CA Nancy, 5e ch. com., 4 février 2015, n° 14-02357
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Fedex Express (SAS)
Défendeur :
Transport Amouri Sider (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Meslin
Conseillers :
Mme Soulard, M. Bruneau
Avocats :
Mes Lepage, SCP Noirjean Girard Boudiba Gantois,
Vu le jugement rendu le 4 juillet 2014 par le Tribunal de commerce de Nancy ;
Vu le contredit de compétence enregistré au greffe du Tribunal de Nancy le 15 juillet 2014 par la SAS Fedex ;
Vu les autres pièces du dossier et notamment les observations écrites du 7 juillet 2015 transmises par la société à responsabilité limitée Transport Amouri Sider en réponse au contredit de la partie adverse :
EXPOSE DU LITIGE
La SARL Transport Amouri Sider, entreprise de messagerie routière dont le siège est situé à Messein (54850), a conclu le 2 mai 2008 avec la SAS Fedex Express un contrat de sous-traitance de livraison-collecte aux termes duquel cette société, en sa qualité de commissionnaire, lui a confié le transport de colis ainsi que la réalisation de prestations annexes.
Par lettre recommandée du 21 janvier 2013, la SAS Fedex Express a informé la SARL Transport Amouri Sider de ce qu'elle mettait fin à ce contrat avec un préavis de 12 mois, délai dont elle a, par lettre du 13 août 2013, fixé l'échéance au 28 septembre suivant au motif de graves manquements contractuels de la SARL Transport Amouri Sider.
Par acte d'huissier du 23 janvier 2014, la SARL Transport Amouri Sider a fait citer la SAS Fedex Express exerçant sous l'enseigne "Tat Express", sur le fondement des dispositions des articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce afin de voir constater que la SAS Fedex avait commis à son encontre un abus de position dominante et qu'elle lui avait imposé une rupture brutale des relations commerciales.
La SAS Fedex Express a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Nancy au bénéfice du Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce.
Par jugement du 4 juillet 2014, le Tribunal de commerce de Nancy a rejeté l'exception de compétence soulevée, s'est dit compétent au motif que l'action étant de nature délictuelle, la compétence s'appréciait au regard des dispositions de l'article 46 alinéa 3 du CPC ; que le contrat ayant été signé pour la SAS Fedex Express par le responsable de l'agence de cette société à Nancy, le tribunal de commerce du ressort de l'agence était compétent selon la "théorie des gares principales".
La SAS Fedex Express a formé contredit à cette décision.
Les parties ont été convoquées par les soins du greffe par lettres recommandées avec accusés de réception reçus par leur destinataire à l'audience du 29 octobre 2015 tenue en formation collégiale.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.
Aux termes de ses conclusions annexées au contredit et soutenues oralement à l'audience, la SAS Fedex Express demande de voir infirmer le jugement querellé ; elle expose que :
- le contrat contenait une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Tours, sur le ressort duquel est situé son siège ; que cette clause neutralise les règles de compétence de droit commun ; que le tribunal n'a pas examiné ce point ;
- subsidiairement, l'action de la SARL Transport Amouri Sider est fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 III du Code de commerce ; dans ce cadre, ce sont les dispositions spéciales de l'article D. 442-3 du Code de commerce qui sont applicables, et en conséquence le litige relève de la compétence du Tribunal de commerce de Paris, compétent pour connaître des litiges relevant selon le droit commun de la Cour d'appel d'Orléans.
La SA Fedex Express demande donc à la cour de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Tours et subsidiairement, devant le Tribunal de commerce de Paris.
La SARL Transports Amouri Sider conclut à la confirmation du jugement attaqué par le Tribunal de commerce de Nancy.
Elle expose en premier lieu que si le contrat passé entre les parties contenait une clause de compétence territoriale désignant le Tribunal de commerce de Tours, cette clause prévoyait pour valider cette compétence des conditions qui ne sont pas remplies en l'espèce.
En deuxième lieu, la SARL Transports Amouri Sider fait valoir qu'en application de la théorie des gares principales, il convient de constater que l'agence de Nancy de la SAS Fedex Express est autonome et peut contracter de façon indépendante ; qu'en conséquence, le Tribunal de commerce de Nancy est compétent pour connaître du litige opposant les parties.
Enfin, la SARL Transports Amouri Sider soutient que le litige intervient en matière de responsabilité délictuelle et que dans ce cas, le demandeur peut saisir soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur, soit celle du lieu où le dommage a été subi ; que ce dommage est intervenu à Nancy et qu'en conséquence la compétence du Tribunal de commerce de Nancy peut être retenue.
La SARL Transports Amouri Sider demande de voir condamner la SAS Fedex Express à lui payer la somme de 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION.
Attendu qu'il ressort de l'article 19 du contrat passé entre les parties le 2 mai 2008 que "le présent contrat et toutes ses dispositions sont soumis, en cas de contestation n'ayant pas préalablement abouti à un accord amiable entre les parties, à l'appréciation du Tribunal de commerce de Tours" ;
Attendu qu'il ressort de la lecture de cette stipulation que les parties ont entendu désigner la juridiction dont relève territorialement la siège social de la SAS Tat Express en cas de conflit, soit le Tribunal de commerce de Tours ; que la phrase "en cas de contestation n'ayant pas préalablement abouti à un accord amiable entre les parties" ne peut avoir pour effet d'anéantir cette clause, mais d'inviter les parties à faire prévaloir en cas de difficulté d'exécution la recherche d'une solution amiable par préférence à celle du contentieux ;
Attendu par ailleurs que le 5° alinéa du III de l'article L. 442-6 du Code de commerce dispose que "les litiges relatifs à l'application de présent article sont attribuées aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixées par décret" ;
Que les dispositions de l'article D. 442-3 du même Code fixent le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes pour connaître de ces litiges ; qu'en l'espèce, la juridiction compétente au regard du siège social de la SAS Tat Express, situé à Tours soit sur le ressort de la Cour d'appel d'Orléans, est le Tribunal de commerce de Paris ;
Qu'aux termes des articles L. 420-7 et R. 420-3 du Code de commerce, ces règles de compétence sont strictement identiques pour les litiges nés de l'application des dispositions de l'article L. 420-2 du même Code ;
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 442-6 et L. 420-7 dudit Code que le législateur a entendu réserver à certaines juridictions la connaissance exclusive des litiges nés de leur application ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la juridiction compétente pour connaître du litige opposant la SARL Amouri Sider et la SAS Tat Express qui concerne l'indemnisation consécutive à une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies ou à un prétendu abus de position dominante est le Tribunal de commerce de Paris ;
Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de renvoyer l'affaire à la juridiction ci-avant désignée ;
Attendu que la société Fedex qui succombe en son exception d'incompétence sera condamnée aux entiers dépens de première instance et de contredit ;
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu le 4 juillet 2014 par le Tribunal de grande instance de Nancy en ce qu'il a dit cette juridiction compétente pour connaître du litige entre la SARL Amouri Sider et la SAS Tat Express, Statuant à nouveau, Dit le Tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître du litige, Dit que le dossier sera adressé à ladite juridiction par les soins du greffe de la cour d'appel conformément à l'article 97 du Code de procédure civile, Condamne la société par actions simplifiée Fedex aux entiers dépens de première instance et de contredit, Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.