisation des services de mise en avant les jours d'intervention des services d'enquête mais les pratiques habituelles sur les différents sites ; qu'il importe peu dès lors que les services d'enquête n'aient pas procédé à des constatations concernant les produits spécifiques de l'un ou l'autre des fournisseurs concernés dès lors que les contrats recueillis ont révélé que des fournisseurs avaient accepté cette prestation, qu'elle leur avait été facturée et qu'ils l'avaient réglée pour un montant global de 186 899,84 selon le détail suivant :
AMS European : 14 426,93
Les fils de Marius Auda : 4 931,4
Breizh Primeur : 9 135,64
Camilor : 971,66
Cledor la Provence : 955,48
Commercial Fruits SA : 3 013,47
Creno Impex : 1 493,66
Hayart Delos : 1 571,02
Jardin des Papes : 1 407,66
Saisof : 1 424,99
Silvacane : 520,52
Levarht : 78,94
Limdor : 469,48
Meyer Champi-PDM : 600,39
Primafel : 9 086,55
Samuel et fils : 227,67
Selection SA : 536,19
Selection Fruits : 1 856,69
Serfel : 8 498,16
Sica Edelweiss : 3 879,26
Tastet : 3 171,83
Valcadis : 2 155,31
Vergers de Haute Savoie : 293,52
Viller SA : 114,10
Vitalfa : 886,16
Wust France : 66,78
Capexo : 22 235,39
Mehadrin International : 92 690,95
Considérant que M. Colin a d'ailleurs ajouté que "Dans l'établissement principal et siège de Blampin au MIN des Arnaux à Marseille, la surface de vente est de 1 200 m2 environ. De cette surface, il faut retrancher les allées de circulation, de stockage (chambres froides) et de préparation des commandes pour obtenir les emplacements réservés aux palettes sur lesquelles sont proposés à la vente les produits. Il est évident que ces aires techniques n'ont pas pu être modifiées car techniquement ce n'est pas possible" ;
Considérant que l'article 5 du contrat stipulait que ce service de mise en avant devait être "rendu de façon continue du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 pour la commercialisation de l'ensemble des produits durant cette période" ; que la société Blampin fait valoir le caractère saisonnier de chaque variété de fruits et légumes et le fait que la mise en avant n'avait de sens que si les fournisseurs avaient des produits à vendre ce qui contredit de fait l'affirmation de son dirigeant selon laquelle les produits auraient toujours été disposés au "même endroit" ce qui est invraisemblable eu égard même à cette saisonnabilité ; que la société Blampin affirme, pour deux fournisseurs, Samuel et fils et Selection SA, n'avoir facturé le service de mise en avant, que pour les mois où ces sociétés ont vendu des produits ; qu'elle n'invoque pas cette circonstance pour les autres fournisseurs précités ; qu'aucune précision ne figurait sur la facture, ni au regard de la prestation, ni de la période de temps, la prestation étant facturée en pourcentage du chiffre d'affaires mensuel ; que dès lors la mention d'un service de mise en avant de façon continue, quand bien même n'aurait-il pu s'exécuter que pendant des périodes limitées liées à la saisonnalité des produits vendus par certains fournisseurs, participe du caractère fictif de la prestation offerte et acceptée par les fournisseurs ;
Considérant que la loi du 2 août 2005 précise que l'Administration "lorsqu'elle a démontré devant le juge que le fournisseur a bien payé les sommes qui lui ont été facturées, [sic] d'exiger du distributeur qu'il justifie s'être acquitté de ses obligations et qu'il prouve avoir réellement fourni le service en cause" ; qu'il appartient donc à la société BFH de faire la preuve de l'existence d'une mise en avant sur les sites physiques de vente et que celles-ci n'étaient pas des prestations fictives ayant qui pour objet de remplacer les remises, ristournes et rabais devenues illégales ;
Considérant qu'il résulte des déclarations recueillies que la société Blampin n'a procédé à aucun aménagement particulier de ces locaux, le dirigeant de la société Blampin ajoutant clairement que la modification des lieux était techniquement impossible sur le marché MIN de Marseille ;
Considérant que de plus l'article 5 visait les fournisseurs ayant une marque en ce que le service de mise en avant avait pour finalité de permettre "d'identifier aisément les produits de la marque du fournisseur" ; que seulement trois fournisseurs ayant souscrit à cette mise en avaient une marque de sorte que les autres n'étaient pas concernés par la finalité même du service ;
Considérant que la société Blampin fait valoir que les mises en avant en question ont pris la forme d'un espace séparé, adapté aux produits et permettant aux professionnels de visualiser rapidement, puisque placés en premier plan, que l'espace était marqué par des drapeaux de plus de 2 mètres de hauteur avec la mention " mise en avant produits et marques fournisseurs partenaires ", ce qui est, selon elle, suffisant au regard de l'urgence dans laquelle les achats sont réalisés par les professionnels sur le MIN et enfin qu'une affichette permettait d'identifier les produits de la marque du fournisseur ; qu'elle produit des photographies prises pendant les horaires de commercialisation afin de corroborer ses dires ;
Considérant que l'examen de ces photographies met en évidence des alignements de palettes au-dessus desquelles sont suspendues des bannières mentionnant "action de mise en avant Produits et marques fournisseurs partenaires, groupe Blampin" ; que cette bannière ne permet pas d'individualiser les fournisseurs concernés puisqu'elle comporte seulement mention du groupe Blampin ; que ces photographies, qui ne sont pas datées, révèlent que les cartons figurant sous ces bannières portent le nom "Parmentine" qui est un fournisseur de la société Blampin mais qui ne figurait pas parmi les fournisseurs ayant souscrit en 2011 la prestation de mise en avant ; que ces photographies ne permettent pas d'identifier l'un des fournisseurs ayant souscrit à la prestation de mise en avant 2011 ; qu'au demeurant elles mettent en évidence des palettes alignées et superposées sans qu'il y ait d'espaces clairement séparés entre les fournisseurs tels que prévus par l'article 5 des contrats ; qu'en conséquence elles ne sauraient démontrer l'effectivité de ce service ni en 2011, ni à la date de la prise des photographies ;
Considérant que, si les sociétés BFH et Blampin prétendent que les 28 fournisseurs, qui ont payé pour ce service de mise en avant, ont vu leur chiffre d'affaires augmenter, et quand bien même cette affirmation serait vérifiée, cet élément ne saurait constituer la démonstration de la réalité de la prestation de mise en avant ;
Considérant qu'en tout état de cause, si le seul fait d'être proposé en avant constitue pour un fournisseur un avantage, cette présentation, ne saurait caractériser la prestation contractuellement décrite, à savoir la mise à disposition d'un espace "réservé, soigné et identifié", ces trois termes employés signifiant la création d'un espace propre à chacun des fournisseurs, à des soins particuliers dont aurait bénéficié celui-ci et à son identification par les clients ce qui ne pouvait être réduit à la seule attribution d'un rang de présentation ; que dès lors les déclarations du dirigeant de la société Blampin Holding Fruits qui a décrit la prestation comme l'attribution d'un rang préférentiel démontrent le caractère fictif de la prestation telle que prévue par l'article 5 des contrats ;
Considérant que, si pour 11 fournisseurs le service de mise en avant n'a pas été facturé, la société BFH ne leur ayant pas commandé de produits et que, pour un fournisseur elle n'a pas été réglée, il n'en demeure pas moins que cette prestation avait été clairement définie par la société BHF et acceptée par les fournisseurs qui étaient dès lors en droit d'attendre sa mise en œuvre, alors qu'en réalité elle n'a fait que remplacer la perte par la société BHF des RRR ; qu'en introduisant dans les contrats un article 5 définissant une prestation, les sociétés BFH et Blampin ont ainsi tenté d'obtenir un avantage qui était indu, peu importe qu'elle n'ait pas facturé 11 d'entre eux parce qu'elle ne leur avait commandé aucun produit ; que ces fournisseurs étaient néanmoins liés par les dispositions de l'article 5 du contrat qui constitue dès lors une tentative à leur endroit par les sociétés BFH et Blampin d'obtenir un avantage qu'elles savaient indu ;
Considérant en conséquence que la rédaction de la clause prévoyant le service de mise en avant sur les lieux de vente était incohérente et imprécise et ne pouvait matériellement pas être mise en œuvre ce qui résulte des déclarations mêmes du dirigeant de la société Blampin ; qu'il s'agissait d'un service fictif, la société Blampin étant dans l'impossibilité d'assurer le service de mise en avant et celui-ci introduit dans les contrats 2011 n'ayant donc comme objectif que de remplacer les RRR dont avaient bénéficié précédemment les sociétés BFH et Blampin ;
Le service de mise en avant sur le site Internet :
Considérant que 10 fournisseurs ont signé cet accord pour 2011 qui stipulait que "l'acheteur propose au fournisseur un service de mise en avant spécifique dont l'objet consiste à insérer la marque du fournisseur sur ledit site Internet dans un encart privilégié et parfaitement visible des internautes " ;
Considérant que M. Colin, dirigeant de la société BFH, a déclaré le qu'"aucune mise en avant que ce soit de produits ou de marque commerciale de fournisseur n'a pu être réalisée depuis le 29 janvier 2011 sur le site Internet du groupe Blampin ; celui-ci n'est pas encore actif à ce jour ; Ce site n'a jamais proposé de telles mises en avant les années antérieures" ;
Considérant que le 3 octobre 2011, les enquêteurs ont relevé que cette prestation n'était toujours pas réalisée ; que la société BFH a alors précisé qu'elle n'envisageait pas de donner suite aux stipulations contractuelles relatives au service de mise en avant sur son site Internet au titre de l'année 2011 ;
Considérant que seuls deux fournisseurs sur les 11 qui ont accepté cette prestation, les sociétés Jardins du Midi et Jardins des Papes, disposaient d'une marque alors même que la description de la prestation démontre qu'elle s'adressait aux titulaires d'une marque ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société BFH a conclu un contrat par lequel elle s'engageait à fournir une prestation ; que les contrats étant signés chaque année, la prestation de mise en avant était nécessairement stipulée au titre de cette année de sorte que la société BFH ne peut pas soutenir qu'il n'avait pas été convenu de date, le contrat ne stipulant aucun différé à sa mise en œuvre ; que de plus comme elle l'indique certains produits sont saisonniers de sorte que certains fournisseurs n'ont rien à vendre au cours de certaines périodes ; qu'en conséquence ce service de coopération pour exister se devait d'être effectif en continu afin de permettre la saisie des produits proposés tout au long de l'année ;
Considérant que ce service n'a jamais pu être proposé démontrant ainsi son caractère parfaitement fictif ; que le fait de l'introduire dans les contrats 2011 a constitué une tentative afin de permettre aux sociétés BFH et Blampin de compenser la perte des RRR devenues illégales ;
Sur les demandes des sociétés Blampin
Considérant que la cour a fait droit aux demandes du ministre de l'Economie de sorte que les sociétés BFH et Blampin ne sauraient arguer d'un préjudice du fait de l'enquête effectuée, aucune faute n'étant démontrée à cette occasion ;
Sur les demandes du ministre de l'Economie
Considérant que les pratiques des sociétés BFH et Blampin sont de nature à léser le consommateur en maintenant les prix à un niveau artificiellement élevé ; qu'elles n'ont constitué qu'un habillage ne recouvrant aucune réalité économique, n'ayant pour finalité que de faire échec à la prohibition des ristournes, rabais et remises ;
Considérant que le ministre de l'Economie peut faire constater la nullité d'une clause illicite sans pour autant remettre en cause l'intégralité du contrat et demander la répétition de l'indu ;
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de prononcer la nullité de l'article 5 des contrats 2011 signés entre la SAS Blampin Fruits Holding et les 40 fournisseurs précités ;
Considérant que le ministre de l'Economie a produit les avis d'information adressés aux fournisseurs (pièces 7-1 à 7-40) qui les informent sans équivoque qu'il a introduit une action à l'encontre de la société BFH et de la société Blampin et qu'il a demandé la restitution à leur profit des sommes perçues par la société Blampin ; qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande du ministre de l'Economie et d'ordonner le remboursement des sommes versées ;
Considérant que de telles pratiques créent un trouble à l'ordre public économique en ce qu'elles faussent le marché de la libre concurrence en créant des prix artificiels ; qu'elles sont le fait d'un groupe qui a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 85 millions d'euros ; qu'il y a lieu en conséquence afin de sanctionner de tels abus de prononcer une amende civile de 80 000 et d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt en première page du site Internet de la société BFH pendant un mois à compter de la signification de la décision ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que le ministre de l'Economie a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré la mise en cause de la société Blampin Fruits Holding recevable et en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande de réparation de leur préjudice économique ; Dit et juge que la société Blampin Fruits Holding et la société Blampin ont obtenu ou tenté d'obtenir un avantage sans contrepartie au titre de la prestation de service de mise en avant des produits sur les lieux de vente, prévue à l'article 5 de la convention 2011 convenue avec les fournisseurs suivants : AMS European Les fils de Marius Auda Breizh Primeur Camilor Cledor la Provence Commercial Fruits SA Creno Impex Hayart Delos Helfer Georges SA Jardin des Papes Saisof Silvacane Levarht Limdor Meyer Champi-PDM Primafel Samuel et fils Selection SA Serfel Sica Edelweiss Tastet Valcadis Vergers de Haute Savoie Viller SA Vitalfa Wust France Capexo Mehadrin International Jover BV Van de Watering BV Vergers du Barry de la Breuille Fruits du Luberon Jardins du Midi JLC France Mondial Fruits Secs PA SAM Unanimes Verkaeke SA Dit et juge que la SAS Blampin Fruits Holding a tenté d'obtenir un avantage sans contrepartie au titre de la prestation de service de mise en avant des produits sur le site Internet http://blampinfruits.com, prévue à l'article 5 de la convention 2011 convenue avec les fournisseurs suivants : Meyer Champi-PDM De la Breuille Fruit du Luberon JLC France Mondial Fruits Secs Unanimes Vervaeke Jardins du Midi Jardins des Papes PA SAM Dit et Juge que la SAS Blampin Fruits Holding a contrevenu aux dispositions de l'article 442-6 I 1° Prononce la nullité de l'article 5 des contrats 2011 signés entre la sas Blampin Fruits Holding et les 40 fournisseurs précités Condamne la société Blampin Fruits Holding et la société Blampin à payer aux 28 fournisseurs suivants, par l'intermédiaire du Trésor, à charge pour ce dernier d'opérer le paiement de la somme due à chaque fournisseur pour un montant total de 186.899,84 selon le détail suivant : AMS European : 14 426,93 Les fils de Marius Auda : 4 931,4 Breizh Primeur : 9 135,64 Camilor : 971,66 Cledor la Provence : 955,48 Commercial Fruits SA : 3 013,47 Creno Impex : 1 493,66 Hayart Delos : 1 571,02 Jardin des Papes : 1 407,66 Saisof: : 1 424,99 Silvacane : 520,52 Levarht : 78,94 Limdor : 469,48 Meyer Champi-PDM : 600,39 Primafel : 9 086,55 Samuel et fils : 227,67 Selection SA : 536,19 Selection Fruits : 1 856,69 Serfel : 8 498,16 Sica Edelweiss : 3 879,26 Tastet : 3 171,83 Valcadis : 2 155,31 Vergers de Haute Savoie : 293,52 Viller SA : 114,10 Vitalfa : 886,16 Wust France : 66,78 Capexo : 22 235,39 Mehadrin International : 92 690,95 . Condamne la société Blampin Fruits Holding et la sas Blampin à une amende civile de 80 000 en réparation du trouble causé à l'ordre public économique et en répression du contournement délibéré de la loi prohibant l'obtention de remises, rabais ou ristournes lors de l'achat de fruits et légumes frais. Condamne la société Blampin Fruits Holding à publier le dispositif de l'arrêt à intervenir en première page du site Internet http://blampinfruits.com pour une durée d'un mois à compter de la signification de la décision. Condamne solidairement la société Blampin et la société Blampin à payer la somme de 1 000 au Trésor Public au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire. Condamne solidairement la société Blampin Fruits Holding et la société Blampin aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.