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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 20 janvier 2015, n° 14-17988

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Câble Management Products Ltd (Sté)

Défendeur :

Cooper Capri (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Acquaviva

Conseillers :

Mmes Guihal, Dallery

Avocats :

Mes Ravet, Nicod, Boccon Gibod, Gendreau

T. com. Paris, du 15 juill. 2014

15 juillet 2014

La société de droit anglais Câble Management Products Ltd (CMP) spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de câbles, a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Paris la société française Cooper Capri SAS qui a pour activité la fabrication, l'achat et la vente de produits, matériels industriels, d'accessoires de produits métallurgiques, mécaniques et électriques, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Cooper Capri a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au profit de la High Court Queens Division de Londres.

Par jugement du 15 juillet 2014, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent et a renvoyé CMP à mieux se pourvoir, retenant l'application de la clause de règlement des litiges au profit des juridictions anglaises contenue dans le contrat " Master Supply Agreement " (MSA) estimant que ce contrat signé par les parties le 1er juin 2007 et soumis au droit anglais, bien que venu à expiration deux ans plus tard, s'était prorogé tacitement et ajoutant que les propres conditions générales de vente de CMP contiennent une clause attributive de juridiction au profit du juge anglais même si celle-ci entend y renoncer.

CMP a formé contredit à ce jugement.

Par des conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, CMP demande l'infirmation du jugement, de dire le tribunal de commerce compétent et de lui allouer 85 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par des conclusions signifies le 9 décembre 2014 et reprises oralement, Cooper Capri sollicite la confirmation du jugement, le rejet des prétentions adverses et la condamnation de la contredisante à lui verser 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, subsidiairement, si la clause de l'article 22 du MSA lui était opposable, de saisir la CJUE d'une question préjudicielle sur la nature de la responsabilité en cas de rupture brutale d'une relation d'affaires internationale, et de surseoir à statuer dans cette attente, plus subsidiairement, de renvoyer les parties à conclure au fond.

La contredisante qui invoque des relations commerciales avec Cooper Capri ou ses prédécesseurs remontant à l'année 1991, conteste l'existence d'une reconduction tacite du contrat MSA, soutenant que la question de la poursuite du contrat expiré est soumis au droit anglais lequel, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce, ne connaît pas du principe de prorogation tacite des contrats expirés, que le comportement des parties ne permet pas de déduire la reconduction tacite du contrat MSA à l'expiration de son terme alors que les bons de commande et factures qui peuvent intervenir en dehors de tout cadre contractuel ne font pas référence au contrat et que Cooper Capri n'a jamais revendiqué l'application de celui-ci. Elle soutient ainsi que les règles de compétence de droit commun doivent s'appliquer, faisant valoir qu'elle renonce à la clause d'élection de for au profit du juge anglais contenue dans les conditions générales de vente qui a été stipulé dans son intérêt exclusif et que Cooper Capri a rejeté les conditions générales de vente lors de ses commandes. Elle estime que, s'agissant d'une action en responsabilité délictuelle, le règlement 44-2001 offre une option de compétence entre le tribunal du fait générateur du dommage et celui du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire (art 5-3) ce qui conduit dans les deux cas à la compétence des tribunaux français.

Subsidiairement, CMP soutient que le principe de l'effet relatif des contrats empêche l'application de la clause attributive de juridiction, Cooper Capri n'étant pas partie au contrat.

Enfin la contredisante s'oppose à la demande subsidiaire de Cooper Capri de renvoi préjudiciel devant la CJUE au motif que les juridictions françaises n'auraient pas adopté de solution uniforme sur la nature délictuelle ou contractuelle de l'action fondée sur l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce alors que les arrêts cités ne font pas apparaître d'incompatibilité de l'appréciation de la 1re Chambre civile avec celle de la Chambre commerciale et qu'il n'appartient pas à la Cour de justice d'arbitrer les différences de position entre les chambres de la Cour de cassation.

Cooper Capri soutient notamment que les parties ont poursuivi l'exécution du contrat du 1er juin 2007 jusqu'au 6 décembre 2011; qu'il existe un principe de reconduction tacite du contrat, que la clause attributive de juridiction que celui-ci contient confère aux juridictions anglaises une compétence exclusive pour trancher les litiges résultant ou en relation avec le contrat et que Cooper Capri est partie au contrat.

SUR QUOI,

Considérant que le 1er juin 2007, la société anglaise CMP (le Vendeur) et la société anglaise Menvier Group, collectivement avec ses succursales et filiales (l'Acheteur) ont conclu un contrat-cadre de fourniture pour une durée de deux ans à la fin de laquelle le contrat expirera (article 2) ;

Considérant que Cooper Capri SAS (anciennement Capri-Codec SAS) appartient à la division Cooper Safety (anciennement Cooper Menvier) du groupe Cooper Industries ; qu'elle est donc partie au contrat ;

Que ce contrat stipule en son article 22 que " ... Tous litiges, controverses ou différends entre les parties qui ne seraient pas résolus à l'amiable seront soumis à la compétence exclusive des juridictions anglaises " ;

CMP et Cooper Capri ont entretenu des relations commerciales jusqu'en 2011 ;

Considérant que par acte du 18 octobre 2012, CMP a fait assigner Cooper Capri devant le Tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale de relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce ;

Considérant qu'en vertu de son autonomie, la clause d'élection de for survit au contrat qui la contient ;

Que cette clause donnant compétence exclusive aux juridictions de l'Etat cocontractant désigné, acceptée tant par la société de droit français que par la société de droit anglais et qui concerne tous litiges, controverses, différends entre les parties, s'applique à un litige découlant de la rupture des relations commerciales que la responsabilité de l'auteur de la rupture soit de nature contractuelle ou délictuelle ;

Que dès lors, c'est à bon droit que Cooper Capri a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au profit des juridictions anglaises ;

Qu'il convient en conséquence, rejetant le contredit, de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris qui s'est déclaré incompétent et qui a renvoyé CMP à mieux se pourvoir ;

Considérant que CMP qui succombe est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et est condamnée à payer la somme de 5 000 euro à Cooper Capri sur ce même fondement ;

Par ces motifs, Rejette le contredit, Confirme le jugement, Déboute la société Câble Management Products de ses demandes. La condamne aux dépens du contredit et à payer à la société Cooper Capri la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.