CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 février 2015, n° 12-22955
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Provence Europagro (SAS)
Défendeur :
Compo France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Le Penven, Carratero, Olivier, Bernard
La société par actions simplifiée Provence Europagro (PEA) créée en 1966 a une activité de grossiste et commercialise des produits pour le jardin dans le secteur Sud-Est de la France, notamment les produits de la marque " Algoflash ".
La société " Laboratoires Algachimie " créée dans les années 1970 diffuse les produits " Algoflash ". Elle a été rachetée en 2000 par la société par actions simplifiée Compo Horticulture et Jardin (société Compo) qui a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits d'horticulture et de jardin et qui a depuis changé d'appellation pour devenir la société Compo France, puis Division Compo Grand Public, filiale de la société par actions simplifiée K+S France.
Les parties ont entretenu des relations commerciales régulières et établies depuis plusieurs années dont celles comprises entre 2002 et 2011 concrétisées par trois contrats, chacun à durée déterminée, en 2002 pour une durée d'un an, en 2003 pour une durée d'un an et en 2008 pour une durée de trois ans.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 décembre 2010, la société Division Compo Grand Public a prévenu la société Provence Europagro de son désir de mettre un terme à leur contrat de distribution à échéance au 30 septembre 2011.
Le 21 février 2011, la société Division Compo Grand Public a informé la société Provence Europagro qu'elle la déliait partiellement de ses obligations contractuelles précisées dans les articles 10 premier alinéa, ainsi que 11.2.1, 11.2.2 et 11.4 du contrat de distribution relatifs à l'obligation de constituer des stocks.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 mai 2011, la société Provence Europagro a demandé à la société Division Compo Grand Public de revenir sur sa décision, dénonçant son caractère brutal et rapide, ou d'accepter de maintenir durant deux ans le contrat, afin de lui permettre de se réorganiser, faute de quoi elle serait dans l'obligation de demander réparation.
Le 23 mai 2011, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Provence Europagro, la société K+S France a contesté le caractère brutal et rapide de la rupture de leur relation commerciale et maintenu sa décision.
Par jugement du 22 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Marseille a ordonné la réouverture des débats à l'égard de la société Compo France afin que les parties s'expliquent sur le litige qui les oppose.
Par jugement du 12 septembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Marseille :
- s'est déclaré territorialement compétent en la matière ;
- a qualifié de brutale la rupture de la relation commerciale ;
- a condamné la société Compo France SAS à payer à la société Provence Europagro SAS la somme de 60 596 euro au titre de la perte de gain, relative à un préavis insuffisant pour rupture brutale des relations commerciales, celle de 20 000 euro au titre du préjudice causé par sa perte d'image auprès de sa clientèle et celle de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- a rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
Le 18 décembre 2012, la société Provence Europagro a interjeté appel contre cette décision.
Par conclusions du 18 décembre 2014, la société Provence Europagro demande à la cour de :
- juger que la société Provence Europagro et la société Compo France entretenaient des relations commerciales régulières, stables et habituelles depuis 24 ans,
- juger que c'est grâce à son partenariat avec la société Provence Europagro que la société Compo France, avec la marque Algoflash, s'est implantée dans le secteur Sud-Est,
- juger que la société Provence Europagro avait mis en place des moyens spécifiques et procédé à des investissements de matériel et personnel aux fins de répondre aux demandes de Compo France,
- juger que ces relations commerciales doivent être considérées comme des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 1 5° du Code de commerce,
- juger que la société Compo France a mis définitivement fin aux relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Provence Europagro par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 décembre 2010, avec un préavis fixé au 30 septembre 2011,
- juger que cette rupture est brutale et abusive au sens de l'article L. 442-6 I 5 ° du Code de commerce,
Par conséquent,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la rupture des relations commerciales est brutale,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la société Provence Europagro avait subi un préjudice de perte d'image ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que seules 18 années de relations commerciales devaient être retenues,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que, en l'état de 18 années de relations commerciales, un préavis suffisant pouvait être fixé à 12 mois, soit 2 mois supplémentaires,
Statuant de nouveau,
- juger que la durée des relations commerciales doit être fixée à 24 années,
- juger que la durée du préavis aurait dû être fixée à 36 mois pour être suffisant en l'état des relations commerciales établies entre les parties,
- condamner la société Compo France à payer à la société Provence Europagro les sommes de :
787 748 euro à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué du fait de la rupture abusive des relations commerciales,
400 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la perte subie du fait de la rupture abusive des relations commerciales,
- condamner la société Compo France à payer à la société Provence Europagro la somme de 10 000 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société Compo France à payer à la société Provence Europagro la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Provence Europagro explique que la relation commerciale entre les parties a débuté " a minima " en 1987 et intègre dans le calcul de la durée de vingt-quatre années, les relations qu'elle a entretenues avec toutes les sociétés qui ont successivement détenu la marque Algoflash jusqu'à l'absorption de la société " Laboratoires Algochimie " par la société Compo et qui ont constitué son unique "partenaire économique". Elle précise qu'elles ont perduré, d'année en année, avec les propriétaires successifs de la marque Algoflash, sur la base des conditions tarifaires communiquées par ces derniers.
Elle estime que la rupture a été brutale. Elle expose que tout laissait croire que la relation contractuelle allait perdurer, et ce, peu important la baisse de son chiffre d'affaires directement liée à celle du chiffre d'affaires de la société Compo. Elle fait valoir que l'accord du 15 janvier 2002 conclu entre les industriels et magasins du bricolage et du jardinage ne lui est pas opposable, qu'elle devait bénéficier d'un préavis qui ne pouvait être inférieur à trente-six mois compte tenu de l'ancienneté de leurs relations, que la société Compo France n'a pas respecté l'usage en matière de préavis, par deux fois : le courrier du 2 décembre 2010 qui ne constituait pas un appel d'offres tout en entretenant un espoir de renouvellement des relations, a pourtant mis un terme aux relations commerciales, fixé un préavis de 10 mois, soit une date de fin des relations contractuelles prévue le 30 septembre 2011 ; puis, le courrier du 21 février 2011 a mis fin à une partie des obligations contractuelles, sans aucun préavis sans pouvoir être analysé comme une " opération visant à faciliter la fin des relations contractuelles ".
Elle soutient que cette rupture est également abusive.
Elle estime que la brutalité de la rupture de leurs relations commerciales lui a causé un gain manqué d'un montant de 787 748 euro et une perte subie d'un montant de 400 000 euro.
Par conclusions du 12 décembre 2014, la société Compo France demande à la cour de :
- constater, dire et juger que le préavis de dix mois (qui a été dans les faits un préavis de treize-quatorze mois) notifié par la société Compo France à la société Provence Europagro le 2 décembre 2010 est un préavis suffisant pour mettre un terme aux relations commerciales qu'elle a entretenues pendant dix ans avec son partenaire,
- juger que la société Compo France s'est conformée aux dispositions du contrat de distribution conclu le 3 avril 2008 et aux dispositions de l'art L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
- juger que la société Provence Europagro n'a pas subi de perte de marge du fait de la cessation de ses relations avec Compo France, notamment au vu des chiffres d'affaires communiqués par Provence Europagro sur les exercices 2011-2012 et 2012-2013, et qu'en tout état de cause, elle a été amplement indemnisée par Bayer du fait de la cessation de ses relations avec trois fournisseurs de manière simultanée,
- juger que le Tribunal de commerce de Marseille n'a pas justifié l'indemnisation d'un préjudice de perte d'image et que la société Provence Europagro n'a pas subi de préjudice de perte d'image,
en conséquence,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du du 12 septembre 2012 dans toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- débouter la société Provence Europagro de toutes ses demandes,
- condamner la société Provence Europagro à la somme de 30 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Compo France rappelle les préconisations de l'accord du 15 janvier 2002 applicable aux relations des parties qu'elle a parfaitement respectées, estime que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce lui imposaient le respect d'un préavis écrit de dix mois compte tenu de la durée de la relation commerciale de 10 années entretenue par les parties ; elle fait valoir que l'appelante ne justifie pas que des relations commerciales ont eu une durée plus importante, notamment de vingt-quatre années et soutient que nonobstant la transmission universelle de patrimoine, l'indemnisation de la rupture "brutale" suppose à la fois une continuité et une intensité des relations commerciales qui font défaut avant le rachat en 2001 de la société " Laboratoires Algochimie " mais également la volonté du successeur de poursuivre la relation existante qui fait elle aussi défaut ; elle indique que le préavis effectif a été de treize/quatorze mois.
Elle indique que la société Provence Europagro n'a pas un droit perpétuel à distribuer les produits de son fournisseur et pourtant elle lui reproche en réalité la rupture : or, les parties pouvaient s'attendre à ce que le contrat ne soit pas reconduit, elle avait informé oralement à plusieurs reprises la société Provence Europagro que le contrat ne serait pas renouvelé à l'expiration et elle a exécuté loyalement le contrat, n'entretenant aucun espoir de pérennité ou de continuité des relations avec la société Provence Europagro qui ne pouvait s'attendre à la stabilité de leur relation. Elle a ainsi fait connaître sans équivoque sa volonté de mettre fin aux relations des parties, tout en informant l'appelante qu'un renouvellement n'était pas exclu sur d'autres bases, puis facilité au cours du préavis la reconversion de l'appelante en l'exonérant de certaines de ses obligations, ce qui traduit sa bonne foi.
Elle conteste l'existence d'une situation de dépendance économique de la société Provence Europagro qui a renoncé à s'en prévaloir. Elle précise, ainsi, que le chiffre d'affaires réalisé par la société Provence Europagro sur la vente de produits Algoflash n'a pas progressé dans les années précédant la rupture, qu'au cours de l'exercice 2009-2010, il a même diminué de 32 % alors même que son chiffre d'affaires global sur l'exercice 2009-2010 a progressé de 1 % par rapport à l'exercice antérieur 2008-2009 et qu'ultérieurement, alors qu'elle perdait la même année trois fournisseurs, son chiffre d'affaires a augmenté.
Elle conteste l'évaluation du " gain manqué ", l'indemnisation de la "perte subie", elle indique que la société Provence Europagro n' a pas réalisé des investissements spécifiques (formation du personnel, installations informatiques) et n'en rapporte pas la preuve, qu'elle n'a pas perdu de chance de distribuer les produits de la société Scott, qu'elle ne souffre pas d'une perte d'image, ne supporte pas de coût de restructuration et la désorganisation de son activité en raison de la brutalité de la rupture, qu'elle expose que la société Provence Europagro n'a pas demandé la reprise de ses stocks et a pu écouler ses produits Algoflash après l'expiration du délai de préavis.
Sur ce,
Considérant que par un courrier recommandé du 2 décembre 2010, la société Compo exposait à la société PEA : " Nous faisons suite aux différents échanges que nous avons eus ces derniers jours. Pour des raisons indiquées verbalement, nous vous confirmons par la présente qu'il nous a été demandé de dénoncer tous nos contrats de distribution existants. En raison du non-renouvellement du contrat en date du 3 avril 2008 liant nos deux entreprises, son terme expirera donc le 30 septembre 2011. Nous reviendrons vers vous dans les prochains mois afin d'examiner si et sous quelles conditions un renouvellement de notre relation contractuelle pourrait être envisagé. Dans l'attente, afin de vous permettre d'anticiper les conséquences éventuelles sur votre propre activité de la fin de notre contrat de distribution, nous avons tenu à vous notifier dès aujourd'hui notre décision de non-renouvellement ",
Considérant que les termes de ce courrier ne permettent pas de douter de la volonté de la société Compo de mettre fin aux relations commerciales entre les parties à compter du 30 septembre 2011, qu'il était émis tout au plus, l'éventualité de trouver un nouvel accord ;
Considérant que selon les pièces versées aux débats et légalement admissibles dans les litiges opposant les commerçants, il apparaît que les relations des parties sont établies depuis dix-neuf années ; qu'avant 1993, la société PEA a distribué des produits Algoflash mais rien ne permet de connaître l'intensité et la continuité de la relation des parties, les pièces versées aux débats ne donnant aucune précision sur ce point ; qu'à partir de 1993, la société PEA a distribué de façon régulière et continue, ainsi qu'en attestent les livres commerciaux de cette société, des produits de la marque Algoflash qu'elle acquérait auprès de la société Algochimie ; qu'à compter de l'absorption en 2000 de cette dernière société par la société Compo, la société PEA a distribué dans le cadre de trois contrats de distribution signés le premier mars 2002, le premier mars 2003 et le 3 avril 2008 et sans cadre contractuel entre le premier mars 2004 et le 30 septembre 2008 les produits concernés ; que la relation d'affaires existant depuis 1991 avec la société absorbée se trouvait maintenue par la société absorbante sur des bases juridiques nouvelles comme le précisent les termes du préambule du contrat signé en 2001 : " Les parties abandonnent et mettent fin à l'éventuelle relation existante entre elles et s'engagent sur la base de ce nouveau contrat." ;
Considérant que rien dans les pièces versées aux débats ne permet de dire que de telles relations auraient eu un caractère précaire : qu'il n'est fait état de la moindre difficulté dans la relation d'affaires, qu'il peut être même constaté que les contrats d'une durée d'une année avaient été signés en 2002 et 2003, que le contrat signé en 2008 prévoyait une durée plus longue de trois années et précisait également une reconduction tacite, ce qui traduisait la " confiance placée par la société Compo France dans les relations commerciales avec Provence Europagro " et renforçait l'idée de " confiance en l'avenir " pour la société PEA ; que pour ces motifs, la rupture annoncée par courrier du 2 décembre 2010 était brutale et un délai de préavis était nécessaire,
Considérant que le délai de préavis prévu par l'accord Unibal du 15 janvier 2002 et repris dans le contrat a été augmenté de quatre mois par la société Compo ; que la cour doit vérifier si ce préavis est suffisant au regard de la durée et des circonstances dans lesquelles a été entretenue la relation des parties,
Considérant que le chiffre d'affaires réalisé avec ces produits par PEA par rapport à son chiffre d'affaires global de 21,32 % en 2008-2009, de 14,30 % en 2009-2010 et de 13,73 % en 2010-2011 a accusé une baisse expliquée par la forte progression des marques distributeurs ; que toutefois, les relations des parties sont anciennes et que la société PEA vendait un produit de forte notoriété ; qu'au regard de ces différents éléments, le préavis que la société Compo a étendu à dix mois était insuffisant pour permettre à la société PEA de se réorienter, remplaçant ou non la gamme des produits de Compo ; que le premier juge l'a justement porté à douze mois ; que vainement, la société Compo tente de soutenir que la société PEA aurait en fait bénéficié d'un préavis de 13 à 14 mois, en continuant à vendre les produits Algoflash pendant trois ou quatre mois après le 30 septembre 2011, aux motifs non justifiés par des pièces existantes, que la société De Sangosse, nouveau partenaire de la société Compo, aurait commencé la distribution des produits en janvier 2012 auprès des clients majeurs et que la société PEA aurait eu un stock important en septembre 2011,
Considérant que les parties doivent toutes deux respecter leurs obligations pendant la durée du préavis ; que contrairement à ce qui est soutenu, la société Compo n'a pas mis fin, dans le courrier adressé à PEA le 21 février 2011, à une partie des obligations contractuelles la liant à la société PEA sans aucun préavis mais déchargé la société PEA de certaines de ses obligations à son égard, que ce soit la disposition en continu d'un stock minimum de produits de chaque famille de produits, que ce soit la négociation au mieux de ses intérêts et de ceux de Compo avec les centrales d'achat pour les prix et conditions de vente des produits dont Compo France lui donnait mandat ou encore que ce soit le suivi commercial des clients et l'optimisation des relations avec ceux-ci ; que la teneur de ce courrier exclut toute mauvaise foi de la part de la société Compo et d'ailleurs, la société PEA ne se plaint pas de s'être heurtée au cours du préavis à une quelconque violation de la société Compo de ses propres obligations à son égard, cette société la fournissant en produits sur sa demande à la fin du mois de septembre 2011,
Considérant enfin que si la rupture peut être considérée comme brutale, rien ne permet de soutenir qu'elle est également abusive ; qu'en effet, sauf à interdire à la société Compo de mettre fin aux relations commerciales, la société PEA ne justifie pas que la rupture a été faite dans le dessein de lui porter préjudice, qu'elle ne saurait discuter les raisons pour lesquelles la société Compo a décidé d'interrompre leurs relations et ne saurait critiquer davantage sa stratégie commerciale,
Considérant que le préjudice réparable est celui qui est causé par la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même ;
Considérant que le préjudice subi est selon la société PEA tout d'abord constitué par le "gain manqué" ; qu'il y a lieu en effet de réparer ce préjudice en tenant compte du chiffre d'affaires moyen sur les deux dernières années qui lui aurait permis d'avoir une marge brute commerciale de 60 596 euro pour deux mois supplémentaires de préavis,
Considérant en outre, que la société PEA invoque la "perte subie", constituée de divers éléments, dont elle demande réparation par l'allocation d'une somme de 400 000 euro,
Considérant que les investissements en personnel invoqués par PEA ne sont toutefois pas spécifiques à la relation entretenue avec la société Compo alors que la vente de produits phytosanitaires d'autres fabricants l'obligeait à avoir des vendeurs possédant des certificats DAPA (application et distribution des produits antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés), qu'il en va de même des investissements informatiques nécessaires aux échanges avec la société Compo mais également avec d' " autres clients ",
Considérant que la perte de chance de faire un chiffre d'affaires avec la société Scott ne peut être invoquée, qu'il n'existe aucun lien entre ce préjudice et la rupture des relations commerciales, que le fait que la société PEA ait distribué et continué de distribuer des produits Algoflash et qu'elle ait renoncé à distribuer les produits Scott résulte de son choix, de la politique commerciale qu'elle entendait mener dont elle ne peut imputer la responsabilité à la société Compo,
Considérant encore qu'une perte d'image serait la conséquence de la décision de rompre prise par la société Compo qui aurait généré également deux autres ruptures commerciales et serait également la conséquence des "termes particulièrement désagréables" utilisés dans la communication autour de la décision de la société Compo de changer de distributeur qui, selon elle, mettent en doute ses compétences et son sérieux ; que toutefois ici encore, la société PEA critique les restructurations et alliances qui ont pu avoir lieu entre les grands fabricants de ces produits et ne rapporte aucunement la preuve d'un quelconque acte de la part de Compo susceptible d'avoir affecté son image par les termes du communiqué de presse du 18 avril 2011 qui ne cite aucun des anciens distributeurs et ne contient aucun terme dénigrant,
Considérant enfin que le coût de la restructuration ne peut non plus être pris en compte, sauf à estimer que la société Compo ne pouvait mettre fin aux relations commerciales existant entre les parties ; qu'en effet, le préjudice indemnisé est celui qui résulte de la brutalité de la rupture et non de la restructuration de l'entreprise à la suite de la rupture, étant au surplus observé que la société Provence Europagro a subi au cours de la même année la rupture de ses relations avec deux autres gros fournisseurs,
Considérant enfin que la société PEA expose que la société Compo n'a pas repris ses stocks en fin de contrat alors qu'elle refusait de renoncer à un dédommagement pour la rupture brutale et se plaint d'avoir vendu ses stocks à perte, accordant des rabais importants qu'elle explique par son déréférencement en tant que centrale d'achat, que toutefois, ainsi que le souligne la société Compo, le contrat de distribution ne prévoyait aucune disposition quant à la reprise des stocks en fin de contrat et la société PEA ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, avoir demandé la reprise par la société Compo et avoir écoulé à perte ses stocks,
Considérant en définitive, que la demande relative au gain manqué sera accueillie dans la limite des dommages-intérêts précisée et la demande relative aux pertes subies sera rejetée,
Considérant que la société PEA ne justifie pas d'une résistance de la part de la société Compo qui serait abusive, qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts sur ce point,
Par ces motifs : LA COUR, Infirmant partiellement le jugement sur la réparation allouée à la société Provence Europagro, Déboute la société Provence Europagro de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte subie, Confirme le jugement pour le surplus, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Compo France à payer à la société PEA la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Compo France aux entiers dépens.