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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 14 janvier 2015, n° 10-08776

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Converse Inc. (Sté), Royer Sport (SAS), All Star CV (Sté)

Défendeur :

Auchan France (SA), CBS Diffusion (SARL), Fourtet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carriere

Conseillers :

Mme Fournel, M. Spateri

Avocats :

Mes Franchi, Bloret-Pucci, Carlier, Guin, Laurent, Gout

TGI Lille, du 4 nov. 2010

4 novembre 2010

La société Converse Inc. est propriétaire en France de nombreuses marques, parmi lesquelles la marque semi-figurative Converse All Star Chuck Taylor, déposée auprès de l'Inpi le 30 mai 1986, enregistrée sous le numéro 1356944 et régulièrement renouvelée le 22 mars 2006, laquelle désigne des chaussures en classe 25.

La SA Royer Sport est le distributeur et le licencié exclusif en France des chaussures de sport de la marque Converse.

Au printemps 2007, la société Royer Sport a découvert l'offre à la vente et la vente dans le magasin Auchan du centre Velizy de paires de chaussures de sport revêtues de la marque Converse All Star Chuck Taylor, susceptibles de constituer des contrefaçons.

Une saisie-contrefaçon, autorisée selon ordonnance sur requête du 25 juillet 2007, a été réalisée le 8 août 2007 par Me Dhonte, huissier de justice, à la requête des sociétés Converse Inc. et Royer Sport.

Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que la société Auchan France a acquis 23 983 paires de ladite marque, refusant d'en révéler la provenance.

Par acte du 22 octobre 2007, les sociétés Converse Inc. et Royer Sport ont fait assigner la société Auchan France devant le Tribunal de grande instance de Lille en cessation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par celle-ci, et réparation de leur préjudice.

Par acte du 22 octobre 2008, la société Auchan France a appelé en garantie la société CBS Diffusion, son fournisseur.

Les sociétés Converse Inc. et Royer Sport réclamaient, au fond :

- la condamnation solidaire des sociétés défenderesses à leur payer les somme de 200 000 euros en réparation de l'atteinte portée à sa marque, et de 200 000 euros en réparation du préjudice commercial subi,

- qu'il soit fait interdiction auxdites sociétés de poursuivre l'usage de la marque Converse sous astreinte de 1 500 euros par usage constaté à compter du prononcé du jugement,

- la publication du jugement dans cinq journaux aux choix des demanderesses et aux frais exclusifs des défenderesses, sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser la somme de 8 000 euros HT,

- la condamnation solidaire des défenderesses à payer solidairement à chacune des demanderesses la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles soutenaient que la comparaison effectuée par la société Converse entre les chaussures achetées et commercialisées par Auchan et l'échantillon étalon conservé par l'usine de fabrication révélait de nombreuses anomalies et différences, confirmant le caractère contrefait des premières.

Elles en déduisaient que les chaussures commercialisées par Auchan ne constituaient pas des produits authentiques mais des copies revêtues de la contrefaçon par reproduction ou, à tout le moins, par imitation de la marque Converse All Star Chuck Taylor, au sens de l'article L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

En l'absence de preuve sur l'origine licite des chaussures litigieuses, elles considéraient que la discussion sur l'épuisement des droits était hors sujet.

La société Auchan et la société CBS soulevaient la nullité des opérations de saisie-contrefaçon.

La société Auchan, au fond, estimait que la preuve de la contrefaçon n'était pas rapportée, les comparaisons n'étant pas probantes en l'absence notamment de production de l'échantillon étalon, et réclamait les sommes de 100 000 euros pour procédure abusive et de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demandait la garantie de la société CBS.

La société CBS soulevait la nullité de l'assignation, concluait au fond à sa mise hors de cause et réclamait à chacune des sociétés demanderesses la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 10 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Lille a notamment :

- dit que l'assignation délivrée le 22 août 2007 à la société CBS était valable,

- rejeté les demandes des sociétés Auchan France et CBS Diffusion tendant à voir annuler les opérations de saisie-contrefaçon, et dit ces opérations valables

- débouté la société Converse Inc. de ses demandes au titre de la contrefaçon de marque,

- débouté la société Royer Sport de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,

- mis la société CBS Diffusion hors de cause,

- débouté la société Auchan France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la société CBS de ses demandes de dommages et intérêts,

- condamné in solidum la société Converse Inc. et la société Royer Sport à payer à la société Auchan France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société Converse Inc. de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société Royer Sport de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Converse Inc. et la société Royer Sport aux entiers dépens de l'instance principale,

- condamné la société Auchan France aux entiers dépens de l'instance d'appel en garantie,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

La société Converse Inc. et la société Royer Sport ont relevé appel de ce jugement le 10 décembre 2010.

Par conclusions d'incident signifiées le 12 janvier 2012, la société Auchan France a sollicité la condamnation des appelantes à lui communiquer, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, la licence exclusive consentie par Converse à Royer Sport le 1er janvier 2007.

Par ordonnance du 3 juillet 2012, le conseiller de la mise en état a débouté la société Auchan France de ses demandes en considérant que les appelantes avaient déjà communiqué le document réclamé.

Par acte du 13novembre 2012, la société Auchan France a fait assigner en intervention forcée Me Fourtet ès qualités de mandataire judiciaire de la société CBS Diffusion.

Par conclusions d'incident signifiées le 29 octobre 2013, et dernières conclusions du 3 février 2014, la société Auchan France a sollicité du conseiller de la mise en état, au visa des articles 10 du Code civile et 138 et suivants du Code de procédure civile :

- d'ordonner :

à la société Converse Inc. et à la société All Star CV, intervenue volontairement aux débats en tant que désormais titulaire de la marque dont il est question, de produire les conditions générales de vente et les tarifs des différents distributeurs exclusifs de la société Converse Inc. dans l'espace économique européen pour l'année 2007,

aux mêmes sociétés, de produire les contrats de distribution exclusive les liant à 14 distributeurs exclusifs dont la société Royer Sport pour la France,

auxdits distributeurs, de produire leurs conditions commerciales et leurs tarifs pour l'année 2007,

et ce, pour chacune de ces productions, dans le délai de 15 jours à compter de l'ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

- de dire que l'ensemble de ces pièces pourraient être produites aux débats par la société Auchan France dans toutes les instances l'opposant à la société Converse, à la société All Star CV ou à la société Royer Sport,

- de condamner les appelantes à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du 27 mai 2014 le conseiller de la mise en état a débouté la société Auchan de ses demandes, le caractère indispensable de la production des pièces réclamées n'étant pas acquis.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2014.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 10 novembre 2014, la société Converse Inc. et la société Royer Sport demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que l'assignation du 22 août 2007 était valable,

- dit que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 8 août 2007 étaient valables,

- débouté les sociétés Auchan France et CBS Diffusion de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour procédure abusive,

de le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau :

- donner acte à la société All Star CV de son intervention forcée,

Sur la contrefaçon

1) - constater que la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. d'une part, et la société Royer Sport d'autre part, invoquent un usage non autorisé des marques Converse par les sociétés Auchan France et CBS Diffusion, et donc une violation des dispositions des articles L. 717-7, L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,

- constater que l'atteinte ainsi alléguée constitue un fait juridique dont la preuve peut être administrée par tout moyen et n'est nullement soumise à une exigence d'impartialité qui ne concerne que la preuve littérale, et qu'en conséquence cette preuve peut résulter de simples présomptions de faits même fondées sur les déclarations des appelantes elles-mêmes, dès lors qu'elles sont propres à entraîner l'intime conviction du juge,

- constater que la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. d'une part, et la société Royer Sport d'autre part, présentent, au soutien de leurs prétentions, un faisceau d'indices dont elles soutiennent qu'il est de nature à établir, à titre de preuve, et dans la mesure de l'appréciation souveraine de la cour, le fait juridique que constitue l'usage non autorisé de marques,

- dire et juger dès lors, en premier lieu, que la matérialité même de l'usage illicite est établi, dans la mesure où il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que les marques Converse ont été apposées sur des produits commercialisés par les intimées,

- dire et juger que les constats d'huissier des 5 juin 2007 et 9 mars 2011 sont valables,

- dire et juger que l'identification de la chaussure versée aux débats sous le n° 9 correspond à celle acquise dans l'hypermarché Auchan de Velizy le 5 juin 2007,

- dire et juger en second lieu que la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. d'une part, et la société Royer Sport d'autre part invoquent, pour établir le défaut d'autorisation de l'usage de ses marques, plusieurs circonstances de faits tangibles, sérieuses et concordantes d'où il résulte qu'à l'évidence ni la consistance des produits ni les conditions de leur acquisition n'accrédite la possibilité d'une autorisation donnée par le titulaire de la marque,

- qu'en effet la non-conformité flagrante des produits par rapport aux normes habituelles est de nature à susciter une suspicion de faux qui ne peut que conduire la cour, dans son appréciation souveraine, à juger qu'elle est déjà en soit incompatible avec la possibilité d'une autorisation de commercialisation,

- qu'au surplus et en tout état de cause, le refus par les intimées de justifier utilement d'une quelconque acquisition des produits auprès d'un des membres du réseau de distribution de Converse Inc., seul autorisé à procéder à une première commercialisation sous les marques, prive ces intimées de la possibilité de se prévaloir de l'autorisation tacite généralement déduite du principe de la liberté, du commerce et de l'industrie,

- que dès lors, dans la mesure où les intimées, ni n'ont la qualité de licencié ou de distributeur exclusif, ni n'établissent s'être fournies auprès de tel licencié ou distributeur, les produits qu'elles commercialisent sous les marques Converse se situent nécessairement hors du champ des autorisations susceptibles d'être données par le titulaire des marques,

- dire et juger en conséquence que l'usage illicite de marques est constitué dans tous ces éléments et suffit à justifier une condamnation au titre de la contrefaçon.

Sur l'épuisement des droits

2) - constater toutefois que les intimées tentent de se soustraire à une telle condamnation en faisant valoir que le titulaire des marques Converse se serait en réalité privé de la possibilité de faire valoir son droit, ayant épuisé celui-ci du fait d'une première mise en circulation, par elle-même, ou avec son consentement, dans l'Espace économique européen,

- constater qu'étant demanderesses à une telle exception, il incombe aux sociétés Auchan France et CBS Diffusion d'établir, de manière complète et indiscutable, les circonstances de faits de nature à justifier le moyen de défense qu'elles allèguent,

- constater qu'une condition préalable incontournable tient nécessairement à l'authenticité des produits commercialisés sous les marques, et qu'il appartient donc aux intimées de justifier qu'elles se trouvent dans le domaine d'application de la règle invoquée, en démontrant, à tout le moins par des présomptions de faits tangibles, sérieuses et concordantes, soumises à l'appréciation souveraine de la cour, que les produits litigieux excluent toute suspicion de faux,

- dire et juger que les intimées ne rapportent pas cette démonstration et ne se situent pas dans le champ d'application de la règle de l'épuisement du droit de la marque,

3) - constater enfin qu'à supposer même que soit établie l'authenticité des produits litigieux, se pose encore la question de la charge de la preuve d'une commercialisation intra-communautaire,

- constater que les intimées, qui ne peuvent se soustraire à une telle charge qu'à condition d'établir, ainsi que la CJCE l'a dit, un risque réel de cloisonnement, croient pouvoir s'acquitter de la preuve préalable d'un tel risque en se bornant à invoquer simplement l'existence d'un réseau de distribution exclusive,

- constater qu'à l'évidence une telle circonstance est loin d'être suffisante, la jurisprudence communautaire exigeant de surcroît une parfaite étanchéité du réseau et une utilisation de ce réseau aux fins de mise en œuvre d'une politique commerciale et tarifaire différenciée réservée à certains acheteurs, en fonction de leur territoire d'origine,

- constater que cette exigence n'est pas ici satisfaite, tandis que Converse a, à l'inverse, versé de nombreuses factures correspondant à des ventes passives qui démontrent que l'achat de produits Converse par des distributeurs aussi bien que par des revendeurs ressortissant à d'autres Etats ne se heurte à aucune étanchéité des territoires concédés de manière exclusive,

- dire et juger en conséquence que la possibilité avérée d'importations parallèles caractérise juridiquement l'absence de tout "risque" de cloisonnement,

- dire et juger en conséquence qu'à défaut d'établir un risque réel de cloisonnement, il appartient aux intimées de démontrer une première commercialisation des produits litigieux dans l'Espace économique européen par Converse Inc., ou avec son consentement,

- constater que les intimées ne prouvent, ni même n'offrent de prouver utilement une telle commercialisation,

- dire et juger en conséquence que le moyen de défense tiré de l'épuisement du droit de marque n'est pas fondé.

En conséquence, les sociétés appelantes demandent à la cour de :

4) - dire et juger que les sociétés Auchan France et CBS Diffusion ont commis des actes de contrefaçon de la marque française Converse All Star Chuck Taylor n ° 1 356 944 dont la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. est propriétaire,

- dire et juger que les sociétés Auchan France et CBS Diffusion ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de Royer Sport, licencié et distributeur exclusif des produits de marque Converse en France,

- déclarer les sociétés Auchan France et CBS Diffusion solidairement responsables du préjudice de la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc., résultant de l'atteinte portée à sa marque française Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944,

- condamner la société Auchan France à verser une somme de 200 000 euros à la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à la marque Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944,

- fixer la créance de la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. au passif de la société CBS Diffusion à la somme de 200 000 euros correspondant aux dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à la marque Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944,

- déclarer les sociétés Auchan France ET CBS Diffusion solidairement responsables du préjudice de Royer Sport résultant des actes de concurrence déloyale commis à son encontre,

- condamner la société Auchan France à verser une somme de 200 000 euros à Royer Sport en réparation des actes de concurrence déloyale subis,

- fixer la créance de la société Royer Sport au passif de la société CBS Diffusion à la somme de 200 000 euros correspondant aux dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale subis,

- faire interdiction à Auchan France et CBS Diffusion, prise en la personne de son liquidateur, Me Fourtet, de poursuivre, sous quelque forme que ce soit, la détention, l'offre à la vente et la vente de tous produits portant atteinte à la marque Converse All Star Chuck Taylor n° 1 356 944, et plus généralement à toutes marques Converse, et ce sous astreinte définitive de 1 500 euros par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt,

- ordonner, à titre de réparation complémentaire, la publication judiciaire de l'arrêt dans cinq journaux, magazines ou revues au choix des appelantes, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 8 000 euros HT,

- dire et juger les sociétés Auchan et CBS Diffusion solidairement responsables des publications judiciaires susmentionnées,

- fixer la créance de la société All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. d'une part, et de la société Royer Sport d'autre part, au passif de la société CBS Diffusion à la somme de 40 000 euros au titre des publications judiciaires,

- condamner la société Auchan France à payer la somme de 15 000 euros à chacune des sociétés All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. et Royer Sport au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- fixer la créance de chacune des sociétés All Star CV venant aux droits de la société Converse Inc. d'une part, et Royer Sport d'autre part, au passif de la société CBS Diffusion à la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Auchan France aux dépens, en ce compris les frais de procès-verbal de constat et de saisie-contrefaçon.

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 13 novembre 2014, la société Auchan France a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Converse et la société Royer Sport de l'ensemble de leurs demandes, et de débouter les sociétés appelantes de toutes leurs demandes,

- dire nulle et de non effet l'ordonnance du 25 juillet 2007 et l'ensemble des actes subséquents, notamment le procès-verbal de saisie-contrefaçon et les pièces annexées et la lettre de la société Auchan France faisant suite à cette saisie-contrefaçon,

- dire et juger nulles et de non effet les opérations de saisie-contrefaçon, et l'ensemble des actes subséquents, et notamment le procès-verbal de saisie-contrefaçon et les pièces annexées et la lettre de la société Auchan France faisant suite à cette saisie-contrefaçon,

- constater que les appelantes ne rapportent pas la preuve de la vente par la société Auchan France d'un produit prétendument "non authentique",

- dire et juger que la Cour de Justice de l'Union Européenne n'a pas soumis l'aménagement de la charge de la preuve de l'épuisement des droits à la preuve d'un cloisonnement absolu des marchés nationaux, mais à un risque réel de cloisonnement dans l'hypothèse où le titulaire pourrait utiliser une action en justice pour identifier et tarir des sources d'approvisionnement et cloisonner effectivement les marchés nationaux,

- dire et juger que la société Auchan France rapporte la preuve que les produits de marque Converse sont commercialisés dans l'Espace Economique Européen, par le biais d'un système de distribution exclusive présentant un risque de cloisonnement des marchés, au regard de sa nature exclusive, ainsi que l'a notamment souligné la CJUE dans l'arrêt Van Doren mais également la Commission européenne dans les Lignes Directrices sur les restrictions verticales, mais encore du contrat de licence versé aux débats et n'autorisant la mise sur le marché des produits par le licencié que sur son seul territoire exclusif (la France), et de l'ensemble des autres pièces versées aux débats,

- dire et juger que les factures versées aux débats par la société Converse ne sont pas de nature à contredire le risque que la société Converse utilise l'action en justice pour identifier et tarir les sources d'approvisionnement et œuvrer ainsi à un cloisonnement des marchés nationaux,

- constater que les sociétés Converse Inc. et All Star CV n'ont versé aux débats aucun élément probant et qui ne repose pas sur leurs seules affirmations, ou celles de personnes qui leur sont liées économiquement, pour prétendre justifier des non-conformités alléguées des produits dont la vente est reprochée,

- dire et juger que les sociétés Converse Inc. et All Star CV ne sont pas fondées à justifier de cette carence par leur secret de fabrication pour des 'indices de non-conformité', tels que par exemple le test du stylo laser, qui ne sont, de leur propre aveu, plus utilisés depuis plusieurs années, ou qui sont non confidentiels (emplacement étiquette qui peut être relevé par tout un chacun),

- dire et juger qu'il est rapporté la preuve de l'absence de fiabilité du test dit du stylo laser, et que les sociétés appelantes ne versent aux débats aucune pièce prouvant au contraire sa fiabilité,

- dire et juger que la chaussure présentée comme authentique versée aux débats ne peut constituer un référentiel pertinent pour l'appréciation des non-conformités alléguées des produits, à défaut de production aux débats des échantillons étalons conservés par les usines de fabrication, et compte tenu de la preuve rapportée par les intimées de la mise sur le marché avec le consentement du titulaire de la marque de produits dont la qualité n'est pas homogène,

- dire et juger que dès lors que les sociétés Converse Inc. et All Star CV allèguent que la société Auchan commercialise des produits non-authentiques, c'est à dire fabriqués et mis sur le marché sans leur consentement, il leur appartenait d'en rapporter la preuve, et que cette preuve n'a pas été rapportée,

- condamner les sociétés Converse Inc. et All Star CV à payer à la société Auchan France une indemnité pour procédure abusive d'un montant de 100 000 euros,

- les condamner au paiement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, la société Auchan demande à la cour :

- de constater que les sociétés appelantes ne justifient pas que les dommages et intérêts correspondraient à un préjudice effectivement subi, et de les débouter de toutes leurs demandes y compris celles relatives à la publication et aux mesures d'instruction,

- de dire et juger que la société CBS devra garantir la société Auchan de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- de fixer la créance de la société Auchan au passif du redressement judiciaire de la société CBS à concurrence des condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- de fixer de fixer la créance de la société Auchan au passif du redressement judiciaire de la société CBS à la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me Carlier.

La SARL CBS Diffusion, et Me Fourtet ès qualités de mandataire liquidateur de ladite société, ont, par conclusions signifiées le 18 mars 2013, conclu à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la preuve de la contrefaçon n'était pas rapportée et débouté les sociétés Converse et Royer Sport de leurs demandes, et à son infirmation en ses dispositions visant à déclarer valables les opérations de saisie- contrefaçon, et la déboutant de ses demandes de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau sur ces points ils ont sollicité que la cour :

- dise et juge nulle et de nul effet l'ordonnance du 25 juillet 2007 autorisant la saisie-contrefaçon,

- dise nul et de nul effet l'ensemble des actes subséquents et notamment le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 8 août 2007,

- condamne la société Converse Inc. et la SAS Royer Sport à verser à Me Fourtet ès qualités la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive mise en place.

Me Fourtet a sollicité sa mise hors de cause.

A titre subsidiaire, ils ont sollicité que les sociétés appelantes soient déboutées de leurs demandes indemnitaires.

Me Fourtet ès qualités a réclamé la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance outre 10 000 euros en cause d'appel ainsi que la condamnation des sociétés appelantes aux dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2014.

SUR CE,

Sur la nullité de l'ordonnance du 25 juillet 2007 et des opérations de saisie-contrefaçon

Aux termes de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, le titulaire d'une demande d'enregistrement, le propriétaire d'une marque enregistrée ou le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation est en droit de faire procéder en tout lieu par tout huissier de justice assisté d'experts de son choix, en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance rendue sur requête, soit à la description détaillée avec ou sans prélèvements d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou des services qu'il prétend marqués, offerts à la vente, livrés ou fournis à son préjudice en violation de ses droits.

La SA Auchan France et Me Fourtet, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CBS Diffusion, soutiennent que la requête afin de saisie-attribution est nulle pour n'avoir pas été signée par un avocat du barreau de Lille et n'avoir pas comporté la liste des pièces sur lesquelles la requête devait être fondée, conformément à l'article 494 du Code de procédure civile.

La production aux débats de la copie certifiée conforme par le greffe du tribunal de grande instance de Lille de la requête déposée et présentée à la juridiction le 25 juillet 2007 révèle qu'elle a été présentée et signée par Me Tardy, avocat du barreau de Lille. Elle était accompagnée de la liste des pièces sur lesquelles était fondée la demande des sociétés Converse Inc. et Royer Sport ainsi que d'une copie desdites pièces.

L'ordonnance a été valablement rendue.

La société Auchan est mal fondée à prétendre que l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon ne lui aurait pas été remise préalablement aux opérations alors qu'il est expressément mentionné dans le procès-verbal du ministère de Me Dhonte que l'ordonnance a été "signifiée préalablement aux opérations par acte séparé, dont copie est en outre donnée en tête des présentes y compris copie de la requête".

En outre, il ne saurait être reproché aux sociétés Converse Inc. et Royer Sport d'avoir fait réaliser les opérations de saisie- contrefaçon sans la présence d'un expert, alors que l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle n'impose aucune obligation de cette sorte, l'assistance d'experts n'étant qu'une simple faculté.

Enfin la société Auchan soutient que le procès-verbal de saisie-contrefaçon serait nul au motif que l'huissier aurait poursuivi ses opérations alors même qu'il n'avait pas trouvé sur les lieux d'objets contrefaisants.

Elle fait valoir que l'article L. 716-7 applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 30 octobre 2007 ne permettait pas la saisie de documents se rapportant aux produits prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers, et que l'huissier a délibérément passé outre sa mission.

La vente par Auchan des chaussures de la marque Converse, objets du présent litige, avait été constatée par huissier dans le magasin Auchan de Velizy le 5 juin 2007 et cet achat, expressément visé dans la requête et dans la liste des pièces attachées, justifiait la réalisation des opérations.

La mission de l'huissier prévoyait, au visa de ce précédent constat, qu'il pouvait procéder, non à la saisie, mais à "l'examen des livres, registres et correspondances et ensuite viser et prendre copie de ceux pouvant servir de preuve de contrefaçon".

L'huissier, qui a interrogé la responsable juridique de la société Auchan, laquelle a convenu que "le produit visé par l'ordonnance" était bien commercialisé par la société, n'a pas passé outre sa mission.

Il ressort de ce qui précède que l'ordonnance du 25 juillet 2007 et des opérations de saisie-contrefaçon seront déclarées valables.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'objet de la saisie

La société Auchan soutient que le procès-verbal de constat du 5 juin 2007 ne rapporte pas la preuve que le produit versé aux débats sous le numéro de pièce 9 est bien celui qui a été vendu par la société Auchan, l'huissier n'ayant pas pris suffisamment de précautions.

Il résulte de la lecture du procès-verbal de Me Tricou que ce dernier a été requis par la société Royer Sport, a rencontré Monsieur Vautier dans la galerie commerciale, l'a suivi des yeux lorsqu'il procédait à l'achat de la paire de chaussures litigieuses et a ensuite récupéré le ticket de caisse et la paire de chaussures.

Le procès-verbal a été dressé avec ces éléments annexés, outre deux photographies.

Il ne peut être sérieusement contesté que la paire de chaussures rose Converse de référence M0006, revêtu de la mention "made in Indonesia", achetée dans l'hypermarché de Velizy le 5 juin 2007 et ayant fait l'objet d'un procès-verbal de constat d'huissier du Ministère de Me Tricou est bien le produit versé aux débats sous le numéro de pièce 9.

La responsable juridique de la société Auchan n'avait d'ailleurs pas contesté devant l'huissier procédant aux opérations de saisie-contrefaçon que le produit visé dans la requête était commercialisé par Auchan.

Le second procès-verbal du 9 mars 2011 n'a eu pour objet que de séparer le scellé (la paire) afin de constituer deux scellés distincts (deux chaussures).

L'atteinte à l'intégrité du produit dénoncée par la société Auchan, qui met en outre en avant une découpe intervenue dans la semelle d'une des chaussures suite à une analyse du produit, n'est pas substantielle et est sans incidence sur le litige.

Sur la contrefaçon de marque

Aux termes de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) la suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.

Selon les dispositions de l'article L. 713-3 du même Code, sont interdits sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

En application des textes mentionnés ci-dessus, c'est à celui qui prétend avoir subi des actes de contrefaçon d'apporter la preuve que le comportement des défendeurs constitue une atteinte à son droit de marque.

En première instance, la société Converse avait mis en avant des non-conformités établies, selon elles :

- en premier lieu par une comparaison entre la chaussure objet du litige et l'échantillon étalon de l'usine de fabrication,

- en second lieu par une comparaison entre la chaussure objet du litige et une chaussure qualifiée d'authentique.

Les premiers juges ont considéré que l'examen des pièces produites révélait que les deux comparaisons effectuées par la demanderesse n'étaient pas probantes.

Ils ont considéré que les différences soulignées entre des chaussures de séries différentes étaient dénuées de tout sens du point de vue de la contrefaçon et ont considéré que la preuve de la contrefaçon n'était pas rapportée.

La société Converse fait valoir que le motif tiré de ce que la preuve n'aurait pas été rapportée d'un défaut d'authenticité des chaussures litigieuses ne saurait fonder un débouté de l'action en contrefaçon.

Elle fonde son argumentation en cause d'appel sur l'absence de preuve du défaut d'autorisation de la commercialisation des produits.

Mais elle soutient toutefois que les éléments de preuves fournis sont sérieux et concordants et qu'une suspicion de faux est de nature à étayer qu'elle n'a pu autoriser l'usage de ses marques qui n'ont pas été fabriquées par l'une de ses usines autorisées avec son consentement.

S'il est exact que les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle peuvent viser des produits authentiques, en considération de l'autorisation ou non de la commercialisation des produits, c'est d'abord à celui prétend avoir subi des actes de contrefaçon d'apporter la preuve que les produits incriminés ne sont pas authentiques.

Sur la preuve du caractère authentique des produits

Il n'appartient pas à la société Auchan, contrairement à ce qui est soutenu par la société Converse, de démontrer préalablement l'authenticité des produits marqués mais à la société Converse de rapporter la preuve de leur caractère contrefait.

Seul le titulaire de la marque a en effet en pratique la possibilité de rapporter la preuve de non-conformités susceptibles de constituer des indices de contrefaçon, disposant des caractéristiques des produits fabriqués, des paramètres du contrôle qualité qui doivent en garantir l'homogénéité.

En l'espèce, le modèle présenté à la cour comme authentique par la société Converse, fabriqué au Vietnam, est visuellement en tous points semblable au modèle objet de la saisie-contrefaçon, également soumis à l'observation de la cour, les références (M 90006) étant les mêmes ainsi que l'ont relevé les premiers juges.

Les photographies partielles de la chaussure "étalon" communiquées ne correspondent pas au modèle objet du litige et ne sont pas pertinentes.

La société Converse n'insiste pas sur les éléments techniques permettant de distinguer les modèles, se focalisant, en cause d'appel pour la première fois, sur le test dit du 'stylo laser', selon lequel un rayon laser passé sur la petite étoile figurant sur les étiquettes de languettes thermocollées permettrait de distinguer les Converse authentiques (un point vert fluorescent apparaissant au centre de l'étoile) des fausses (pas de réaction).

Devant la cour, le stylo laser a obtenu un résultat positif sur la chaussure présentée comme authentique et un résultat négatif sur la chaussure litigieuse.

Pour autant, aucune pièce n'est versée aux débats pour justifier de l'utilisation systématique de l'encre supposée réagir à ce test sur le modèle en cause (M 9006) et du fait que cette utilisation était déjà en cours à la date de fabrication des deux chaussures, objet de la comparaison.

La fiabilité d'un tel test n'est en outre pas avérée, nonobstant l'attestation peu transparente de Monsieur Baier, cadre de l'entreprise. Il résulte en effet des pièces produites que le test ne fonctionne pas systématiquement, y compris devant des juridictions (TGI de Paris, décision du 28 juin 2013).

La société Converse a elle-même reconnu, devant le Tribunal de Breda (Pays-Bas, décision du 19 octobre 2011), l'absence de fiabilité du test.

La société Auchan fait valoir et établit que le test ne fonctionne pas sur des chaussures achetées chez deux distributeurs de la société Royer Sport en France, mentionnés sur le site Internet de la société Converse (procès-verbaux de constat de Me Albou du 12 mai 2011).

Les sociétés appelantes ne peuvent que soutenir que leurs propres distributeurs, la société OHR et la société AaronN, vendaient des chaussures contrefaites.

Une contradiction de cet ordre n'est pas de nature à confirmer la fiabilité du test invoqué.

Il résulte d'un rapport d'expertise versé aux débats par la société Auchan, rapport de Monsieur Martin commis par jugement du Tribunal de commerce de Paris et daté du 2 mai 2014, dans une affaire opposant les sociétés Converse et Royer Sport d'une part, et la société Montfort Force Unie et la SARL Sport Negoce d'autre part, que :

"Les investigations et les essais tant chimiques que physiques n'ont pas mis en évidence de différences (aux incertitudes près, tant de production que de mesures) entre les chaussures arguées de contrefaçon et les chaussures reconnues authentiques."

L'expertise intervenue, dans une affaire différente, n'a certes qu'une portée relative, mais a l'avantage de faire ressortir la difficulté, malgré des investigations techniques poussées, d'établir l'existence de la contrefaçon s'agissant de ce type de produit bas de gamme, massivement fabriqué en Asie du Sud-Est.

Le caractère anecdotique et peu fiable du moyen utilisé, le stylo laser, masque l'absence d'éléments objectifs permettant de déterminer avec précision et certitude ce qui distingue les Converse authentiques de celles qui ne le sont pas.

La preuve du caractère non authentique des produits litigieux n'étant pas rapportée, ils sont réputés être authentiques.

Sur l'épuisement des droits

Aux termes de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque ou avec son consentement.

En matière d'épuisement des droits, il appartient en principe, ainsi que le rappellent les sociétés appelantes, à la partie qui invoque son bénéfice d'assumer la charge de la preuve, en démontrant une première commercialisation du produit avec l'autorisation du titulaire dans l'Espace économique européen.

La partie en demande doit donc nécessairement indiquer ses sources d'approvisionnement pour établir qu'il s'agit d'un pays de l'Union.

Toutefois cette règle est aménagée lorsqu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés entravant la libre circulation des produits.

Tel serait le cas si chaque distributeur exclusif se voyait interdire de revendre sur un autre territoire : il y aurait cloisonnement des marchés, ce qui est prohibé par les traités européens.

En ce cas le distributeur n'est pas tenu de dévoiler sa source et c'est au titulaire de prouver que l'article n'avait pas circulé préalablement dans l'Espace économique européen.

Dévoiler sa source serait en effet la tarir et c'est pour éviter ce risque que la jurisprudence européenne a évolué en ce sens.

L'existence d'un réseau de distribution exclusive ne suffit pas à établir un risque réel de cloisonnement des marchés. Il constitue toutefois un indice qui doit être conforté par d'autres éléments.

L'existence d'un réseau exclusif de distribution pour la société Converse est établi et n'est pas contesté. C'est la société Royer France le distributeur exclusif de la marque Converse pour la France.

La société Auchan invoque en outre le refus de distributeurs officiels de vendre des produits Converse dans l'Espace économique européen, en dehors du territoire de l'Etat qui leur est réservé, et produit des mails en ce sens.

La société Converse conteste la validité de ces mails et fait valoir pour sa part qu'elle est en mesure de justifier de ventes passives démontrant que des voies d'importation parallèles sont ouvertes et que l'étanchéité du territoire contractuel n'est pas une réalité.

Il convient de rappeler que, selon les lignes directrices de la Commission européenne, on entend par ventes passives :

"le fait de satisfaire à des demandes non sollicitées, émanant de clients individuels, y compris la livraison de biens ou la prestation de services demandés par ces clients. Toute publicité ou action de promotion générale qui atteint des clients établis sur les territoires (exclusifs) d'autres distributeurs, ou faisant partie d'une clientèle allouée à d'autres distributeurs, mais qui est un moyen raisonnable d'atteindre des clients situés en dehors de ces territoires ou d'une telle clientèle, par exemple pour accéder à des clients situés sur son propre territoire, est considérée comme une vente passive. La publicité ou les actions de promotion générale sont considérées comme un moyen raisonnable d'atteindre ces clients s'il serait intéressant pour l'acheteur de réaliser ces investissements même s'ils n'atteignaient pas des clients établis sur les territoires (exclusifs) d'autres distributeurs ou faisant partie d'une clientèle allouée à d'autres distributeurs."

Il s'agit de satisfaire des demandes individuelles non sollicitées.

En d'autres termes, les ventes inter-réseaux entre distributeurs exclusifs ne sont pas considérées comme des ventes passives dès lors qu'elles apparaissent comme des ventes maîtrisées par le réseau.

La société Converse produit certes un très grand nombre de factures, dont il convient toutefois de relativiser le volume des transactions correspondantes, au regard du nombre de chaussures vendues sur une année (4 millions en France en 2008).

Il ressort de l'analyse de ces factures qu'un grand nombre de celles-ci concernent des ventes entre distributeurs exclusifs.

La société Converse établit ainsi uniquement que, par application de la règle de l'interdiction du cumul des restrictions, les distributeurs sélectifs demeurent libres de s'approvisionner en biens contractuels auprès des distributeurs du réseau, pour des achats qui apparaissent d'ajustement.

D'autres factures, nombreuses, concernent des produits différents, vêtements, étuis de téléphone portable, sweats shirts et pantalons, sacs, parkas, produits indéterminés, pulls à capuche.

La vente de ces produits ne peut pas être prise en compte tenu de principe de spécialité applicable en matière de marque.

Surtout, les factures produites concernent la période 2008 à 2012, postérieure aux faits objet du litige.

Elles ne permettent pas d'attester d'une politique concurrentielle en 2007.

La société Auchan produit des courriels qui établissent des refus de distributeurs officiels de vendre des produits Converse dans l'espace économique européen, en dehors du territoire qui leur est réservé.

Un mail émanant de Monsieur Simone Caragneto (adresse [email protected]) répondant à un commerçant situé à Budapest, daté du 18 août 2009, est ainsi libellé :

"Je suis désolé...mais nous sommes licenciés pour le marché italien et pour cette raison nous ne pouvons pas vendre en dehors de notre territoire....nous vendons seulement aux consommateurs italiens."

D'autres mails, datés, émanant de personnes opérant pour Converse, confirment l'impossibilité de vendre en dehors de leur territoire (Hongrie, Slovénie).

A un commerçant se présentant comme italien, le distributeur de Converse en France répond (adresse [email protected]) :

"Nous pouvons distribuer des produits Converse exclusivement en France, nous ne sommes pas autorisés de vendre en dehors de la France."

Les attestations très peu précises des distributeurs exclusifs versés par la société Converse ne viennent pas utilement combattre ces pièces. Elles ne contestent ni l'identité des rédacteurs, ni l'existence des courriels, ni le contenu de ceux-ci.

Il en résulte que les contrats de distribution exclusive de Converse comportent au moins implicitement une clause interdisant la vente et la livraison des produits Converse à des commerçants individuels hors du territoire du distributeur exclusif.

La société Auchan France est fondée à se prévaloir de l'aménagement de la charge de la preuve.

Il s'ensuit qu'il appartient aux sociétés appelantes d'établir que les produits en cause n'ont pas été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen avec leur consentement.

En l'espèce, elles ne rapportent pas cette preuve.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Converse Inc. de ses demandes au titre de la contrefaçon de marque et, en conséquence, la société Royer Sport au titre de la concurrence déloyale.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la société Auchan et de Me Fourtet ès qualités

En application des dispositions de l'article 32-1 du Code civil, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.

La société Auchan, et Me Fourtet, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CBS, ne démontrent pas l'abus commis par les sociétés appelantes dans l'exercice de leur action.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Auchan et la société CBS Diffusion de leurs demandes de dommages et intérêts sur ce fondement.

Y ajoutant, Me Fourtet, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CBS, sera également débouté de sa demande à ce titre.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

En première instance :

- la société CBS Diffusion a été mise hors de cause et a été déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les sociétés Converse Inc. et Royer Sport ont été condamnées aux entiers dépens de l'instance principale, et la société Auchan a été condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel en garantie.

Ces dispositions seront confirmées.

Me Fourtet sera en conséquence débouté de sa demande relative à l'article 700 pour la procédure de première instance.

Il sera mis hors de cause et débouté de sa demande relative à l'article 700 pour ce qui concerne la procédure d'appel.

Condamnées in solidum aux dépens de la procédure d'appel, les sociétés Converse Inc., Royer Sport et All Star CV seront condamnées à payer à la société Auchan France la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, Donne acte à la société All Star CV de son intervention volontaire Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions Y ajoutant Met Me Fourtet, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CBS, hors de cause Déboute Me Fourtet, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CBS, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive Déboute Me Fourtet, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CBS, de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, tant en ce qui concerne la procédure de première instance que la procédure d'appel Condamne in solidum les sociétés Converse Inc., Royer Sport et All Star CV à payer à la société Auchan France la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile Condamne in solidum les sociétés Converse Inc., Royer Sport et All Star CV aux dépens de la procédure d'appel.