Cass. com., 3 février 2015, n° 13-25.749
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Thirion
Défendeur :
Groupe Elancia (Sté), Guigon (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard (rapporteur)
Avocat général :
M. Debacq
Conseillers :
Mmes Riffault-Silk, Laporte, Darbois, Provost-Lopin, Orsini, Bregeon, Tréard, M. Le Dauphin, Grass, Fédou, Delbano, Contamine
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bison pain, ayant pour dirigeant M. Thirion, a été mise en liquidation judiciaire le 15 avril 1996 puis a fait l'objet d'une cession d'unité économique au profit de la société Comtoise des pains ; que par un arrêt, devenu irrévocable, M. Thirion a été condamné du chef de banqueroute par détournement d'actif, pour avoir détourné la clientèle de la société Bison pain en faisant part, le 18 avril 1996, aux responsables du Groupe Casino, d'un risque de cessation d'approvisionnement en raison de la procédure collective en cours, ce qui avait conduit ce client à cesser ses relations commerciales avec la société Bison pain et à donner instruction à plusieurs magasins de l'enseigne de passer commande à la société Sopanif, également dirigée par M. Thirion ; que, de son côté, la société Comtoise des pains a poursuivi M. Thirion en paiement de dommages-intérêts ; que le jugement condamnant ce dernier à l'indemniser a été annulé par un arrêt, devenu irrévocable, au motif qu'il avait été rendu au profit d'une personne morale inexistante, la société Comtoise des pains ayant fait l'objet au cours de la procédure de première instance d'une dissolution anticipée avec transmission du patrimoine à son associée unique, la société Jurassienne de panification ; que cette dernière, devenue Groupe Elancia, agence Franche-Comté (la société GroupeElancia), ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaires les 4 avril 2007 et 2 avril 2008, son liquidateur a, à nouveau, assigné M. Thirion en indemnisation du préjudice subi par la société Comtoise des pains ;
Sur le premier moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil et le principe de réparation intégrale ;
Attendu que pour condamner M. Thirion au paiement d'une indemnité, l'arrêt, écartant le moyen selon lequel le dommage subi par la société Comtoise des pains du fait de détournement de clientèle n'existait plus dans la mesure où celle-ci avait été absorbée par la société Jurassienne de panification (anciennement Jurapain), qui avait acquis par l'effet d'un plan de cession les actifs de la société Sopanif, bénéficiaire du détournement, retient qu'il importe peu que la société Sopanif, qui a bénéficié des commandes du Groupe Casino après l'intervention de M. Thirion ainsi qu'il ressort de la décision pénale, ait été elle-même " cédée " le 16 novembre 1998 à la société Jurapain qui a elle-même absorbé le patrimoine de la société Comtoise des pains, dès lors que le préjudice naît au moment où la faute a été commise, même s'il n'est constaté et chiffré qu'ultérieurement, de sorte qu'à la date de la dissolution de la société Comtoise des pains, la société Jurassienne de panification (Groupe Elancia) s'est trouvée titulaire des droits à réparation ; qu'il relève encore que ce n'est pas à la société Sopanif qu'il est réclamé réparation, mais à M. Thirion, auteur du détournement de clientèle ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si le droit, pour la victime d'une faute, d'obtenir la réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce dommage doit être faite par le juge au moment où il rend sa décision et que la réunion dans un même patrimoine de celui de la victime des actes de détournement de clientèle et des actifs de la personne morale qui en a tiré profit a nécessairement influé sur la consistance et le montant du préjudice invoqué par leur ayant droit commun, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, Casse et Annule, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de M. Guigon, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Elancia, agence Franche-Comté, l'arrêt rendu le 4 septembre 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon.