CA Versailles, 13e ch., 15 janvier 2015, n° 13-03474
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sorintern (SAS)
Défendeur :
Go BV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Belaval
Conseillers :
Mmes Beauvois, Vaissette
Avocats :
Mes Lafon, Chamy, Dupuis, Champetier
FAITS ET PROCEDURE,
La société Go BV (société Go), société de droit néerlandaise a fait appel à compter de l'année 2000 à la Société de Représentation International (société Sorintern) en qualité d'intermédiaire pour développer sa branche d'activité de vente de matériel de camping et l'assister dans la commercialisation dudit matériel sur le territoire français, sans qu'aucun contrat écrit soit signé entre les parties.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 août 2007, la société Go a informé la société Sorintern qu'elle entendait cesser son activité commerciale concernant le matériel de camping et qu'à partir "d'aujourd'hui toutes les activités commerciales seraient reprises par CPB BV (qui doit être créée) [...]. CPB BV débutera en tant que compagnie européenne et se prépare à prendre tous les engagements en cours que Go BV a pris avec les clients existants [...]".
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2007, la société Sorintern a, considérant que la société Go lui avait annoncé vouloir cesser ses relations commerciales avec elle et donc vouloir rompre le contrat d'agent commercial qui les liait depuis plus de 15 années, rappelé qu'en application de l'article L. 134-11, elle lui devait un préavis de trois mois pour lui permettre d'honorer les commandes passées par les clients et qu'en application de l'article L. 134-12, elle avait droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi égale selon la jurisprudence à deux ans de commissions moyennes sur les trois dernières années, demandant à la société Go de revenir sur sa décision.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2007, le conseil de la société Sorintern a adressé une mise en demeure à la société Go d'avoir à payer la somme de 34 232 euros au titre des commissions non payées à ce jour et celle de 130 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture.
La société Sorintern a introduit une première instance devant le Tribunal de commerce de Dreux le 18 mars 2008 et obtenu un jugement à l'encontre de la société Go le 11 septembre 2008 mais cette assignation et le jugement subséquents ont été annulés par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 14 janvier 2010.
Par nouvel acte d'huissier de justice en date du 10 avril 2009, la société Sorintern a assigné la société Go devant le Tribunal de commerce de Chartres aux fins de voir condamner la société Go à lui payer notamment la somme de 82 932,48 euros au titre de commissions impayées et celle de 130 000 euros à titre d'indemnité de rupture en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Par jugement du 23 novembre 2010, le Tribunal de commerce de Chartres s'est déclaré incompétent, estimant que la juridiction néerlandaise du ressort du domicile du défendeur était compétente territorialement. La société Go a formé contredit et par arrêt rendu le 30 juin 2011, la Cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement déféré et dit compétent le Tribunal de commerce de Chartres.
Par jugement rendu le 26 mars 2013, le Tribunal de commerce de Chartres a débouté la société Sorintern de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et à payer à la société Go une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal de commerce a jugé qu'il n'existait pas de relations contractuelles entre les parties et que par conséquent le litige devait être examiné au visa des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, constaté que la société Go a proposé à la société Sorintern d'assurer la continuité de son activité et la poursuite de son contrat d'agent commercial avec son successeur, la société CPB, et ce aux mêmes conditions qu'auparavant, que c'est la société Sorintern qui par son attitude a empêché la poursuite des relations commerciales établies entre elle et la société Go avec son successeur, la société CPB, que la société Go n'a pas procédé à la rupture des relations commerciales établies et qu'au contraire c'est la société Sorintern qui a pris l'initiative de ladite rupture.
La société Sorintern a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 9 août 2013, la société Sorintern demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de débouter la société Go BV de l'ensemble de ses demandes, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 82 932,48 euros à titre de commissions non payées et la somme de 169 660 euros à titre d'indemnité de rupture en application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, ces condamnations des intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation en date du 7 avril 2009, d'ordonner la capitalisation des intérêts, de condamner la société Go à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient en substance, après avoir repris l'historique des faits :
- qu'elle a occupé la fonction d'agent commercial en France pour la société Go BV venant aux droits de la société Go Group depuis l'année 2000, qu'après la lettre en date du 27 août 2007 de la société Go, elle a pris acte de la brusque rupture de leurs relations contractuelles par lettre en date du 14 septembre 2007 car après vérification la société CPB n'existait pas, demandant l'application à son profit des dispositions des articles L. 134-11 et suivants du Code de commerce, que les conditions n'étaient pas réunies pour que la société CPB se substitue à Go BV, tant vis-à-vis des clients de Sorintern qui n'ont pas voulu de l'intervention de la société CPB étant donné son absence de garantie, vu la précipitation avec laquelle Go BV a agi en refusant de leur livrer la marchandise dont ils étaient en attente, en proposant une toute autre qualité de marchandises que de Sorintern puisqu'elle-même ne retrouvait plus sa commission, qu'il est amplement démontré que la société Go BV est bien à l'origine de la rupture des relations contractuelles établies avec elle depuis 7 ans ;
- qu'elle était l'agent commercial de la société Go en France, qu'aucun contrat écrit n'est exigé pour la validité de ce contrat et qu'un contrat a bien existé contrairement à ce qu'ont prétendu les premiers juges, que la loi française s'applique également en cas de rupture et qu'elle a droit à l'indemnité de rupture prévue par l'article L. 134-12 ;
- que le refus d'honorer les commandes par la Société Go BV, quel que soit son motif, n'annulant en rien le droit de la société Sorintern à percevoir des commissions pour le travail qu'elle a exécuté en amont d'agent commercial et ce, conformément à l'article L. 134-9, que pour le calcul des commissions, il y a lieu de se reporter à son mail du 16 avril 2007 fixant le montant de sa commission à venir, condition qui a été acceptée puisque ce mail n'a appelé aucune observation de la société Go BV qui a réglé les commissions de Sorintern ultérieurement au montant de 10 % ;
- que pour le calcul de l'indemnité de rupture, les commissions facturées, payées ou non pour l'année 2007 doivent être incluses, qu'elle a droit à une indemnité de deux années de commissions calculée sur la moyenne des commissions des trois dernières années, que pour apprécier l'importance de son préjudice, il convient de rappeler que deux clients importants, Carrefour et Intermarché ont mis fin à leurs relations avec elle du fait du comportement de la société Go qui n'a pas honoré ses commandes.
Par dernières conclusions signifiées le 12 septembre 2013, la société Go BV demande à la cour de dire recevable mais mal fondé l'appel de la société Sorintern, confirmer le jugement purement et simplement, à titre infiniment subsidiaire, de limiter la somme qui serait allouée à la société Sorintern au titre d'une indemnité de rupture, et ce à un montant bien inférieur à la somme de 169 660 euros qu'elle réclame à ce titre et de rejeter en tout état de cause les demandes formulées par la société Sorintern au titre des commissions et notes de débit prétendument impayées, en tout état de cause de condamner la société Sorintern à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
La société Go réplique pour l'essentiel à la société Sorintern :
- que le Tribunal de commerce de Chartres a jugé à juste titre que la société Sorintern ne pouvait pas se prévaloir de la législation applicable aux agents commerciaux, et plus précisément des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, que de fait, elle a toujours indiqué depuis le début de cette longue procédure l'opposant à la société Sorintern qu'elle n'avait jamais eu connaissance du statut d'agent commercial et qu'elle n'avait découvert celui-ci qu'en recevant la lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2007, qu'il n'existe aucun document écrit faisant référence à ce statut, que par suite, l'ensemble des demandes formulées par la société Sorintern sur le fondement des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce sont irrecevables ;
- sur la demande relative au règlement d'une indemnité de fin de contrat, que la société Sorintern part du postulat qu'elle a rompu le contrat qui les liait mais qu'il n'en est rien, que dès le 27 août 2007, cette dernière était informée que la reprise de son activité de vente de matériel de camping serait assurée par la société CPB ("Camping Picnic Beach"), qui devait être prochainement créée à cet effet aux Pays-Bas, ce qui sera effectivement le cas le 15 octobre 2007, qu'elle a parfaitement suivi la procédure d'information des clients qu'elle avait annoncée, assurant à la clientèle le maintien des conditions antérieures, ainsi que sa totale coopération dans l'accompagnement de l'activité reprise par la société CPB, ce que la société Sorintern avait elle-même qualifiée de "bonne solution", que la société Sorintern au prétexte qu'elle estimait devoir percevoir des indemnités de sa part, a tout fait pour éviter la transmission de sa branche d'activité de vente de matériel de camping à la société CPB, que l'ensemble des éléments démontre qu'elle n'a jamais voulu mettre fin au "contrat d'agent commercial" de la société Sorintern et qu'elle a au contraire tout mis en œuvre pour assurer la continuité de l'activité de cette dernière avec son successeur, la société CPB, que, conformément à une jurisprudence constante, le mandant (en l'occurrence la société Go BV) a parfaitement le droit de céder le contrat d'agence commerciale, aucun formalisme particulier n'étant requis et le contrat étant alors transmis sans autre modification que celle affectant l'identité du mandant (qui aurait dû devenir la société CPB) ;
- que la société Sorintern fait preuve de mauvaise foi ainsi que cela ressort de la fausse traduction qu'elle a réalisée de sa pièce 21, qu'elle soutient également de mauvaise foi que la société CPB aurait accordé des commissions inférieures à celles qui lui étaient accordées par la société Go, qu'en effet, elle n'a jamais donné son accord sur le nouveau montant de commission fixé unilatéralement par la société Sorintern, qu'il est démontré que c'est cette dernière qui par son attitude a tout fait pour ne pas poursuivre son activité avec la société CPB, que la cour ne pourra que confirmer que la rupture résulte de l'initiative de la société Sorintern ;
- sur la demande relative au règlement des sommes restant prétendument dues à titre de commissions et notes de débit, que la société Sorintern réclame le règlement de commissions pour des commandes qu'elle a fait établir à l'attention de la société Go BV alors qu'elle avait reçu pour instruction de ne pas le faire dans la mesure où lesdites commandes auraient dû être établies à l'ordre de la société CPB, qu'au demeurant, lesdites commandes n'ont jamais été confirmées et aucune marchandise correspondante n'a été livrée de sorte qu'aucune commission n'est due à ce titre, que la société Sorintern a augmenté unilatéralement les pourcentages de ses commissions, que les notes de débit ne sont nullement justifiées.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
DISCUSSION :
Sur l'application du statut d'agent commercial
La société Go invoque dans les motifs de ses conclusions l'irrecevabilité des demandes de la société Sorintern formées en application des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce. Cependant, la cour n'ayant à statuer en application de l'article 954 du Code de procédure civile que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, n'a pas à examiner un moyen d'irrecevabilité non repris dans son dispositif par la société Go.
La société Go tout en reconnaissant avoir fait appel à la société Sorintern comme intermédiaire afin de l'aider dans la branche d'activité dédiée à la vente de matériel de camping et de l'assister dans la commercialisation dudit matériel sur le territoire français à compter de l'année 2000, conteste que la société Sorintern puisse se prévaloir du statut d'agent commercial et des dispositions légales des articles L. 134-1 et suivants.
A titre liminaire, il sera observé que si la société Go a discuté la compétence de la juridiction française, question qui a été définitivement tranchée par l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles rendu le 30 juin 2011, et discute la qualification de contrat d'agence commerciale revendiquée par la société Sorintern, elle ne conteste pas que la relation contractuelle entre elle et la société Sorintern est régie par la loi française qui est celle de l'Etat dans lequel, au moment de la formation de la relation contractuelle, la société Sorintern avait son siège social et où s'est exécuté le contrat et elle ne prétend pas que les parties auraient choisi de soumettre à une loi étrangère la relation contractuelle.
Il résulte de l'article L. 134-1 du Code de commerce que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
Le contrat d'agence commerciale est un contrat consensuel. L'accord des parties peut être prouvé par tous moyens et la seule circonstance que les parties n'ont pas signé un contrat écrit ne suffit pas à écarter cette qualification. Par ailleurs, la soumission au statut d'agent commercial ne dépend que des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, indépendamment de la qualification que les parties, le cas échéant, ont entendu lui donner.
En l'espèce, il résulte des pièces aux débats que la société Go a confié à compter de l'année 2000 et jusqu'en août 2007, sans interruption, à la société Sorintern la mission de la représenter sur le territoire français dans la commercialisation des produits de sa branche d'activité matériel de camping, auprès de la grande distribution et notamment de clients tels qu'Intermarché, Carrefour, Bricomarché, Auchan, auprès desquels la société Sorintern s'est chargée de promouvoir et de proposer les produits commercialisés par la société Go, d'assurer le référencement de la société Go et de ses produits, a négocié les ventes - prix et quantités - et a recueilli les commandes passées par les clients à la société Go, que la société Go a réglé à la société Sorintern pour cette activité des commissions calculées sur le chiffre d'affaires correspondant aux ventes réalisées par l'intermédiaire de la société Sorintern.
Ces circonstances dans lesquelles la société Sorintern a agi en toute indépendance démontrent que la société Sorintern a exercé une activité d'agent commercial pour le compte de la société Go.
Dès lors, la société Sorintern revendique à juste titre l'application des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce.
Sur la rupture du contrat d'agent commercial
La société Go soutient qu'elle avait parfaitement le droit de céder le contrat d'agence commerciale, aucun formalisme particulier n'étant requis et le contrat étant alors transmis sans autre modification que celle affectant l'identité du mandant.
Cependant, le contrat d'agent commercial étant conclu dans l'intérêt commun des parties et en considération de la personne de chaque contractant, sa cession ne peut intervenir qu'avec l'accord de toutes les parties au contrat. Le mandant ne peut donc transmettre le contrat d'agence commerciale, le cas échéant dans le cadre d'une cession partielle d'actif, qu'avec l'accord de l'agent commercial.
En l'espèce, il ressort des conclusions de la société Go et des pièces aux débats que la société Go a pris la décision dans le courant de l'année 2007, à l'occasion d'une réorganisation de la société, de cesser son activité dédiée au matériel de camping et que Messieurs Van Rhienen, directement ou indirectement, ont racheté cette branche d'activité à la société Go, laquelle devait être reprise par une société créée à cet effet, la société CPB, que la société Go a informé le 27 août 2007 la société Sorintern qu'elle cessait le jour même ses activités commerciales dans cette branche qui étaient reprises par la société CPB à créer, que cette dernière se préparait à reprendre tous les engagements en cours que la société Go avait pris avec les clients, que la société CPB prendrait contact avec la société Sorintern dans les plus brefs délais.
Ce courrier de la société Go adressé à la société Sorintern ne contient pas d'engagement précis envers son agent commercial puisque la société Go se borne à indiquer qu'elle cesse immédiatement d'exploiter sa branche d'activité, qu'une société à créer prendra contact avec la société Sorintern et que cette société reprendra tous les engagements en cours que la société Go avait pris avec les clients. Or, la société Sorintern n'est pas un client de la société Go.
Dans ces circonstances, dans son courrier du 14 septembre 2007 adressé à la société Go, la société Sorintern n'a fait que tirer les conséquences de la cessation immédiate par la mandante de ses activités commerciales dédiées au matériel de camping et de l'absence de tout contact pris par la société CPB laquelle n'existait pas encore à cette date, en rappelant les dispositions légales relatives au préavis et à l'indemnité compensatrice en cas de cessation du contrat d'agence commerciale. La société Sorintern tout en rappelant les textes applicables demandait à la société Go de revenir sur sa décision.
Or, il est établi que le 1er octobre 2007, la société Sorintern a de nouveau écrit à la société Go faute d'avoir reçu une réponse en lui demandant des éclaircissements sur la situation et notamment si elle entendait honorer les commandes passées, qu'une réunion a eu lieu tout début octobre entre Mme Aubrun de la société Sorintern et M. Verlann de la société Go, que le 6 octobre, en réponse à un courriel de ce dernier lui annonçant à la suite d'une réunion entre le dirigeant de la société Go et le repreneur M. Van Rhienen que la société Go confirmerait aux clients qu'elle n'exécuterait pas les ordres éventuels comme indiqués dans la lettre du 27 août 2007 et que les ordres devraient être adressés à CPB avec les mêmes prix et conditions, Mme Aubrun a certes indiqué que cela était une bonne solution mais qu'elle a demandé "quelles nouvelles sur le contrat Sorintern et Go bv", qu'elle a ajouté qu'elle ne pouvait être à la fois agent de la société Go et de la société CPB sur les mêmes ordres, qu'elle avait besoin d'une lettre officielle pour clore ( "to close" dans son courrier en anglais et non pour "conclure" comme indiqué dans la traduction informelle en français) le contrat avec la société Go, qu'à la date du 19 octobre 2007, n'ayant reçu aucune réponse à sa demande de la part de la société Go, elle a, par courrier de son conseil adressé à cette dernière, pris acte de ce que celle-ci avait rompu unilatéralement le contrat d'agent commercial sans respecter le préavis de trois mois et mis en demeure la société Go d'avoir à lui payer les commissions restant à payer et une indemnité compensatrice de rupture.
Il résulte de ces éléments que c'est bien la société Go qui a pris l'initiative de mettre un terme au contrat d'agent commercial de la société Sorintern en cessant sa propre activité de commercialisation du matériel de camping au profit de laquelle cette dernière exerçait le mandat confié et ce sans le moindre préavis. La transmission du contrat d'agent commercial, à supposer qu'elle ait été effectivement convenue entre la société Go et la société CBP ce qui n'est pas justifié par les pièces aux débats, ne pouvait être imposée à la société Sorintern laquelle ne peut se voir reprocher par la société Go de ne pas voir poursuivi les relations commerciales avec le repreneur.
Le fait pour la société Sorintern de ne pas donner suite à la proposition de transmission au profit d'un nouveau mandant contenue dans la lettre du 27 août 2007 ne saurait en toute hypothèse constituer une faute grave, seule privative de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 due par la société Go.
Au surplus, la société Sorintern était fondée légitimement à s'inquiéter des conditions accompagnant la cessation par la société Go de son activité et la reprise par la société CPB des commandes passées auprès de la société Go.
A cet égard, il suffit de relever que la société Sorintern n'a pas été en mesure jusqu'à la fin octobre 2007, soit près de deux mois après l'arrêt par la société Go de son activité, de fournir aux clients qui avaient passé commande et qui le lui demandaient, les éléments indispensables pour attester de l'existence de la société CPB présentée comme repreneur de la société Go et pour procéder aux modifications rendues nécessaires par ce changement sans lesquelles les commandes ne pouvaient être faites au nom de la société CPB. Cela ressort notamment de l'échange de courriels du 23 octobre 2007 avec M. Van Rhienen puisque Mme Aubrun, rappelant à ce dernier que Mme Gandon, acheteuse d'Intermarché avait besoin en urgence d'un n° de registre du commerce, banque, adresse, etc, qu'elle était très nerveuse et qu'il y avait un minimum d'informations nécessaires à communiquer, M. Van Rhienen lui a répondu que pour enregistrer une compagnie en Hollande, il fallait plusieurs mois pour que les questions légales soient faites, qu'il avait cependant contacté une société qui n'était plus active, Topflow Software, et qu'il enverrait une copie de l'enregistrement, le compte bancaire et le n° de TVA intracommunautaire, que le changement de nom était demandé à l'office notarial. Ainsi même si l'extrait du registre du commerce mentionne pour la société CPB, une date de création au 15 octobre 2007, date à laquelle elle a été juridiquement constituée, il n'est pas établi qu'il était possible avant la fin du mois d'octobre 2007 d'en apporter la preuve aux clients, l'extrait du registre versé aux débats étant daté du 3 janvier 2008, et de fournir aux clients les informations requises, étant encore relevé que cet extrait du registre du commerce précise que l'activité de la société CPB consiste dans l'attribution de sous-licences et la vente de programmes informatiques.
La société Go ne saurait se prévaloir pour s'exonérer de ses obligations envers la société Sorintern, des échanges postérieurs à la rupture du contrat entre la société Sorintern et la société CPB qui n'est pas partie à la procédure et ne forme aucune demande à l'encontre de la société Sorintern. La société Go prétend également en vain apporter la démonstration que la société Sorintern aurait empêché la poursuite des relations commerciales avec son successeur après la rupture du mandat à son initiative. En outre, il ressort seulement des pièces produites et notamment des nombreux courriels échangés entre la société Sorintern et la société CPB que la reprise de l'activité de la société Go a été faite sans préparation suffisante en amont auprès des clients de la grande distribution qui avaient des contraintes précises pour modifier leurs commandes et que les deux sociétés ne sont pas parvenues à trouver un accord.
Dès lors que le contrat d'agent commercial liant la société Go et la société Sorintern a cessé à l'initiative de la première à la date du 27 août 2007 sans préavis et sans que la société Go ait recueilli l'accord préalable de la société Sorintern pour la cession du contrat à un nouveau mandant et sans qu'aucune faute grave puisse être imputée à la société Sorintern dans l'exécution de son mandat, la société Go est débitrice de l'indemnité destinée à réparer le préjudice liée à la cessation du mandat d'agent commercial.
Sur la demande au titre des commissions
Il résulte de l'article L. 134-6 du Code de commerce que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre et de l'article L. 134-7 qu'il a droit également à commission pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.
En l'espèce, la société Sorintern sollicite le paiement de la somme de 82 932,48 euros. Cette somme inclut une commission de 71 627,36 euros selon facture n° 12 72 du 5 décembre 2007 (sa pièce 23). La société Sorintern a calculé sa commission au taux de 10 % appliqué sur un chiffre d'affaires 2008 Intermarché/Bricomarché/Netto de 716 273,60 euros. La société Sorintern soutient que son taux de commission de 10 % résulte d'un courriel qu'elle a adressé le 16 avril 2007 (sa pièce 13) à la société Go dans lequel elle a informé cette dernière d'une augmentation de ses commissions pour 2008 de 2 %. Elle fait valoir que cette condition a été acceptée et que la société Go a réglé les commissions ultérieurement à ce taux.
Cependant, la société Sorintern ne peut unilatéralement modifier la rémunération convenue entre les parties et le silence gardé par la société Go ne vaut pas acquiescement d'une telle modification unilatérale. Les factures produites pour les années antérieures établissent que les commissions de la société Sorintern étaient calculées sur la base d'un taux maximal de 6 % et la preuve n'est pas apportée que la société Go aurait réglé les commissions de la société Sorintern en faisant application de ce taux de 10 %. La société Sorintern est donc mal fondée à revendiquer l'application de ce taux.
En outre, il est établi par les pièces aux débats que la société Go avait fait clairement connaître tant à la société Sorintern qu'à ses clients qu'elle n'acceptait plus de commandes puisqu'elle cessait son activité matériel de camping dès fin août 2007. Les commandes prises par l'intermédiaire de la société Sorintern auprès de la société Intermarché libellées au nom de la société Go courant septembre et surtout octobre 2007 pour des livraisons prévues en 2008 n'ont donc jamais été acceptées par la société Go qui ne les a pas honorées et a fortiori pas facturées. Il ne s'agit pas dans ces conditions d'opérations commerciales conclues après la cessation du contrat d'agent commercial au sens de l'article L. 134-7 comme le prétend la société Sorintern laquelle est donc mal fondée en sa demande de commissions sur ces commandes.
En définitive, la société Go prouve qu'elle a réglé le 15 novembre 2007 une somme de 12 543,04 euros que la société Sorintern reconnaît avoir reçue au titre du solde des commissions dues. La société Go produit le tableau justificatif détaillé de cette somme (sa pièce 18).
La société Sorintern n'apporte aucun élément venant contredire le décompte ainsi produit et venant démontrer que la société Go resterait lui devoir des commissions. Elle ne s'explique pas sur les autres sommes qui seraient selon elle demeurées impayées. Elle sera donc déboutée de ses demandes au titre d'un solde de commissions impayées.
En revanche, il sera fait droit à sa demande relative au paiement de deux notes de débit qui sont justifiées (pièces 16 et 17) à hauteur de la somme de 763,74 euros pour la première du 2 août 2007 et 231,49 euros pour la seconde du 28 septembre 2007, soit un total de 995,23 euros. La société Sorintern sera déboutée du surplus de sa demande correspondant à un forfait de traitement d'un montant de 5 euros par envoi dont elle n'établit pas qu'il était prévu par le contrat la liant à la société Go. La somme de 995,23 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009, date de l'acte introductif d'instance.
Sur la demande au titre de l'indemnité de rupture
La société Sorintern sollicite le paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce destinée à réparer le préjudice subi du fait de la cessation du contrat d'agence commerciale.
Cette indemnité, compte tenu de la durée de la relation contractuelle, du développement de son activité par la société Sorintern et de la nature de celle-ci sera justement fixée à un montant équivalent à deux années de commission.
La moyenne annuelle des commissions perçues servant de base à la détermination de cette indemnité sera calculée, pour réparer l'entier préjudice subi, en considération des commissions des années 2005 (46 823 euros), 2006 (60 518,47 euros) et des 8 premiers mois de l'année 2007 (65 316,11 euros) soit sur une période totale de 32 mois et non trois années complètes, rien ne justifiant d'écarter l'année 2007 même incomplète puisque les commissions perçues par la société Sorintern étaient en progression constante au profit de l'année 2004 plus ancienne et peu significative pour évaluer le préjudice subi au moment de la cessation du contrat.
La société Go sera donc condamnée à payer à la société Sorintern la somme de 129 493,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de cessation du contrat d'agent commercial avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009.
La capitalisation des intérêts doit être ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les dépens seront à la charge de la société Go qui succombe.
L'équité commande de la condamner à payer à la société Sorintern une indemnité de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Chartres en date du 26 mars 2013. Statuant à nouveau, Condamne la société Go BV à payer à la Société de Représentation International (Sorintern) la somme de 995,23 euros au titre de deux notes de débit, avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009. Déboute la Société de Représentation Internationale (Sorintern) du surplus de sa demande au titre de commissions non payées. Condamne la société Go BV à payer à la Société de Représentation International (Sorintern) la somme de 129 493,18 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009. Dit que les intérêts échus sur ces sommes porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil. Condamne la société Go BV aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. La condamne à payer à la Société de Représentation Internationale (Sorintern) une indemnité de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La déboute de sa demande au même titre.