CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 5 février 2015, n° 2014-21492
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Orange (SA)
Défendeur :
Société Française du Radiotéléphone (Sté), Bouygues Telecom (SA), Autorité de la Concurrence, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Conseillers :
Mmes Leroy, Michel- Amsellem
Avocats :
Mes Clarenc, Valentie, Lazarus, Vogel
Par lettre du 29 avril 2014, enregistrée sous le numéro 14-0041 F, l'Autorité de la concurrence a été saisie par la société Orange de pratiques mises en œuvre par les sociétés SFR et Bouygues Télécom (BTEL) dans le secteur de la téléphonie mobile. Dans sa saisine, Orange dénonçait, sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE, l'accord de partage de réseaux d'accès mobiles conclu le 31 janvier 2014 entre SFR et Bouygues Télécom.
Cette saisine était assortie d'une demande de mesures conservatoires introduite le même jour et enregistrée sous le numéro 14-0042.
Orange demandait ainsi à l'Autorité de la concurrence d'enjoindre à SFR et Bouygues Télécom :
" Dans l'attente, d'une part, d'un communiqué officiel de l'ARCEP approuvant l'Accord sans réserve ni condition, d'autre part, de la décision à intervenir de l'Autorité concernant l'opération de concentration entre SFR et Numéricable :
De suspendre toute mise en œuvre de l'Accord ;
De suspendre, en particulier : (i) toute opération d'apports ou de transfert à la société commune ad-hoc appelée à " gérer le patrimoine des sites radio mis en commun " ; (ii) toute opération de mutualisation des infrastructures passives, comprenant notamment les démontages, les reconfîgurations et les nouvelles constructions de sites ; (iii) toute opération de mutualisation des équipements actifs et de prestation réciproque de RAN-sharing ;
De suspendre ou s'abstenir de mettre en œuvre toute forme quelconque de mise à disposition de SFR de la couverture 4G de Bouygues Telecom et tout partage de fréquences 4G ;
De rétablir à l'état initial toute opération juridique, technique ou commerciale précédemment réalisée dans le cadre et pour la mise en œuvre de l'Accord ;
De suspendre toute clause et toute forme quelconque d'exclusivité réciproque de mutualisation ;
De suspendre toute clause, pénalité ou condition ayant pour objet ou pour effet, directement ou indirectement, d'empêcher une partie de sortir de tout ou partie de l'Accord.
En tout état de cause dans l'attente de la décision au fond ;
De limiter et circonscrire aux zones identifiées par l'ARCEP comme étant de déploiement prioritaire (ZDP) le champ de la mutualisation passive et active de leurs réseaux d'accès mobiles ;
De suspendre ou s'abstenir de mettre en œuvre toute forme quelconque de mise à disposition de SFR de la couverture 4G de Bouygues Telecom et tout partage de fréquences 4G ;
De suspendre toute clause et s'abstenir de toute forme quelconque d'exclusivité réciproque de mutualisation ;
De suspendre toute clause, pénalité ou condition ayant pour objet ou pour effet, directement ou indirectement, d'empêcher une partie de sortir de tout ou partie de l'Accord. "
Les pratiques dénoncées au fond par Orange et sa demande de mesures conservatoires trouvent leur origine dans un accord de mutualisation conclu entre SFR et Bouygues Télécom.
La cour se réfère aux développements non contestés de la décision déférée n° 14-D-10 de l'Autorité du 25 septembre 2014 (la Décision) sauf à rappeler, en synthèse, que les opérateurs Bouygues Télécom et SFR ont annoncé en juillet 2013, par un communiqué de presse, vouloir entamer des négociations exclusives afin d'aboutir à un accord de mutualisation d'une partie de leurs réseaux mobiles, comparable à des dispositifs du même type déjà mis en œuvre dans d'autres pays européens. Les deux opérateurs ont ensuite annoncé, le 31 janvier 2014, avoir signé un accord prévu pour une durée initiale de vingt ans qui pourra être renouvelée par périodes successives de vingt ans.
L'accord prévoit le déploiement d'un réseau mobile partagé de 11 500 sites sur une zone mutualisée correspondant à 57 % de la population. La zone mutualisée est découpée en deux, SFR et Bouygues Télécom se partageant la responsabilité du déploiement du réseau selon le territoire.
Saisie par le rapporteur général en application des dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce, s'agissant d'une saisine relative à un secteur entrant dans son champ de compétence, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a communiqué ses observations dans un avis n° 2014-0657 10 juin 2014.
Concernant le marché de détail, l'ARCEP note, dans cet avis, que l'accord "comprend des stipulations en vue d'améliorer la couverture et la qualité de service ". SFR a précisé, à cet égard, que l'accord vise à " proposer une qualité de service très performante à des consommateurs de plus en plus exigeants ". De son côté, Bouygues Télécom a indiqué que l'accord vise à lui permettre d'offrir à ses clients, dans les zones moins denses du territoire, une meilleure couverture ainsi qu'une meilleure qualité de service, en optimisant le maillage du réseau partagé. L'accord assurera ainsi, selon Bouygues Télécom, " une densification du réseau permettant une augmentation de la qualité et des débits offerts qui bénéficiera au consommateur ".
L'accord, qui consiste en une mutualisation de réseaux sur un périmètre géographique correspondant à 57 % de la population couvrant les zones les moins denses du territoire repose principalement sur la mise en œuvre de plusieurs solutions de mutualisation, soit :
- la création d'une société commune ad hoc dénommée "Infracos" ;
- la mise en œuvre d'une mutualisation active sans mise en commun de fréquences ;
- une modalité de partage intégrant une mutualisation de fréquences dans les zones rurales).
Les parties à l'accord ont également reconnu la mise en place, dans le cadre de l'accord de mutualisation, d'une itinérance 4G temporaire fournie par Bouygues Télécom à SFR, qu'elles justifient par des nécessités pratiques et qui, désormais seule en cause dans le cadre du présent recours, fera l'objet d'une analyse distincte dans les développements qui vont suivre.
La Décision relève, par ailleurs, sur le calendrier de mise en œuvre de l'accord (paragraphes 59 à 62), que SFR et Bouygues Télécom ont souligné que l'accord de partage, qui ferait l'objet d'une mise en œuvre progressive, appelle, en pratique, la réalisation de plusieurs étapes, dont la constitution d'une entreprise commune chargée de la gestion des sites mutualisés et la cession à cette société des droits d'occupations du sol et des infrastructures passives.
Dans tous les cas, l'accord devrait aboutir à la finalisation du réseau mutualisé cible à la fin de l'année 2017 avec un achèvement complet en 2020 et au-delà.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la prestation d'itinérance 4G au profit de SFR est prévue entre le 1 septembre 2014 et le 31 décembre 2016 en liaison avec le lancement de la mutualisation dont elle est un accompagnement technique transitoire.
L'accord, dont la durée initiale était de 20 ans, a un caractère réversible, SFR ayant précisé, à cet égard, qu'il existe, " en cas de résiliation de l'accord de partage, des dispositions relatives à la réversibilité de l'accord [...] pour permettre à chaque opérateur d'assurer la continuité de la fourniture de son service à ses clients " et que les parties à l'accord " ont érigé le principe de réversibilité de leurs accords comme un principe fondamental de leur partenariat ".
S'agissant, enfin, des pratiques dénoncées dans la saisine au fond, la Décision relève qu' Orange indique que l'accord de mutualisation concerne, en amont, le marché du déploiement et de la fourniture des réseaux d'accès mobiles sur le territoire métropolitain (2G, 3G et 4G) et le marché de gros sous-jacent des infrastructures passives et actives nécessaires au déploiement et à la fourniture de ces réseaux et, en aval, le marché de détail de la téléphonie mobile. Selon la saisissante, cet accord constitue une entente horizontale entre entreprises concurrentes sur les marchés concernés, qui affecte sensiblement la structure de la concurrence sur ces marchés, notamment par son ampleur, et qui, à ce titre, est contraire aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
Orange estime, d'une part, que cet accord restreint abusivement la concurrence entre ces parties par une mutualisation manifestement excessive dans son champ géographique et opérationnel et, d'autre part, qu'il est de nature à fausser structurellement la concurrence sur le marché en permettant des échanges d'informations sensibles entre SFR et Bouygues Télécom, en leur permettant de dégager de la mutualisation des gains non reproductibles par un partenariat concurrent.
Concernant plus particulièrement l'itinérance 4G dont SFR va bénéficier, Orange considère qu'elle procure " un avantage manifestement abusif en venant effacer son déficit de déploiement 4G " et qu'elle restreint et fausse gravement la concurrence en tendant à égaliser la couverture de SFR et de Bouygues Télécom dans la 4G sur une partie substantielle du territoire, privant ainsi Bouygues Télécom et Orange de leur avance et avantage concurrentiel de déploiement 4G par rapport à SFR.
C'est dans un tel contexte et dans de telles circonstances que, par Décision n° 14-D-10 du 25 septembre 2014, l'Autorité a décidé : " Article unique: La demande de mesures conservatoires présentée par la société Orange, enregistrée sous le numéro 14-0042 M, est rejetée. "
LA COUR :
Vu l'assignation délivrée le 24 octobre 2014 à la requête de la société Orange à l'encontre de la société SFR et de la société Bouygues Télécom et contenant recours en annulation et en réformation à l'encontre de la Décision n° 14-D-10 du 25 septembre 2014 ;
Vu le mémoire déposé le 14 novembre 2014 par la société SFR ;
Vu le mémoire déposé le 17 novembre 2014 par la société SFR ;
Vu le mémoire déposé le 17 novembre 2014 par la société Bouygues Télécom ;
Vu les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 17 novembre 2014, déposées le 17 novembre 2014 ;
Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 20 novembre 2014, le conseil de la requérante, qui a été mis en mesure de répliquer, ainsi que les conseils des sociétés SFR et Bouygues Télécom, le représentant de l'Autorité de la concurrence et le ministère public ;
SUR CE :
Sur la procédure
Considérant que, concernant les mesures conservatoires prises par l'Autorité de la concurrence, le Code de commerce dispose :
- en son article L. 464-1 :
"L'Autorité de la concurrence peut, à la demande du ministre chargé de l'économie, des personnes mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 462-1 ou des entreprises et après avoir entendu les parties en cause et le commissaire du Gouvernement, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires.
Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.
Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence" ;
- en son article R. 463-8 :
" Pour l'application de l'article L. 464-1 et des premier et deuxième alinéas de l'article l'article L. 462-8, le rapporteur général peut fixer des délais pour la production de mémoires, pièces justificatives ou observations et pour leur consultation par les intéressés ou par le commissaire du Gouvernement" ;
- en son article R. 464-1 :
" La demande de mesures conservatoires mentionnée à l'article L. 464-1 ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de la concurrence. Elle peut être présentée à tout moment de la procédure et doit être motivée " ;
Considérant que, concernant la recevabilité et le rejet d'une saisine, il est rappelé que l'article L. 462-8 du Code de commerce dispose :
"L'Autorité de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir de l'auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l'article L. 462-7, ou si elle estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence.
Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants.
Elle peut aussi rejeter la saisine dans les mêmes conditions, lorsqu'elle est informée qu'une autre autorité nationale de concurrence d'un Etat membre de la Communauté européenne ou la Commission européenne a traité des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne.
Elle peut aussi rejeter la saisine dans les mêmes conditions ou suspendre la procédure, lorsqu'elle est informée qu'une autre autorité nationale de concurrence d'un Etat membre de la Communauté européenne traite des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne. Lorsque cette information est reçue par le rapporteur au stade de l'instruction, le rapporteur général peut suspendre son déroulement l'Autorité de la concurrence peut aussi décider de clore dans les mêmes conditions une affaire pour laquelle elle s'était saisie d'office.
Il est donné acte, par décision du président de l'Autorité de la concurrence ou d'un vice-président délégué par lui, des désistements des parties ou des dessaisissements effectués par la Commission européenne. En cas de désistement, l'Autorité peut poursuivre l'affaire, qui est alors traitée comme une saisine d'office."
Considérant, enfin, sur la confidentialité de certaines pièces du dossier, que le Code de commerce dispose :
- en son article L. 463-4 : " Dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes. Dans ce cas, une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles ".
- en son article R. 463-15 : " Lorsque le rapporteur considère qu'une ou plusieurs pièces dans leur version confidentielle sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense d'une ou plusieurs parties ou que celles-ci doivent en prendre connaissance pour les besoins du débat devant l'Autorité, il en informe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la personne qui a fait la demande de protection du secret des affaires contenu dans ces pièces et lui fixe un délai pour présenter ses observations avant que le rapporteur général ne statue. La décision du rapporteur général est notifiée aux intéressés.
Lorsqu'une partie mise en cause n'a pas eu accès à la version confidentielle d'une pièce qu'elle estime nécessaire à l'exercice de ses droits, elle peut en demander au rapporteur la communication ou la consultation en lui présentant une requête motivée dès sa prise de connaissance de la version non confidentielle et du résumé de cette pièce. Il est alors procédé comme à l'alinéa précédent.
Le rapporteur général fixe, le cas échéant, un délai permettant un débat sur les informations, documents ou parties de document nouvellement communiqués
Considérant qu'au soutien de sa demande d'annulation ou, selon le cas de réformation, de la Décision, Orange prétend que tant la Décision que la procédure qui a été suivie sont entachées de graves irrégularités, en violation des exigences du "procès équitable, transparent et objectif " ;
Considérant, sur l'irrégularité de la Décision, que la requérante soutient, en premier lieu, que la décision de l'Autorité est entachée de nullité en raison d'un défaut de discussion contradictoire sur les pratiques dénoncées et de poursuite de l'instruction au fond à leur encontre ;
Qu'Orange affirme que lorsque l'Autorité est saisie d'une demande de mesures conservatoires formée accessoirement à une saisine au fond :
- elle doit vérifier préalablement si les faits et pratiques dénoncés dans la saisine au fond sont appuyés d'éléments suffisamment probants pour caractériser l'existence d'une "possible infraction" ;
- elle doit procéder à cet examen préalable dans le cadre d'une "discussion" qui permet de caractériser et d'apprécier contradictoirement chacune des pratiques dénoncées au regard des éléments et arguments fournis par les parties adverses, des éléments recherchés et vérifiés par l'instruction et, le cas échéant, de l'avis rendu par l'autorité de régulation consultée ;
- elle doit décider qu'il y lieu de poursuivre l'instruction au fond de la saisine lorsque, tout accueillant la saisine au fond, elle rejette la demande de mesures conservatoires ;
Qu'en l'espèce, la requérante fait valoir qu'en examinant et en rejetant, au titre de l'article L. 464-1 du Code de commerce, sa demande de mesures conservatoires à l'encontre des deux pratiques distinctes dénoncées dans la saisine au fond à propos des conditions de la mutualisation et à l'encontre de l'itinérance, tout en s'abstenant totalement de caractériser et de discuter contradictoirement, en fait et en droit, ces pratiques, alors qu'elle a accueilli comme suffisamment probantes, au titre de l'article L. 462-8 du Code de commerce, les dénonciations portées dans sa saisine au fond, l'Autorité a, non seulement, violé les dispositions de l'article L. 462-8 du Code de commerce, mais encore ne s'est pas conformée aux exigences du "procès équitable, transparent et objectif " ; qu'Orange affirme que les irrégularités qui entachent la Décision sont d'autant plus graves, s'agissant de l'itinérance 4G de SFR que cette Décision a été prise, notamment :
- en l'absence de toute discussion contradictoire, transparente et objective tant sur l'objet et les conditions matérielles de cette prestation que sur ses prétendues justifications et limites et, dès lors, sur l'appréciation et la qualification, en fait et en droit, de la pratique qui est à l'origine de l'atteinte dénoncée ;
- en l'absence de tout examen transparent, circonstancié et objectif de cette itinérance 4G de SFR au regard, tant des conditions et limites posées en la matière par l'Autorité dans son avis 13-A-08 que des exigences et des enjeux du processus de concurrence par les mérites des investissements dans le déploiement des réseaux et des services à très haut débit 4G ;
Que la requérante fait encore valoir que l'Autorité qui, en application de l'article L. 462-8 du Code de commerce, a accueilli sa saisine comme suffisamment probante, a également manqué aux obligations auxquelles elle était tenue, tant par cet article qu'au regard des exigences de la pratique décisionnelle de l'Autorité et des garanties du procès équitable et transparent, en s'abstenant d'indiquer qu'il y avait lieu de poursuivre l'instruction au fond des dénonciations ,de la requérante, dans sa saisine au fond, à l'encontre des conditions de la mutualisation envisagée entre SFR et BTEL, d'une part, et de l'existence de l'itinérance 4G de SFR dans le réseau de BTEL, d'autre part ;
Que, sur l'irrégularité de la Décision, Orange soutient, en second lieu, qu'alors que l'article L. 463-1 du Code de commerce soumet l'instruction et la procédure devant l'Autorité au principe de "la pleine contradiction", conformément en cela aux exigences de l'article 6 paragraphe 1 de la CESDH, les prétendues constatations de la Décision sur la raison et les conditions mêmes de l'itinérance 4G de SFR et ses appréciations - paragraphes 58 et 82 de la Décision - sur le caractère soi-disant justifié et limité de cette prestation ne sont pas fondées sur des éléments contradictoirement vérifiés, établis et débattus ;
Considérant, sur les irrégularités de la procédure, que la société Orange fait valoir que celles-ci procèdent, en premier lieu, d'une violation tant des articles L. 464-4 et R. 463-15 alinéa 1er du Code de commerce que des exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en matière d'administration de la preuve et de l'égalité des armes ;
Qu'elle souligne, tout d'abord, que dès lors que la saisine a été accueillie comme suffisamment probante par le rapporteur et par la Décision, dans des conditions qui justifiaient ainsi l'instruction des pratiques et atteintes dénoncées, et que le rapporteur n'a pas procédé au déclassement des éléments caractérisant ces pratiques, il incombait à l'Autorité, interrogée après le rapporteur sur les conditions et garanties résultant de la décision 11-D-05 concernant la mise en œuvre de l'article R. 463-15 alinéa 1er du Code de commerce, de répondre et de justifier sa position procédurale et qu'en s'abstenant précisément de le faire, l'Autorité l'a privée du bénéfice de ces conditions et garanties ;
Que Orange affirme, ensuite, qu'en tout état de cause, la prérogative attribuée au rapporteur en matière de déclassement ne peut pour autant la priver de son droit et de son intérêt à bénéficier d'une procédure équitable et, par surcroît, pour les besoins de l'application dispositions articles L. 461-4 et R. 463-15 al. 1er du Code de commerce et que, dès lors, elle était en droit :
- non seulement, ainsi qu'elle l'a fait par courrier en date du 7 juin 2014, de saisir le rapporteur de la question du déclassement des éléments nécessaires à l'établissement des faits concernés ainsi qu'à l'examen contradictoire des pratiques et atteintes dénoncées ;
- mais encore, de soulever et soumettre ensuite au contrôle de l'Autorité " le vice constitué et le trouble causé par l'absence de déclassement par le rapporteur des éléments nécessaires à l'établissement et à l'examen contradictoire, en particulier, des conditions effectives de l'itinérance 4G de SFR dans le réseau de BTE " ;
Que la requérante, prétend, enfin, que l'irrégularité de procédure résulte du fait que la Décision :
- a méconnu son obligation de contrôle de la décision précitée du rapporteur de s'abstenir de déclasser les éléments fondant les pratiques dénoncées, alors que SFR et BTEL " ne pouvaient espérer [que ces éléments resteraient classés] puisqu'ils contenaient l'essentiel des clauses fondant les pratiques dénoncées " ;
- "a méconnu ce vice et couvert ce trouble", manquant ainsi à l'exigence d'indépendance fonctionnelle par rapport aux services d'instruction, de sorte que tant l'instruction que la Décision sont entachées d'irrégularité à ce titre ;
Que, selon Orange, l'irrégularité de la procédure résulte, en deuxième lieu, de la violation par le rapporteur du contradictoire et de l'égalité des armes, tant à l'occasion de la présentation de son rapport oral en séance qu'au cours de séance ;
Que la requérante affirme, en effet, d'une part, que le dossier soumis à contradiction ne comporte aucun élément permettant de vérifier et d'établir les indications de couverture théorique maximale et de couverture réelle de l'itinérance 4G de SFR qui ont été présentées par le rapporteur dans son rapport en séance et qui ont, ensuite, été reprises par la Décision elle-même (paragraphes 54 et 92) pour prétendre justifier le " caractère limité " de la prestation en cause et le rejet de la demande de mesures conservatoires ;
Que Orange prétend, d'autre part, que "les échanges réclamés et tenus en séance avec SFR et BTEL (mises en cause) à l'écart de la requérante (plaignante), pendant plus d'une demi-heure, avec clôture des débats à leur issue", sur des documents confidentiels non déclassés par le rapporteur au titre des besoins de la procédure et des éléments relevant de la solution du litige constituent une violation du principe de contradiction commise à son détriment et que cette irrégularité entache de partialité et de nullité les prétendues constatations de la Décision sur le prétendu caractère justifié et limité "en soi" de l'itinérance 4G de SFR ;
Que Orange prétend, en dernier lieu, qu'une série de circonstances concourent à susciter un doute sérieux sur l'impartialité de la procédure dans des conditions permettant de soutenir que la Décision est entachée d'irrégularité, en particulier dans le traitement de l'itinérance 4G de SFR ;
Qu'ainsi :
- ce doute est confirmé et aggravé par les déclarations de SFR, dans ses premières observations, se prévalant, contre la plainte et les demandes de la requérante, de " réunions de travail " et d'une " approche interactive " avec les services de l'Autorité sur son Accord avec BTEL ;
- Orange indique avoir expressément demandé au rapporteur et à SFR de clarifier ce point afin, à tout le moins, de s'assurer que le rapporteur et/ou son rapporteur général adjoint n'avaient pas participé à ces " réunions " et à cette " approche interactive ", en émettant toutes réserves à cet égard et que SFR a répondu que ces faits et questions relevaient du "secret des affaires" ;
- en séance, le rapporteur et son rapporteur général adjoint sont restés silencieux sur ce point, sans démentir une possible participation, et sans faire cas des réserves de la requérante à cet égard, la Décision ignorant et occultant également ce problème et ces réserves procédurales ;
Que, selon Orange, cette situation est de nature à soulever un doute sérieux, tant sur l'impartialité de l'instruction, au regard de la participation non démentie du rapporteur et/ou de son rapporteur général aux " réunions de travail " et à l'" approche interactive " avec les services de l'Autorité revendiquées par SFR contre la plainte et les demandes de la requérante, que sur l'indépendance fonctionnelle de l'Autorité par rapport à ses services d'instruction, au regard de son défaut de contrôle et de réponse sur les points qui ont été précédemment évoqués ;
Considérant, sur le défaut allégué d'indication dans la décision déférée de la poursuite de l'instruction au fond ainsi que sur le défaut d'instruction et sur l'absence de discussion des pratiques alléguées, que la cour relève, à titre liminaire, que l'Autorité n'ayant, ni déclaré irrecevable la saisine au fond assortie d'une demande accessoire de mesures conservatoires de la société Orange, ni rejeté cette saisine pour les motifs énoncés par l'article L. 462-8 précité du Code de commerce, n'était pas tenue de rappeler la poursuite de l'instruction afférente à la saisine au fond, qui était en effet implicite ;
Considérant que c'est en cet état que l'Autorité était appelée à statuer sur le bien -fondé de la demande de mesures conservatoires de Orange qui, en application des dispositions précitées de l'article L. 464-1 du Code de commerce, ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante ;
Considérant, sur les modalités de l'instruction du dossier alors requise, qu'il est rappelé que, par courrier du 19 juin 2014, les services de l'Autorité ont transmis à Orange "l'ensemble des pièces du dossier" en vue de ses observations fixées au 7 juillet 2014 qui comportait les réponses de SFR et de BTEL au questionnaire d'instruction, dans une version non confidentielle, compte tenu de demandes, acceptées, de protection au titre du secret des affaires qui seront évoquées plus précisément dans les développements qui vont suivre ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, aucun texte n'imposait en l'espèce au rapporteur, dans le cadre particulier de la procédure applicable en matière de mesures conservatoires, de procéder, par surcroît, à des constatations particulières relatives aux pratiques dénoncées par Orange dans la saisine au fond afin de permettre à l'Autorité de décider du bien-fondé des mesures conservatoires ;
Considérant qu'après avoir pris connaissance de la position des services de l'instruction présentée oralement en séance par le rapporteur et entendu les parties mises en cause, l'Autorité qui n'était, ni tenue de vérifier et d'établir "la matérialité des faits en cause", ni de provoquer un débat contradictoire sur la qualification des pratiques dénoncées, était ainsi en droit de se déterminer à partir, d'une part, des éléments produits par Orange au soutien de sa saisine et, d'autre part, des observations des parties mises en cause ;
Considérant, au demeurant, ainsi que le fait utilement valoir l'Autorité dans ses observations déposées devant la cour, qu'il incombait au premier chef à Orange, demanderesse de mesures conservatoires, de lui fournir des éléments de nature à justifier de l'atteinte grave et immédiate à l'un des intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 464-1 qui apparaissent à ses yeux comme la conséquence directe des pratiques dénoncées ;
Considérant, à tout le moins, que la décision de rejet de mesures conservatoires de l'Autorité ne préjugeait pas, après poursuite de l'instruction sur la saisine au fond, de son appréciation ultérieure de la force probante, suffisante ou non, des éléments produits par Orange au soutien des faits dénoncés dans la saisine au fond ;
Considérant sur le défaut allégué de respect du contradictoire et sur le prétendu refus d'accès aux pièces couvertes par le secret des affaires, qu'il est rappelé que le rapporteur a pris les décisions de secret d'affaires n° 14-DSA-159,14-DSA-160, 14-DSA-162, 14-DSA-169, 14-DSA-172, 14-DSA-174, 14-DSA-210, 14-DSA-214 et 14-DSADEC-03 ;
Qu'ainsi que le relate la Décision (paragraphe 71), Orange avait, dans ses observations du 7 juillet 2014, fait valoir qu'un certain nombre d'éléments du dossier ayant fait l'objet d'un classement au titre du secret des affaires, soit l'intégralité de l'accord litigieux, ainsi qu'une partie substantielle des observations et des réponses de SFR et de Bouygues Télécom au questionnaire d'instruction, apparaissaient, selon elle, nécessaires " à l'instruction et à l'examen des faits et atteintes dénoncés, à l'exercice du débat contradictoire et des droits de la requérante, et aux prérogatives mêmes du Collège dans la présente procédure " ;
Qu'elle reprochait également au rapporteur de lui avoir répondu, à tort, dans un courrier du 3 juillet 2014, que ses préoccupations étaient irrecevables, notamment, au regard des articles L. 463-4 et R. 463-15 du Code de commerce ;
Considérant, cependant, que l'Autorité, qui n'était pas tenue de rentrer dans le détail de l'argumentation de la requérante, a exactement constaté et décidé (paragraphe 74 de la Décision) que Orange, qui avait la qualité de partie saisissante et demanderesse au prononcé de mesures conservatoires et non de partie mise en cause, n'était, en application du deuxième alinéa de l'article R. 463-15 du Code de commerce, et sans encourir le reproche d'atteinte aux principes garantis par l'article 6 de la CSEDH en ce qui concerne l'administration de la preuve et de l'égalité des armes, pas recevable à demander au rapporteur la levée de la confidentialité de certaines pièces de la procédure afin de faire valoir ses droits ;
Considérant, au surplus, que les observations d'Orange en date du 7 juillet 2014 ainsi que son mémoire du 2 septembre 2014 et, en tant que de besoin, ses écritures devant la cour suffisent à établir que les éléments essentiels relatifs à la portée, la durée et au contenu de l'accord en cause et de son annexe sur l'itinérance ont bien été portés à sa connaissance et débattus ;
Considérant que la requérante n'est pas non plus fondée à reprocher au collège de l'Autorité d'avoir, en séance, interrogé SFR et BTEL sur certains points confidentiels du contrat en dehors de sa présence, dès lors que, ainsi que l'atteste le procès-verbal de séance, c'est à la demande expresse de BTEL et non à l'initiative du collège, que des questions lui ont été posées sur des éléments confidentiels du dossier hors la présence d'Orange ;
Que ce n'est qu'au surplus que la cour relève que le document de questions-réponses de l'Autorité diffusé sur son site Internet prévoit bien expressément cette situation, en ces termes :
" Pour que l'effet utile des décisions de secret des affaires rendues à l'occasion de la phase d'instruction du dossier soit préservé durant les débats oraux, le président de séance peut inviter une ou plusieurs parties à sortir de la salle durant le temps de l'intervention de la personne qui fait état, devant le collège de l'Autorité et le commissaire du gouvernement, d'informations protégées" ;
Considérant qu'à l'opposé, ainsi que le rappelle à juste titre l'Autorité dans ses observations déposées devant la cour, la procédure suivie en séance a permis au collège de vérifier un certain nombre de données factuelles objectives sur lesquelles se fonde la décision, en écartant le risque d'une divulgation intempestive d'informations sensibles couvertes par le secret des affaires et inutiles aux débats ;
Considérant qu'alors qu'il vient d'être rappelé que la procédure n'est entachée d'aucune irrégularité, Orange ne produit pas non plus le moindre élément de nature à suspecter l'Autorité ou les services de l'instruction de partialité, en se bornant, à ce sujet, à des insinuations sur des réunions de travail ainsi que sur une " approche interactive " entre des rapporteurs des services de l'instruction et SFR ;
Considérant qu'il suffit, tout au plus, de renvoyer sur ce point aux observations de l'Autorité déposées devant la cour (point 45) dont il ressort que les réunions de travail et échanges évoqués dans les observations de SFR apparaissent pour leur part en lien avec l'avis consultatif de l'Autorité n° 13-A-08 du 11 mars 2013, relatif aux conditions de mutualisation et d'itinérance sur les réseaux mobiles mais ne s'inscrivent, ni dans l'examen de la demande de mesures conservatoires, ni dans l'instruction au fond de la saisine d'Orange ;
Considérant enfin, et plus généralement, qu'Orange ne démontre pas que la décision de l'Autorité se serait fondée sur des éléments qui n'auraient pas été contradictoirement vérifiés, établis et débattus ;
Considérant que la cour observe, à cet égard, que, sous couvert de critiques tirées notamment d'un défaut d'instruction du dossier ou du non - respect du contradictoire en séance, Orange remet en réalité en cause les appréciations de l'Autorité qui l'ont conduite à rejeter la demande de mesures conservatoires, alors que l'analyse de la motivation de la Décision relève de l'examen du bien-fondé de la décision de rejet de la demande de mesures conservatoires qui sera abordé dans les développements qui vont suivre ;
Que les moyens seront rejetés ;
Sur la demande de mesures conservatoires
Considérant qu'il est rappelé, à titre liminaire, qu'après avoir procédé à l'examen du dossier, l'Autorité a constaté (paragraphes 50 à 58) que le déploiement du réseau mutualisé n'intervenant que de manière progressive, SFR et Bouygues Télécom ont prévu l'intervention de l'itinérance, désormais seule en cause dans le cadre du présent recours, à compter de septembre 2014 et jusqu'au 31 décembre 2016, soit une durée d'environ deux ans et demi, le temps de la mise en place du réseau mutualisé cible 4G ;
Que la Décision relate que SFR a précisé, à ce sujet, que " la prestation d'itinérance prendra progressivement fin, site par site, au fur et à mesure que les sites de SFR et Bouygues Telecom, compatibles pour accueillir les deux opérateurs en mutualisation, seront déployés ", ce qui signifie qu'en cas de retard de déploiement du réseau cible 4G, l'extinction progressive de la prestation d'itinérance pourra toutefois intervenir au-delà du calendrier précité pour les sites concernés par ce retard ;
Qu'il est constant, par ailleurs, que la prestation d'itinérance ne porte que sur la zone de partage et qu'elle ne concerne pas les zones les plus denses, exclues de l'accord de mutualisation et, qu'en outre, l'itinérance fournie par Bouygues Télécom ne peut, en pratique, concerner qu'une partie de la zone de partage, pour deux raisons :
- la première est que le réseau 4G de Bouygues Télécom ne couvrait qu'environ 63 % du périmètre de l'accord au moment de sa signature et que, l'extension de ce périmètre par des investissements futurs n'étant pas prévue par l'accord, la prestation d'itinérance dont va bénéficier temporairement SFR sera nécessairement cantonnée à une partie de la zone de partage ;
- la seconde est que SFR n'a choisi qu'une partie des sites de Bouygues Télécom éligibles à la 4G sur la zone de partage à la date de signature de l'accord et, qu'ainsi, la part de la population réellement concernée par l'accord d'itinérance temporaire sera nécessairement inférieure au pourcentage théorique estimé à environ 21 % de la population totale ;
Que la Décision mentionne encore que, lors de la séance de l'Autorité, les parties à l'accord, SFR et BTEL, ont exposé, pour justifier l'existence de cette prestation, que leur intention était d'éviter des investissements inutiles qui auraient été rendus obsolètes par le déploiement du réseau mutualisé ;
Que SFR et Bouygues Télécom ont ainsi indiqué avoir préféré geler leurs déploiements 4G dans la zone mutualisée dès la fin 2013, pour attendre d'être capables de déployer directement des équipements compatibles avec l'accueil de leur partenaire dans cette zone, économisant ainsi les coûts de construction et démantèlement de sites non compatibles ;
Qu'il résulte des explications des parties à l'accord que la prestation d'itinérance viendrait ainsi compenser certains effets liés à cette décision de différer le déploiement de certains sites pendant la mise en place de la mutualisation et que les autres bénéfices attendus de l'accord, optimisation des coûts et de la qualité de service notamment, ne seront atteignables qu'avec le déploiement des sites mutualisés, étant précisé que, dans cette logique, l'itinérance a vocation à s'éteindre au fur et à mesure du déploiement de ces nouveaux sites, et qui doit intervenir selon le calendrier avancé avant fin 2016 ;
Que, par ailleurs, la Décision mentionne que SFR et Bouygues Télécom ont confirmé que l'itinérance était proposée unilatéralement par la seconde à la première dans le contrat et :
- qu'il ressort de cet élément que la prestation ne serait que la conséquence objective du fait que la couverture 4G de SFR est incluse dans la couverture 4G de Bouygues Télécom : il n'existerait ainsi pas ou quasiment pas de zone dans laquelle SFR serait susceptible de fournir une prestation d'itinérance 4G à Bouygues Télécom lui permettant d'améliorer elle aussi sa couverture ;
- que la prestation d'itinérance, qui n'est pas essentielle à l'accord lui-même, est néanmoins avantageuse car elle permet d'éviter de déployer des sites qui auraient dû être démantelés, tout en minimisant autant qu'il était possible le retard de déploiement ;
Considérant qu'au soutien de son recours, la société Orange demande à titre subsidiaire à la cour, d'une part, de réformer partiellement la décision en ce qu'elle a, irrégulièrement selon elle, rejeté la demande de suspension sollicitée à l'encontre de l'itinérance 4G de SFR dans le réseau de BTEL, alors qu'il y a manifestement lieu de prononcer les mesures conservatoires demandées et, d'autre part, en ce qu'elle a omis de disposer qu'il y lieu de poursuivre l'instruction au fond des pratiques dénoncées ;
Qu'Orange fait ainsi valoir, en premier lieu, que l'itinérance 4G de SFR dans le réseau Bouygues Télécom constitue manifestement une atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur intéressé, aux motifs :
- que cette prestation procure à SFR des avantages importants, en soi, sur les marchés amont et aval, ainsi que cela a déjà été souligné par l'Autorité elle-même dans son avis 13-A-08 soit, d'une part, un avantage d'attractivité et de compétitivité, en lui permettant d'étendre les zones dans lesquelles elle propose des services à ses abonnés et, ainsi, de commercialiser des offres plus attractives et, d'autre part, un avantage d'optimisation de ses investissements de déploiement, en limitant leur montant et/ou maximisant leur rentabilité ;
- que ces avantages importants portent atteinte aux conditions et limites de l'itinérance énoncées par l'Autorité dans l'avis précité, dès lors que BTEL, qui n'est pas un nouvel entrant, ne supporte aucun handicap de fréquences dans la 4G et ne justifie, ni d'ailleurs, n'allègue, d'aucune absence de rentabilité actuelle et potentielle dans la zone couverte par son itinérance 4G dans le réseau de BTEL ;
- que les avantages artificiellement et abusivement procurés à SFR par son itinérance 4G dans le réseau de Bouygues Télécom portent gravement atteinte au processus et au jeu de la concurrence par les mérites des investissements dans la "course actuelle" au 4G, alors que, dans le secteur de la téléphonie mobile, la concurrence par les infrastructures constitue le vecteur fondamental de la concurrence par les mérites entre les opérateurs et un paramètre essentiel de différenciation entre eux, par la couverture et la qualité des services offerts et que, du côté de la demande, il est également constant que la couverture et la qualité des réseaux constituent un critère essentiel de choix entre les opérateurs concurrents : les mérites des uns ou les absences de mérites des autres des investissements de déploiement dans le très haut débit 4G sont au cœur du processus actuel de concurrence, de différenciation et de revalorisation des services dans le secteur ;
Que, selon Orange, au regard du standard d'appréciation résultant de plusieurs décisions de l'Autorité, le démarrage de l'itinérance 4G de SFR en septembre caractérise une atteinte grave et immédiate au secteur, notamment en ce qu'il optimise artificiellement les investissements de SFR, par une limitation de leurs montants, et compense artificiellement également sa couverture par "vampirisation" de l'avance de couverture de Bouygues Télécom et en venant artificiellement :
Compenser, réduire et masquer le déficit de couverture de SFR et, concomitamment, en venant artificiellement réduire l'avance de couverture acquise par Orange par le mérite de ses investissements intensifs de déploiement et son avantage comparatif à cet égard, par rapport à SFR, en termes de compétitivité, de différenciation et d'attractivité sur le marché ;
Creuser artificiellement un écart de couverture avec Free Mobile ;
"Doper" la compétitivité et l'attractivité commerciale de SFR sur le marché ;
Soutenir la "tromperie", au regard de ses mérites propres et réels, de la communication, des revendications et des promesses de SFR sur le marché ;
Que c'est dans ces conditions que la requérante critique la Décision qui :
- en ce qui concerne le marché de gros, retient à tort un défaut d'urgence au motif que l'itinérance ne serait pas irréversible, alors que l'avantage artificiellement procuré étant immédiat, durable et capitalisable jusqu'au moins la fin 2016, c'est "le refus même de la mesure de suspensions qui le rend irréversible dans sa continuation, ses effets anticoncurrentiels et son bénéfice illégal " ;
- en ce qui concerne le marché de détail, que les motifs tirés d'une prétendue couverture et ampleur limitées de l'itinérance en question sont inopérants dès lors, qu'à supposer même que la couverture de l'itinérance 4G de SFR soit effectivement cantonnée à 20 % de la zone de mutualisation, cette couverture n'en représente et n'en procure pas moins artificiellement à SFR un avantage de grande ampleur ;
Qu'Orange affirme encore, que contrairement à ce que retient la Décision, l'itinérance et la couverture 4 G fournies à SFR en dehors des zones très denses (ZDT) lui procure un avantage dans la concurrence sur les marchés des ZDT ; qu'en effet, un opérateur résidant dans une ZDT ne choisit pas son opérateur 4G en fonction de la couverture 4G dont il dispose dans cette zone mais au regard de sa couverture nationale et que les taux et les niveaux comparés de couverture 4G des opérateurs en dehors des ZDT constituent ainsi un facteur essentiel de choix de consommateurs et, en particulier des consommateurs résidant dans les ZDT ;
Que la requérante souligne ainsi qu'en augmentant artificiellement la couverture 4G de SFR en dehors des ZDT, à hauteur de 20 % de la population nationale, l'itinérance 4 G fournie à SFR lui procure en réalité une amélioration artificielle à même échelle de son niveau de compétitivité, de différenciation et d'attractivité commerciale dans la concurrence sur ces principaux marchés que seraient les zones très denses ;
Qu'Orange prétend, enfin, que la perte, à son détriment, d'un avantage concurrentiel du fait de l'avantage artificiel procuré à SFR par son itinérance 4G dans le réseau de Bouygues Télécom constitue une atteinte grave et immédiate à ses intérêts ainsi qu'aux avantages et bénéfices comparatifs de la requérante dans le processus et le jeu de la concurrence par les mérites des investissements dans la course au déploiement des services à très haut débit 4 G ;
Qu'en second lieu, Orange demande à la cour de réformer la Décision entreprise en précisant qu'il y a lieu de poursuivre l'instruction au fond de l'ensemble des pratiques qu'elle dénonce ;
Considérant, sur l'atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur intéressé, que la cour relève, à titre liminaire, que l'analyse de l'itinérance 4G de SFR au regard de l'avis 13-A-08 de l'Autorité qui est mise en exergue par la requérante relève de l'appréciation à intervenir, en application des dispositions de l'article l'article L. 462-8 du Code de commerce, du fond du dossier dont il a été dit que l'instruction se poursuit ;
Considérant concernant l'atteinte grave sur le marché de gros, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'Autorité s'est bornée à constater qu'il résultait de l'accord que la mise en œuvre de la prestation d'itinérance, prévue entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016, en liaison avec le lancement de la mutualisation dont elle est un accompagnement technique transitoire, est " potentiellement immédiate ", même si ce calendrier peut, le cas échéant, souffrir d'un certain retard ;
Considérant, cependant, que l'Autorité a exactement relevé (paragraphes 89 et 90 de la Décision), par des appréciations pertinentes que la cour fait siennes, que l'immédiateté de la mise en œuvre de l'itinérance n'emporte pas, par elle - même, une situation d'urgence, dès lors que la prestation d'itinérance, qui va donner lieu à différentes phases de déploiement et d'extinction, n'est pas irréversible et qu'elle pourra être interrompue à tout moment sans créer de difficultés insurmontables au détriment de l'opérateur qui en bénéficie et que, dans ces conditions, les effets de la prestation d'itinérance sur le marché de gros ne sont pas susceptibles de créer un dommage grave et immédiat ;
Considérant que, pas plus que devant l'Autorité, Orange ne démontre qu'il conviendrait également de prendre plus spécialement en compte les effets de la prestation d'itinérance sur le marché de détail et que l'urgence alléguée résulterait du dommage commercial dont elle pourrait immédiatement souffrir du fait de l'avantage indûment reçu par SFR grâce à l'itinérance ;
Considérant, en effet, c'est encore par des appréciations pertinentes (paragraphes 92 et 93 de la Décision), que la cour adopte, que l'Autorité a relevé que ce caractère d'urgence présumé sur le marché de détail doit être analysé au regard de l'importance des effets concrets que la mise en œuvre de l'itinérance 4G est susceptible de produire ;
Qu'à cet égard, la Décision retient exactement qu'il ressort des éléments du dossier que l'itinérance ne portera que sur certaines parties de la zone de partage des sites, qu'elle ne concernera pas les zones très denses qui sont les principaux marchés sur lesquels la concurrence se développe, et qu'elle ne devrait concerner qu'environ 20 % de la population, étant précisé que ce pourcentage théorique de couverture est, en fait, un maximum qui ne sera pas nécessairement utilisée en totalité ;
Considérant que l'Autorité était ainsi en droit de conclure que, même au cas où les usages de la 4G auraient été appelés à croître, il n'est pas pour autant démontré que le fait pour SFR de bénéficier d'une meilleure couverture sur une partie de la zone moyennement dense se traduirait automatiquement par des mouvements immédiats et importants de clientèle sur le marché de détail ;
Qu'à cet égard, l'Autorité s'est, par surcroît, utilement référée à la décision du 18 juin 2014 du Conseil d'État qui a estimé, s'agissant de la possibilité donnée à Bouygues Télécom de bénéficier rapidement d'une couverture 4G en raison du déploiement d'un réseau mobile à très haut débit sur la bande 1800Mhz, " que le risque d'une migration rapide et massive de clients des opérateurs de télécommunications mobiles à destination des offres proposées par la société Bouygues Télécom (...) n'est, en tout état de cause, pas établi " ;
Considérant, concernant cette fois de la prétendue atteinte grave et immédiate aux intérêts d'Orange, que la cour relève que la requérante se réfère à tort à la pratique décisionnelle de l'Autorité résultant de sa décision 14-MC-02, dès lors que, ainsi qu'elle l'indique à juste titre dans ses observations déposées devant la cour (points 54 à 56), si l'Autorité a, en effet, été conduite à considérer que la circonstance que la partie saisissante continue de se développer par ses mérites propres ne signifie pas qu'une pratique anticoncurrentielle n'est pas susceptible de lui causer un dommage grave, elle exige bien, néanmoins, la démonstration de l'existence d'une atteinte grave et immédiate à la situation de l'entreprise plaignante ;
Considérant, à cet égard, qu'il suffit de se référer aux développements de la Décision (paragraphe 94) dont il résulte qu'alors que la société Orange avait mentionné le " risque de perte, assurée et irréversible, de son propre avantage actuel et significatif de couverture, de différenciation et de compétitivité dans la concurrence par les infrastructures avec son principal concurrent SFR sur le marché stratégique du THD mobile ", cet avantage ayant pour elle " une très forte valeur ", l'Autorité avait relevé, par des appréciations pertinentes que la cour adopte, que la requérante n'avait, ni expliqué en quoi la perte d'un avantage concurrentiel constituerait un dommage grave et immédiat, ni fourni aucun élément concret permettant de quantifier les conséquences dommageables de cette prestation sur son activité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Autorité a, à juste titre, décidé que l'accord sur la prestation transitoire d'itinérance 4G, qui est associé à l'accord relatif à la mutualisation des réseaux, n'emportant aucune atteinte grave et immédiate à l'un des intérêts visés par l'article L. 464-1 du Code de commerce, il y avait lieu de rejeter la demande de mesures conservatoires ;
Et considérant qu'il a été rappelé dans les développements qui précèdent, d'une part, que la poursuite de l'instruction afférente à la saisine au fond, que l'Autorité n'était pas contrainte de rappeler de manière formelle, était implicite et, d'autre part, que la décision de rejet de mesures conservatoires de l'Autorité ne préjugeait pas de son appréciation ultérieure de la force probante, suffisante ou non, des éléments produits par Orange au soutien des faits dénoncés dans la saisine au fond ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer à SFR et à Bouygues Télécom une indemnité au titre de leurs frais irrépétibles exposés dans le cadre du présent recours ;
Par ces motifs, Rejette le recours de la société Orange, Déboute la société SFR et la société Bouygues Télécom de leur demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Orange aux dépens.