Livv
Décisions

CA Amiens, ch. économique, 22 janvier 2015, n° 14-04669

AMIENS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Dorel (SA)

Défendeur :

ITM Entreprises (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Saint Schroeder

Conseillers :

Mme Bideault, M. Bougon

Avocats :

Mes Plateau, Behaghel, Lesénéchal, Guyot, Jonvel

T. com. Soissons, prés., du 29 sept. 201…

29 septembre 2014

Vu l'ordonnance rendue le 29 septembre 2014 par le juge des référés du Tribunal de commerce de Soissons qui a :

- rejeté l'exception d'incompétence et s'est déclaré compétent,

- rejeté la demande de la société ITM Entreprises à l'encontre de Monsieur et Madame Deleau,

- interdit à la société Dorel jusqu'au 30 septembre 2015 d'apposer sur son point de vente situé à Crouy une enseigne nationale concurrente de l'enseigne Intermarché sous astreinte de 7 500 euro par jour à compter de la constatation du changement d'enseigne qui se réaliserait avant la fin de l'engagement contractuel " ou à la dépose de celle-ci ",

- dit qu'il se réservait le pouvoir de liquider l'astreinte,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Dorel aux dépens ;

Vu l'appel de cette décision interjeté par voie électronique par la SA Dorel le 10 octobre 2014 ;

Vu l'ordonnance rendue le 16 octobre 2014 par la Présidente de cette Chambre de la Cour d'appel d'Amiens, délégataire du Premier Président, autorisant la SA Dorel à faire assigner la SAS ITM Entreprises pour l'audience du 20 novembre 2014 à 13 heures 30 ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante du 18 novembre 2014 sollicitant l'infirmation de l'ordonnance déférée et demandant à la cour, à titre principal, de dire que le juge des référés du Tribunal de commerce de Soissons était incompétent pour connaître de l'affaire et de renvoyer la cause et les parties devant le Président du Tribunal de commerce de Lille et subsidiairement devant la Cour d'appel de Paris, à titre subsidiaire, de dire n'y avoir lieu à référé et de condamner la SAS ITM Entreprises de ses demandes et, en tout état de cause, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la SAS ITM Entreprises du 7 novembre 2014 demandant à la cour, sur l'exception d'incompétence, de déclarer celle-ci irrecevable à raison de la violation du principe de concentration des moyens et des demandes ou à tout le moins mal fondée et subsidiairement de renvoyer les parties devant la Cour d'appel de Paris en application des articles 79 du Code de procédure civile et L. 420-7 du Code de commerce et en tout état de cause, de confirmer l'ordonnance entreprise en condamnant, la SA Dorel ainsi que Monsieur et Madame Deleau à lui verser une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Attendu que par acte d'huissier de Justice du 22 septembre 2014 la SAS ITM Entreprises, exposant que le contrat d'enseigne " Intermarché " en date du 6 juillet 1994 la liant à la SA Dorel, animée par les époux Deleau-Pasco, dont la durée avait été prorogée jusqu'au 30 septembre 2014 par ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris du 8 juillet 2014 bien que la décision de non-renouvellement de ce contrat notifiée par la SA Dorel le 29 mai 2013 eût emporté cessation des relations contractuelles à la date du 6 juillet 2014, comportait un article 16 interdisant à la SA Dorel, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration des effets de la convention des parties pour quelque cause que ce soit, d'exercer directement ou indirectement une activité commerciale similaire et/ou concurrente de celle exploitée à l'adresse de son principal établissement et dans un rayon de quinze kilomètres autour de celui-ci et qu'elle avait appris que celle-ci comptait néanmoins apposer sur son point de vente une enseigne concurrente (Carrefour) à compter du 30 septembre 2014 a fait assigner la SA Dorel et les époux Deleau-Pasco devant le juge de référés du Tribunal de commerce de Soissons auquel elle demandait de faire interdiction aux requis jusqu'au 30 septembre 2015 d'apposer sur leur point de vente à Crouy une enseigne nationale concurrente de l'enseigne Intermarché sous astreinte de 10 000 euro par jour à compter de la constatation de changement d'enseigne et ce jusqu'à la dépose de celle-ci, de se réserver la liquidation de l'astreinte et de condamner in solidum la SA Dorel et les époux Deleau-Pasco à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la SA Dorel et les époux Deleau-Pasco ont conclu, à titre principal, à l'incompétence sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-7 du Code de commerce de la juridiction saisie au profit du Président du Tribunal de commerce de Lille statuant en référé, à titre subsidiaire à l'irrecevabilité des demandes formées à l'encontre des époux Deleau-Pasco, à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé ainsi qu'au rejet des prétentions de la SAS ITM Entreprises et, en tout état de cause, à la condamnation de cette dernière à leur verser à chacun une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que c'est en cet état des prétentions et moyens des parties, que l'ordonnance frappée d'appel par la SA Dorel, laquelle n'a intimé que la SAS ITM Entreprises, a été rendue ;

Attendu que pour conclure à l'incompétence du premier juge et ainsi à l'infirmation de l'ordonnance attaquée, la SA Dorel invoque les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-7 du Code de commerce; que la SAS ITM Entreprises ne peut utilement prétendre à l'irrecevabilité de cette exception de procédure au motif que l'appelante aurait méconnu le principe de concentration des moyens en ne l'invoquant pas dans le cadre de l'instance en référé ayant donné lieu au prononcé de l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Paris du 8 juillet 2014 dès lors que le litige opposant alors les parties portait sur la prorogation éventuelle pendant quelques mois des conventions les liant sans être né de l'application des règles visées à l'article L. 420-7 du Code de commerce et contenues aux articles L. 420-1 à L. 420-5 du même code ainsi qu'aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté Européenne lesquelles n'ont pas davantage été invoquées dans le cadre de cette première instance en référé et que par ailleurs la SA Dorel ne pouvait être recevable à contester la compétence de la juridiction qu'elle avait elle-même saisie ;

Attendu que l'interdiction imposée pour une durée d'un an à compter de l'expiration des relations contractuelles par la SAS ITM Entreprises à la SA Dorel aux termes de l'article 16 "Non-concurrence" du contrat d'enseigne du 6 juillet 1994 d'exercer directement ou indirectement à l'adresse de son principal établissement et dans un rayon de quinze kilomètres autour de celui-ci une activité similaire et/ou concurrente de celle exercée sous l'enseigne " Intermarché " est susceptible d'entrer, en ce qu'elle est de nature à maintenir captive au profit de la SAS ITM Entreprises la clientèle attachée au fond de commerce exploité par la SA Dorel et de limiter ainsi le libre exercice de la concurrence par cette dernière, dans les prévisions de l'article L. 420-1-1° du Code de commerce ce dont il résulte que l'examen du litige expressément installé par l'intimée sur les stipulations de l'article 16 du contrat d'enseigne relève, en application de l'article L. 420-7 du Code de commerce de la compétence exclusive des juridictions spécialisées visées à ce texte ;

Attendu qu'en l'absence de règles dérogatoires propres aux instances en référé la compétence pour connaître du litige appartenait ainsi en première instance au Président du Tribunal de commerce de Lille statuant en référé par application des dispositions de l'article R. 420-3 (annexe 4-2) du Code de commerce et la cour infirmant l'ordonnance entreprise du chef de la compétence renverra l'affaire devant la Cour d'appel de Paris en application des articles 79 alinéa 2 du Code de procédure civile et R. 420-5 du Code de commerce ;

Attendu que la SAS ITM Entreprises, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SA Dorel la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, et dans les limites de l'appel, Reçoit l'appel en la forme, Déclare recevable l'exception d'incompétence soulevée par la SA Dorel, Infirme l'ordonnance, Dit que le Président du Tribunal de commerce de Lille statuant en référé était seul compétent pour connaître de l'affaire en première instance, Renvoie l'affaire devant la Cour d'appel de Paris, Condamne la SAS ITM Entreprises à payer à la SA Dorel la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS ITM Entreprises aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP " Millon-Plateau ", Avocat.