CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 janvier 2015, n° 14-12969
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Séraphin (SAS)
Défendeur :
Louis Vuitton Malletier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Nicoletis, Menard
Avocats :
Mes Fertier, Barthomeuf, Hinoux
La SAS Séraphin conçoit et fabrique des vêtements de peau de luxe pour hommes, commercialisés sous sa marque ou des marques de prestige.
La SA Louis Vuitton Malletier et la SAS Séraphin entretiennent un courant d'affaires depuis la création par la société Louis Vuitton Malletier de sa ligne de prêt-à-porter lancée en 1998.
Par acte du 29 septembre 2009, la société Séraphin, reprochant à la société Louis Vuitton Malletier d'avoir rompu brutalement leurs relations commerciales, à compter du mois de mars 2009, l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris, en paiement d'une somme de 2 435 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 13 mai 2011, le tribunal de commerce a :
- débouté la société Séraphin de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Séraphin à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société Séraphin aux dépens.
Par un arrêt du 30 mai 2012, la chambre 4 du Pôle 5 de la Cour d'appel de Paris a :
- écarté des débats les conclusions du 14 mai 2012 de la société Séraphin,
- confirmé le jugement entrepris,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Séraphin aux dépens d'appel.
Par un arrêt du 24 septembre 2013 la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 30 mai 2012, avec le conclusif suivant " Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure toute rupture, fût-elle partielle, de la relation commerciale alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Par déclaration du 19 juin 2014, la société Séraphin a saisi la Cour d'appel de Paris, désignée comme cour de renvoi par l'arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2013 ;
Par ordonnance du 7 octobre 2014, Mme la première présidente de la Cour d'appel de Paris a rejeté la demande de renvoi en audience solennelle formulée par la société Séraphin.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 novembre 2014, par lesquelles la société Séraphin demande à la cour de :
Au visa notamment les dispositions des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce, 1134 et suivants 1147 et 1382 du Code civil,
- juger la société Séraphin recevable et bien fondée en son appel ainsi qu'en toutes ses demandes,
- y faisant droit, infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 13 mai 2011 ;
- en conséquence, dire et juger que la société Louis Vuitton Malletier a rompu brutalement et sans préavis écrit la relation commerciale établie avec la société Séraphin en violation des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
- juger que la société Louis Vuitton Malletier a dès lors engagé sur ce fondement sa responsabilité à l'égard de la Société Séraphin et fixer la durée du préavis dû à la société Séraphin, à deux ans ;
- en conséquence, condamner sur le même fondement la société Louis Vuitton Malletier à payer à la société Séraphin, la somme de 1 760 000 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêt au taux légal à compter du 29 septembre 2009, date de l'assignation introductive d'instance ;
- juger que la société Louis Vuitton Malletier a rompu fautivement et abusivement la relation commerciale établie avec la société Séraphin en violation des articles 1134 et suivants du Code civil ;
- en conséquence, condamner sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, la société Louis Vuitton Malletier à payer à la société Séraphin, la somme de 675 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture avec intérêt au taux légal à compter du 29 septembre 2009, date de l'assignation introductive d'instance ;
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
- subsidiairement et pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment informée, désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :
Entendre les parties en leurs explications
Prendre connaissance et se faire communiquer tous documents des parties utiles à sa mission et notamment d'ordre comptable, financier, commercial et administratif,
Rechercher, réunir et fournir tous éléments permettant à la juridiction saisie d'apprécier l'ensemble des préjudices invoqués par la société Séraphin
- Fixer le délai de dépôt du rapport de l'Expert et la provision à valoir sur sa rémunération ;
- juger la société Louis Vuitton Malletier irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter intégralement ;
- condamner la société Louis Vuitton Malletier à payer à la société Séraphin, la somme de 25 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Louis Vuitton Malletier aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront la totalité des dépens résultant de l'arrêt cassé de la Cour de céans en date du 30 mai 2012 et qui pourront être recouvrés par Maître Stéphane Fertier de la ARPI Inter-barreaux JRF Avocats, avocat au Barreau de Paris, dans les conditions des articles 639 et 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 17 novembre 2014, par lesquelles la société Louis Vuitton Malletier demande à la cour de :
- recevoir la société Louis Vuitton Malletier en ses conclusions,
- les déclarer bien fondées,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la société Séraphin de son appel et de l'ensemble des prétentions qu'il comporte ;
- condamner la société Séraphin à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 15 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Cela étant exposé, LA COUR,
Considérant que la société Séraphin soutient qu'elle assurait, depuis 1996, la fabrication, la recherche, le développement, les achats de peaux, la réalisation des toiles et des patronages de la ligne de vêtements de peaux pour hommes de la société Louis Vuitton Malletier ; que compte tenu de son savoir-faire technique dans cette spécialité très particulière, la société Séraphin est immédiatement devenue le fournisseur et partenaire industriel principal, voire certaines années unique, de la société Louis Vuitton Malletier pour ses collections annuelles ; que la part du chiffre d'affaires réalisée avec la société Louis Vuitton Malletier n'a cessé d'augmenter au point de représenter en 2008, 23,6 % de son chiffre d'affaires global ;
Considérant que l'appelante expose que, alors qu'elle se voyait confier régulièrement par la société Louis Vuitton Malletier, pour chaque saison, un nombre important de modèles à développer et ensuite à fabriquer, elle a reçu de la société Louis Vuitton Malletier, en mars 2008, les dernières demandes de développement de nouveaux modèles pour la collection printemps/été 2009 ; que la fabrication des vêtements de peau pour hommes confiée à la société Séraphin était précédée d'une longue phase de développement de plus d'une année et réciproquement, les vêtements dont la fabrication avait été confiée à la société Séraphin, avaient été développés d'abord et préalablement par elle, ces travaux de développement représentant environ entre 10 % et 20 % du chiffre d'affaires réalisé avec la société Louis Vuitton Malletier ;
Considérant que la société Séraphin expose que, dès mars 2008, la société Louis Vuitton Malletier a cessé brutalement de lui passer ses commandes de développement de nouveaux modèles, à l'exception en octobre 2008 d'une demande de développements portant sur les seuls coloris de deux vêtements en shearling (peau de mouton retournée) pour la saison automne/hiver 2009/2010, sans qu'il y soit donné suite et aucune fabrication nouvelle ne lui a été demandée au-delà de la fin de l'année 2008, la dernière commande portant sur 176 exemplaires du modèle " Biker " ; que l'essentiel du développement et de la fabrication des vêtements de peau pour hommes de la société Louis Vuitton a été délocalisé à l'étranger, en particulier en Italie au profit de la société italienne Roban's ;
Considérant que la société Louis Vuitton Malletier répond qu'à aucun moment elle n'a décidé de se séparer de son fournisseur, que la société Séraphin est seule à l'origine de la rupture ; que les 4 ou 5 modèles en cuir présentés chaque année dans les collections de prêt à porter homme, sont confiés depuis l'origine à une dizaine de fabricants différents ; que la société Séraphin, qui ne représente que 28 % de la production cuir, n'a jamais été son fournisseur unique et exclusif ; que le courant d'affaires entre les deux sociétés a connu des variations importantes et n'a été véritablement significatif qu'à compter de l'année 2001 ; que l'augmentation exceptionnelle du chiffre d'affaires en 2008 est la résultante d'une seule commande hors normes d'un modèle particulier, le blouson " biker ", passée au titre de la saison automne/hiver 2008/2009 et qui a porté le volume d'achats de la saison pour ce produit à 1 223 990 euro, alors que le volume d'achats moyen sur les autres saisons 2005, 2006, 2007, 2008 et printemps/été 2009, ne dépassait pas en moyenne 500 000 euro ;
Considérant que l'intimée expose que les commandes passées aux fournisseurs sont tributaires des saisons, les modèles des quatre collections annuelles faisant plus ou moins appel au cuir et aux fourrures, du résultat des appels d'offres et des ventes ; qu'en effet, ne soldant jamais ses produits, la société Louis Vuitton Malletier ne peut s'engager à recommander à ses fournisseurs des vêtements qu'elle ne parvient pas à écouler et doit cerner les prévisions de ventes au plus près de ce qui est réalisé ; qu'il existe un décalage entre le développement d'un nouveau produit et sa mise sur le marché ; qu'en revanche, la reconduction de modèles existants dans des coloris ou peaux différents nécessitent uniquement des développements " matière " et/ou accessoires, comme pour le Shearling ; qu'en moyenne, 5 modèles sont commercialisés par collection, étant précisé que les développements et les modèles commercialisés sont plus nombreux en hiver qu'en été et que seul un modèle développé sur 5 est susceptible de passer en production ;
Considérant que la société Louis Vuitton Malletier expose également que la société Séraphin s'est volontairement exclue des développements de la saison Automne/Hiver 2010 et que l'attitude inadmissible de son représentant, M. Zaks, à l'occasion d'une réunion, qui s'est tenue le 17 octobre 2008, s'analyse en un manquement grave, ayant eu des répercussions sur les relations entre les parties ; que la société Séraphin a choisi de tirer profit d'un fléchissement conjoncturel des relations entre les parties pour faire juger que la société Louis Vuitton Malletier avait rompu abusivement les relations commerciales ;
Considérant qu'il est constant que les parties entretenaient des relations commerciales établies, hors de tout cadre contractuel et qu'aucune obligation de garantir un volume de commande minimum n'a été prévue entre les parties ; qu'il résulte de l'historique produit par la société Louis Vuitton Malletier, qui ne diffère de celui produit par l'appelante que de quelques euros, que le chiffre d'affaires total réalisé avec la société Séraphin a été très fluctuant selon les années et selon les collections, ainsi par exemple il était de 0 euro en 1996 et 2000, de 254 993 euro en 1998, de 157 022 euro en 1999, de 436 816 euro en 2001, 1 235 838 euro en 2002, 2 179 728 euro en 2003, 1 932 800 euro en 2004, 1 096 896 euro en 2005, 980 602 euro en 2006, 1 197 910 euro en 2007, 2 041 071 euro en 2008 et 229 177 euro en 2009 ; Considérant que la société Louis Vuitton Malletier ne représentait tout au plus que 10 % du chiffre d'affaires de la société Séraphin jusqu'en 2007, l'augmentation du chiffre d'affaires réalisé avec l'intimée en 2008 étant dû à la commande exceptionnelle pour la saison automne/hiver 2008/2009 du modèle " biker ", dont la fabrication a été confiée à la société Séraphin en 2006 , ainsi 22 " biker " ont été vendus en 2006, 295 " biker " en 2007 et 445 " biker " en 2008 ;
Considérant qu'il résulte du tableau produit par l'intimée que, sur la période de 2005 à 2008, la société Séraphin ne représentait que 28 % de sa production totale de vêtements en cuir, la société Roban's, qui réalise également des vêtements pour femme, 29 % et la société François Metreau, qui ne réalise que des vêtements femme, 27 %, les 16 % restant étant répartis sur 4 autres sociétés, 3 autres sociétés intervenant de façon très ponctuelle ; que, toutefois, la société Séraphin était le partenaire privilégié, sans être exclusif, de la société Louis Vuitton Malletier pour les vêtements en cuir destinés aux hommes, la société Roban's n'ayant participé aux collections cuir homme qu'à compter de la collection printemps-été 2009 ;
Considérant qu'il ne peut être reproché à la société Louis Vuitton Malletier de ne pas avoir maintenu pour 2009 un niveau d'affaires équivalent à celui de l'année 2008 ou des années précédentes, dès lors que le courant d'affaires entre les parties a toujours été fonction de la conjoncture et notamment du nombre de produits mis en développement ou en fabrication, selon les saisons et les collections, du nombre de produits retenus pour être commercialisés et du succès rencontré auprès de la clientèle par les produits mis en vente ; qu'il apparaît de l'historique fournisseurs produit par l'intimée que les sociétés Roban's et François Metreau travaillaient avec la société Louis Vuitton Malletier avant la société Séraphin, et que cette dernière, ayant d'autres clients plus importants, n'était pas dans une situation de dépendance économique à l'égard de la société Louis Vuitton Malletier ;
Considérant que par courriel du 23 octobre 2008 la société Louis Vuitton Malletier a confirmé à la société Séraphin sa volonté de continuer à lui confier, pour les années à venir, la fabrication du blouson " biker ", devenu un article permanent de la collection ; que M. Jean-Baptiste Groulier, salarié de l'intimée, atteste l'avoir confirmé oralement à l'appelante au mois de mai 2009 ; que par courriel du 29 octobre 2008, l'intimée a également confié à la société Séraphin le lancement du " biker " dans une nouvelle matière, en suédine ; que ce faisant la société intimée a manifesté sa volonté de ne pas rompre les relations commerciales entre les parties ;
Considérant que, cependant, le succès rencontré par le " biker " n'a pas perduré en 2009 et, en octobre 2009, le stock de ce produit a été supérieur à 24 mois de vente ; que cette situation a contraint la société Louis Vuitton Malletier à suspendre provisoirement ses commandes, qui ont été reprises le 19 novembre 2010 mais refusées par l'appelante ; que cette situation de mévente, indépendante de sa volonté, ne peut être reprochée à la société Louis Vuitton Malletier ; que, comme le reconnaît la société Séraphin, les ordres de fabrication étant passés plusieurs mois avant la commercialisation des produits, il ne peut être reproché à la société Louis Vuitton Malletier de ne pas lui avoir commandé de " biker "durant l'année 2009 pour les collections 2010-2011, alors que de nombreux vêtements restaient en stock dans ses magasins ;
Considérant que la société Séraphin reproche à la société Louis Vuitton Malletier d'avoir cessé dès le mois de mars 2008 et durant les trois saisons consécutives postérieures (automne-hiver 2009/2010, été 2010, automne-hiver 2010/2011) de lui confier le développement et la fabrication des modèles autres que le " biker ", qui ont été confiés à la société Roban's, caractérisant ainsi la rupture au moins partielle de leurs relations commerciales établies ;
Considérant que la société Séraphin, qui assurait le développement puis la fabrication de l'essentiel des modèles en cuir des collections annuelles de la société Louis Vuitton Malletier, a réalisé 176 " biker "pour la saison Automne-hiver 2009-2010, elle a reçu des commandes jusqu'au 19 décembre 2008 et a effectué des livraisons à la société Louis Vuitton Malletier jusqu'au 8 avril 2009, selon ses propres factures ; qu'il en résulte que, comme le montre le tableau des modèles Louis Vuitton produit par l'appelante, celle-ci était accaparée par la fabrication du " biker ", qu'elle a fabriqué par centaine durant les années 2007, 2008 et jusqu'à début 2009 ;
Considérant que cette situation de surcharge de la société Séraphin et les différends existants entre la société Louis Vuitton Malletier et la société Séraphin, qui sont établis par la production de plusieurs courriels sur les années 2006, 2007 et 2008 faisant état des difficultés rencontrées avec la société Séraphin concernant notamment la qualité des peaux, les prix, le respect des délais de livraison, expliquent que l'intimée ait confié la fabrication de ses modèles de la collection automne-hiver 2009/2010, autre que le " biker ", à la société Roban's ;
Considérant que par courrier du 6 octobre 2008 la société Louis Vuitton Malletier a adressé à la société Séraphin une demande de développement de couleur sur échantillon pour deux modèles de parka de type " Shearling " (mouton retourné) pour la collection automne/hiver 2009/2010, modèles déjà développés et fabriqués par la société Séraphin ; que ce courrier mentionnait notamment " Nous passerons un bon de commande une fois les coloris validés... Pour information, la livraison des répétitions Showroom vous sera demandée pour le 17 novembre " ; par courriels des 7 et 8 octobre 2008, la société Séraphin a indiqué à l'intimée que les délais allaient être longs, plusieurs semaines, et a demandé une prise de commande pour gagner du temps ;
Considérant que si les parties sont en désaccord sur le sens des réponses faites par la société Séraphin dans les courriels des 7 et 8 octobre 2008, il n'est pas contesté qu'une réunion se soit tenue le 17 octobre 2008 ; que les attestations produites par la société Séraphin et celles produites par la société Louis Vuitton Malletier sur le contenu de cette réunion sont en parfaite contradiction, l'appelante affirmant que la réunion fut cordiale et sans objet précis, alors que l'intimée fait état d'une réunion destinée à faire le point sur la collaboration entre les deux sociétés pour la saison automne-hiver 2009, notamment sur la question du " shearling ", au cours de laquelle M. Zaks a eu un comportement agressif ;
Considérant que même s'il n'existe pas de compte rendu de la réunion du 17 octobre 2008, il apparaît que les parties étaient en désaccord sur les conditions de leur collaboration notamment sur les questions de délais et de prix ; que la société Séraphin a demandé par courriel du 22 octobre 2008 " ...si nous devons tenir prêt le patronage du parka pour l'hiver 09-10, compte tenu que nous avons fait développer les coloris du shearling... " ; que par courriel du même jour M. Groulier, pour la société Louis Vuitton Malletier, a répondu " Nous continuons a priori et comme déjà discuté entre nous avec le biker seulement "; que la société Séraphin a néanmoins transmis, le 24 octobre 2008, les échantillons couleurs demandés par l'intimée, qui les a réglés le 23 décembre 2008 ;
Considérant cependant, qu'aucune offre de prix de vente n'a été formulée par l'appelante ; que ces difficultés ont conduit la société Louis Vuitton Malletier, qui verse aux débats l'offre de prix que lui a adressé le 26 novembre 2008 la société Roban's, à ne pas donner suite au projet développement du " shearling " et à renoncer à commander à la société Séraphin la fabrication de ces manteaux ;
Considérant que les difficultés et la tension existant entre la société Séraphin et la société Louis Vuitton Malletier sont établies par plusieurs courriels versés aux débats par l'intimée ; que notamment un courriel de Mme Filloux du 26 octobre 2007 décrit les nombreux dysfonctionnements rencontrés avec la société Séraphin et fait aussi état des difficultés relationnelles importantes existant avec M. Zaks, rendant difficiles les relations entre les sociétés ;
Considérant qu'il apparaît que la société Séraphin est responsable de la perte du développement du " shearling " à la fin de l'année 2008 ; qu'au vu des tensions existant depuis plusieurs années entre les sociétés, qui se sont accrues en 2007 et 2008, la rupture partielle des relations commerciales entre les deux sociétés à compter de l'année 2009 n'apparaît pas brutale, mais totalement prévisible pour la société Séraphin, qui sera déboutée de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant que, nonobstant l'augmentation en 2008 du chiffre d'affaires réalisé avec la société Louis Vuitton Malletier en raison du succès du produit " biker ", la rupture partielle des relations entre les parties n'était pas inattendue compte tenu de la dégradation continue des relations entre les deux sociétés ; que le comportement de l'intimée qui était prévisible n'a été ni déloyal, ni fautif, ni abusif ; que la société Séraphin sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 1134 du Code civil ;
Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 13 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Paris, Et y ajoutant, Déboute la SAS Séraphin de ses demandes, Condamne la SAS Séraphin à verser à la SA Louis Vuitton Malletier la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Séraphin aux dépens d'appel.