ADLC, 5 février 2015, n° 15-D-01
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer
L'Autorité de la concurrence (Section V),
Vu la lettre enregistrée le 19 juillet 2010, sous le numéro 10-0067F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie de pratiques mises en œuvre par la société TDF dans le secteur des services de diffusion hertzienne terrestre de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans les départements d'outre-mer ; Vu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les décisions de secret des affaires n° 11-DSA-371 du 9 décembre 2011, n° 11-DSA-372 du 9 décembre 2011, n° 12-DSA-136 du 27 mars 2012, n° 12-DSA-137 du 27 mars 2012, n° 12-DSA-206 du 7 août 2012, n° 12-DSA-359 du 18 octobre 2012, n° 12-DSA-390 du 19 novembre 2012, n° 123-DSADEC du 30 janvier 2013, n° 13-DSA-29 du 30 janvier 2013, n° 13-DSA-116 du 10 avril 2013, n° 13-DSA-165 du 28 mai 2013, n° 13-DSA-166 du 28 mai 2013, n° 13-DSA-167 du 28 mai 2013, n° 14-DSA-66 du 26 mars 2014 et n° 14-DSA-227 du 1er août 2014, Vu les décisions de déclassement n° 13-DECR-38 du 26 juillet 2013, n° 13-DEC-41 du 26 juillet 2013, n° 13-DEC-42 du 26 juillet 2013, n° 13-DEC-43 du 26 juillet 2013, n° 13-DEC-44 du 26 juillet 201 et n° 14-DEC-16 du 26 avril 2014, Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés TDF SAS, Outremer Telecom, Tyrol Acquisition 1 SAS, Tyrol Acquisition 2 SAS, Tyrol Acquisition 1 & Compagnie SCA, Tyrol Acquisition 1 SARL et le commissaire du gouvernement ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du gouvernement et les représentants des sociétés TDF SAS, Outremer Telecom, Tyrol Acquisition 1 & Compagnie SCA, Tyrol Acquisition 1 SARL entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 30 septembre 2014, Adopte la décision suivante :
I. CONSTATATIONS
1. L'Autorité de la concurrence a été saisie par la société Outremer Telecom (OMT) par lettre du 19 juillet 2010 d'une pratique mise en œuvre par la société TDF dans le secteur des services de diffusion par voie hertzienne terrestre en outre-mer qu'elle estime contraire à l'article L. 420-2 du Code de commerce et à l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). OMT reprochait à TDF la publication tardive et le caractère incomplet de son offre technique et tarifaire en matière d'hébergement pour l'outre-mer.
2. Un grief d'abus de position dominante a été notifié à TDF le 12 juillet 2012. Un grief complémentaire a été notifié le 31 janvier 2013 aux diverses sociétés holdings détenant TDF, à savoir les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS, Tyrol Acquisition 2 SAS, Tyrol Acquisition 1 & Compagnie SCA, et enfin Tyrol Acquisition 1 SARL.
3. Un rapport a été notifié à l'ensemble de ces sociétés le 18 avril 2014.
A. LE SECTEUR DE LA DIFFUSION HERTZIENNE TERRESTRE DE LA TÉLÉVISION
NUMÉRIQUE
1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
a) TDF
4. Télédiffusion de France, créée en 1975 sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial disposant du monopole de la radiodiffusion et de la télédiffusion hertzienne, a été transformée en société anonyme en 1987 puis privatisée en 2004 en prenant le nom de " TDF ". TDF a perdu son monopole légal de diffusion en 2003, par la loi n° 2003-1363 du 31 décembre 2003.
5. Cette entreprise a pour principale activité la diffusion de services audiovisuels (télévision et radio). Elle développe également ses activités dans les domaines des services d'information multimédia et de la diffusion sur Internet. Elle détient environ 8700 sites de diffusion en France, dont environ 3600 sont exploités pour la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels.
6. TDF est actuellement détenue à 100 % par la société française Tyrol Acquisition 2 SAS, elle-même détenue à hauteur de 98,49 % par une autre société française, Tyrol Acquisition 1 SAS. Tyrol Acquisition 1 SAS est détenue à 100 % par Tyrol Acquisition 1 & Cie, société en commandite par actions de droit luxembourgeois. L'unique actionnaire commandité de Tyrol Acquisition 1 & Cie SCA est la société Tyrol Acquisition 1, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, elle-même détenue à plus de 69 % par divers fonds d'investissement.
7. En 2009, le chiffre d'affaires total réalisé par TDF en France s'élevait à environ 810 millions d'euro. Le chiffre d'affaires réalisé par TDF sur la diffusion hertzienne terrestre de la télévision analogique et numérique en France était de 387,5 millions d'euro (300,8 millions d'euro pour la télévision analogique et 86,7 millions d'euro pour la télévision numérique). Le groupe a quant à lui réalisé un chiffre d'affaires hors taxe mondial consolidé de 1,63 milliard d'euro.
b) Outremer Télécom (OMT)
8. OMT, créée en 1986, a son siège en Martinique. Elle était, au moment des faits, contrôlée indirectement par le fonds AXA Private Equity à hauteur de 52 %, puis a ensuite été cédée au groupe Altice propriétaire de Numéricâble.
9. OMT est le premier opérateur alternatif de télécommunications en outre-mer. Elle y commercialise divers services de communications électroniques (téléphonie fixe, ADSL, dégroupage, téléphonie mobile GSM et 3G) et dispose à ce titre d'infrastructures sur cinq territoires (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion, Mayotte). Son réseau antennaire pour téléphonie mobile constitue son actif principal. En 2009, OMT a réalisé un chiffre d'affaires de 175,5 millions d'euro.
2. LA DIFFUSION HERTZIENNE TERRESTRE DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE
10. La présente affaire concerne le secteur de la diffusion par voie hertzienne terrestre de la télévision numérique, communément appelée télévision numérique terrestre (TNT), venue remplacer progressivement la diffusion hertzienne terrestre de la télévision analogique terrestre (TAT) à partir de 2005 en métropole, et fin 2010 en outre-mer.
11. L'activité de diffusion hertzienne terrestre numérique dans le secteur audiovisuel s'articule verticalement autour de la demande des éditeurs de programmes de télévision, regroupés et représentés par les opérateurs de multiplex (les MUX). Il existe aujourd'hui en métropole huit MUX de chaînes de TNT (GR1, NTN, CNH, MULTI 4, MR5, SMR6, R7 et R8) et un unique MUX en outre-mer (ROM1).
12. Les MUX ont recours aux services de diffusion offerts par les différents opérateurs de diffusion par l'intermédiaire d'appels d'offres, portant sur la diffusion des chaînes de télévision qui les composent sur une zone géographique donnée. Les opérateurs de diffusion proposent de tels services à partir de leurs propres infrastructures ou à partir d'infrastructures appartenant à d'autres opérateurs proposant des services d'hébergement.
13. Les sites de diffusion sont généralement des " points hauts " auxquels sont associés des bâtiments techniques au sol, qui requièrent a minima une alimentation électrique et un système de climatisation. Les signaux hertziens sont réceptionnés par divers moyens de transport (satellites, hertziens, filaires) et modulés et amplifiés par un émetteur. En sortie d'émetteur, les signaux sont diffusés à partir du système antennaire installé généralement sur un pylône, parfois lui-même situé sur un point haut naturel.
B. LE DÉPLOIEMENT DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE
14. La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée par la loi du 1er août 2000, a confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) la charge de l'organisation et du calendrier de déploiement de la TNT, pour l'ensemble du territoire national (métropole et outre-mer).
15. Le déploiement du réseau de TNT a commencé, en métropole, en mars 2005 et s'est effectué par phases successives en vue de l'extinction du signal analogique au 30 novembre 2011, date fixée par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. Si la date d'extinction du signal analogique a été respectée en métropole et en outre-mer, le calendrier de déploiement a été plus tardif en outre-mer.
1. LE DÉPLOIEMENT EN OUTRE-MER ENCADRÉ PAR LE CSA
a) Les objectifs du déploiement de la TNT ultramarine
16. À la demande du gouvernement, M. Alain Mear, membre du CSA, a présenté le 9 juillet 2008 un " Rapport sur les modalités de développement de la télévision numérique dans les collectivités d'outre-mer " (1). Au terme de son analyse, le rapport a recommandé " l'extension aux collectivités d'outre-mer du modèle en vigueur en métropole avec une diffusion hertzienne terrestre à partir du réseau analogique existant, complété par une couverture satellitaire pour pouvoir desservir l'ensemble des populations concernées " (2).
17. Plus précisément, cet objectif a été interprété comme la recherche d'une couverture de la télévision numérique terrestre en outre-mer au moins égale à celle existante de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique, offre de couverture devant être, selon les termes du CSA " élargie et gratuite ".
b) Les modalités du déploiement de la TNT ultramarine
18. Par analogie avec la méthode suivie en métropole, le CSA a fixé les modalités du déploiement de la TNT en outre-mer en distinguant plusieurs étapes :
Publication par le CSA au Journal officiel des allotissements, consistant à une spécification générale des sites à déployer en TNT, qui laissent une certaine latitude pour l'implantation d'un émetteur dans une zone donnée ; cette publication s'accompagne des appels à candidatures ;
Proposition par l'opérateur de multiplex des caractéristiques exactes des sites de diffusion envisagés, qui peuvent différer des spécifications décrites par les allotissements et nécessitent, pour cette raison, un agrément de la part du CSA avant d'être définitivement retenues ;
Délivrance, par le CSA, de l'assignation correspondant aux sites agréés.
Le calendrier
19. Par une décision du 11 mai 2010 (3), le CSA a fixé au 30 novembre 2010 le début du déploiement effectif de la TNT (c'est-à-dire la date de début des émissions à destination des consommateurs finals, les téléspectateurs) dans les collectivités ultramarines pour les éditeurs de services de télévision présents sur le multiplex ROM1.
20. Toutefois, ce n'est que le 5 octobre 2010 que le CSA a modifié les autorisations des éditeurs de services de télévision présents sur le multiplex ROM1 afin de compléter le plan de fréquences. Les gabarits de diffusion finalisés en l'état du plan de fréquences n'ont donc été publiés qu'après le lancement, en janvier et février 2010, des appels d'offres de France Télévisions dans les régions ultramarines.
C. LA RÉGULATION DU SECTEUR PAR L'ARCEP
21. L'ARCEP est compétente pour réguler le secteur de la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels. La régulation mise en œuvre consiste notamment à garantir l'accès aux sites et aux systèmes antennaires de TDF, opérateur historique en diffusion hertzienne terrestre reconnu jusqu'à présent comme exerçant une influence significative sur le marché, par l'intermédiaire d'offres régulées d'hébergement et de diffusion à partir de ses infrastructures.
22. Le premier cycle de régulation par l'ARCEP (2006-2009) a imposé des obligations particulières à TDF (4), qui ont été reconduites et adaptées dans le deuxième cycle (2009-2012) (5), puis dans le troisième (2012-2015) (6). Les pratiques concernées par la présente affaire, commises en 2010, s'inscrivent donc dans la période d'application du " Cycle 2 " de l'ARCEP.
1. LA DÉFINITION DES MARCHÉS RETENUE PAR L'ARCEP
23. L'ARCEP retient l'existence de deux marchés de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. Un marché de gros amont qui confronte l'offre d'hébergement émanant d'opérateurs de diffusion qui possèdent des infrastructures de diffusion et la demande d'opérateurs de diffusion qui veulent les louer, et le marché de gros aval, sur lequel l'ensemble des opérateurs de diffusion offrent des services de diffusion aux éditeurs de programmes télévisuels, regroupés et représentés par les opérateurs de multiplex.
24. La définition géographique des deux marchés de gros ainsi retenus par l'ARCEP n'a pas varié dans le temps. Elle s'appuie notamment sur la couverture nationale du réseau composé par les infrastructures de diffusion hertzienne terrestre de l'opérateur historique TDF, sans distinction de la métropole et de l'outre-mer.
25. La définition des marchés en termes de produits et services, retenue par l'ARCEP, est également restée la même. En particulier, l'ARCEP exclut de sa définition des marchés pour défaut de substituabilité avec les offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, les offres de gros de diffusion à partir des autres plateformes de diffusion (ADSL, fibre optique, câble et satellite), les offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes de télévision en mode analogique et sur mobile, les offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes radiophoniques en mode numérique et en mode FM.
2. LES PRINCIPES DE LA RÉGULATION MISE EN OEUVRE PAR L'ARCEP
26. Dès 2006, l'ARCEP a concentré son intervention sur le marché de gros amont de la diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, en considérant que les effets pro concurrentiels de cette régulation devaient mécaniquement se reporter sur le marché de gros aval non régulé.
27. L'ARCEP a imposé certaines obligations à TDF sur le marché de gros amont afin que les opérateurs alternatifs puissent entrer sur le marché et s'y installer durablement. En pratique ces obligations visent, d'une part, à favoriser la concurrence par les infrastructures entre opérateurs, en encourageant les opérateurs alternatifs à investir dans leurs propres infrastructures lorsque cela est économiquement viable et d'autre part, à favoriser une concurrence par les services dans les cas où de tels investissements ne sont pas possibles ou ne sont pas économiquement viables.
28. En conséquence, l'ARCEP a considéré que TDF devait notamment faire droit à toute demande raisonnable de ses concurrents visant à obtenir l'accès à des éléments de réseaux ou à des moyens associés qui permettent à tout diffuseur d'installer et d'exploiter sur un site de TDF une chaîne de diffusion de la TNT afin de diffuser un ou plusieurs programmes télévisuels pour le compte d'un multiplex.
29. À l'issue du premier cycle de régulation (2006-2009), l'ARCEP a dressé le constat d'un degré de concurrence relativement faible, et a renforcé son dispositif de régulation dans le cadre du deuxième cycle (2009-2012), applicable à l'époque des faits. Pour les offres de gros correspondants aux sites dits " réplicables ", l'ARCEP a maintenu une obligation de tarification " non excessive " dans le cadre d'offres de référence. Pour un certain nombre de sites qu'elle a qualifiés de " non réplicables ", l'obligation tarifaire est celle d'une tarification orientée vers les coûts. Dans les deux cas, les offres de référence devaient faire l'objet d'une publication.
3. L'OBLIGATION DE TDF DE PUBLIER DES OFFRES DE RÉFÉRENCE
30. Depuis la mise en œuvre du deuxième cycle de régulation (2009-2012), TDF est également tenue à une obligation de publication d'offres de référence qui précisent les conditions techniques et tarifaires de l'offre régulée d'hébergement (prestation dite " Hébergement TNT ") et de l'offre régulée d'accès au système antennaire (prestation dite " DiffHF ").
31. Dès lors qu'un opérateur alternatif choisit de s'appuyer sur les infrastructures de TDF pour répondre à la demande des multiplexes, il doit recourir à certaines composantes de l'offre régulée d'hébergement. En effet, l'opérateur alternatif est toujours propriétaire d'un émetteur, qu'il doit héberger dans les locaux de TDF ou à l'extérieur de ces locaux.
32. La décision de l'ARCEP " Cycle 2 " prévoit un encadrement des délais de publication des offres de référence et comprend, en annexe 1, les éléments sur lesquels cette publication doit a minima porter. Cette annexe 1 distingue trois ensembles : les " Études préalables de faisabilité et tarifs associés " (7), les " Prestations d'hébergement des équipements radioélectriques " (8) et les " Prestations de diffusion HF " (9).
33. La décision " Cycle 2 " prévoit que, " s'agissant de la première offre de référence publiée conformément à la présente décision, il n'y a pas lieu d'observer le préavis de trois mois susmentionné entre sa publication et son entrée en vigueur, et ce afin d'assurer au secteur une mise en œuvre des obligations [...] aussi rapide que possible. Il apparaît cependant raisonnable de laisser à TDF jusqu'au 15 septembre 2009 pour publier une offre de référence qui y soit conforme. Ce délai paraît suffisant au regard du fait qu'une offre publique préexistait et que TDF a pris connaissance des obligations qu'il était envisagé de lui appliquer durant le processus d'analyse des marchés et de consultation du secteur, en amont de l'entrée en vigueur de la présente décision d'analyse de marché " (10).
34. Pour ce qui est des configurations techniques antennaires, la décision prévoit un délai raisonnable de mise à jour de l'offre de référence relative à la diffusion de la TNT à compter de la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA (les décisions d'assignation) : " Au vu du calendrier de déploiement de la TNT et du délai accordé aux diffuseurs par les multiplexes entre la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA et la date limite de fourniture des réponses à leurs appels d'offres, il apparaît souhaitable que, sur une zone donnée, TDF publie dans son offre de référence les conditions techniques et financières d'accès à son (ses) site(s) correspondant(s) pour cette zone dans un délai raisonnable à partir de la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA. " (11)
D. LES APPELS D'OFFRES POUR LE LANCEMENT DE LA TNT OUTRE-MER
35. Par décisions du 8 décembre 2009 et du 7 janvier 2010, le CSA a attribué aux sociétés France Télévisions, Arte France et France 24 des autorisations d'usage de fréquences radioélectriques pour l'exploitation de la TNT en outre-mer via le multiplex " Réseau Outre-mer 1 " (ROM1).
36. France Télévisions, via sa filiale à 100 % ROM1, a été chargée d'assurer la diffusion de plusieurs chaînes publiques. Elle a publié entre le 29 janvier et le 2 février 2010 neuf avis d'appel public à la concurrence en vue de l'attribution, selon la procédure du dialogue compétitif, des marchés ultramarins de la diffusion hertzienne terrestre de la télévision en mode numérique. Ce faisant, elle anticipait " pour des raisons d'ordre pratique sur l'autorisation du multiplex ROM1 qui devait intervenir en mars 2010 " (12).
37. Les neuf avis de marché concernaient la Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin (13), la Guyane (14), la Martinique (15), Mayotte (16), la Réunion (17), Saint-Pierre et Miquelon (18), la Nouvelle-Calédonie (19), Wallis et Futuna (20) et la Polynésie Française (21).
38. Ces appels d'offres, lancés pour l'attribution de contrats d'une durée de cinq ans, concernaient la couverture globale en TNT de chacun de ces territoires. En conséquence, il n'était pas possible pour un opérateur de diffusion de répondre site par site ou de se positionner sur une zone plus étroite que celle prévue par chaque appel d'offres.
1. LA PROCÉDURE DE DIALOGUE COMPÉTITIF
39. France Télévisions est soumise, pour la passation de ses marchés, à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics. Pour la diffusion de la TNT dans les territoires ultramarins, elle a choisi de recourir à la procédure de dialogue compétitif, définie à l'article 12 de l'ordonnance précitée comme la procédure selon laquelle " le pouvoir adjudicateur dialogue avec les candidats admis à participer à la procédure en vue de développer une ou plusieurs solutions correspondant à ses besoins sur la base de laquelle ou desquelles les candidats sont invités à remettre une offre " (22).
40. Le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 précise que " le recours à la procédure de dialogue compétitif est possible lorsqu'un marché est complexe, c'est-à-dire dans l'une ou l'autre ou dans les deux situations suivantes : (i) lorsque le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ; (ii) lorsque le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure d'établir le montage juridique ou financier d'un projet ".
41. Au cas d'espèce, France Télévisions s'est trouvée dans le premier cas, puisque les moyens de respecter les objectifs de couverture devaient être discutés avec les diffuseurs. Ces derniers, qui devaient se faire connaître avant le 3 mars 2010, ont été invités à participer au dialogue compétitif le 5 mars 2010. Les discussions avec les trois candidats retenus, TDF, Outremer Télécom (OMT) et SPM Telecom, se sont engagées le 10 mars 2010.
42. La date de remise des offres fermes et définitives par les candidats, initialement fixée au 26 avril 2010, a été repoussée au 28 avril en cours de procédure.
43. La consultation avait pour objectif une attribution finale du marché à la mi-mai 2010, le calendrier du déploiement effectif devant être défini ultérieurement, en fonction de la délivrance des autorisations nécessaires, dont celles relevant du CSA.
2. LES CAHIERS DES CLAUSES ANNEXÉS AUX MARCHES
44. Dès réception des expressions d'intérêt, France Télévisions a transmis aux candidats potentiels pour chaque territoire concerné, un projet de cahier des clauses juridiques et financières (CCJF) et un projet de cahier des clauses techniques (CCT) (23).
45. Ces documents prévoyaient, pour chacun des territoires, que " Le futur réseau de la TNT devra s'architecturer sur la base du deuxième réseau TV (TV02), diffusant actuellement Tempo Atlantique " (24) et précisaient que la desserte attendue " correspond à la couverture de la population recevant le premier réseau (TV01) de France Télévisions " (25). Il était ainsi explicitement prévu que le réseau de TNT devait être construit en référence avec le réseau analogique existant dans chaque territoire. Cette demande était cohérente avec l'objectif fixé par les pouvoirs publics, notamment le CSA, d'avoir une couverture de la population en numérique " au moins égale " à la couverture analogique.
46. En outre, il était explicitement mentionné que " La taille de cette couverture minimum sera décisive dans le choix du candidat " (26). Le CCT prévoyait d'ailleurs que le candidat devrait fournir dans sa proposition les cartes de couverture associées à chaque émetteur et la carte représentant la couverture du territoire, et pour preuve de l'importance de ces éléments, il était indiqué que " ces cartes auront une valeur contractuelle " (27).
47. Enfin, en annexe du CCJF et du CCT, les tableaux des caractéristiques des sites reprenaient la liste des sites de diffusion analogique de TDF. À titre d'exemple, dans ceux correspondants à l'appel d'offres lancé pour la Martinique, 18 sites étaient recensés. Pour chacun de ces sites étaient rappelées les données liées aux fréquences utilisées pour la diffusion analogique sur chaque site (hauteur d'antenne, altitude, polarisation et canal) (28).
48. France Télévisions a justifié les prescriptions figurant dans ses appels d'offres de la façon suivante :
" ...l'objectif était effectivement celui d'organiser le nouveau réseau TNT sur la base du réseau qui préexistait pour la diffusion analogique. C'est ce qui explique que nous ayons pris comme référence de départ dans les annexes au CCT et au CCJF, les sites de TDF qui fonctionnaient alors pour l'analogique. La raison essentielle qui justifie que le réseau TNT s'architecture sur le réseau préexistant de l'analogique est une question d'initialisation des antennes. Les antennes des particuliers étaient orientées en direction des sites historiques de TDF pour la réception du signal analogique. Organiser la diffusion de la TNT sur la base d'un réseau identique ou proche de celui qui était déjà en place pour la diffusion de l'analogique permettait d'éviter la réinitialisation des antennes des particuliers en direction de nouveaux sites. Les données de fréquence émanent directement du système qui était alors en place pour la diffusion analogique. Ces données avaient effectivement vocation à être reprises pour la diffusion de la TNT. Nous nous apprêtions à éteindre un réseau de fréquences existant (à l'exception de Mayotte et de Wallis et Futuna qui fonctionnaient sur des bandes de fréquences VHF qu'il a fallu remplacer par de nouvelles bandes aux normes UHF). La solution logique était de reprendre le plan de fréquences existant pour la mise en place de la TNT. C'est d'ailleurs globalement ce qui a été fait. Seules quelques fréquences ont été modifiées au moment du passage de l'analogique au numérique " (29).
3. LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE D'APPELS D'OFFRES
a) Les déclarations d'intérêt et les candidatures aux appels d'offres
49. Trois opérateurs de diffusion se sont manifestés pour répondre à plusieurs ou à la totalité des appels d'offres lancés par France Télévisions fin janvier et début février 2010 : TDF, OMT et Itas Tim, SPM n'ayant manifesté d'intérêt que pour le marché de Saint-Pierre et Miquelon.
SPM Telecom
50. Saint-Pierre et Miquelon Telecom (SPM), filiale à hauteur de 70 % d'Orange Caraïbes (Groupe France Télécom) est l'unique opérateur de télécoms présent sur le territoire de Saint-Pierre et Miquelon. Il est ainsi en charge du service universel des télécommunications, de l'exploitation des réseaux de téléphonie fixe, de téléphonie mobile et de télédistribution. Sa candidature portait sur ce territoire uniquement.
TDF
51. TDF a manifesté sa candidature à la procédure de dialogue compétitif par courrier du 3 mars 2010 (30). Son courrier était accompagné d'un " Projet d'offre de TDF dans le cadre des marchés d'Outre-mer " (31) qui couvrait les neuf marchés ultramarins mis en concurrence par France Télévisions.
52. En particulier, TDF a indiqué que " Conformément au projet de CCT qui indique que " la couverture attendue correspond à la couverture de la population recevant le premier réseau (TV01) de France Télévisions ", TDF a cherché à se rapprocher le plus possible du réseau existant " (32), c'est-à-dire du réseau analogique dont elle était le prestataire.
53. En outre, l'offre proposée par TDF reposait sur l'utilisation de ses propres sites de diffusion hertzienne terrestre en mode analogique. Selon TDF, " L'utilisation des sites existants permet à la fois (i) une excellente qualité de service s'appuyant sur la qualité des sites existants : pylônes calculés selon les normes (zone 5 pour zones cycloniques), énergie secourue par présence de Groupe Électrogène sur les sites importants, climatisation systématique sur tous les sites importants permettant de supporter les températures des périodes chaudes ; et (ii) une zone de couverture la plus proche possible à celle existante en analogique, y compris - au-delà de la couverture " brute " - en terme de zone réelle de service en tenant compte de l'initialisation des antennes. La grande majorité des sites proposés dans le tableau correspond donc aux sites du réseau TV01 existant " (33).
54. C'est ainsi que TDF a proposé, pour chaque territoire, une liste de sites de diffusion correspondant à celle annexée au cahier des clauses des appels d'offres et à la liste des sites de diffusion qui opéraient en analogique, à quelques modifications marginales près, justifiées par un souci d'amélioration du réseau. À cet égard, TDF s'est déclaré " tout à fait ouvert à la discussion lors du dialogue compétitif pour essayer de créer le meilleur réseau possible pour France Télévisions si des changements de site se révélaient aussi nécessaires " (34).
OMT
55. OMT a transmis, le 3 mars 2010, un dossier de candidature pour les cinq territoires où elle est active dans le secteur des télécoms (35) : la Guadeloupe (avec Saint-Martin et Saint-Barthélemy), la Guyane, la Martinique, Mayotte et la Réunion.
56. OMT a indiqué dans son dossier que ses projets de construction d'infrastructures supplémentaires ne prendraient corps qu'en 2011 et 2012 et a souligné sa dépendance à l'égard de l'opérateur historique : " Le dossier par son lotissement et par les délais imposés ne nous a pas permis d'optimiser plus avant les éléments de couverture avec les infrastructures que nous projetons de construire en 2011 et 2012. " (36).
57. OMT a également pris le soin d'indiquer que cette situation le rendait dépendant du réseau de TDF : " Compte tenu des attentes exprimées par France Télévisions dans son appel à candidature en terme de délai et de couverture, il nous semble que certains Points Hauts de TDF sont incontournables. La volonté d'Outremer Telecom est d'utiliser ces points hauts dans les mêmes règles d'accès que celles édictées en métropole par l'ARCEP. Outremer Telecom a déjà commencé les démarches pour valider la régulation qui pourrait s'appliquer dans ce cas " (37).
58. Les solutions alternatives n'étaient pas exclues : " La diffusion sur les sites de TDF pourrait être transitoire si dans la pratique de nos relations Outremer Telecom et France Télévisions trouvaient que la prestation pourrait être assurée dans de meilleures conditions techniques et économiques pendant la durée du marché ".
59. Cette option appelait néanmoins une réserve relative à la contrainte d'orientation des antennes des particuliers déjà relevée par France Télévisions " Une couverture différente pourrait être réalisée qui obtiendrait le même taux de population en prenant des points hauts dans les agglomérations. La question de l'orientation des antennes des particuliers vers les émetteurs pourrait alors se poser ". 60. Ainsi, s'agissant de l'exigence fondamentale de couverture, OMT a reconnu sa dépendance vis-à-vis de TDF qui était ainsi précisée : " Le besoin de prestation attendue par OMT de la part de TDF se limitait à l'hébergement de ses équipements actifs (émetteur, multiplexeur) et de diffusion (antenne d'émission TNT) sur certains sites identifiés de TDF dans les DOM (plus simplement, il s'agissait de louer la place de l'antenne et la surface au sol pour placer l'équipement). OMT n'avait pas besoin de la prestation de diffusion " (38).
61. Pour toutes ces raisons, OMT a indiqué dans son dossier de candidature que son offre pouvait subir des variations selon les conditions tarifaires de l'accès aux infrastructures de TDF : " Les conditions tarifaires ont été réalisées à partir des tarifs connus d'hébergement TNT de TDF pour des sites métropolitains. Il nous semble que TDF devrait faire les mêmes propositions sur les sites des départements outre-mer (...) " (39).
62. Le 5 mars 2010, OMT a été invitée à participer aux dialogues compétitifs concernant les cinq appels d'offres de la Guadeloupe (Saint-Martin, Saint-Barthélemy), la Martinique, la Guyane, Mayotte et la Réunion.
Itas Tim
63. Itas Tim, opérateur actif en TNT en métropole, a déclaré son intention de participer aux neuf appels d'offres lancés par France Télévisions.
64. Dans un courrier du 24 février 2010, Itas Tim a indiqué à France Télévisions qu'elle se retirait de la compétition en précisant qu'elle était " depuis son démarrage en 2008, un opérateur alternatif qui construit son propre réseau. Nous pensons en effet que l'alternative économique réelle passe par le déploiement d'infrastructures en propre, ainsi que le marché de la TNT en métropole l'a montré ces derniers mois. La construction d'un réseau passe par des démarches de recherche de sites et d'obtention d'autorisations administratives caractérisées par des délais incompressibles se mesurant en plusieurs mois. L'actuelle consultation ne permet guère de souplesse pour proposer dès la mi-novembre 2010 la mise en service de stations alternatives en nombre suffisant, face à l'offre d'un opérateur déjà en place " (40).
b) La période du dialogue compétitif du 10 mars 2010 au 8 avril 2010
65. Au cours du dialogue compétitif, Itas Tim et OMT ont sollicité tour à tour TDF et l'ARCEP au sujet de l'obligation sectorielle de TDF de publier des offres de références pour les territoires d'outre-mer.
66. Après avoir appris que TDF avait pour obligation de publier des offres de référence pour les régions ultramarines, Itas Tim a de nouveau envisagé de rentrer dans la compétition (41). Parallèlement, le 12 mars 2010, Itas Tim a pris acte auprès de TDF de l'absence de publication d'offres de référence pour l'outre-mer (42). Le 18 mars 2010, Itas Tim s'en est plainte auprès de l'ARCEP (43).
67. France Télévisions a refusé de faire droit à la demande d'Itas Tim " de redevenir candidat pour participer au dialogue compétitif " (44).
68. Au cours du dialogue compétitif, les exigences précisées dans les cahiers des clauses et répétées par France Télévisions ont conduit OMT à renoncer à certaines de ses propres infrastructures au profit de celles de TDF (45), essentiellement pour des questions de respect de l'orientation des antennes des particuliers vers les émetteurs existants. Finalement, par rapport à son projet initial de recourir à cinquante sites de TDF, OMT a conclu le dialogue compétitif avec le projet révisé de recourir à soixante-treize sites de TDF (46).
69. Par ailleurs, au cours de ces échanges, OMT a indiqué avoir appris que les tarifs publiés par TDF dans son offre de référence pour la métropole n'étaient pas applicables aux prestations domiennes et que des tarifs spécifiques aux territoires d'outre-mer, qui auraient dû être publiés par TDF, ne l'avaient pas été (47).
70. Le 30 mars 2010, OMT est entrée en contact avec les services de l'ARCEP qui ont planifié une réunion pour le 2 avril 2010. À cette occasion, OMT leur a fait part des difficultés rencontrées pour accéder à l'offre de gros régulée de TDF relative à l'outre-mer, qui n'était alors pas publiée. En réponse, il lui a été indiqué que des démarches étaient d'ores et déjà engagées auprès de TDF en vue d'accélérer la publication de son offre de référence (48).
71. Le dialogue compétitif devait s'achever le 8 avril 2010. Les offres finales des candidats devaient être présentées à France Télévisions au plus tard le 26 avril 2010, soit moins de trois semaines plus tard.
c) La phase de finalisation des offres
72. Le 9 avril 2010, c'est-à-dire au lendemain de la clôture du dialogue compétitif, TDF a publié une version du volet technique de son " ODR Hébergement " pour ses sites situés dans les territoires d'outre-mer, sans mention des tarifs.
73. Le 12 avril 2010, OMT a demandé à TDF communication du " détail des prestations, et notamment les tarifs pour l'hébergement de diffuseur TNT sur les sites TDF dans les DOM " (49), ayant préalablement relevé que le " catalogue de vos tarifs n'est pas accessible depuis votre site Internet ". Parallèlement, elle a demandé à l'ARCEP " d'agir au plus vite après de TDF avec la plus grande fermeté pour une publication immédiate de ses tarifs de gros " et à France Télévisions un report de la date limite de remise des offres finales (50).
74. Le 12 avril 2010, Itas Tim, bien qu'étant finalement hors compétition, a également sollicité TDF en relevant que le volet tarifaire de l'offre de référence publiée par TDF le 9 avril manquait (51).
75. Le 13 Avril 2010, SPM Telecom, candidat sur le territoire de Saint-Pierre et Miquelon, a interrogé TDF par courriel sur les tarifs pratiqués pour l'hébergement d'équipements TNT sur deux de ses sites, en précisant " Je présume que vous allez répondre également [à l'appel d'offres], ce qui fait que vous devez déjà disposer d'une fourchette de prix assez précise que vous devriez être en mesure de me fournir rapidement " (52).
76. Le 13 avril 2010, TDF a complété le volet technique de son " ODR Hébergement " et a publié une partie des conditions tarifaires53 de cette offre. Il a indiqué à SPM Telecom, le 16 avril, que ses " tarifs de location sites " étaient disponibles sur son site Internet.
77. Le 15 avril 2010, France Télévisions a pris acte de la demande de report de la date limite de dépôt des offres finales exprimée par OMT, en acceptant de reporter cette date du 26 avril au 28 avril 2010 pour l'ensemble des candidats (54).
78. OMT a répondu par retour à France Télévisions que le report de deux jours était insuffisant (55) et lui a demandé de suspendre ou d'annuler la procédure.
79. Le 21 avril 2010, France Télévisions a refusé la demande de suspension de la procédure mais a envisagé toutefois un nouveau report de dix jours (56).
80. Le même jour, OMT a relancé TDF sur divers éléments manquants, notamment concernant les tarifs de gros pour l'hébergement d'antennes et de feeders pour la réception de faisceaux hertziens et les tarifs pour l'accès à des groupes électrogènes (57).
81. Le 23 avril 201058, soit cinq jours avant la clôture des appels d'offres, TDF y a répondu par un courrier accompagné d'une annexe donnant quelques précisions, mais aucune évaluation tarifaire des prestations sollicitées par OMT, se bornant à inviter OMT à lui faire " parvenir [ses] expressions de besoin qu' [ils] pourraient examiner ensemble dès lundi et [leur] permettre ainsi de [lui] répondre dans les meilleurs délais " (59).
82. À l'échéance de la procédure, le 28 avril 2010, seules SPM et TDF ont présenté des offres fermes et définitives, OMT ayant finalement renoncé à formuler une offre, en raison de la dépendance de sa proposition financière à la production de devis par TDF.
d) L'attribution de l'intégralité des marchés à TDF
83. Après réunion de sa commission d'appels d'offres, le 7 mai 2010, France Télévisions a attribué les neuf marchés à TDF. Concernant Saint-Pierre et Miquelon, l'offre de TDF, bien que plus chère que celle de SPM Telecom (60), a été préférée du fait notamment d'une " meilleure couverture en réseau hertzien " et de divers éléments techniques.
84. L'offre finale de TDF ne s'écartait que très marginalement de sa proposition initiale du 3 mars 2010 en ce qui concerne les sites de diffusion analogiques retenus pour le déploiement de la TNT.
85. Ainsi, en Guyane, 19 sites étaient suggérés dans le projet de CCT diffusé par France Télévisions et repris dans l'offre initiale de TDF. L'offre finale de TDF les a tous retenus, le dispositif de diffusion de la TNT étant ainsi calé sur celui de la diffusion analogique.
86. À la Réunion, on retrouve la même situation pour les 35 sites analogiques (61) ainsi qu'à Mayotte pour les 12 sites analogiques (62), en Guadeloupe pour les 17 sites analogiques63 et en Martinique pour les 18 sites analogiques complétés par deux sites nouveaux (64).
E. LE GRIEF NOTIFIÉ
87. Le grief suivant a été notifié à TDF et à ses sociétés holding mentionnées ci-dessus :
" Il est fait grief à la société TDF, qui détient une position dominante sur le marché de gros amont des prestations d'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels dans les régions ultramarines, d'avoir abusé de cette position, sur le marché aval des services de diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels, offerts par les diffuseurs à l'opérateur du MUX ROM1, dans le cadre de l'appel d'offres lancé par France Télévision pour le déploiement de la TNT dans les régions ultramarines.
Les pratiques abusives ont consisté à retarder sans motif fondé la publication de l'ODR Hébergement pour les régions d'outre-mer, en omettant d'y faire figurer certains éléments déterminants. Ces pratiques qui se sont déroulées au cours de la procédure d'appel d'offres lancée par France Télévision, pour le déploiement du MUX ROM1 dans les régions ultramarines, entre le 2 février 2010 et le 13 avril 2010 (date à laquelle TDF a finalement publié son ODR Hébergement), ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché aval des services de diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels, offerts par les diffuseurs à l'opérateur du MUX ROM1 dans le cadre de l'appel d'offre lancé par France Télévision pour le déploiement de la TNT dans les régions ultramarines. "
II. DISCUSSION
A. SUR LE DROIT APPLICABLE
88. Le grief a été notifié sur le double fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 102 du TFUE (pages 50 à 52 de la notification de grief). L'applicabilité du droit de l'Union européenne n'a pas été contestée par les parties, ni en réponse à la notification de grief, ni en réponse au rapport.
89. Toutefois, selon l'article 355 TFUE " les dispositions des traités sont applicables à la Guadeloupe, à la Guyane française, à la Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries, conformément à l'article 349. Les pays et territoires d'outre-mer dont la liste figure à l'annexe II font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie ".
90. Mayotte n'est devenu un département français que le 31 mars 2011. La décision du Conseil Européen du 11 juillet 2012 définit Mayotte comme une région ultrapériphérique devant figurer à la liste de l'article 355 TFUE, à compter du 1er janvier 2014.
91. Avant cette date, l'île de Mayotte avait, vis-à-vis du droit de l'Union, le statut de pays et territoire d'outre-mer ne figurant pas sur la liste de l'article 355 TFUE. L'article 102 TFUE ne peut donc s'appliquer à Mayotte pour les faits de la présente espèce qui sont antérieurs au 1er janvier 2014.
92. En conséquence, les pratiques en cause doivent être examinées au regard des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE pour l'ensemble des territoires ultramarins pour lesquels l'Autorité est compétente, à l'exception de Mayotte pour laquelle seul l'article L. 420-2 du Code de commerce trouve à s'appliquer.
B. SUR LA PROCÉDURE
1. SUR LA COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ EN OUTRE-MER
93. TDF considère que sont exclues du champ de compétence de l'Autorité : d'une part, la Polynésie Française et la Nouvelle-Calédonie à titre permanent et, d'autre part, les territoires de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre et Miquelon ainsi que Wallis et Futuna jusqu'à la promulgation de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012.
94. Mais les règles de compétence, comme toutes les règles de procédure, trouvent à s'appliquer de façon immédiate, même pour l'examen de situations juridiques nées avant leur entrée en vigueur. La distinction entre la situation antérieure ou postérieure à la loi du 20 novembre 2012 n'est donc pas pertinente.
95. Or, s'il est exact que le livre IV du Code de commerce ne s'applique pas en Polynésie Française et en Nouvelle-Calédonie, l'article L. 462-6 du Code de commerce, qui fixe la compétence de l'Autorité de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles, est applicable à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en vertu des articles L.O. 6313-1 et L.O. 6213-1 du Code général des collectivités territoriales, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en vertu de l'article L. 910-1 du Code de commerce, et à Wallis-et-Futuna, en vertu de l'article L. 950-1 du Code de commerce dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014.
96. Il résulte donc de ces dispositions que l'Autorité de la concurrence est compétente pour connaître des pratiques ayant été commises sur ces territoires.
2. SUR LA COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE EN CE QUI CONCERNE LE
RESPECT D'UNE OBLIGATION SECTORIELLE
97. TDF fait valoir que l'Autorité de la concurrence ne serait pas compétente pour connaître de faits intervenus en violation éventuelle d'une obligation sectorielle, édictée en l'espèce par l'ARCEP, et relève que cette dernière ne l'a pas poursuivie pour manquement à ce titre.
98. Mais, dès lors que la régulation sectorielle laisse à une entreprise régulée une liberté suffisante pour adopter un comportement autonome sur le marché, ce comportement peut être examiné au regard du droit de la concurrence (arrêt de la CJUE du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C-280/08 P, points 80 et suivants).
99. En l'espèce, ainsi que cela sera démontré aux paragraphes 167 et suivants ci-après, TDF pouvait adopter un comportement autonome pour remplir ses obligations de publication d'une offre de référence en application de la décision Cycle 2 de l'ARCEP. L'Autorité de la concurrence reste donc compétente pour analyser ce comportement au regard non pas du droit sectoriel, mais des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 102 TFUE.
3. SUR LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION CYCLE 2 DE L'ARCEP
100. TDF relève que l'ARCEP a adopté sa décision Cycle 2, le 11 juin 2009, avant que l'ordonnance n° 2009-1019 du 26 août 2009 portant extension et adaptation outre-mer des dispositions relatives à la TNT ne soit publiée et considère que cette décision serait donc contraire à l'article 16 de la directive 2002-21-CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative au cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques. TDF en conclut qu'elle n'était juridiquement pas tenue de publier une offre de référence pour les sites qu'elle détient en outre-mer.
101. Mais cet argument est en tout état de cause sans portée dès lors que le grief notifié se fonde, non pas sur la violation des obligations réglementaires imposées à TDF par la décision Cycle 2 de l'ARCEP, mais comme il vient d'être rappelé, sur un abus de position dominante en violation de l'article 102 TFUE et de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
4. SUR LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE ET DES DROITS DE LA DÉFENSE
102. TDF reproche aux services d'instruction de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire en refusant de répondre à ses objections et en ne soumettant pas à expertise des éléments qu'elle avait fournis sur le caractère réplicable de ses infrastructures.
103. Selon une jurisprudence constante, le principe du contradictoire est respecté dès lors que les parties ont, tout au long de la procédure, pu présenter leurs observations et que l'Autorité, après avoir examiné les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, a motivé sa décision (voir, notamment, les arrêts de la Cour d'appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, et du 12 décembre 2006, Bouygues).
104. Les services d'instruction ne sont ainsi pas tenus de répondre à l'intégralité des arguments développés par les parties, comme l'a rappelé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 24 janvier 2006, Ordre des avocats au barreau de Marseille.
105. Il ressort de ce qui précède qu'aucune atteinte n'a été portée au principe du contradictoire et, partant, à l'exercice des droits de la défense des mises en cause.
5. SUR LA CLARTÉ DU GRIEF NOTIFIÉ
106. TDF estime que le grief qui lui a été notifié est imprécis, notamment en ce qui concerne la définition du marché pertinent. Elle soutient qu'il aurait été nécessaire de raisonner sur des marchés géographiques limités aux territoires ultramarins concernés par les appels d'offres en cause, voire de raisonner sur les appels d'offres eux-mêmes en tant qu'ils sont aussi des marchés pertinents, et considère que cette confusion nuit à la clarté du grief d'abus de position dominante qui lui a été notifié.
107. Selon une jurisprudence bien établie, un grief notifié est suffisamment clair s'il permet au mis en cause de comprendre les faits qui lui sont reprochés et d'exercer utilement ses droits de la défense. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé, dans son arrêt du 27 janvier 2011, Société française de radiotéléphonie, qu'il faut et qu'il suffit, pour qu'un grief soit valide, que sa formulation, qui est un ensemble de faits juridiquement qualifiés et imputés à une entreprise, permette d'informer précisément la personne poursuivie des pratiques qui lui sont reprochées.
108. En l'espèce, le grief notifié précise les faits reprochés à TDF, leur durée et leurs effets. Il procède à leur qualification en tenant compte de la position dominante de TDF sur le marché de gros de l'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique dans les régions ultramarines.
109. L'argument tiré d'un prétendu manque de clarté du grief et de l'imprécision de la définition des marchés doit, en conséquence, être écarté.
C. SUR LA QUALIFICATION DES FAITS
1. SUR LES MARCHÉS PERTINENTS ET LA POSITION DE TDF SUR CES MARCHÉS
110. TDF conteste la délimitation des marchés pertinents retenue par les services d'instruction, tant du point de vue du marché des services que du marché géographique, ainsi que sa position dominante sur ces marchés.
111. Avant d'examiner ces questions, il faut rappeler que le grief vise deux marchés : d'une part, le marché de gros amont de l'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur lequel la notification de griefs fait état de l'existence d'une position dominante de TDF et, d'autre part, le marché de gros aval de la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur lequel il est reproché à TDF d'avoir abusé de cette position dominante.
a) Sur les marchés de produits et de services
112. Le marché est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande de produits ou de services spécifiques, considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux, mais non substituables aux autres biens et services offerts.
113. En l'espèce et conformément à la pratique décisionnelle constante (65), on doit distinguer, d'une part, le marché de gros amont des prestations d'accès aux infrastructures de diffusion hertzienne terrestre, sur lequel la demande de diffuseurs est adressée à d'autres diffuseurs ou à des opérateurs d'infrastructures et, d'autre part, le marché de gros aval des services de diffusion hertzienne terrestre en mode numérique de programmes télévisuels, sur lequel la demande des éditeurs de chaînes et des opérateurs de multiplex est adressée à des diffuseurs qui peuvent y répondre, soit à partir de leurs propres infrastructures, soit en recourant à des offres de gros sur le marché amont dont il a été question ci-dessus.
114. Plus précisément, ce marché de gros amont comprend deux types de prestations. La première est une offre d'hébergement d'équipements de diffusion de la TNT émanant d'opérateurs qui possèdent des " sites-pylônes " afin de répondre à la demande d'opérateurs de diffusion qui ne possèdent pas de telles infrastructures ou n'en possèdent qu'un nombre insuffisant et souhaitent faire héberger leurs équipements sur des sites loués. La seconde est un service de diffusion qui permet de répondre à la demande de diffuseurs qui souhaitent sous-traiter une partie de la prestation technique de diffusion à un autre opérateur. Ces deux prestations peuvent être utilisées de manière alternative ou cumulative selon les circonstances et appartiennent donc au même marché. Toutefois, la seconde prestation n'est pas directement visée par la notification de griefs dans la présente affaire, qui se limite à l'hébergement.
115. TDF considère que le marché ne peut être réduit à la seule diffusion hertzienne terrestre : elle invoque la circonstance que la demande des éditeurs de télévisions peut aussi être servie par une diffusion par satellite. S'agissant de l'outre-mer, l'entreprise soutient que la diffusion par satellite peut exercer une pression concurrentielle sur le marché de l'offre de service de diffusion de la télévision numérique dès lors que, selon elle, il n'existait pas, au moment des faits, d'obligation légale de recourir à la diffusion hertzienne terrestre en outre-mer.
116. Cependant, la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 prévoit que la télévision numérique doit être diffusée par voie hertzienne terrestre sur la base de la couverture analogique existante afin d'assurer le meilleur service aux populations. En conséquence, France Télévisions n'était pas en mesure d'effectuer, dans le cadre des appels d'offres qu'elle a lancés, un autre choix technologique que celui imposé par le législateur, à savoir la diffusion de la télévision numérique par la voie hertzienne terrestre.
117. Cette définition des marchés de gros, qui correspond à celle retenue par l'ARCEP pour les trois cycles d'analyse de marché qu'elle a été amenée à conduire (2006, 2009, 2012), a été validée par le Conseil d'État, statuant au contentieux sur une saisine de TDF, dans la décision du 11 juin 2014 (66), qui a considéré, s'agissant de la substituabilité à la diffusion hertzienne terrestre " que les autres modes de diffusion de programmes télévisuels en mode numérique, qu'il s'agisse de la diffusion par câble, par satellite, par fibre optique ou par ADSL, ne sont pas susceptibles de se substituer, eu égard à leurs conditions d'accès, à la diffusion par voie hertzienne terrestre au cours de la période visée par la décision attaquée ; que, par suite, en distinguant dans la décision attaquée, en vue de définir un marché pertinent, la diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique des autres modes de diffusion existante, l'ARCEP n'a pas fait une inexacte application des dispositions du Code des postes et des communications électroniques ".
118. Il ressort de ce qui précède que la définition des marchés de gros, en termes de produits et de services, est bien circonscrite à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, à l'exclusion d'autres plateformes, notamment satellitaires.
119. En pratique, le marché de gros aval fonctionne souvent par appels d'offres et prend donc la forme d'une multiplicité de marchés instantanés dont la délimitation dépend des choix du donneur d'ordre. Cette configuration est très fréquente, notamment dans le secteur de l'achat public ou de l'investissement public, et l'existence de ces marchés instantanés ne remet pas en cause l'existence d'un marché pertinent plus large sur lequel se positionnent les offreurs.
b) Sur le marché géographique
120. Selon une jurisprudence constante, le marché géographique est défini comme " le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable " (communication de la Commission sur la définition du marché en cause (67), paragraphe 8).
121. La notification de grief part de la délimitation nationale des marchés de gros traditionnellement retenue par l'ARCEP (points 178 à 180) pour conclure que ces marchés peuvent, dans la présente affaire, être considérés " plus spécifiquement du point de vue des départements, territoires et autres régions d'outre-mer " (point 192). Le grief limite ainsi le périmètre géographique des marchés aux " régions ultramarines ". Le corps du texte de la notification montre néanmoins que le terme " régions " ne doit pas être pris dans son sens juridique mais dans son sens générique et vise en réalité l'ensemble des collectivités d'outre-mer, qu'elles relèvent de l'article 73 ou de l'article 74 de la Constitution, à l'exclusion de celles pour lesquelles l'Autorité de la concurrence n'est pas compétente. Ainsi la notion de " régions ultramarines " doit simplement être comprise par opposition à celle de " régions métropolitaines ".
122. TDF estime que cette délimitation ne tient pas suffisamment compte des différences de fonctionnement de la concurrence sur les différents marchés d'outre-mer et considère que des marchés géographiques pertinents plus étroits, territoire par territoire, auraient dû être définis pour qualifier les pratiques.
123. Mais pour définir des marchés amont plus étroits, il faudrait démontrer que les conditions de la concurrence sont significativement différentes selon les territoires. Or, la notification de grief a considéré, au contraire, que le marché national fonctionnait de manière assez homogène, comme l'ont d'ailleurs relevé les régulateurs sectoriels, et a limité le marché pertinent à la zone ultramarine par opposition à la zone métropolitaine compte tenu des circonstances de l'espèce. La question de l'homogénéité des conditions de concurrence au plan national est donc centrale pour examiner la nécessité de délimiter des marchés géographiques plus étroits.
124. À cet égard, il faut relever que les infrastructures de diffusion hertzienne terrestre en mode analogique de l'ancien opérateur historique sont présentes de façon homogène sur l'ensemble du territoire national, y compris en outre-mer ; qu'en outre, il existe, depuis 2009, un cadre législatif et réglementaire harmonisé pour le développement de la TNT qui ne distingue pas l'outre-mer sauf en ce qui concerne le calendrier de déploiement du signal numérique ; et qu'enfin, les objectifs fixés par le CSA aux multiplex publics pour la couverture de la population et la fourniture de programmes télévisés sur l'ensemble du territoire national ne diffèrent pas en outre-mer et en métropole, ni n'introduisent de distinction entre les collectivités d'outre-mer. L'ensemble de ces éléments, notamment l'existence d'un réseau historique hérité de l'ancien monopole et les demandes des pouvoirs publics, qui conduisent à constater une homogénéité de la concurrence sur le territoire national, se retrouvent dans tous les territoires ultramarins.
125. Dans sa décision Cycle 2, l'ARCEP a ainsi considéré que TDF est un opérateur qui a une influence significative sur le marché national, sans opérer de distinction géographique entre la métropole et l'outre-mer. Cette analyse a été validée par le juge administratif, après un contentieux de TDF, et par la Commission européenne dans le cadre de l'application de l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2002-21-CE.
126. Même si cette décision n'équivaut pas à la définition d'un marché pertinent par une autorité de concurrence, il faut relever que le point 5 des lignes directrices de la Commission européenne pour l'analyse des marchés (68) précise que les autorités sectorielles nationales doivent " se fonder sur les principes et les méthodes du droit de la concurrence pour définir les marchés qui devront être soumis à une régulation ex ante et apprécier des entreprises sur ces marchés ". Ainsi, les caractéristiques économiques et techniques retenues par le régulateur sectoriel pour définir un marché national intégrant l'outre-mer, et sur lequel TDF a globalement une influence significative, sont des éléments objectifs incontestables qui peuvent être repris par l'Autorité pour sa propre analyse des marchés.
127. Cette homogénéité du marché national a d'ailleurs été confirmée par l'ARCEP lors de l'analyse menée pour la régulation du Cycle 3, postérieurement à l'époque des faits :
" [...] si on examine le cas particulier de la TNT outre-mer, on constate que la majorité des chaînes qui composent le multiplex ROM1 sont des chaînes publiques, dont le cahier des charges inclut une obligation d'être présentes sur la plateforme TNT (obligations de service public). Ainsi, ne pouvant annuler leur diffusion via la plateforme hertzienne terrestre, ces chaînes ne sont pas en mesure d'exercer de contre-pouvoir d'acheteur face à un diffuseur en situation de puissance, voire en monopole. Les spécificités du marché de détail ne semblent donc pas à même d'avoir un impact sur le marché de gros amont concerné par la présente décision.
(.../....) L'uniformité du cadre technique et réglementaire avec celui de la métropole, tout comme celle des modes d'attribution et d'opération des fréquences (obligations de couverture notamment), garantirait alors aux opérateurs alternatifs qui souhaiteraient déployer des sites ultramarins, des modalités semblables sur l'ensemble du territoire national. Par conséquent, il n'apparaît pas, à ce stade, que le contexte ultramarin conduise à exclure l'apparition d'une forme de concurrence, et un fonctionnement de la diffusion TNT homogène au niveau national " (69).
128. Ainsi, la seule différence significative observée entre la métropole et l'outre-mer pour le fonctionnement concurrentiel du marché de gros amont de l'hébergement, s'agissant des faits ici en cause, est celle qui a été introduite par TDF elle-même lorsqu'elle a choisi de publier deux offres de référence distinctes : la première uniquement valable en métropole et la seconde uniquement valable dans l'ensemble des régions ultramarines. Ces offres présentent des conditions tarifaires différentes qui, à elles seules, permettent de distinguer deux zones pertinentes au sein du marché national, la métropole et l'outre-mer, et seulement ces deux zones puisque TDF a choisi de publier un tarif commun à l'ensemble des territoires ultramarins sans distinction et non pas un tarif propre à chaque territoire.
129. Cette distinction tarifaire entre deux zones a été renforcée par le choix de TDF de ne pas publier ces deux offres de référence simultanément. En effet, pendant plusieurs mois, de l'automne 2009 au printemps 2010, il existait une offre de référence valable pour la zone métropolitaine alors qu'une telle offre n'existait pas dans la zone ultramarine et qu'aucune indication n'avait été donnée par TDF sur sa publication, ni en termes de calendrier, ni en ce qui concerne un alignement tarifaire sur l'offre métropolitaine. Ces circonstances étaient bien de nature à créer des conditions de concurrence très différentes en outre-mer et en métropole sur le marché de gros amont. Les appels d'offres de France Télévisions en cause se sont donc déroulés dans des conditions de concurrence spécifiques à l'outre-mer du fait des différences constatées sur le marché de gros amont de l'hébergement.
130. Ainsi, c'est à juste titre que la notification de grief a considéré qu'un marché des territoires ultramarins pouvait être distingué au sein du marché national des services d'hébergement sur les infrastructures nécessaires à la diffusion de la TNT, identifié par l'ARCEP en juin 2009, antérieurement aux pratiques en cause, dès lors que TDF a précisément choisi, postérieurement à cette décision de l'ARCEP, de traiter différemment l'outre-mer du reste du territoire national, sans pour autant distinguer les territoires ultramarins les uns des autres.
131. Il faut relever que ce raisonnement ne vaut que pour le marché de gros amont de l'hébergement, seul ici en cause. Il n'est pas contesté que le marché de gros aval est dans la précitée affaire constitué par les appels d'offres de France Télévisions organisés territoire par territoire. Cette situation est d'ailleurs sans conséquence pour l'analyse concurrentielle comme le montre l'exemple de la métropole où la définition d'un marché de gros amont de l'hébergement de dimension nationale a été validée par le juge alors même que les appels d'offres des éditeurs et des multiplex ont été lancés région par région, voire pylône par pylône.
132. Ainsi, du point de vue géographique, la délimitation du marché de gros amont de l'hébergement est établie de la façon suivante : il existe un réseau historique de pylônes utilisés pour la diffusion de la télévision analogique, situation qui se retrouve dans tous les territoires ultramarins ; ce réseau est privilégié pour la diffusion de la télévision numérique compte tenu notamment des contraintes d'orientations des antennes, situation identique dans tous les territoires ultramarins ; il existe une obligation nationale de TDF de publier une offre de référence pour l'hébergement des diffuseurs concurrents sur ces pylônes, qui n'est pas différente selon les territoires ultramarins ; enfin, les conditions techniques et tarifaires de cette offre d'hébergement sont identiques sur tous les territoires ultramarins, tout en étant différentes de celles de la métropole.
133. Il résulte des éléments exposés ci-dessus qu'il n'y a pas lieu de définir des marchés de gros pour chaque territoire ultramarin et que le marché géographique pertinent pour les services d'hébergement sur les infrastructures nécessaires à la diffusion de la TNT est celui des territoires d'outre-mer qui forment, au sein du marché national et s'agissant de ces services, un ensemble distinct du marché métropolitain.
c) Sur la position de TDF sur le marché pertinent
134. À titre liminaire, il faut rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le fait que chacun des appels d'offres organisés en 2010 par France Télévisions pour la diffusion de la TNT dans les départements et territoires d'outre-mer puisse constituer un marché pertinent instantané, n'interdit ni de considérer un marché aval plus large de la diffusion constituée par l'ensemble des prestations attribuées par appel d'offres, ni d'appréhender globalement les pratiques de TDF à partir de sa position dominante sur un marché amont également plus large. En effet, l'appréciation de la position dominante d'une entreprise ne se fait généralement pas appel d'offres par appel d'offres mais en observant la situation générale de l'offre sur le marché permanent sur lequel sont actifs l'ensemble des opérateurs susceptibles de concourir pour l'obtention des marchés instantanés (70).
135. En l'espèce, le pouvoir de marché détenu par TDF sur le marché de gros amont résulte essentiellement de la configuration de son réseau de sites-pylônes, hérité de l'ancien monopole historique et utilisé pour la diffusion de la télévision analogique sur laquelle TDF est en situation de monopole à l'époque des faits. Cette situation préexiste aux procédures d'appels d'offres de France Télévisions pour le lancement de la TNT sans présenter de différences notables sur l'ensemble des territoires d'outre-mer.
136. TDF soutient néanmoins qu'elle n'était pas en position dominante sur le marché pertinent, ou en tout cas sur une partie de celui-ci, en considérant que son réseau de pylônes est largement réplicable en outre-mer compte tenu de la plus grande disponibilité de points hauts. Cette réplicabilité serait la preuve que ses offres de référence n'étaient pas " incontournables " sur le marché de gros amont en général mais qu'elles pouvaient éventuellement l'être sur certains sites peu nombreux. C'est la raison pour laquelle TDF estime qu'il aurait fallu analyser, site par site, la réplicabilité de ses infrastructures pour la diffusion de la TNT, ce qui aurait demandé d'examiner la question de leur caractère de facilité essentielle et donc de la possibilité pour les concurrents d'entrer sur le marché avec leurs propres infrastructures.
137. Pour répondre à cette objection et conclure sur la position dominante de TDF seront successivement examinés trois points : (i) l'argument de la réplicabilité, (ii) l'analyse des barrières à l'entrée (iii) le recours aux infrastructures de TDF pour un nouvel entrant plutôt qu'aux réseaux de pylônes concurrents.
L'argument de la réplicabilité
138. Dans son argument, TDF confond l'analyse de la position dominante et celle du caractère incontournable ou essentiel d'une infrastructure.
139. La position dominante s'apprécie au moment des pratiques, sans préjudice d'une évolution ultérieure du marché. En effet, une telle position peut être généralement contestée et remise en cause par le jeu de la concurrence. Le fait qu'une position dominante n'ait pas un caractère permanent ne rend évidemment pas inapplicable les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE. Soutenir le contraire reviendrait à restreindre leur application aux seuls cas où la dominance de l'opérateur mis en cause est en réalité une situation irréversible à moyen ou long terme, par exemple lorsqu'il existe une facilité essentielle.
140. Ainsi, il est hors de propos, pour l'analyse de la position dominante dans la présente espèce, de déterminer si les concurrents de TDF pouvaient ou non répliquer tout ou partie de ses infrastructures dès lors que de tels investissements ne pouvaient, en toute hypothèse, s'inscrire que dans un processus comportant des transactions foncières, des autorisations administratives et des travaux de construction de nouveaux pylônes, et donc dans des délais incompatibles avec le calendrier des appels d'offres en cause.
141. Il convient donc d'analyser la situation du marché, début 2010, au moment des faits et non des situations hypothétiques, par exemple celle d'un marché sur lequel certains opérateurs auraient consenti des investissements spécifiques plusieurs années ou plusieurs mois avant le déroulement des appels d'offres en cause ou celle qui pourrait résulter de tels investissements dans le futur.
Les barrières à l'entrée
142. L'analyse du marché de gros amont tel qu'il se présentait au moment des faits est d'autant plus pertinente que ces hypothétiques investissements des opérateurs concurrents, évoqués par TDF comme une alternative au recours à ses offres de gros régulées, dépendaient en grande partie des possibilités de mutualisation des services d'hébergement et de diffusion sur les nouvelles infrastructures. En effet, la rentabilisation de la construction de nouvelles infrastructures repose sur des hypothèses d'amortissement des coûts fixes et donc sur des perspectives de leur utilisation pour plusieurs services, télévision, radio et autres communications électroniques, mais également leur utilisation entre plusieurs clients pour chaque service (MUX de TNT, radios nationales et locales, opérateurs mobiles, opérateurs publics).
143. Selon l'ARCEP, dans sa décision de régulation correspondant au Cycle 2, " d'un point de vue économique, il peut être difficile pour des diffuseurs alternatifs d'amortir leur propre système antennaire s'ils ne sont pas retenus par un nombre suffisant de multiplexes sur un site donné " (71). Or, de telles perspectives apparaissent au cas d'espèce limitées. Il ressort en effet du dossier que le seul multiplex de TNT qui devait se déployer de façon certaine à l'époque des faits sur les territoires ultramarins était le multiplex composé par les chaînes publiques, à savoir le ROM1.
144. Ces barrières à l'entrée liées à l'étroitesse du marché pouvaient, de plus, être durables comme l'indique l'ARCEP dans sa décision de régulation Cycle 3 : " TDF, grâce à sa position historique, utilise un même site pour fournir des prestations à plusieurs clients, ce qui lui permet de réaliser d'importantes économies d'échelle et de gamme. Les renouvellements de contrats ne s'opérant pas simultanément pour tous ces clients, il est assuré de préserver cet avantage durablement jusqu'à ce qu'un site alternatif ait pu capitaliser suffisamment de services de diffusion ".
145. Il ressort de ce qui précède que des barrières économiques importantes pouvaient conduire les candidats à privilégier, dans le cadre du déploiement de la TNT en outre-mer, les infrastructures existantes, qu'elles appartiennent à TDF ou aux opérateurs de télécommunications, plutôt que d'investir dans un nouveau réseau, d'ailleurs irréalisable à court terme.
146. Compte tenu de ces barrières à l'entrée, c'est donc bien, pour les nouveaux entrants, le recours au marché de gros amont des services d'hébergement sur les infrastructures existantes qui était décisif pour leur permettre d'assurer une concurrence effective pour l'attribution des marchés de France Télévisions en outre-mer.
Le recours aux offres de gros de TDF pour un opérateur nouvel entrant
147. Pour apprécier la position de TDF, il faut relever que les deux types d'infrastructures existantes, celles utilisées par TDF pour la télévision analogique et celles utilisées pour la téléphonie mobile, ne sont pas équivalentes sur le marché de gros amont de l'hébergement. Outre certaines particularités techniques nécessaires à l'hébergement d'équipements de TNT (grande hauteur et robustesse des infrastructures), les contraintes relatives aux objectifs de couverture et les spécificités des marchés publiés par France Télévisions contribuaient aussi à limiter les possibilités de diffuser la TNT à partir des infrastructures existantes du réseau de téléphonie mobile.
148. Les textes législatifs et réglementaires ainsi que les décisions du CSA qui encadraient le déploiement de la TNT en outre-mer imposaient, en effet, au déploiement de la TNT de tenir compte d'un objectif d'extinction du signal analogique et d'assurer une couverture numérique au minimum équivalente à la couverture analogique existante. Cette contrainte a d'ailleurs été intégrée dans les règlements des appels d'offres lancés outre-mer par France Télévisions : " Le futur réseau de la TNT devra s'architecturer sur la base du deuxième réseau TV (TV02), diffusant actuellement Tempo Atlantique " (72).
149. Comme le rappelle l'ARCEP, ce choix, destiné à maximiser les chances de succès de la TNT en minimisant les efforts d'adaptation des consommateurs au nouveau mode de diffusion, a conduit le CSA à fixer " des objectifs de couverture correspondant à l'empreinte géographique de la diffusion analogique, elle-même issue du réseau historique des sites de TDF. (...) cette logique tient à la pré orientation des antennes de réception de la télévision dans les foyers " (73).
150. En effet, la technologie de diffusion hertzienne terrestre requiert l'utilisation d'une " antenne râteau " fixe dont l'efficacité est directionnelle et qui doit être orientée vers les émetteurs du signal. Le parc d'antennes de réception des particuliers est ainsi, depuis l'origine, pré-orienté en direction des émetteurs de la télévision analogique, c'est-à-dire les sites de diffusion de l'ancien monopole historique TDF.
151. Pour qu'un diffuseur puisse bénéficier de cette pré orientation, il faut que ses antennes soient hébergées sur les pylônes de TDF ou sur des pylônes qui seraient implantés en " colocalisation ", c'est-à-dire à proximité immédiate du site de diffusion de l'opérateur historique.
152. L'ARCEP décrit cette exigence de colocalisation dans sa décision de régulation Cycle 3 :
" Pour que les antennes, pré-orientées vers les sites analogiques historiques de TDF, puissent recevoir le signal émis par une infrastructure alternative, il convient que cette dernière se situe à proximité directe (en général à quelques centaines de mètres) du site historique. Par conséquent, les projets soumis aux multiplex sont généralement fondés sur l'emplacement de l'infrastructure existante de TDF, ou sur des emplacements très proches (87 % des sites alternatifs sont situés à moins de 1 kilomètre des pylônes de TDF) " (74).
153. Or, la " colocalisation " n'est pas toujours possible, notamment du fait des réticences des collectivités locales face à la perspective de redondance d'équipements de grande hauteur qui affectent les paysages, et n'existe donc pas nécessairement sur le marché si aucun investissement n'a été consenti en amont du lancement des appels d'offres.
154. Dans ces conditions, le recours à l'hébergement sur les sites historiques de TDF était la seule solution pour un nouvel entrant sans réseau propre et une solution, au moins partielle, indispensable à court terme pour les diffuseurs disposant de leur propre réseau d'infrastructures, par exemple un réseau de téléphonie mobile.
Conclusion sur la position dominante de TDF
155. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que TDF détenait des infrastructures qui, dans les territoires d'outre-mer concernés, ne pouvaient être dupliquées par les nouveaux entrants dans des conditions économiques raisonnables et dans des délais suffisamment brefs pour répondre aux appels d'offres de la TNT et, d'autre part, qu'aucun autre opérateur, notamment aucun opérateur de télécommunications, ne pouvait offrir des services d'hébergement équivalents. Il est donc établi que TDF détenait une position dominante sur le marché de gros amont des prestations d'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre en mode numérique de programmes télévisuels dans les territoires d'outre-mer.
2. SUR LE BIEN-FONDÉ DU GRIEF
156. L'exploitation abusive d'une position dominante est une notion objective visant les comportements d'une entreprise en position dominante sur un marché où, du fait précisément de sa présence, le degré de concurrence est déjà affaibli, lorsque ces comportements ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale entre opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore ou au développement de cette concurrence.
157. En l'espèce, le grief notifié ne vise pas à sanctionner un manquement à l'obligation, imposée par l'ARCEP, de publier une offre de référence, comme le soutient à tort TDF, mais une pratique autonome sur le marché qui a consisté à utiliser la position dominante détenue sur le marché de gros amont de l'hébergement pour " retarder sans motif fondé la publication de l'offre de référence Hébergement pour les régions d'outre-mer, en omettant d'y faire figurer certains éléments déterminants ".
158. Des pratiques similaires ont déjà été poursuivies et sanctionnées par l'Autorité de la concurrence. Ainsi, dans sa décision n° 12-D-25 du 18 décembre 2012 concernant le secteur du fret ferroviaire, confirmée sur ce point par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 6 novembre 2014, l'Autorité a considéré qu'en " ne publiant la liste des cours de marchandises qu'avec un retard de quatre mois, dans un premier temps, et surtout en s'abstenant de préciser, y compris dans les dernières versions du DDR, les conditions d'utilisation de ces cours de marchandises, notamment en termes de tarification, la SNCF a entravé l'accès des autres entreprises ferroviaires aux cours de marchandises " (point 391) et que cette communication tardive et incomplète d'informations à ses concurrents était constitutive d'un abus de position dominante car, en se comportant ainsi, la SNCF avait créé " une asymétrie d'informations entre elle et ses concurrents, en ne leur permettant pas d'apprécier, d'un point de vue tant technique que tarifaire, leurs besoins en matière d'accès aux ours. Sans accès aux principes de tarification, en effet, les autres entreprises ferroviaires se sont retrouvées privées de la possibilité de chiffrer correctement, même de façon approximative, le recours à cet équipement. (.../...). L'absence de publication s'est donc traduite par des conditions d'accès dégradées aux infrastructures, tandis que la SNCF disposait de son côté de la maîtrise complète des coûts et des données en cause, qu'elle pouvait valoriser au mieux de ses intérêts " (points 395 et 396).
159. En accord avec cette jurisprudence, ce qui est reproché ici est le fait, pour l'entreprise dominante TDF, d'avoir faussé la concurrence sur les appels d'offres de France Télévisions en créant une asymétrie d'information entre elle-même et ses concurrents, sans qu'il soit besoin d'examiner les arguments selon lesquels ces derniers pouvaient trouver des palliatifs à cette situation ou pouvaient tenter de surmonter ce handicap en présentant des offres initiales provisoires qu'elles auraient pu modifier en cours de procédure, tout en négociant auprès du pouvoir adjudicateur des délais supplémentaires pour le faire.
160. Il convient donc, pour établir la validité de ce grief, d'examiner successivement : (i) la responsabilité propre qui pesait sur TDF de publier une offre de référence d'hébergement du fait de sa position dominante, sans préjudice du respect de ses obligations sectorielles (ii) l'autonomie dont elle disposait pour la publier afin de permettre une concurrence non faussée sur les appels d'offres de France Télévisions en outre-mer, (iii) sa capacité de le faire en temps utile compte tenu des informations disponibles et enfin (iv) la réalité du retard constaté ainsi que les raisons qui peuvent l'expliquer et qui pourraient, le cas échéant, exonérer TDF de sa responsabilité.
a) Les obligations de TDF en tant qu'entreprise dominante sur le marché de gros amont
161. Dans le secteur des communications électroniques, les obligations sectorielles imposées à un opérateur exerçant une influence significative sur un marché résultent d'une analyse au terme de laquelle le fonctionnement concurrentiel sur ce marché ne peut être assuré dans des conditions satisfaisantes par les seules règles de droit commun de la concurrence. Cette analyse a été menée par l'ARCEP après avis de l'Autorité de la concurrence et sous le contrôle de la Commission européenne. Il résulte de ce dispositif de consultations croisées que la décision du régulateur sectoriel est intimement liée aux analyses concurrentielles qui peuvent être faites sur le marché concerné.
162. En l'espèce, l'Autorité de la concurrence a rendu, le 17 avril 2009, à la demande de l'ARCEP, un avis n° 09-A-09, dans lequel elle a considéré que les marchés de gros amont et aval des services de diffusion hertzienne étaient de dimension nationale, qu'ils étaient marqués par de fortes barrières à l'entrée, que la position de TDF s'y était renforcée depuis 2006, que la concurrence y était faible du fait de la petite taille des opérateurs alternatifs et de la dépendance des clients vis-à-vis des infrastructures de l'opérateur historique, que, pour toutes ces raisons, le droit de la concurrence était insuffisant pour remédier aux problèmes qui y étaient identifiés et qu'il était donc justifié que l'ARCEP impose une régulation asymétrique à TDF.
163. Elle proposait ainsi de maintenir sur la période 2009-2012, la régulation retenue pour la période 2006-2009, afin d'améliorer " la transparence des offres de TDF " et notamment de " rendre plus autonomes les stratégies des acteurs alternatifs " lorsqu'ils avaient recours aux offres de gros régulées de TDF sur le marché de gros amont pour la concurrencer sur le marché de gros aval.
164. Dans sa décision n° 2009-0484 du 11 juin 2009, l'ARCEP a justifié sa décision d'imposer à TDF une obligation d'accès à ses pylônes et la publication d'une offre de référence en considérant que " Pour les opérateurs de diffusion ayant recours aux offres de gros de TDF sur la TNT, les reversements directs à TDF représentent une proportion importante de leur chiffre d'affaires. Il est donc nécessaire, pour l'équilibre économique des nouveaux entrants, que ceux-ci disposent d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par TDF lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leur stratégie technique et commerciale. En outre, le recours à une offre de référence publique permet également de s'assurer du traitement non discriminatoire des différents opérateurs clients de ces offres. (.../...). L'Autorité considère que cette obligation constitue une garantie en vue d'assurer, notamment, l'égalité des conditions de la concurrence sur le marché considéré ".
165. Il est donc incontestable que TDF était informée des raisons, fondées sur une analyse concurrentielle, pour lesquelles l'obligation d'accès qui lui était imposée comportait la publication d'une offre de référence, et donc des conséquences que pouvait avoir sur la concurrence l'absence d'une telle publication. Eu égard à la responsabilité particulière qui incombe à une entreprise dominante de ne pas fausser ou réduire la concurrence sur le marché, TDF devait donc veiller à publier cette offre de référence, indépendamment du respect de ses obligations vis-à-vis du régulateur sectoriel.
b) L'autonomie de TDF pour publier une offre de référence d'hébergement
166. Toutefois, TDF considère que les spécificités de ses obligations sectorielles, qu'elle devait malgré tout respecter, contraignaient sa capacité à publier une offre de référence dans les délais fixés, et qu'ainsi les conditions techniques de publication d'une telle offre pour l'outre-mer n'étaient réunies ni au 15 septembre 2009, calendrier fixé par l'ARCEP pour cette publication, ni en mars 2010 au moment des appels d'offres de France Télévisions.
167. Il faut cependant relever que la décision Cycle 2 du 11 juin 2009 de l'ARCEP laissait, au contraire, une grande latitude à TDF pour publier une offre de référence et l'actualiser au besoin.
168. Ainsi, dans cette décision, l'ARCEP relève que " sur la TNT, TDF propose d'ores et déjà une offre d'accès à ses sites de diffusion de la TNT. Pour les deux premières phases de déploiement de la TNT, l'offre proposée par le diffuseur historique était dénommée " DigiSiTV ". À partir de la troisième phase de déploiement, l'offre de gros de TDF est subdivisée en deux : une offre d'hébergement dénommée " Hébergement-TNT " et une offre d'accès au système antennaire dénommée " DiffHF-TNT " (page 47).
169. Partant de ce constat, l'ARCEP, loin de remettre en cause les offres existantes, choisit au contraire de s'appuyer sur elles pour construire sa régulation et précise que : " Les éléments proposés sont proches de ceux proposés par TDF à ses concurrents via ses offres publiques " Hébergement-TNT " et " DiffHF-TNT ". Cette obligation n'impose donc pas une contrainte supplémentaire importante à TDF " (page 51).
170. En outre, le régulateur admet que cette offre initiale puisse avoir un caractère provisoire et subisse des évolutions ultérieures en fonction des précisions apportées au cadre technique du service : " c) Évolution de l'offre de référence : TDF est amenée à faire évoluer au cours du temps les informations figurant dans ses offres de référence ".
171. Cette souplesse dans la publication initiale, calée sur l'existant, et la possibilité d'évolution vise notamment l'évolution tarifaire des offres de TDF que l'ARCEP envisage aussi bien à la hausse qu'à la baisse.
172. Enfin, il faut relever que la décision du régulateur n'imposait nullement une offre de référence spécifique à l'outre-mer et que c'est TDF qui a choisi d'adopter cette solution tout en mutualisant l'ensemble des territoires ultramarins au sein d'une même offre.
173. Il est donc établi que TDF disposait, en tant qu'entreprise dominante, d'une large autonomie pour publier une offre de référence d'hébergement en outre-mer afin de ne pas porter atteinte à la concurrence dans le secteur de la diffusion de la TNT sans être empêchée de le faire par ses obligations vis-à-vis du régulateur sectoriel.
c) La capacité de TDF pour publier une offre d'hébergement pour l'outre-mer
174. TDF estime que, pour élaborer le volet tarifaire de son offre de référence, elle devait procéder à une allocation précise des coûts par activité. Elle considère que cette exigence de précision ne lui permettait pas de se fonder sur la totalité des sites de diffusion de la télévision analogique sans savoir si ces sites allaient ou non être retenus pour le déploiement de la TNT car toute erreur d'évaluation conduisant à un tarif trop élevé aurait pu lui être reprochée. Dans l'autre sens, une erreur conduisant à un tarif trop bas pouvait la conduire à assumer un risque financier injustifié sur le marché de gros amont. TDF considère donc que toute modification du périmètre des sites figurant dans l'offre de référence a un impact sur le calcul de ses tarifs et qu'établir la tarification de l'offre de référence Hébergement pour l'outre-mer sans savoir quels sites allaient ou pouvaient être retenus pour répondre aux besoins de France Télévisions l'exposait à un risque financier qu'elle ne pouvait assumer.
175. Ces arguments doivent être écartés pour trois raisons. La première, purement factuelle, tient au fait que l'incertitude alléguée sur le périmètre à prendre en compte était bien moindre que ne le soutient TDF, la deuxième tient à la nature même d'une offre de référence qui intègre une part l'incertitude, et la troisième au choix fait par TDF elle-même de constituer sur une offre de référence Hébergement valable sur l'ensemble des territoires d'outre-mer.
Sur le périmètre des sites de diffusion analogique susceptibles d'être utilisés pour la diffusion numérique
176. On doit, en premier lieu, relever que l'incertitude sur le périmètre exact des sites de diffusion susceptibles d'être utilisés en diffusion numérique en outre-mer, qui aurait dissuadé TDF de proposer une offre de référence même provisoire dans l'attente des résultats du dialogue compétitif avec France Télévisions ou de la publication des gabarits de diffusion par le CSA, était en pratique beaucoup plus faible que ne le prétend TDF, puisque les discussions précédant le lancement des appels d'offres outre-mer avaient largement privilégié la solution consistant, à l'instar de ce qui avait été fait en métropole, à reprendre l'empreinte de la couverture du réseau analogique pour prévoir le déploiement de la diffusion numérique.
177. Ainsi, le déploiement outre-mer de la TNT a été envisagé par le CSA sous forme d'une première phase qui devait permettre d'atteindre la couverture analogique du réseau primaire " Tempo " (80 % de la population), puis une seconde qui devait permettre de la compléter pour atteindre l'ouverture du réseau " Télépays " (de 80 % à 98 % en fonction des territoires) (75).
178. Cette approche était connue de tous les diffuseurs et figuraient dans les cahiers des charges techniques des appels d'offres, comme l'a confirmé France Télévisions lors de l'instruction : " Nous confirmons que l'objectif était effectivement celui d'organiser le nouveau réseau TNT sur la base du réseau qui préexistait pour la diffusion analogique.
C'est ce qui explique que nous ayons pris comme référence de départ dans les annexes au CCT et du CCJF, les sites de TDF qui fonctionnaient alors pour l'analogique. Les données de fréquence émanent directement du système qui était alors en place pour la diffusion analogique. Ces données avaient effectivement vocation à être reprises pour la diffusion de la TNT. Nous nous apprêtions à éteindre un réseau de fréquences existant (...). La solution logique était de reprendre le plan de fréquences existant pour la mise en place de la TNT. C'est d'ailleurs globalement ce qui a été fait " (76).
179. Or, c'est bien ce qu'a fait TDF qui a accompagné son dossier de candidature au dialogue compétitif déposé le 3 mars 2010 d'un " Projet d'offre de TDF dans le cadre des marchés Outre-mer " dans lequel il est indiqué que " Conformément au projet de CCT qui indique que la couverture attendue correspond à la couverture de la population recevant le premier réseau (TV01) de France Télévisions " (.../...), TDF " a cherché à se rapprocher le plus possible du réseau existant " (77), ainsi " la grande majorité des sites proposés dans le tableau correspond donc aux sites du réseau TV01 existant " (78).
180. Ce travail étant réalisé pour son propre compte, le fait de ne pas l'utiliser pour élaborer et publier une offre de référence Hébergement ne pouvait que fausser la concurrence d'autant que cette publication était possible sans risque particulier pour TDF.
181. Cette position est confirmée par l'avis du CSA rendu au titre de la présente affaire qui indique que, pour finaliser une offre de référence Hébergement, " la société TDF aurait pu anticiper l'identification d'une part substantielle des sites de diffusion numérique à partir des sites de diffusion analogique du service Tempo " (79), d'autant qu'aujourd'hui, " sur les 238 sites du service Tempo, 217 ont été identifiés pour la diffusion en numérique " (80).
182. Enfin, il faut rappeler que la publication d'une offre de référence conduit notamment à élaborer un tarif qui comporte une part prospective. L'ARCEP explique dans sa consultation publique sur le secteur de la diffusion hertzienne terrestre datée de février 201281 que " les tarifs d'accès aux infrastructures de diffusion de la TNT exploitées par TDF sont issus de modèles de coûts et de tarifs quinquennaux alimentés en amont par des hypothèses prospectives de déploiement de services correspondant à une demande des multiplex de disposer, sur le marché aval, de tarifs fermes sur cinq ans. En pratique, le modèle de coûts de TDF permet d'estimer ses coûts futurs à partir des prévisions du plan d'affaires du groupe ". La note transmise le 24 janvier 2010 par TDF aux services de l'ARCEP portant sur l'offre de référence métropolitaine, est d'ailleurs intitulée " Hypothèses prospectives retenues par TDF pour l'élaboration d'une offre de référence d'accès TNT 2011 " (82).
183. Ainsi, l'incertitude qui pouvait subsister sur le périmètre exact des sites de diffusion analogiques susceptibles d'être utilisés en diffusion numérique finalement retenu ne pouvait avoir qu'une dimension résiduelle et devait d'autant moins empêcher TDF d'élaborer une offre de référence Hébergement que celle-ci pouvait, en outre, avoir un caractère provisoire et faire l'objet d'ajustements ultérieurs.
184. Dans l'avis rendu au titre de la présente affaire, l'ARCEP conclut d'ailleurs sans ambigüité que " TDF était en mesure de publier une première version de son offre pour les éléments cités ci-dessus [composantes " hébergement "] sans attendre la clôture du dialogue compétitif le 8 avril 2010 sur la base de ses infrastructures préexistantes, utilisées pour diffuser la télévision en mode analogique " (83).
Sur la nature d'une offre de référence
185. En deuxième lieu, il faut relever que l'argumentation de TDF repose sur deux hypothèses contestables : d'abord, que les coûts pris en compte pour aboutir à une tarification de référence seraient significativement impactés par toute modification du périmètre des sites éligibles à l'offre t, ensuite, que cette modification ferait peser sur TDF un risque financier tel qu'elle devrait renoncer à publier une offre de référence Hébergement, même provisoire.
186. Or, une offre de référence se distingue d'une offre sur mesure par le fait qu'elle est rendue publique unilatéralement et se trouve donc disponible avant même que les concurrents n'aient à formuler une demande d'accès. En toute rigueur, elle est même publiée sans savoir si une demande d'accès sera effectivement formulée. Ainsi, le fait de publier une offre de référence Hébergement valable sur une catégorie de sites ne garantit en rien que tous ces sites seront utilisés, ni que l'équilibre économique de l'offre résultera d'une mutualisation tarifaire entre tous ces sites.
187. TDF ne conteste pas cette particularité et décrit ainsi la situation commerciale qui résulte de l'existence d'une offre de référence : " [L]'Offre de Référence, une fois élaborée et y compris lorsqu'est publiée l'annexe tarifaire, ne garantit pas aux opérateurs la possibilité d'être effectivement hébergés sur les sites du catalogue de TDF " (84), mais " si (et une fois) remporté l'appel d'offres, alors ils [les opérateurs] commandent à TDF une étude de faisabilité afin de vérifier s'ils peuvent effectivement être hébergés et à quelles conditions précises (techniques et financières) ".
188. Cette description corrobore l'analyse selon laquelle TDF était bien en mesure de publier les tarifs associés à son offre de référence " Hébergement " en amont des appels d'offres lancés par France Télévisions outre-mer, sans savoir quels opérateurs devaient être retenus et sans pouvoir anticiper leurs demandes futures de recourir ou non aux infrastructures de TDF visées par cette offre de référence.
189. Enfin, la tarification de l'hébergement est réalisée par catégorie de sites : sites importants, sites de base ou sites standard, en excluant parfois certains sites d'accès difficile. L'élaboration d'une offre de référence qui distingue des catégories de sites et détaille différentes prestations s'appuie donc sur le principe que les coûts d'hébergement sont relativement proches au sein d'une même catégorie de sites.
190. Ainsi, le tarif de référence fixé à partir d'un périmètre large n'est a priori pas très différent de celui qui résulterait d'un périmètre plus étroit dès lors que les catégories de sites sont homogènes et correctement tarifées. Le fait que les concurrents dirigent leurs demandes vers tel ou tel site ne doit donc pas entraîner de risque financier particulier pour le bailleur. Si cette mutualisation tarifaire était impossible au sein d'une même catégorie de sites, c'est la demande même du régulateur de publier une offre de référence avec des prix moyens par prestation qui serait problématique puisqu'elle ferait peser un risque financier aléatoire sur l'hébergeur en fonction des demandes des clients.
191. Ainsi, l'argument du risque tarifaire, allégué et non démontré, qui serait pris par TDF en publiant une offre de référence Hébergement sans connaître le périmètre exact des sites à proposer est dénué de toute portée puisque ce risque financier, s'il existe, est d'abord lié à l'incertitude du périmètre des demandes effectives des concurrents sur une partie du réseau alors que le tarif moyen de l'offre de référence est calculé sur l'ensemble des sites.
Sur le choix de TDF d'élaborer une offre de référence Hébergement pour l'ensemble des territoires ultramarins
192. En troisième et dernier lieu, l'affirmation par TDF d'un risque financier particulier du fait de l'incertitude sur le périmètre des sites analogiques retenus pour élaborer son offre de référence Hébergement est contredite par le choix qu'elle a fait de mutualiser son offre tarifaire sur l'ensemble des territoires d'outre-mer et non pas de proposer des offres ciblées territoire par territoire. En effet, il n'apparaît dans aucun élément du dossier que la méthode retenue par TDF, et que l'ARCEP n'imposait pas, de considérer une zone unique regroupant toutes les régions d'outre-mer aurait fait peser sur elle un risque financier particulier du fait des coûts d'hébergement qui seraient très variables dans ces différentes régions. Au contraire, TDF a considéré que ces coûts d'hébergement étaient, pour chaque catégorie de sites, suffisamment homogènes en outre-mer pour justifier la fixation d'un tarif global unique sur l'ensemble de ces territoires.
193. Dans le cas contraire, le risque financier principal serait celui qui résulterait du choix de
TDF de mutualiser les tarifs sur une zone de coûts hétérogènes plutôt que de le faire territoire par territoire. En toute hypothèse, le risque financier qui pourrait résulter du fait que les demandes des concurrents peuvent porter sur une partie limitée des sites auxquels sont attachés des coûts d'hébergement très différents serait plus important que le risque, allégué et non démontré, qui pourrait résulter d'une réduction du nombre de sites à mutualiser dans l'offre de référence Hébergement.
194. Il ressort de ce qui précède que TDF était en mesure d'établir les tarifs de son offre de référence Hébergement en amont de l'appel d'offres de France Télévisions sur la base de l'ensemble des sites de diffusion opérant en analogique, dont toutes les indications techniques disponibles avant les appels d'offres montraient qu'ils pouvaient être utilisés pour la diffusion numérique en outre-mer, ce qui a d'ailleurs été largement le cas, que ce choix pouvait être combiné à des ajustements ultérieurs qu'aucune prescription de l'ARCEP n'interdisait et qu'en toute hypothèse, cette publication en amont du dialogue compétitif ne présentait pas un risque financier particulier, autre que celui attaché à la publication d'une offre de référence unique applicable à des catégories de sites dont l'utilisation effective relève de la demande des concurrents.
d) Les explications du retard constaté dans la publication de l'offre de référence Hébergement et de son caractère incomplet
Sur le retard de publication de l'offre de référence
195. Comme cela a été indiqué plus haut, le retard est caractérisé si les procédures d'appels d'offres sont lancées alors que les différents candidats se trouvent dans des conditions qui faussent la concurrence entre eux. La notification de grief a choisi d'apprécier ce retard non pas à partir de la date prévue par l'ARCEP pour la publication de l'offre de référence, soit le 15 septembre 2009, ni à partir de l'attribution du droit d'usage des fréquences radioélectriques aux éditeurs du multiplex ROM1 par le CSA, soit entre le 8 décembre 2009 et le 7 janvier 2010, mais en se référant uniquement à la procédure d'appels d'offres elle-même.
196. Le débat contradictoire a ainsi conduit les services d'instruction à considérer que le retard n'était pas encore irrémédiable à l'ouverture de la procédure de mise en concurrence marquée par la publication des marchés, entre le 29 janvier et le 2 février 2010, mais qu'il l'était le 3 mars 2010, date limite de dépôt des candidatures pour participer au dialogue compétitif. En effet, à cette date TDF a assorti son dossier de candidature d'un projet d'offre technique et commerciale pour l'ensemble des territoires visés par les marchés qui était fondé sur des informations issues de ses propres études de préfaisabilité et dont ses concurrents ne disposaient pas.
197. Toutefois, selon TDF, la publication d'une offre de référence Hébergement pour ses sites situés en outre-mer n'était pas possible dès le 3 mars 2010 car des éléments indispensables à son élaboration n'auraient été connus d'elle que pendant la phase de dialogue compétitif, entre le 10 mars et le 8 avril 2010. Ceci justifierait que l'offre de référence Hébergement n'ait été rendue publique qu'après cette phase, c'est-à-dire le 9 avril 2010 pour le volet technique et, partiellement, le 13 avril pour le volet tarifaire.
198. L'explication de la publication tardive de l'offre de référence Hébergement serait donc, selon le raisonnement de TDF, la suivante: l'absence de publication des gabarits de diffusion par le CSA ne permettait pas la publication d'une offre de référence ; ce retard du CSA a pu être compensé par la procédure de dialogue compétitif qui a permis de trouver des solutions mais dont il a fallu attendre le terme pour arrêter les termes techniques et financiers de cette offre. TDF considère que le recours à une telle procédure ne pouvait qu'être une source de retard puisqu'elle traduisait la carence du régulateur en relevant que " Le simple fait de recourir à cette procédure atteste, en soi, du fait que - contrairement à ce que prétend la Notification de griefs - aucune solution précise (notamment en termes d'infrastructures et de réseau) ne s'imposait en soi " (85). Accessoirement, TDF soutient aussi que les avis de l'ARCEP et du CSA rendus au titre de la présente affaire reconnaissent qu'il lui était difficile de publier son offre de référence Hébergement avant le dialogue compétitif.
199. Mais cette argumentation entretient une confusion entre la publication de l'offre de référence Hébergement, seule visée par le grief, et celle de l'offre de référence " DiffHF " qui ne l'est pas. Elle est d'autant plus contestable que les deux offres sont clairement distinguées dans les écritures de TDF ; par exemple, le point 101 de ses observations en réponse à la notification de grief évoque la possibilité pour les opérateurs tiers de " prendre une offre " DiffHF " en lieu et place d'une offre d'hébergement ".
200. Or, les réserves de l'ARCEP et du CSA sur la possibilité de publier une offre de référence avant les appels d'offres ne portent que sur la publication de l'offre de référence " DiffHF ", précisément celle qui n'est pas visée par la notification de grief.
201. Ainsi, l'ARCEP confirme que TDF " aurait pu publier une offre provisoire correspondant à l'hébergement des équipements de diffuseurs alternatifs dans ses bâtiments et à l'extérieur " (86). Elle précise que TDF " était en mesure de publier une première version de son offre pour les éléments cités ci-dessus sans attendre la clôture de la phase de dialogue compétitif (...), sur la base des infrastructures préexistantes, utilisées pour diffuser la télévision analogique "87. Sa réserve ne porte que sur l'offre de référence " DiffHF ", pour laquelle " il a pu être difficile pour TDF de publier avant la clôture de la phase de dialogue compétitif la composante de son offre de gros orrespondant à l'utilisation de son système antennaire " (88).
202. De même, le CSA " considère néanmoins que l'offre de référence en matière d'hébergement aurait pu être publiée dans des délais plus brefs. En effet, la société TDF aurait pu anticiper l'identification d'une part substantielle des sites de diffusion numérique à partir des sites de diffusion analogique du service Tempo " (89). Comme pour l'ARCEP, sa réserve ne porte que sur l'offre de référence " DiffHF " et " estime que le délai de mise en œuvre de l'obligation de publication de l'offre de référence, en particulier s'agissant de l'offre d'accès au système antennaire de TDF (offre dite " DiffHF "), semble raisonnable au regard des contraintes fixées par l'ARCEP (...) ".
203. Autrement dit, l'argument de TDF s'appuie sur l'affirmation erronée selon laquelle les deux offres sont intimement liées en termes de coûts, de calendrier de publication et de tarification alors que la décision " Cycle 2 " de l'ARCEP considère que la publication par le CSA des gabarits ou des dossiers de numérisation n'est un préalable qu'à l'élaboration de l'offre de référence " DiffHF " relatives aux configurations techniques antennaires.
204. Cet argument contredit d'ailleurs les propres déclarations de TDF lors de la consultation publique de l'ARCEP de février 2012 déjà citée, au cours de laquelle elle a reconnu que : " Les conditions des offres d'hébergement pour la diffusion de la TNT, y compris tarifaires, sont publiées et connues avant même la publication des gabarits CSA, cette dernière n'étant pas un input nécessaire au processus d'élaboration de ces offres. La question du délai de publication des offres d'hébergement pour la TNT est donc sans objet " (90).
205. Le fait que la publication de l'offre de référence Hébergement ne soit pas conditionnée par la publication préalable des gabarits de diffusion par le CSA a pour conséquence qu'elle n'est pas non plus subordonnée à la publication des résultats du dialogue compétitif puisque le principal apport de cette étape a été de permettre, au terme d'une discussion entre TDF et France Télévisions, de retenir un plan de fréquences sans attendre la publication de ces gabarits qui n'est finalement intervenue qu'en octobre 2010, soit quatre mois après l'attribution des marchés.
206. Enfin, on doit relever que l'explication donnée par TDF est incohérente avec le calendrier de la publication de l'offre de référence Hébergement, dès le lendemain de la clôture du dialogue compétitif. On ne peut sérieusement soutenir que l'ensemble des études nécessaires à la préparation de l'offre de référence Hébergement a été faite dans un laps de temps aussi court alors même que ce délai a été utilisé pour finaliser les offres DiffHF publiées au même moment et dont il n'est pas contesté qu'elles pouvaient plus vraisemblablement dépendre des résultats du dialogue compétitif.
207. Il est au contraire établi que TDF a réalisé des études de préfaisabilité en amont de sa candidature auprès de France Télévisions pour de très nombreux sites dans les territoires considérés et que les offres initiales qu'elle a présentées à France Télévisions se sont appuyées sur l'intégralité des sites utilisés pour la diffusion analogique, seuls quelques sites ayant été marginalement proposés en plus (91). Or, comme l'indique TDF elle-même, ces études de préfaisabilité technique de l'hébergement sur les sites opérant en analogique constituent la base de l'élaboration de l'offre de référence Hébergement (92). Celle-ci pouvait donc être élaborée très en amont du dialogue compétitif.
Sur le caractère incomplet de la publication de TDF
208. TDF conteste le fait que l'offre de référence Hébergement qu'elle a publiée pour l'outre-mer les 9 et 13 avril 2010 ait pu être jugée incomplète, en considérant que " l'offre de gros d'accès à des groupes électrogènes " et " l'offre d'hébergement sur le pylône d'une antenne d'émission/réception FH " ne sont pas deux prestations essentielles listées dans l'annexe 1 de la décision Cycle 2 de l'ARCEP mais des prestations annexes ou accessoires, qui ne sont absolument pas nécessaires pour l'établissement des plans d'affaires et des offres de ses concurrents.
209. Mais la tarification des prestations en question, à savoir l'hébergement de faisceaux hertziens et de groupes électrogènes, fait partie des éléments devant figurer a minima dans l'offre de référence Hébergement dont la publication est imposée par l'ARCEP et dont l'absence est susceptible d'handicaper les concurrents dans la préparation de leurs offres.
210. Les qualifier de simples options dans l'offre de référence Hébergement publiée par TDF ne peut donc convaincre l'Autorité. Leur donner ce caractère " optionnel " revient à soutenir que conditionner l'obtention d'un tarif à la réalisation d'une étude préalable vaut publication d'un tarif, alors que c'est la négation même de la notion d'offre de référence.
211. S'agissant des prix, qui n'ont pas été fournis dans son offre publiée le 13 avril 2010, TDF indique que quatre de ces prix figurent en réalité dans l'offre de référence, deux autres ne figurent pas dans l'offre de référence publiée pour la métropole et les quatre derniers n'ont pas pu être publiés en raison de contraintes de délais.
212. Mais dans l'offre de référence publiée par TDF le 9 avril 2010 (datée du 8 avril), ne figuraient pas le tarif de l'étude de la prestation d'hébergement d'un faisceau hertzien de réception, le tarif de l'étude d'hébergement d'un groupe électrogène, les tarifs du bordereau TNT, le tarif de l'hébergement d'un faisceau hertzien de réception, les frais d'accès au service de la prestation hébergement d'un faisceau hertzien, les frais d'accès au service de la prestation d'hébergement d'un groupe électrogène. Tous ces tarifs devaient être obtenus, selon TDF, sur " devis conditionné à expression de besoin " alors que la connaissance de ces éléments est déterminante pour un opérateur alternatif lorsqu'il élabore son offre dans le cadre des appels d'offres.
213. Enfin, le courriel du directeur juridique d'OMT adressé à l'ARCEP le 14 avril 2010, mentionne explicitement le caractère " partiel " des tarifs publiés le 13 avril 2010 : " pour information, des tarifs partiels ont été publiés cette nuit sur le site de TDF. À première analyse, les tarifs sont 91 % plus chers qu'en métropole pour des prestations identiques.
Cela rend quasi-impossible de faire une offre mieux disante sur le marché étant donné que le très court délai avant le lancement ne permettra pas à OMT de déployer de nouveaux pylônes pour éviter l'utilisation de ceux de TDF " (93).
Conclusion
214. Il résulte de ce qui précède que TDF, en position dominante, a bien adopté un comportement de nature à empêcher ses concurrents de participer aux appels d'offres lancés par France Télévisions pour le déploiement de la TNT en outre-mer dans des conditions normales de concurrence, sans subir une asymétrie d'information.
e) Sur les effets anticoncurrentiels de la pratique reprochée à TDF
215. Il ressort d'une jurisprudence bien établie qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que le comportement de l'entreprise en position dominante a eu un effet anticoncurrentiel concret sur le marché concerné pour pouvoir le qualifier d'abusif. Il suffit de démontrer qu'il tend à restreindre la concurrence ou, en d'autres termes, qu'il est de nature à avoir un tel effet (arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C-52-09, point 64, et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C-470-10 P, point 112).
216. La pratique mise en œuvre par TDF était de nature à avoir un effet restrictif de concurrence dans la mesure où la publication de l'offre de référence Hébergement par TDF constituait un enjeu majeur pour faciliter l'entrée sur le marché d'opérateurs alternatifs tels que OMT, TowerCast, Onecast ou Itas Tim sur le marché ultramarin.
217. Le fait que plusieurs de ces concurrents étaient uniquement actifs sur le territoire métropolitain est sans pertinence pour limiter les effets restrictifs de la pratique puisque ces opérateurs étaient des concurrents potentiels en outre-mer dans la mesure où, en gagnant des marchés en utilisant une offre de gros de TDF, ils pouvaient ensuite investir plus facilement dans des infrastructures susceptibles d'être utilisées pour diffuser de la TNT.
Le rôle d'amorçage de l'offre de référence d'hébergement pour un nouvel entrant, rôle que lui assigne le régulateur, a donc été neutralisé par le retard de sa publication.
218. La pratique en cause a eu non seulement des effets potentiels mais aussi des effets réels sur le marché, puisqu'elle a permis à TDF de conserver son monopole de diffusion de programmes télévisuels par voie hertzienne terrestre sur l'ensemble des régions ultramarines et de verrouiller cette situation pour une période de cinq ans, durée des contrats de diffusion avec le multiplex OM1.
Conclusion sur l'abus de position dominante
219. Il résulte de tout ce qui précède que la pratique mise en œuvre par TDF, à partir du 3 mars 2010, date à laquelle les candidats devaient déposer leur offre initiale auprès de France Télévisions, jusqu'au 13 avril 2010, date à laquelle TDF a publié une partie des aspects tarifaires de son offre de référence Hébergement, constitue un abus de position dominante, contraire aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 102 TFUE.
220. Cette pratique a été de nature à porter atteinte au jeu de la concurrence sur le marché de gros aval des services de diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels, compte tenu notamment de l'existence de nombreuses barrières à l'entrée sur le marché.
D. SUR L'IMPUTABILITÉ
221. Au moment des faits, le groupe TDF était détenu par plusieurs fonds d'investissement privés, TPG Capital, Axa Private Equity, Charterhouse Capital Partners, et par le Fonds stratégique d'investissement (FSI), filiale de la CDC, sans exclure d'autres participations minoritaires non significatives. Aucun de ces fonds d'investissement ne disposait d'une participation majoritaire et on ne peut donc présumer qu'ils constituaient une seule entreprise avec TDF au sens du droit de la concurrence. Aucun d'entre eux n'a d'ailleurs été mis en cause par la notification de grief.
222. Ces fonds, liés par un pacte d'actionnaires, détenaient ensemble TDF par l'intermédiaire de quatre holdings selon un montage en cascade. Plusieurs de ces fonds étaient alliés au sein de la société de droit luxembourgeois Tyrol Acquisition 1 SARL, dite LuxCo1, qui détenait 60 % d'une autre société luxembourgeoise, Tyrol Acquisition 1 & Cie SCA, dite LuxCo2, qui elle-même détenait 100 % de la société française Tyrol Acquisition 1 SAS, dite TA1, qui détenait à son tour 98,3 % de la société française Tyrol Acquisition 1 SAS, dite TA2, qui détenait finalement 100 % de TDF.
223. TDF s'est vu notifier le grief en tant qu'auteur des pratiques. Mais selon la jurisprudence nationale et européenne, une société qui n'a pas pris part à une pratique anticoncurrentielle peut se la voir imputer lorsqu'elle constitue une unité économique, et donc une même entreprise au sens du droit de la concurrence, avec la société qui est l'auteur de l'infraction. La jurisprudence considère qu'il existe une présomption simple d'unité économique lorsqu'une société en détient une autre en totalité ou en quasi-totalité. La mise en cause éventuelle, comme le propose la notification de grief complémentaire, des sociétés TA1, TA2, LuxCo1 et LuxCo2 solidairement avec TDF doit donc être appréciée à partir de ce critère d'unité économique.
224. S'agissant tout d'abord de TA1 et TA2, outre la détention de TDF à 100 % par TA2 et à 98,3 % par TA1, on relève que les trois sociétés TA1, TA2 et TDF ont leurs sièges sociaux à Montrouge, à la même adresse, et sont dirigées par le même président. Par ailleurs, TA1 consolide les comptes de TDF. Ces trois sociétés sont donc étroitement liées et forment une même entreprise au sens du droit de la concurrence.
225. Les sociétés TA1 et TA2 ne présentent aucun argument tendant à renverser la présomption d'imputabilité retenue par la notification de grief complémentaire et s'en remettent, pour leur défense, à TDF qui ne présente pas plus d'argument en ce sens.
226. TA1 et TA2 doivent donc être tenues pour responsables de l'infraction de TDF.
227. En revanche, il apparaît que les deux sociétés luxembourgeoises LuxCo1 et LuxCo2 sont des holdings, sans activité économique et quasiment sans salariés, dont la raison d'être est de permettre la protection des sûretés prises par les banques qui ont prêté les sommes nécessaires à l'acquisition de TDF.
228. Pour mieux apprécier le rôle exact de ces deux holdings, il faut d'abord relever que les acronymes LuxCo1 et LuxCo2, utilisées à la place de Luxembourg Company 1 et 2, loin d'être propres au cas d'espèce ne sont que les dénominations conventionnelles utilisées par la littérature juridique pour illustrer le montage que la doctrine appelle communément " double LuxCo " (par exemple : " Double peine en cas de recours à une double LuxCo ", Option Finance, juin 2011 ; " Les structures double LuxCo et leur effet sur la structuration des garanties financières luxembourgeoises ", ALJB - Bulletin droit et banque, mai 2012 ; " Percer le mystère du montage double LuxCo ", Bulletin Joly entreprises en difficulté, septembre 2013 ; " Luxembourg finance : double LuxCo structuring " Finance and Private Equity, avril 2013).
229. Selon les spécialistes du droit financier, le " double LuxCo " est un montage juridique, le plus souvent réclamé par les banques dans le cadre de l'achat d'une société par effet de levier d'endettement (LBO), qui consiste à créer et à domicilier deux sociétés holding au Luxembourg, pour lesquelles les sûretés prises par les prêteurs seront soumises au droit luxembourgeois en cas de défaillance du débiteur. Ce montage a pour but de prévenir le risque d'inefficacité du nantissement des titres de la société cible française en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde en France.
230. Les éléments du dossier qui décrivent la cascade de holdings dans laquelle s'insèrent LuxCo1 et LuxCo2 et l'historique de la création de ces deux sociétés montrent que TDF est effectivement détenue par différents fonds d'investissement à travers un montage de type " double LuxCo ".
231. Ainsi, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légitimité d'un tel montage, question qui relève des seuls tribunaux judiciaires, force est de constater que LuxCo1 et LuxCo2 ne sont que des outils destinés à garantir les sûretés prises par les prêteurs au moment de l'acquisition de TDF et ne sauraient donc, pour cette raison même, constituer une unité économique avec TDF au sens du droit de la concurrence.
232. Il a donc lieu de mettre hors de cause les sociétés Tyrol Acquisition 1 SARL, dite " LuxCo1 ", et Tyrol Acquisition 1&Cie SCA, dite " LuxCo2 ", auxquelles ne peut être imputé le grief notifié à TDF.
E. SUR LES SANCTIONS
233. Le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ".
234. Toutefois, aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le montant maximal de la sanction qui peut être imposé à une entreprise est " de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
1. SUR LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE BASE
a) Sur la valeur des ventes
235. En application du point 23 du communiqué du 16 mai 2011, la valeur des ventes réalisées par l'entreprise mise en cause pour les biens ou les services en relation avec l'infraction est retenue par la pratique décisionnelle de l'Autorité comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a.).
236. Toutefois, aux termes du point 39 dudit communiqué, cette méthode peut être adaptée dans les cas particuliers où la référence à la valeur des ventes ou ses modalités de prise en compte aboutiraient à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction.
237. En l'espèce, le marché national des services de diffusion hertzienne terrestre de la télévision numérique, bien qu'étant celui qui est en relation avec la pratique, est manifestement trop large pour refléter l'importance économique de l'infraction. En effet, l'éviction d'OMT ou d'Itas Tim des marchés ultramarins n'a pu avoir d'effet direct sur le marché métropolitain puisque les diffuseurs y avaient été choisis, généralement pour une durée de cinq ans, avant la commission de l'infraction. En conséquence, l'Autorité retiendra comme valeur des ventes affectée par l'infraction celle qui résulte des seuls appels d'offres organisés en 2010 par France Télévisions pour l'outre-mer.
238. S'agissant de la durée de l'infraction, il n'est pas non plus pertinent de retenir la seule durée du retard de publication de l'offre de référence, puisque ce retard abusif a produit ses effets sur toute la durée des contrats en cause, soit pendant cinq ans. Il faut donc prendre en compte l'exécution de ces contrats jusqu'à leur terme, en retenant, comme l'a fait la notification des griefs, une date de fin des contrats au 30 juin 2015.
239. Au vu des éléments qui précèdent, la valeur pertinente des ventes en relation avec l'infraction est donc la somme des recettes tirées par TDF de l'exécution des contrats conclus en 2010 avec France Télévisions pour le déploiement de la TNT en outre-mer, à l'exception de celles réalisées en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française qui sont hors du champ de compétence de l'Autorité.
240. Cette valeur des ventes ne peut toutefois, au moment de la présente décision, être constatée dans sa totalité puisque les contrats en cause ne s'achèveront qu'en juin 2015. Il convient donc d'en donner une estimation raisonnable pour compléter les données disponibles. Cette estimation doit porter sur la période 2013 à 2015 puisque figurent au dossier, les valeurs des ventes pour 2010, 1,6 M euro, pour 2011, 9,2 M euro, et pour 2012, 7,6 M euro.
241. En prenant comme référence les contrats de diffusion analogique et les contrats de diffusion numérique en métropole, dont l'exécution apporte des enseignements utiles, on constate que les chiffres d'affaires annuels tirés de ces contrats varient assez peu après la troisième année d'exécution. Aucune variation sensible ne peut donc être raisonnablement attendue pour la fin de l'exécution des contrats ultramarins en cause. On peut donc considérer, pour les besoins de la présente décision, que le chiffre d'affaires de 2012 donne une bonne estimation des chiffres d'affaires des années suivantes.
242. Enfin, pour 2015, la période pertinente se limite à un seul trimestre, compris entre le 31 mars 2015, date de clôture de l'exercice 2014-2015, et le 30 juin 2015, date prévue pour la fin des contrats. Ce qui conduit à ne retenir, au pro rata temporis, qu'une valeur égale à un quart du chiffre d'affaires annuel, à savoir 1,9 M euro (soit 7,6 / 4).
243. Finalement la valeur des ventes retenue pour le montant de base peut être convenablement approchée par le calcul suivant :
1,6 + 9,2 + 7,6 + 7,6 + 7,6 + 1,9 = 35,5 M euro.
b) Sur la gravité de la pratique et l'importance du dommage causé à l'économie
Sur la gravité de la pratique
244. S'agissant, en premier lieu, de la nature de l'infraction en cause, un abus d'exclusion tendant à évincer des concurrents de marchés décisifs pour leur développement revêt un caractère certain de gravité, le déploiement de la TNT en outre-mer constituant un point d'entrée plus accessible pour de nouveaux compétiteurs, en particulier les opérateurs qui privilégient ces zones géographiques sur lesquelles ils exercent déjà leur activité principale.
245. S'agissant, en deuxième lieu, de la situation du secteur dans lequel est intervenue la pratique, il faut relever que, si toute entreprise en situation de quasi-monopole doit veiller à ne pas abuser de son pouvoir de marché, cette responsabilité est plus importante encore lorsque cette position résulte d'un ancien monopole légal (voir, à cet égard, la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-59 du 7 novembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'Internet haut débit, confirmée par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 4 juillet 2006, et la décision de l'Autorité n° 09-D-24 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM).
Sur l'importance du dommage l'économie
246. TDF considère que l'instruction n'a démontré ni un surcoût subi par France Télévisions du fait de l'absence de pression concurrentielle sur les marchés en cause, ni un dommage résultant d'un retard du déploiement de la TNT en outre-mer du fait de la pratique. Elle fait aussi valoir qu'aucune sortie des concurrents du marché, aucune entrave au progrès technique ou aucun impact sur la compétitivité du secteur, n'ont été démontrés, ce qui, selon elle, remet en cause l'effet de la pratique dénoncée.
247. Mais l'importance du dommage causé à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause. Ainsi, l'Autorité n'est, de manière générale, pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie et, en particulier, n'a aucune obligation de quantifier un effet de la pratique sur les prix ou d'évaluer la perte de surplus de l'acheteur pour établir un dommage à l'économie. Elle doit donc apprécier son importance en se fondant sur une analyse des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause.
248. En l'espèce, il n'est pas contesté que la pratique en cause a concerné des services pour lesquels France Télévisions, contrainte par son cahier des charges de respecter des obligations de large déploiement de la TNT en outre-mer dans un calendrier contraint, ne disposait pas d'un pouvoir d'acheteur de nature à compenser l'absence de concurrence effective, notamment en retardant le calendrier des procédures dans l'attente de la publication complète des offres de référence de TDF.
249. En ce qui concerne les conséquences structurelles du comportement de TDF, il y a lieu de relever que cette dernière a fermé les territoires ultramarins à la concurrence, à la fois en services et en infrastructures, pendant une période de cinq ans, qui correspond à la durée d'exécution des contrats qu'elle a conclus avec le multiplex ROM1 sur le marché de gros aval de la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique.
250. Au-delà de ces conséquences directes, il faut noter que la pratique mise en œuvre par TDF est également de nature à rendre plus difficile la participation de concurrents aux appels d'offres futurs ou à affaiblir à moyen terme leur capacité concurrentielle en les privant d'un retour d'expérience sur ces marchés limités sur lesquels ils souhaitaient concourir. Elle peut notamment avoir des effets sur le déploiement par ces opérateurs alternatifs de leurs propres infrastructures en les décourageant d'investir sans perspective de les rentabiliser avant cinq ans.
251. Au regard de l'ensemble des considérations qui précèdent, l'Autorité considère que la pratique d'éviction mise en œuvre par TDF a causé un dommage certain à l'économie.
Conclusion sur la détermination du montant de base
252. Compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retiendra en l'espèce une proportion de 10 % de la valeur des ventes réalisées par TDF telle que déterminée ci-dessus. Le montant de base qui en découle s'élève ainsi à 3,5 millions d'euro.
2. SUR LA SITUATION INDIVIDUELLE DE TDF
a) Sur la réitération
253. La réitération est une circonstance aggravante dont la loi prévoit qu'elle doit faire l'objet d'une prise en compte autonome, de manière à permettre à l'Autorité d'apporter une réponse proportionnée, en termes de répression et de dissuasion, à la propension de l'entreprise ou de l'organisme concerné à s'affranchir des règles de concurrence.
254. Il est possible de retenir l'existence d'une réitération lorsque quatre conditions sont réunies (paragraphe 51 du communiqué du 16 mai 2011) : (i) une précédente infraction au droit de la concurrence doit avoir été constatée avant la fin de la commission de la nouvelle pratique ; (ii) la nouvelle pratique doit être identique ou similaire, par son objet ou ses effets, à celle ayant donné lieu au précédent constat d'infraction ; (iii) ce dernier doit avoir acquis un caractère définitif à la date à laquelle l'Autorité statue sur la nouvelle pratique ; (iv) le délai écoulé entre le précédent constat d'infraction et le début de la nouvelle pratique est pris en compte pour apporter une réponse proportionnée à la propension de l'entreprise à s'affranchir des règles de concurrence, étant indiqué que la réitération ne sera ainsi pas retenue lorsque le délai en question est supérieur à quinze ans.
Sur l'existence d'un précédent constat d'infraction et son caractère définitif
255. En l'espèce, l'Autorité relève que TDF a été condamnée pour abus de position dominante sur le marché de la diffusion télévisuelle par voie hertzienne par la décision du Conseil de la concurrence n° 99-D-14 du 23 février 1999 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Télédiffusion de France, devenue définitive.
256. Dans la présente décision, il a été établi que TDF a mis en œuvre, postérieurement à ce constat d'infraction, une pratique d'éviction constitutive d'un abus de position dominante à compter du 3 mars 2010, date à laquelle elle était en mesure de publier son offre de référence Hébergement.
Sur l'identité ou la similarité des pratiques
257. TDF conteste l'existence de pratiques identiques ou similaires qui pourraient donner lieu à une situation de réitération. Elle fait ainsi valoir que l'infraction qui a été sanctionnée dans la décision n° 99-D-14, précitée, portait sur des pratiques de refus d'accès au foncier et au bâtiment, des pratiques contractuelles et des pratiques de couplage, différentes de celle en cause dans la présente affaire. TDF prétend également que les pratiques ont été mises en œuvre sur des marchés différents, puisque l'entreprise saisissante, la société Emettel, n'était pas diffuseur et qu'elle intervenait à la demande des collectivités locales et non des chaînes comme vendeur, installateur et prestataire de maintenance de matériels.
258. Mais la notion de réitération a pour objet d'appréhender les cas dans lesquels un organisme ou une entreprise précédemment sanctionnés pour avoir enfreint les règles de concurrence viole de nouveau ces règles par des pratiques identiques ou similaires par leur objet, critère qui renvoie pour l'essentiel à la base légale utilisée pour les qualifier, ou en raison de leurs effets, critère qui s'attache davantage à la finalité des comportements poursuivis.
259. La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans deux arrêts récents, a précisé que les conditions de la réitération étaient réunies dès lors que l'entreprise avait été précédemment sanctionnée pour avoir commis " une infraction de même type " et que " la qualification de la réitération n'exige pas que les infractions commises soient identiques quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné, qu'il s'agisse du marché de produits ou services ou du marché géographique, et qu'elle peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leurs effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d'infraction " (Cass com 6 janvier 2015 et 20 janvier 2015).
260. Ainsi, des pratiques d'entente et des comportements unilatéraux peuvent rechercher le même effet d'éviction à l'égard de concurrents sur un marché, sans pour autant relever du même régime de prohibition (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e.a., confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, précité). De même, le fait que les premières pratiques portent sur des marchés ou des zones géographiques différents ou plus restreints de ceux concernés par les secondes ne fait pas obstacle à ce que soit constatée l'existence d'une situation de réitération (arrêt Adecco France e.a., précité).
261. En l'occurrence, dans la décision n° 99-D-14, précitée, le Conseil de la concurrence avait considéré que TDF, qui détenait le monopole de la diffusion hertzienne des chaînes nationales publiques et une position dominante sur les marchés de la diffusion hertzienne des chaînes nationales privées et de la maîtrise d'œuvre pour le compte des collectivités territoriales, avait mis en œuvre des pratiques visant à limiter l'accès de ses concurrents au marché des prestations d'installation et de maintenance de matériels de réémission choisis par des collectivités territoriales en refusant, dans des conditions discriminatoires et non transparentes, d'autoriser l'installation de ces matériels sur les sites qu'elle exploitait.
262. La pratique reprochée à TDF dans la présente affaire est donc similaire à celle condamnée en 1999, en ce que cette dernière consistait déjà pour TDF à abuser de sa position dominante pour empêcher ou entraver l'accès à ses infrastructures.
Sur le délai écoulé entre le précédent constat d'infraction et la pratique en cause
263. TDF soutient que la décision n° 99-D-14, précitée, ne peut être prise en compte au titre de la réitération sous peine de violer le principe de proportionnalité, et ce en raison de la période de temps écoulée entre l'adoption de cette décision et le début de la pratique en cause dans la présente affaire, à savoir onze ans.
264. Mais ce délai de onze ans est inférieur au délai de quinze ans au-delà duquel l'Autorité de la concurrence n'entend pas retenir la réitération à l'encontre d'une entreprise, conformément au point 51 de son communiqué du 16 mai 2011. Cette période relativement longue entre le précédent constat d'infraction et la pratique en cause en l'espèce sera toutefois prise en compte par l'Autorité, dans un sens favorable à l'entreprise pour limiter le quantum de la réitération.
265. Il ressort de ce qui précède que TDF se trouve dans une situation de réitération justifiant une majoration de 20 % du montant de sa sanction, ce qui la porte à 4,2 millions d'euro.
b) Sur la vérification du maximum applicable
266. Le chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé par le groupe au sein duquel les comptes de TDF sont consolidés s'élevait à 1,63 milliard d'euro au cours de l'exercice 2008 - 2009. Le montant de la sanction retenu est donc inférieur au plafond légal, qui est de 163 millions d'euro.
Décision
Article 1er : Il est établi que la société Télévision de France (TDF), en tant qu'auteur de la pratique, et les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, en leur qualité de sociétés mères de TDF tenues pour responsables du comportement de leur filiale avec laquelle elles forment une unité économique, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE.
Article 2 : Il est infligé conjointement et solidairement à TDF, Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, une sanction pécuniaire de 4,2 millions d'euro.
Article 3 : Les sociétés Tyrol Acquisition 1 SARL et Tyrol Acquisition 1 et Cie SCA sont mises hors de cause.
Notes :
1. Cotes 5658 et suivantes.
2. Avis du CSA rendu dans le cadre de la présente saisine, cote 481.
3. Décision n° 2010-367 du 11 mai 2010 fixant la date de début des émissions des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur le réseau Outremer 1.
4. Décision n° 06-0161 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 avril 2006 portant sur les obligations imposées à TDF en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, cotes 9097 et suivantes.
5. Cotes 5596 à 5669.
6. Cotes 5766 à 5861.
7. Cote 5668.
8. Cote 5667.
9. Cote 5668.
10. Cote 5648 (soulignement par nous).
11. Cotes 5648 et 5649.
12. Cote 469.
13. Avis n° 2010-S 20-028499, 29 janvier 2010.
14. Avis n° 2010-S 20-028501, 29 janvier 2010.
15. Avis n° 2010-S 20-028500, 29 janvier 2010.
16. Avis n° 2010-S 20-028502, 29 janvier 2010.
17. Avis n° 2010-S 19-027015, 28 janvier 2010.
18. Avis n° 2010-S 19-027014, 28 janvier 2010.
19. Avis n° 2010-S 20-028503, 29 janvier 2010.
20. Avis n° 2010-S 20-028504, 29 janvier 2010.
21. Avis n° 2010-S 20-028505, 29 janvier 2010.
22. Cote 469.
23. Par exemple pour la diffusion de la TNT dans l'île de la Martinique, CCJF, cotes 4817 à 4832, CCT, cotes 4833 à 4851.
24. Cote 4819, pour ce qui concerne la consultation relative à La Martinique.
25. Cote 4840, pour ce qui concerne la consultation relative à La Martinique.
26. Cote 4821, pour ce qui concerne la consultation relative à La Martinique.
27. Cote 4840, pour ce qui concerne la consultation relative à La Martinique.
28. Cote 4845, pour ce qui concerne la consultation relative à La Martinique.
29. Cote 4635.
30. Cotes 1005 et suivantes.
31. Cotes 3509 et suivantes.
32. Cote 3513.
33. Cote 3513.
34. Cote 3513.
35. Cote 22.
36. Cote 91.
37. Cote 96.
38. Cote 807.
39. Cote 99.
40. Cote 4645.
41. Cote 3480.
42. Cote 4647.
43. Cote 4648.
44. Cote 3480.
45. Cote 810.
46. Cotes 113 et 810.
47. Cote 811.
48. Cote 471.
49. Cote 151.
50. Cote 108.
51. Cote 4650.
52. Cote 6765.
53. Cotes 41 à 79.
54. Cote 110.
55. Cotes 112 et 113.
56. Cotes 115 et 116.
57. Cote 156.
58. Courrier de TDF à OMT cotes 159 à 162.
59. Cote 162.
60. Cote 613.
61. Proposition finale de TDF à FTV pour la Réunion, cote 993.
62. Proposition finale de TDF à FTV pour Mayotte, cote 989.
63. Proposition finale de TDF à FTV pour la Guadeloupe, cote 986.
64. Proposition finale de TDF à FTV pour la Martinique, cote 988.
65. Voir notamment les décisions n° 07-D-30 du Conseil de la concurrence du 5 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société TDF dans le secteur de la diffusion hertzienne terrestre des services audiovisuels en mode analogique et n° 10-D-09 de l'Autorité de la concurrence du 9 mars 2010 relative aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Itas Tim.
66. Conseil d'État, Société TDF et autres, n° 363920, 363949 et 365455.
67. JOCE, C 372 du 9 décembre 1997, page 5 et suivantes.
68. Lignes directrices de la Commission européenne sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (JOCE, C 165, du 11 juillet 2002, pages 6 et suivantes).
69. Cote 5791.
70. Décision n° 01-D-66 du 10 octobre 2001.
71. Cote 5645.
72. Cote 4819, pour ce qui concerne la consultation à La Martinique.
73. Cote 5775.
74. Cote 5775.
75. Cote 5721.
76. Cotes 4635-4636.
77. Cote 3513.
78. Cote 3513.
79. Cote 489.
80. Cote 489.
81. Les Actes de l'ARCEP : " Analyse du bilan et des perspectives de la régulation du marché de gros des services de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre ", Consultation publique de l'ARCEP, février 2012.
82. Cotes 5040 à 5050.
83. Cote 474.
84. Cote 6142.
85. Cote 9699.
86. Cote 474.
87. Cote 474.
88. Cote 473.
89. Cote 489.
90. Cote 5101
91. Cote 9613.
92. Cotes 3507 et 4515
93. Cote 9670.