CA Nancy, 5e ch. com., 28 janvier 2015, n° 13-03233
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Poirson Création (SAS) , Bogelmann (ès qual.)
Défendeur :
Carment
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Meslin
Conseillers :
Mme Soulard, M. Bruneau
Avocats :
Mes Bernez, Morel, Bach-Wassermann, L'Huillier
EXPOSE DU LITIGE
M. Olivier Carment a conclu le 1er janvier 2009 avec la société par action simplifiée à associé unique (SASU) Poirson Création un contrat d'agence commerciale aux termes duquel cette société confiait à son agent l'exclusivité de sa représentation auprès de la grande distribution, des grandes et moyennes surfaces spécialisées et des détaillants spécialisés en luminaires sur un territoire couvrant 21 départements de l'Ouest de la France.
Estimant que la SAS Poirson était débitrice à son égard de sommes dues au titre de commissions, M. Olivier Carment a sollicité du président du Tribunal de commerce de Nancy la délivrance d'une ordonnance d'injonction de payer pour une somme de 7 691, 05 euro, demande à laquelle il a été fait droit par décision du 9 février 2011.
La SAS Poirson Création a formé opposition à cette ordonnance.
Cette société a, par courrier du 11 février 2011, résilié le contrat la liant à M. Olivier Carment pour fautes graves, aux motifs notamment que les résultats de l'agent étaient insuffisants et que celui-ci se refusait à justifier de son activité.
Par jugement du 16 avril 2013, le Tribunal de commerce de Nancy a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la SAS Poirson Création et désigné Maître Eric Bogelmann en qualité de mandataire judiciaire ; cette procédure a été convertie le 17 décembre 2013 en liquidation judiciaire, et Maître Bogelmann a été désigné en qualité de liquidateur de la SAS Poirson Création.
M. Olivier Carment a déclaré sa créance au passif de la SAS Poirson Création les 3 et 11 juin 2013.
Par jugement du 30 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Nancy a condamné la SAS Poirson Création à lui payer la somme totale de 56 351, 63 euro correspondant à des commissions impayées ainsi que des demandes indemnitaires comprenant l'indemnité compensatrice prévue par les dispositions de l'article L. 134- 12 du Code de commerce.
Par déclaration enregistrée au greffe de la juridiction le 28 novembre 2013, la SAS Poirson Création et Maître Eric Bogelmann, alors mandataire judiciaire au redressement judiciaire de ladite société, ont interjeté appel de cette décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions déposées le 23 juin 2014, Maître Eric Bogelmann, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Poirson Création SAS Poirson Création, demande de voir infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Maître Eric Bogelmann ès qualités expose en premier lieu que les demandes indemnitaires présentées par M. Olivier Carment sont irrecevables en ce qu'elles n'ont pas été présentées dans le cadre de la procédure d'injonction de payer et que le tribunal s'est prononcé sur des demandes différentes des demandes initiales, demandes qu'il aurait dû rejeter.
En deuxième lieu, Maître Eric Bogelmann ès qualités fait valoir que la demande relative aux commissions est injustifiée dans la mesure où celles-ci concernent des ventes effectuées auprès de clients non visés par le contrat d'agence commerciale et pour lesquelles M. Carment n'a effectué aucune diligence puisque ces clients étaient démarchés directement par la société Poirson Création.
En troisième lieu, Maître Eric Bogelmann ès qualités soutient que la résiliation du contrat d'agence commerciale pour fautes graves était justifiée en ce que d'une part, M. Olivier Carment s'est constamment refusé à rendre compte régulièrement de son activité et en ce que d'autre part, ce refus masquait en réalité un manque d'investissement dans son mandat, insuffisance largement démontrée par la comparaison des résultats de M. Carment et de ceux de son successeur sur le secteur, objet du contrat.
En quatrième lieu, Maître Eric Bogelmann ès qualités soutient s'agissant de l'indemnité de résiliation que d'une part, cette demande est irrecevable comme étant prescrite aux termes des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce et que d'autre part, si la cour estimait devoir retenir un droit à indemnité au bénéfice de M. Carment, elle devrait constater que celui-ci a commis des fautes dans l'exercice de son mandat ayant occasionné à la SAS Poirson Création un préjudice devant être indemnisé de sorte que les créances respectives sont susceptibles de se compenser.
Maître Eric Bogelmann, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Poirson Création, demande donc de :
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 30 septembre 2013
En toutes ses dispositions,
- et statuant à nouveau,
- recevoir l'opposition de la SASU Poirson Création à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer :
A titre principal :
- dire et juger les demandes nouvelles de M. Carment non visées par l'injonction de payer irrecevables
- le débouter de ses demandes additionnelles
- dire et juger que le tribunal n'était saisi que dans la limite de l'injonction de payer
- constater que M. Carment n'apporte aucun élément quant à la réalité de son activité et que faute de preuve d'exécution du contrat il ne peut percevoir la rémunération qui en découle
- débouter M. Carment de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- constater que M. Carment n'a pas sollicité l'indemnisation de la rupture de son contrat dans l'année suivant la dite rupture
- en conséquence débouter M. Carment de ses demandes fins et conclusions à ce titre
- constater que les griefs invoqués par la SAS Poirson Création pour rompre le contrat d'agent commercial de M. Carment sont établis
- débouter M. Carment de ses demandes fins et conclusions
- constater que le comportement de M. Carment a causé un préjudice à la SAS Poirson Création
- condamner M. Carment à payer à la SAS Poirson Création la somme de 13 000 euro à titre de dommages et intérêts
A titre infiniment subsidiaire
- fixer l'indemnité de résiliation à la somme de 24 000 euro
- ordonner la compensation avec les dommages et intérêts dus par M. Carment
- dire que la SAS Poirson Création pourra s'acquitter des sommes mises à sa charge sans intérêt en 24 versements égaux
En toute hypothèse :
- condamner M. Carment à payer à la SAS Poirson Création la somme de 6 000 euro TTC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner M. Carment aux entiers dépens et autoriser Maître Bernez, avocat aux offres de droit à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Aux termes de ses conclusions déposées le 29 septembre 2014, M. Olivier Carment expose en premier lieu que les manquements contractuels allégués par la SAS Poirson Création sont infondés ; Que d'une part, si le contrat du 1er janvier 2009 prévoyait que l'agent devait justifier de son activité mensuellement, les parties avaient de fait renoncé à cette obligation de compte-rendu écrit ; que cependant, il a toujours répondu aux demandes ponctuelles de l'entreprise ; qu'en revanche, la nouvelle direction de la société a imposé aux agents commerciaux, à compter du mois de février 2010, de communiquer des états hebdomadaires ; que cette nouvelle obligation, qui n'était pas contractuellement prévue, imposait aux agents une charge administrative déraisonnable et a d'ailleurs été rapidement abandonnée ; qu'il a néanmoins régulièrement rendu compte de la commercialisation d'un nouveau produit ; que d'autre part, Maître Bogelmann ès qualités ne démontre pas que l'évolution de son activité, si tant est que celle-ci ait abouti à une baisse de chiffre d'affaires, résulte d'un manque d'activité de sa part, le secteur couvert étant très vaste et l'entreprise n'ayant pu, lors du lancement d'un nouveau produit, satisfaire l'ensemble des commandes ; que les éléments "de comparaison" apportés par Maître Bogelmann ès qualités ne sont pas probants en ce que les secteurs comparés ne sont pas homogènes ; qu'enfin, il n'a jamais refusé les contacts avec la SAS Poirson mais s'est en effet abstenu de donner suite à une proposition de rencontre, n'étant plus remboursé de ses frais de déplacement.
En deuxième lieu, M. Olivier Carment soutient que d'une part, ses demandes présentées devant le tribunal de commerce sont recevables conformément aux dispositions des articles 63 et 1417 du Code de procédure civile ; que la demande d'indemnité de résiliation est également recevable comme ayant été formée dans le délai légal ; qu'elle est fondée en ce que Maître Bogelman ès qualités ne démontre aucunement un comportement fautif qui lui soit imputable ; que par ailleurs les commissions réclamées sont contractuellement dues, concernant des ventes relevant du territoire concédé ; que d'ailleurs, la SAS Poirson Création a reconnu être débitrice de ces commissions ; que les commissions générées par son activité entre décembre 2010 et la fin du contrat, soit le 30 mai 2011, sont dues ainsi que les frais de déplacement justifiés pour cette période.
M. Olivier Carment demande donc de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a
- condamné la SAS Poirson Création à lui payer la somme de 7 691,05 euro au titre des commissions dues d'août 2010 à novembre 2010 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2011 et par conséquent ordonner la fixation de cette somme au passif de la société ;
- condamné la SAS Poirson Création à lui payer la somme de 1 851,63 euro au titre des commissions dues pour le mois de décembre 2010 avec intérêts au taux légal à compter de la date des conclusions d'appel et par conséquent ordonner la fixation de cette somme au passif de la société ;
- condamné la SAS Poirson Création à lui payer la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et par conséquent ordonner la fixation de cette somme au passif de la société ;
- Y ajoutant ;
- fixer sa créance au passif de la procédure à l'encontre de la SAS Poirson Création à la somme de 17 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des commissions dues et non versées pour la période de janvier 2011 à juillet 2011 ;
- fixer sa créance au passif de la procédure à l'encontre de la SAS Poirson Création à la somme de 592, 27 euro au titre des frais de déplacement avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 janvier 2011 ;
- fixer sa créance au passif de la procédure à l'encontre de la SAS Poirson Création à la somme de 50 000 euro au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter des conclusions de première instance du 23 janvier 2012 qui valent mise en demeure ;
- condamner Maître Bogelmann ès qualités au paiement d'une somme de 4 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes présentées devant le tribunal de commerce et leur recevabilité
Attendu que Maître Eric Bogelmann, ès qualités, expose que les demandes indemnitaires présentées devant le tribunal de commerce sont irrecevables en ce qu'elles sont différentes de celles formées dans le cadre de la procédure en injonction de payer ;
Attendu que l'article 1417 du Code de procédure civile dispose que le tribunal, saisi sur opposition à une ordonnance d'injonction de payer, statue sur la demande de recouvrement et connaît, dans la limite de sa compétence d'attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond ; que les articles 63 et 65 du même Code précisent que les demandes incidentes sont, la demande reconventionnelle, la demande additionnelle et l'intervention et que constitue une demande additionnelle, la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures ;
Attendu que, lorsqu'une injonction de payer est frappée d'opposition, celui qui se prétend créancier et au bénéfice de qui l'ordonnance a été rendue, possède la qualité de demandeur à l'instance ;
Qu'il ressort précisément du dossier que M. Olivier Carment a sollicité, par la procédure d'injonction de payer, de se voir reconnaître créancier de la SAS Poirson Création de sommes au titre de commissions impayées ; que s'il a, devant le tribunal de commerce, repris cette demande, il a également demandé la condamnation de son adversaire au paiement de sommes correspondant à des commissions impayées pour une période postérieure à celle objet de la demande originelle et par surcroît, une indemnité de résiliation pour rupture unilatérale du contrat ;
Attendu qu'il convient de constater que les demandes ont pour objet la réparation du préjudice découlant de l'inexécution d'un même contrat et qu'il existe en conséquence un lien suffisant entre la demande initiale et les demandes additionnelles ;
Qu'il y a donc lieu de dire ces demandes recevables ;
Sur les demandes au titre des commissions et frais de déplacement
- Sur les commissions des mois d'août à novembre 2010 :
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier (pièces 3 à 9 du dossier de M. Carment) que les factures établies par celui-ci au titre des commissions pour la période comprise entre août et novembre 2010 l'ont été sur la base de données relatives au chiffre d'affaires réalisé sur le secteur concédé, nécessairement collectées par la société Poirson ; que celle-ci, sous la plume de M. Didier Wabant, a ainsi reconnu aux termes d'un courriel du 5 janvier 2011, accepter le règlement des commissions dues au titre des mois d'août et de septembre 2010 sur la base des factures établies par son agent ;
Que Maître Bogelmann ès qualités ne peut donc prétendre que le chiffre d'affaires retenu par la SAS Poirson pour effectuer ces calculs relève de clients qu'elle s'est contractuellement réservée ;
Attendu que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de fixer à la somme de 7 098, 78 euro la créance de M. Olivier Carment à ce titre ;
- Sur les commissions du mois de décembre 2010 :
Attendu qu'il ressort d'un état du chiffre d'affaires réalisé par la société Poirson sur le secteur concédé à M. Carment que le montant des commissions s'établit à la somme de 1 401,88 euro ; que si M. Carment soutient qu'une erreur s'est glissée dans cet état et que celui-ci omet deux commandes, la seule production d'une facture établie par M. Carment ne permet pas d'établir sans contestation ce montant ;
Qu'il y a donc lieu de fixer la créance de M. Carment sur ce point à 401,88 euro ;
- Sur les commissions pour la période de janvier à juillet 2011 :
Attendu qu'il ressort des articles 7 et 8 du contrat du 1er janvier 2009 que chaque partie peut mettre fin au contrat sous réserve d'un préavis de trois mois à partir de la troisième année du contrat et qu'en cas de cessation de celui-ci, l'agent percevra les commissions lorsque les commandes auront été conclues dans un délai de deux mois suivant ladite cessation ;
Attendu que le contrat litigieux a été résilié par la société Poirson Création le 11 février 2011 ; que le préavis courait donc jusqu'au 11 mai 2011 et que M. Carment disposait d'un droit à commissions selon les dispositions contractuelles sur les commandes conclues jusqu'au 11 juillet 2011 ;
Attendu que M. Carment produit pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2011, des factures pour un total de 17 236, 28 euro ;
Que si M. Carment a la charge de la preuve du principe de sa créance, celle-ci ne peut être établie que sur production par Maître Bogelmann ès qualités des états de chiffre d'affaires réalisés durant la période par la société Poirson sur le secteur concédé ; que Maître Bogelmann ne démontre en particulier pas en quoi le chiffre d'affaires réalisé sur ce secteur pour cette période serait totalement étranger au travail effectué par M. Carment sauf à supposer que les clients habituels aient brutalement cessé toute commande alors même que l'action d'un agent commercial ne peut s'apprécier que dans la durée ; qu'il ne démontre pas davantage que ce chiffre d'affaires serait le fait des seuls clients dont la société se réservait le démarchage ;
Attendu qu'en l'absence de ces éléments d'appréciation, il y a lieu de faire droit à la demande et de fixer la créance de M. Carment sur ce point à la somme de 17 236, 28 euro.
- Sur la demande au titre des frais de déplacement :
Attendu qu'il ressort des pièces 11 et 12 présentées par M. Carment que la note de frais du 23 décembre 2010 pour un montant de 592, 27 euro a été établie sur instruction du dirigeant de la société Poirson Création ; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande.
Sur les demandes au titre de la résiliation du contrat
- Sur le droit à indemnité :
Attendu en premier lieu que M. Bogelmann ès qualités soutient que la demande est irrecevable en ce qu'elle a été présentée dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat prévu par l'article L 134-12 du Code de commerce ;
Mais attendu que le contrat a été résilié le 11 février 2011 avec effet au 11 mai 2011 ; qu'il ressort du dossier de procédure que M. Olivier Carment a formé sa demande indemnitaire par conclusions en date du 19 janvier 2012 dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de commerce de Nancy, soit moins d'un an après la cessation du contrat ;
Qu'en conséquence, la demande est recevable ;
Attendu que M. Bogelmann ès qualités soutient que M. Olivier Carment a commis des manquements contractuels qui le privent de son droit à indemnisation ;
Attendu en premier lieu qu'il est reproché à M. Olivier Carment de ne pas avoir adressé à la société Poirson Création le rapport mensuel d'activité prévu par l'article 5 du contrat, et de manière générale de refuser de rendre compte de son activité ;
Mais attendu d'une part qu'il ressort du dossier que le point concernant le rapport mensuel n'est abordé par la société Poirson que dans un courriel du 5 janvier 2011 et qu'il ne peut qu'être que constaté que la société Poirson, qui recevait des informations de ses agents commerciaux sous d'autres formes, n'a jamais avant le 5 janvier 2011, exigé de M. Carment ces rapports mensuels ;
Attendu d'autre part que si M. Carment s'est opposé à la mise en place de rapports d'activité hebdomadaires, il ressort du dossier que celui-ci a fait valoir, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article 5 du contrat, le caractère " déraisonnable " de cette demande, au regard notamment de la grande étendue géographique du secteur dont il était chargé et du grand nombre clients potentiels ; que cette position ne peut en soi, être considérée comme fautive, cette demande d'information hebdomadaire ayant d'ailleurs été abandonnée par la société Poirson dans le courant de l'année 2010 ;
Attendu enfin, sur ce point, qu'il ressort des échanges de courriels entre les parties que M. Olivier Carment a régulièrement communiqué des informations à la société Poirson sur son activité, celle-ci pouvant les analyser, les commenter et fournir des instructions à l'agent commercial ;
Attendu que si M. Carment ne conteste pas ne pas s'être rendu à une réunion à Toul en fin d'année 2010, il justifie ce refus par le montant des frais générés par ce déplacement sur son secteur puisqu'il résidait en Vendée et que ses commissions lui étaient alors réglées avec retard, ce que la société Poirson reconnaît dans sa lettre du 16 décembre 2010 ; que, compte tenu de cette circonstance, le refus opposé par M. Carment n'est pas suffisant pour constituer une faute grave excluant son droit à indemnisation ;
Attendu qu'il est encore reproché à M. Olivier Carment d'avoir déployé une activité insuffisante ne générant pas le chiffre d'affaires espéré sur son secteur, cette insuffisance résultant de comparaisons de chiffre d'affaires d'une part avec un autre agent, M. Xavier Franchois, et d'autre part avec son successeur ;
Attendu, sur le premier point, qu'il ressort que le secteur de M. Franchois comptait 22 magasins, dont 20 étaient clients de la société Poirson, alors que, dans le secteur de M. Carment qui comptait 21 magasins, seuls 5 étaient clients de la société ;
Qu'il ressort par ailleurs du dossier que le secteur de M. Franchois comportait les régions Nord- Pas de Calais -Picardie-Champagne-Normandie ; qu'il n'est donc pas démontré que les deux secteurs présentaient des caractéristiques homogènes que ce soit en matière de répartition du type de clientèle ou en matière de potentiel économique ;
Attendu sur le second point que les tableaux fournis par Maître Bogelmann ès qualités sur l'évolution du secteur dont était chargé M. Olivier Carment font apparaître une forte augmentation du chiffre d'affaires généré par le successeur de celui-ci ;
Mais attendu qu'il ressort de ces tableaux que les efforts du successeur de M. Carment se sont portés prioritairement sur les clients les plus importants ; que la simple constatation que le successeur de M. Carment a réalisé de meilleures performances que ce dernier ne saurait dans ces conditions caractériser l'existence d'une faute grave justifiant l'exclusion du droit à indemnisation de M. Carment ; qu'il n'est en effet pas établi que ce dernier a abandonné tout ou partie de la clientèle qu'il se devait de prospecter ;
Attendu par surcroît qu'il convient de relever que la liste des clients dont le montant des commandes a augmenté lors du changement d'agent commercial est très semblable à la liste des clients auprès desquels M. Olivier Carment devait intervenir, dont notamment les enseignes "Leroy Merlin", "Mr. Bricolage" et "Bricomarché" ; que Maître Bogelmann ès qualités ne démontre donc aucunement que le chiffre d'affaires réalisé par la société Poirson sur le secteur concédé à M. Carment, résultait pour la plus grande partie du seul démarchage des clients qu'elle s'était réservée aux termes du contrat d'agence commerciale ;
Attendu qu'il ressort de tout ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu le droit à indemnisation de M. Olivier Carment sur le fondement des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
- Sur le montant de l'indemnité :
Attendu qu'il est d'usage en la matière et de jurisprudence constante que le montant de l'indemnité compensatrice de rupture d'un contrat d'agence commerciale est équivalent à deux années de commissions brutes ;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des factures et tableaux d'activité, que le montant des commissions brutes revenant à M. Olivier Carment peut être évalué à la somme annuelle de 22 000 euro ;
Qu'en conséquence, en l'absence de contestation sur ce dernier point, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité compensatrice due à M. Olivier Carment à 44 000 euro ;
Attendu que Maître Eric Bogelmann ès qualités supportera les dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct au visa de l'article 699 du Code de procédure civile en faveur de Maître Bach-Wassermann, avocat, précision étant par ailleurs faite, que ces dépens seront recouvrés conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables en matière de procédure collective ainsi que conformément ;
Attendu enfin qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. Olivier Carment l'intégralité des frais par lui exposés et non compris dans les dépens ; qu'il convient donc de faire droit à cette demande selon les modalités indiquées au dispositif ;
Par ces motifs LA COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Dit les appels, principal et incident, recevables, Dit recevables les demandes additionnelles présentées par M. Olivier Carment, Dit recevable la demande présentée par M. Olivier Carment au titre de l'indemnité compensatrice, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Poirson Création à payer à M. Olivier Carment la somme de cinquante-six mille trois cent cinquante et un euro soixante-trois centimes (56 351,63 euro), Statuant à nouveau, Fixe la créance de M. Olivier Carment au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Poirson Création à la somme de vingt-quatre mille sept cent trente-six euro quatre-vingt-quatorze centimes (24 736,94 euro [7 098,85 euro + 401,88 euro + 17 236,28 euro]) en réparation des commissions dues, Fixe la créance de M. Olivier Carment au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Poirson Création à cinq cent quatre-vingt-douze euro vingt-sept centimes (592,27 euro) outre les intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2012 au titre des frais de déplacement, Fixe la créance de M. Olivier Carment au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Poirson Création à la somme de quarante-quatre mille euro (44 000 euro) outre les intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2012 au titre de l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Condamne Maître Eric Bogelmann, ès qualités de liquidateur de la SAS Poirson Création, aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Bach-Wassermann, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile précision étant par ailleurs faite, que ces dépens seront également recouvrés conformément aux règles légales et réglementaires applicables en matière de procédure collective, Fixe le montant de l'indemnité au titre de frais irrépétibles d'appel due par Maître Eric Bogelmann, ès qualités de liquidateur de la SAS Poirson Création, au bénéfice de M. Olivier Carment, à trois mille euro (3 000 euro) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.