CA Nîmes, premier président, 10 février 2015, n° 13-05645
NÎMES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Cegelec réseaux Auvergne Drôme Ardèche (SASU), Eiffage énergie Rhône Alpes (SAS), Lapize de Sallée ses enfants successeurs (SAS), Rampa énergies et communication (Sté), Spie Sud Est (SAS)
Défendeur :
Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence de la Consommation du Travail, Ministère public
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Premier président :
M. Filhouse
Avocats :
Mes Saint-Esteben, Sélinsky
EXPOSÉ
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Privas (07), en date du 22 novembre 2013, autorisant le directeur régional adjoint de la " Direction Interrégionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi " (" Direccte ") de Rhône-Alpes, chef de la " Brigade Interrégionale d'Enquêtes de Concurrence " (" BIEC ") de Rhône-Alpes, Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté, à procéder ou faire procéder, dans les locaux des entreprises suivantes, aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce relevés dans le secteur de la commercialisation de l'éclairage public, ainsi que toute manifestation de ces comportements prohibés :
Groupe BAA et les sociétés du groupe dont Etablissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs - [adresse]
J. G. - [adresse]
Groupe Rampa et les sociétés du groupe, dont Rampa Énergie et Communication " REC ", sises à la même adresse - [adresse]
Société Bressane de Travaux Publics " SBTP " - [adresse]
Ardéchoise Électrique Industrielle " AEI " - [adresse]
Eiffage Énergie Rhône Alpes (enseigne Forclum Drôme-Ardèche) - [adresse]
Spie Sud-Est - [adresse]
Sobeca - [adresse]
Groupe Cofely Ineo et les sociétés du groupe, dont Ineo Réseaux Sud-Est sises à la même adresse - [adresse]
Bouygues Énergies & Services - [adresse]
Groupe Cegelec et les sociétés du groupe, dont Cegelec Réseaux Centre-est sises à la même adresse - [adresse]
Vu les appels interjetés à l'encontre de cette ordonnance :
le 13 décembre 2013 par la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " (appel enrôlé sous le n° RG 13-05645),
le 13 décembre 2013 par la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " (appel rectificatif enrôlé sous le n° RG 13-00092),
le 13 décembre 2013 par la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne - Drôme - Ardèche " (appel enrôlé sous le n° RG 13-05647),
le 16 décembre 2013 par la SAS " Rampa Énergies et Communications " (appel enrôlé sous le n° RG 14-00241),
le 16 décembre 2013 par la SAS " Spie Sud-Est " (appel enrôlé sous le n° RG 14-00242),
le 16 décembre 2013 par la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses Enfants Successeurs " (appel enrôlé sous le n° RG 14-00243),
Vu les actes de citation adressés aux appelantes et à la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi de Rhône-Alpes (ci-après désignée par son acronyme " Direccte "), représentant du ministre de l'Economie, du Redressement Productif et du Numérique, pour notre audience du 27 mai 2014, date à laquelle l'affaire a été contradictoirement renvoyée à notre audience du 9 décembre 2014, le Ministère Public, qui a reçu communication des pièces de la procédure, ayant fait connaître qu'il n'interviendrait pas à l'instance.
Vu les conclusions développées oralement à l'audience, les représentants des sociétés appelantes ayant eu la parole en dernier, ainsi que les bordereaux de communication et pièces, qui y sont annexés, avec dépôt au greffe le jour de l'audience ainsi qu'aux dates suivantes :
les 16 mai et 2 octobre 2014 par la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " et les 29 juillet et 13 novembre 2014 par la " Direccte " de Rhône-Alpes (instance n° 14-00243) ;
les 17 mai et 3 octobre 2014 par la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " et les 29 juillet et 13 novembre 2014 par la " Direccte " de Rhône-Alpes (instances n° 13-05645 et n° 14-00092) ;
les 16 mai, et 30 septembre 2014 par la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne - Drôme - Ardèche ", et les 29 juillet et 13 novembre 2014 par la " Direccte " de Rhône-Alpes (instance n° 13-05647) ;
les 20 mai et 30 septembre 2014 par la SAS " Rampa Énergies et Communications " et les 29 juillet et 13 novembre 2014 par la " Direccte " de Rhône-Alpes (instance n° 14-00241) ;
les 4 et 5 décembre 2014 par la SAS " Spie Sud-Est " et les 29 juillet et 13 novembre 2014 par la " Direccte " de Rhône-Alpes (instance n° 14-00242) ;
Suivant note du 4 novembre 2013 le ministre de l'Économie et des Finances a demandé la réalisation d'une enquête aux fins de vérification de l'existence de pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce dans le secteur de l'éclairage public, et en a confié la charge à la " Direccte " de Rhône-Alpes, avec le concours des chefs de " BIEC " (Brigade Interrégionale d'Enquête et de Concurrence) des autres " Direccte " territorialement concernées (Auvergne, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France, Pays-de-la-Loire, Lorraine et Aquitaine), le fonctionnaire ainsi habilité ayant obtenu du juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Privas, en suite de sa requête en date du 18 novembre 2013, une ordonnance du 22 novembre 2013 l'autorisant à procéder ou faire procéder aux visites et saisies prévues par l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans les locaux de diverses entreprises expressément désignées, parmi lesquels ceux de la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " à Lamastre (07), de la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne " Drôme " Ardèche " à Brives-Charensac (43), de la SAS " Rampa Énergies et Communications " à Le Pouzin (07), de la SAS " Spie Sud-Est " à Montélimar (26) et de la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " à Annonay (07) " afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ de pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce relevés dans le secteur de l'éclairage public, ainsi que toutes manifestation de ces comportements prohibés ".
Cette ordonnance constatait par ailleurs le concours à apporter par les chefs de " BIEC " territorialement compétents concernés par les opérations, désignait les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations devant se dérouler dans les locaux implantés dans son ressort, donnait commission rogatoire à cette même fin aux juges des libertés et de la détention des ressorts extérieurs à sa juridiction, où sont implantés les autres locaux concernés par ces opérations, et rappelait aux entreprises concernées leurs droits de consultation et les recours qui leur sont ouverts par la loi.
Les juges des libertés et de la détention de Valence (26) et du Puy-en-Velay (43), ayant reçu commission rogatoire à cette fin, ont procédé à la désignation des officiers de police judiciaire territorialement compétents pour assister aux opérations devant se dérouler dans les locaux situés dans leurs ressorts.
Il était procédé de manière concomitante aux notifications des ordonnances et aux visites et saisies par procès-verbaux du 5 décembre 2013 dans les locaux d'une partie des sociétés concernées ;
Appel était interjeté le 13 décembre 2013 (instance n° 13-05645), rectifié par déclaration du même jour (instance n° 13-00092), par la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " pour voir, au visa des articles 6 §1, 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, L. 450-4, L. 450-5, R. 450-2, D. 450-3 du Code de commerce :
Annuler l'ordonnance du 22 novembre 2013, ainsi que les actes prenant appui sur cette ordonnance ;
Ordonner la restitution de toutes pièces irrégulièrement saisies lors des opérations de visites et de saisies réalisées dans les entreprises où elles ont eu lieu en vertu de cette ordonnance ;
Interdire à toute personne, ou autorité d'en faire usage, ainsi que l'utilisation de double ou copie par une personne autre que son propriétaire ;
En tout état de cause, interdire toute divulgation à des tiers des documents couverts par le secret professionnel ou par le secret des affaires ;
Condamner le ministre de l'Economie aux entiers dépens.
La SAS " Cegelec Réseaux Auvergne - Drôme - Ardèche " a également relevé appel de cette ordonnance le même jour (instance n° 13-05647) pour voir, au visa des articles 6 §1, 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, L. 450-4 du Code de commerce :
Juger que l'ordonnance a élargi de manière injustifiée l'objet de l'enquête, aux constats :
Que la requête de la " Direccte " de Rhône-Alpes et les pièces annexées à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ne font état de présomptions de pratiques anticoncurrentielles, que sur quatre marchés bien identifiés et non " dans le secteur de l'éclairage public " ;
Que le juge des libertés et de la détention de Privas n'a pas démontré l'existence de pratiques anticoncurrentielles susceptibles de présumer une entente dans le secteur large de l'éclairage public ;
Déclarer nuls l'ordonnance déférée et tous les actes subséquents, notamment les visites et saisies qui ont eu lieu le 5 décembre 2013 dans les locaux des sociétés visées dans ladite ordonnance, pour les raisons évoquées ci-dessus et aux constats supplémentaires :
Que l'ordonnance n'a pas procédé à un examen du bien-fondé des arguments mis en avant dans la requête et/ou dans les documents annexés à cette dernière en ce qui concerne les pratiques anticoncurrentielles prétendument caractérisées dans le cadre des quatre marchés limitativement énumérés ;
Que le juge des libertés et de la détention de Privas n'a pas rapporté l'existence de présomptions précises, graves et concordantes de l'existence de telles pratiques anticoncurrentielles sur ces quatre marchés ;
Condamner la " Direccte " de Rhône-Alpes aux dépens.
La SAS " Rampa Énergies et Communications " a interjeté appel de cette ordonnance le 16 décembre 2013 (instance n° 14-00241) pour voir, au visa des articles L. 450-1 et suivants, R. 450-2, D. 450-3 du Code de commerce, 56 du Code de procédure pénale :
Prononcer l'annulation de l'ordonnance du 22 novembre 2013 et en conséquence celle des opérations de visites et saisies du 5 décembre 2013 effectuées dans ses locaux,
Condamner la " Direccte " de Rhône-Alpes aux dépens.
La SAS " Spie Sud-Est " a relevé appel de cette ordonnance le même jour (instance n° 14-00242), pour voir dire qu'elle a été rendue en violation des articles 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, L. 450-4 du Code de commerce, et en conséquence :
L'annuler dans toutes ses dispositions et rejeter la requête de la " Direccte " en date du 18 novembre 2013 ;
Dire que cette annulation emporte celle de l'ordonnance rendue sur commission rogatoire le 28 novembre 2013 par le juge des libertés et de la détention au Tribunal de grande instance de Valence (26) ;
Constater la nullité de l'ensemble des opérations de visite et saisie réalisées dans ses locaux sur la base de cette ordonnance ;
Ordonner la restitution de l'ensemble des pièces saisies dans ses locaux ;
Condamner le Trésor Public aux entiers dépens.
La SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " ont également formé appel de cette ordonnance (instance n° 14-00243) pour voir, au visa des articles L. 450-1 et suivants, R. 450-2, D. 450-3 du Code de commerce, 56 du Code de procédure pénale :
Prononcer l'annulation de l'ordonnance du 22 novembre 2013 et en conséquence celle des opérations de visites et saisies du 5 décembre 2013 effectuées dans ses locaux,
Condamner la " Direccte " de Rhône-Alpes aux dépens.
La " Direccte " demande de juger les différents appels mal fondés et de déclarer régulière l'ordonnance du 22 novembre 2013, qui autorise les visites et saisies, notamment dans les locaux des sociétés appelantes.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Attendu que la totalité des recours exercés par les différentes sociétés appelantes défèrent à la cour la même ordonnance, dont il est demandé l'annulation, certains des moyens d'appel étant au surplus communs à plusieurs parties ;
Attendu qu'il convient en conséquence, dans un souci de bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de ces procédures ;
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité des appels que la cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
Attendu que la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " souligne, semble-t-il sans en tirer de conséquence spécifique, que l'ordonnance vise la société " BAA ", qui n'aurait rien à voir avec la procédure, en ce qu'elle serait seulement sa représentante légale ;
Mais attendu qu'indépendamment de ses attributions de dirigeante de la société appelante, l'ordonnance relève qu'elle est sa holding, occupe le même site et serait susceptible de partager des services avec sa filiale ;
Attendu qu'il s'ensuit que, même si elle n'est pas prestataire, il n'y avait pas lieu de l'exclure du champ des visites et saisies autorisées ;
Sur l'information de l'Autorité de la concurrence
Attendu que la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " et la SAS " Rampa Énergies et Communications " soutiennent, que l'ordonnance déférée serait nulle dès lors qu'il ne ressort pas de ses énonciations que le juge a vérifié que l'Autorité de la concurrence a bien été informée des investigations par les services du ministre, comme le prescrivent les articles L. 450-5 et D. 450-3 du Code de commerce ;
La SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " prétend également que l'ordonnance déférée ne répondrait pas aux exigences de ces textes ;
Mais attendu que le juge des libertés et de la détention, saisi par le ministre de l'Économie n'est pas tenu d'effectuer cette vérification ;
Attendu qu'en effet dès lors qu'il résulte des termes de l'ordonnance que l'agent habilité par le ministre de l'Économie est en possession de la demande de ce dernier d'effectuer une enquête destinée à vérifier l'existence de pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce, il s'en déduit que l'Autorité de la concurrence a choisi de ne pas prendre la direction de l'enquête, les correspondances entre le ministre et l'Autorité de la concurrence étant au nombre des documents non communicables au sens de l'article 6 de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Sur le contrôle du juge et l'accès à un tribunal
Attendu que la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " soutient ensuite, qu'il résulte de l'arrêt n° 18497-03 rendu le 21 février 2008 par la Cour européenne des Droits de l'Homme, dans l'affaire " Ravon et autres contre France ", que l'article L. 450-4 du Code de commerce ne peut être mis en œuvre en conformité avec l'article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qu'à la condition que l'occupant des lieux ou son représentant soit mis en mesure, de manière concrète et efficace, de saisir le juge ayant autorisé les visites de toutes difficultés intervenant pendant le déroulement des opérations, de sorte que pour assurer l'effectivité de ce droit le juge des libertés et de la détention doit indiquer son existence dans son ordonnance, sous peine de nullité, conformément à l'article R. 450-2 du Code de commerce, quand bien même ce texte n'impose pas expressément de mentionner dans l'ordonnance le droit à l'accès au juge du contrôle pendant le déroulement des opérations, dès lors qu'il incombe au juge de faire respecter le principe de primauté de la loi internationale ;
Attendu que la SAS " Rampa Énergies et Communications " soutient également que l'ordonnance aurait dû mentionner que la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées ", ce qui implique que la personne objet de la procédure soit informée de la possibilité de le saisir ;
La SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " prétend également que l'ordonnance déférée ne répondrait pas aux exigences de ces textes ;
Mais attendu que l'ordonnance entreprise a respecté les dispositions prescrites à peine de nullité par l'article R. 450-2 du Code de commerce en indiquant les voies et délais de recours dont dispose l'occupant des lieux ou son représentant, tant à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qu'à l'encontre du déroulement des opérations effectuées en vertu de cette ordonnance ;
Et attendu que les opérations autorisées par l'ordonnance déférée sont effectuées sous le contrôle permanent du juge qui l'a rendue, ou par ceux des juges commis à cette fin pour celles qui sont exécutées hors sa juridiction, l'autorité judiciaire étant représentée par les officiers de police judiciaire qui assistent aux opérations et doivent tenir le juge informé des conditions dans lesquelles elles se déroulent, ce rôle étant porté à la connaissance de l'occupant des lieux ou de son représentant par les mentions de l'ordonnance, qui lui a été notifiée , lequel est ainsi mis en mesure de manière effective de saisir le juge de toutes difficultés ;
Attendu qu'il s'ensuit que l'ordonnance déférée a respecté les dispositions de l'article R. 450-2 du Code de commerce et ne viole pas les principes du droit à l'accès à un tribunal rappelés au visa de l'article 6 §1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales par l'arrêt n° 18497-03 précité ;
Sur le périmètre de l'autorisation de visites et saisies
Attendu que la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " conteste ensuite la validité de l'ordonnance en ce qu'elle ne précise pas son champ géographique, dès lors que l'autorisation donnée ne saurait être générale et absolue, mais seulement proportionnée aux buts recherchés, alors :
Que pour autoriser valablement une saisie de documents relatifs à d'autres marchés, le juge des libertés et de la détention doit le motiver explicitement et qu'en l'espèce il n'a pas analysé des pratiques, mais des " agissements ", dont il a estimé qu'ils peuvent " s'analyser comme un ensemble de pratiques permettant de présumer une entente ", dont il n'a pas évoqué un champ géographique plus large que l'Ardèche, sans rechercher si l'implantation et les rayons d'action des entreprises visées couvrent une zone géographique plus large que l'Ardèche, s'étendant aux régions de l'Auvergne et de Rhône-Alpes ;
Que l'implantation et la zone d'action des entreprises visées ne peuvent justifier a posteriori l'absence de délimitation géographique dans l'ordonnance ;
Que les entreprises visées ont un rayon d'action limité ;
Attendu que la SAS " Spie Sud-Est " effectue le même reproche de disproportion à l'ordonnance entreprise en faisant valoir qu'il appartient au juge des libertés et de la détention de circonscrire le champ matériel et géographique dans lequel les pratiques soupçonnées auraient été commises, sans que la liste des marchés ne soit nécessairement exhaustive, alors en l'espèce :
Que les prétendus indices ne portaient que sur des marchés de l'Ardèche relevant du secteur de l'éclairage public ;
Que le secteur de l'éclairage public aurait une dimension uniquement locale, confirmée par l'implantation des entreprises visées par l'ordonnance ;
Que le champ de l'enquête aurait donc dû être limité au département de l'Ardèche, ou tout au plus à la région Rhône-Alpes ;
Mais attendu que la demande d'enquête du ministre de l'Économie porte sur l'existence de pratiques prohibées dans le secteur de l'éclairage public susceptibles d'être organisées sur une grande partie du territoire national ;
Et attendu que si les entreprises visées par l'autorisation ont une implantation locale avec un rayon d'action portant essentiellement sur les régions d'Auvergne et de Rhône-Alpes, il n'en reste pas moins que certaines d'entre elles appartiennent à des groupes susceptibles de leur permettre de s'inscrire dans un système généralisé d'entente sur l'ensemble du territoire national pour limiter la concurrence dans les territoires de leur propre rayon d'action afférent au secteur des marchés de l'éclairage public ;
Attendu qu'il s'ensuit, que c'est sans manquer au principe de proportion qui doit commander la mesure ordonnée au regard des indices présentés par l'Administration et de l'objectif poursuivi, que l'autorisation délivrée a visé, s'agissant d'une présomption d'entente organisée à l'échelon national, ou à tout le moins inter-régional, supposant une répartition illicite des marchés publics ou des mécanismes de compensations réciproques, toutes les pratiques prohibées susceptibles d'avoir été commises dans le secteur de l'éclairage public en désignant limitativement les entreprises concernées par ces recherches dont l'implantation est précisée dans l'ordonnance critiquée ;
Attendu que la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne " Drôme " Ardèche ", la SAS " Rampa Énergies et Communications " et la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " soutiennent que ce même principe de proportionnalité aurait été enfreint, dès lors que le périmètre des visites et saisie n'a pas été limité aux quatre marchés soumis à l'examen du juge ;
Mais attendu que dans la mesure où le premier juge a relevé que les indices ressortant de l'analyse des quatre marchés soumis à son appréciation constituaient des illustrations de présomptions de pratiques prohibées d'entente dans le secteur de l'éclairage public, c'est sans porter atteinte au principe de proportionnalité qu'il n'a pas limité les recherches à ces quatre marchés, dès lors qu'il limitait les investigations au champ des seules pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce relevées dans le secteur concerné ainsi précisé ;
Sur le fond
Attendu que la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes " fait valoir que les indices retenus à son égard ne seraient pas pertinents, dès lors :
Que parmi les six indices identifiés et analysés par le premier juge, seulement trois d'entre eux sont relatifs au premier marché susceptible de la concerner (le marché à bons de commandes passé par le Syndicat Départemental d'Énergies de l'Ardèche), sans qu'un lien entre eux puisse permettre de présumer sa participation à une entente globale ;
Que la reconduction à l'identique des précédents titulaires des lots ne pourrait conduire à soupçonner une concertation, dès lors que les titulaires en place bénéficient dans ce secteur d'un avantage concurrentiel sur les autres soumissionnaires ;
Que les rabais qu'elle a proposés ne sauraient être qualifiés de modiques par comparaison aux offres des entreprises Béranger et Citelum pour les lots 7 à 10, dès lors que les contraintes différaient selon les lots et alors que le juge a considéré que les prix du bordereau du Syndicat était une référence pertinente, et qu'aucun soupçon n'a été porté sur ses offres ;
Que le nombre limité de soumissionnaires ne serait pas révélateur d'une volonté des membres d'une prétendue entente destinée à ne pas se concurrencer, pas plus que la comparaison de leur nombre entre lots, eu égard à la disparité topographique, qui existe entre le nord et le sud du département ;
Que le caractère non fondé de l'ordonnance à son égard est confirmé par la renonciation de procéder dans ses locaux à la visite autorisée ;
Attendu que la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne " Drôme " Ardèche " fait une critique identique de l'ordonnance déférée en ce qu'aucun des constats effectués ne serait suffisant pour caractériser des présomptions d'entente prohibée sur les quatre marchés visés, dès lors :
Que la seule reconduction des titulaires des précédents marchés ne saurait constituer un indice de l'existence d'une entente ;
Que le faible nombre de soumissionnaires sur les lots 1 à 6 ne saurait servir d'indice utile, dans la mesure où à l'exception du lot n° 6 on dénombre toujours plus d'un candidat, où leur nombre est cohérent avec celui du lot n° 7, qui n'est pas considéré comme souffrant d'un manque de concurrence, et où le nombre et l'identité des entreprises candidates est justifié par leur implantation géographique et l'accessibilité des territoires ;
Que la " Direccte " ne pouvait sérieusement prétendre justifier ses présomptions d'entente sur les lots 1 à 6 en comparant les offres avec celles déposées sur les lots 7 à 10 par des entreprises qui n'étaient pas précédemment titulaires des marchés, alors que les rabais accordés sur les lots 1 à 6 ne pourraient être considérés négligeables ;
Que pour les marchés passés par la commune d'Annonay le caractère irrégulier de son offre d'entretien d'éclairage public lié à l'absence de dépôt de mémoire technique ne serait pas caractérisé, dans la mesure où le règlement de consultation n'imposait pas ce dépôt, et où, s'agissant du marché d'aménagement de la place des cordeliers, le seul constat du dépôt d'une offre incomplète serait insuffisant à fonder une présomption de pratiques anticoncurrentielles ;
Qu'elle n'est pas concernée par le marché de la ville de Le Teil ;
Attendu que la SAS " Rampa Énergies et Communications " prétend que l'on peut douter du caractère effectif du contrôle par le juge des libertés et de la détention de la pertinence des indices qui lui étaient soumis, dès lors que son ordonnance a été rendue le lendemain de la requête en des termes identiques à celle-ci, et conteste également la pertinence des indices retenus, à savoir la reconduction des titulaires précédents, le faible nombre de missionnaires, la modicité des rabais, les erreurs commises par les soumissionnaires, l'oubli répété d'un élément essentiel du dossier et le prix élevé de trois produits par rapport à celui figurant sur le bordereau d'un autre marché, dès lors :
Que l'entreprise est libre de ses choix ;
Que toute prestation a une valeur économique et la notion de mieux-disant n'est plus un critère ;
Que s'agissant du marché de Le Teil, il a été obtenu après qu'elle ait soulevé une incohérence affectant la précédente consultation sur les notions de " lampe " et de " luminaire " ;
Attendu que la SAS " Spie Sud-Est " considère en premier lieu que le premier juge ne pouvait se contenter d'affirmer que les pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du Code de commerce paraissaient insuffisants pour permettre à l'Administration de corroborer ses soupçons, et aurait dû vérifier ce point de manière concrète ;
Attendu qu'elle prétend ensuite qu'il résulte des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, que les opérations de visite et de saisies ne doivent être autorisées sur la base de simples indices, que " lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions [...] en train de se commettre ", alors qu'en l'espèce les quatre marchés fondant l'ordonnance ont été conclus entre août 2011 et décembre 2012 et que le juge des libertés et de la détention n'évoque pas les raisons pour lesquelles les pratiques alléguées seraient " en train de se commettre ", alors que rien n'autorisait la " Direccte " et le juge des libertés et de la détention de se placer dans le cadre d'une procédure de flagrance ;
Attendu qu'elle soutient enfin, que le juge des libertés et de la détention aurait dû rejeter la requête au fond, dès lors que l'étude des deux marchés, au titre desquelles des présomptions auraient été retenues contre elle, ne permettrait de présumer en rien l'existence d'une quelconque concertation entre les entreprises en cause susceptible de l'impliquer, dans la mesure où :
S'agissant du marché lancé par le Syndicat Départemental d'Énergie de l'Ardèche :
D'une part, le fait que les titulaires sortant ciblent les lots, qui leur étaient précédemment attribués, s'explique par la connaissance des conditions d'exploitation des marchés, qu'ils soumissionnent à nouveau, et par le fait que les contraintes logistiques et économiques liées au secteur de l'éclairage public obligent les opérateurs à avoir leurs bases opérationnelles à proximité des lieux de réalisation de leurs prestations ;
D'autre part, la modicité des rabais consentis par comparaison des rabais accordés par d'autres entreprises ne saurait constituer un indice, dès lors que la compétitivité d'une offre ne pourrait se mesurer à l'aune des offres concurrentes, mais uniquement au regard de la structure des coûts et de la stratégie de chaque entreprise ;
S'agissant du marché lancé par la commune de Le Teil, la circonstance de sa non-participation pour n'avoir pas répondu à des questions de l'appel d'offre ne ferait pas présumer sa participation aux pratiques alléguées ;
Attendu que la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " prétend que l'on peut douter du caractère effectif du contrôle par le juge des libertés et de la détention de la pertinence des indices qui lui étaient soumis, dès lors que son ordonnance a été rendue le lendemain de la requête en des termes identiques à celle-ci, alors qu'aucun des indices retenus ne serait pertinent, à savoir : la reconduction de titulaires précédents, le faible nombre de soumissionnaires, la modicité des rabais, les erreurs commises par les soumissionnaires, l'oubli répété d'un élément essentiel du dossier, et le prix élevé de trois produits par rapport au prix des mêmes produits figurant dans le bordereau d'un autre marché, dès lors :
Que l'entreprise est libre de ses choix et décide seule de la sélection de ses clients et de ses secteurs d'intervention ;
Que toute prestation a une valeur économique et que la notion de moins-disant n'est plus un critère ;
Mais attendu qu'en premier lieu, la célérité avec laquelle le juge des libertés et de la détention a rendu son ordonnance sur requête est indifférente, quant à l'appréciation du contrôle effectif des indices soumis à son examen, quand bien même il déciderait à l'issue de ce contrôle de s'approprier l'analyse proposée par l'Administration requérante ;
Attendu qu'en deuxième lieu, la procédure prévue par l'article L. 450-4 du Code de commerce n'étant pas subsidiaire de celle prévue à l'article L. 450-3 du même Code, le juge des libertés et de la détention, qui a estimé que le recours à cette dernière procédure ne lui paraissait pas suffisant pour permettre à l'administration de corroborer ses soupçons, n'était pas tenu de motiver sa décision autrement que par l'analyse des indices soumis, afin d'apprécier la proportionnalité des mesures sollicitées pour atteindre les objectifs recherchés, à savoir intervenir de manière à éviter la dissimulation et la destruction des éléments de preuve qui seraient détenus dans des lieux ou selon des modalités favorisant leur distraction ;
Attendu qu'en troisième lieu, le fait que les marchés constitutifs d'indices d'infractions aient été conclus de longue date, n'est pas exclusif de la poursuite de la commission de ces infractions ;
Attendu qu'en effet dans l'hypothèse suspectée de la participation des entreprises concernées à un réseau de répartition concertée des marchés public du secteur de l'éclairage public, qui impliquerait des compensations réciproques destinées à favoriser la reconduction des titulaires des marchés sur le secteur, qui leur a été attribué, l'autorisation sollicitée tend bien à permettre la constatation d'infractions en cours de commission ;
Attendu qu'ensuite la circonstance que les entreprises visées par l'ordonnance ne soient concernées que par certains des marchés soumis à l'examen du juge, ne justifie pas que leur participation à une éventuelle entente prohibée ne soit pas appréciée au regard des indices tirés des marchés auxquels elles n'ont pas concouru, dès lors que l'absence de soumission est susceptible d'être une suite de la concertation suspectée ;
Et attendu que le premier juge a relevé notamment :
Que s'agissant de l'appel d'offre du Syndicat Départemental d'Énergie de l'Ardèche portant sur un ensemble de 10 lots, à l'exception des lots 7 à 10 remportés par les entreprises " Béranger " et " Citelum ", qui seraient venues exercer une vraie concurrence, les sociétés titulaires sortantes des lots 1 à 6 ont été reconduites sur ce lot sans avoir rencontré de véritable concurrence, elles-mêmes ne portant pas d'effort de concurrence sur les lots attribués aux autres titulaires sortantes concernées, ce qui résultait de la comparaison du nombre de soumissionnaires par lot et des offres de rabais consentis sur chaque lot, les entreprises visées ne se portant pas candidates sur les lots voisins alors que leur implantation géographique les prédisposait à y venir ;
Que s'agissant de l'appel d'offre de la commune d'Annonay, portant sur la fourniture et l'entretien de l'éclairage public, deux des entreprises concurrentes, dont la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne - Drôme - Ardèche ", ont présenté des offres irrecevables, de sorte que le marché a été attribué au groupement " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " / " J. G. ", dont l'offre restait la seule utilement présentée ;
Que s'agissant de l'aménagement de [localité], le marché a encore été attribué à la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " en raison de l'irrégularité de la seule offre concurrente émanant de la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne - Drôme - Ardèche " ;
Que s'agissant de l'appel d'offre de la commune de Le Teil, la candidature de la SAS " Spie Sud-Est " a été écartée pour défaut de réponse aux questions posées, alors qu'elle était financièrement la plus intéressante ;
Attendu que sous réserve de l'explication donnée a posteriori par la SAS " Rampa Énergies et Communications " sur le coût des lampes afférentes à ce marché, le juge des libertés et de la détention relevait en outre que les prix proposés pour des fournitures courantes variaient d'un marché à l'autre pour une même entreprise, sans raison apparente ;
Attendu qu'ainsi, indépendamment de la liberté reconnue à toute entreprise de choisir tant ses clients, que ses secteurs d'intervention, et quand bien même les donneurs d'ordre ne retiendraient pas nécessairement les offres les plus économiques eu égard à la qualité spécifique des services offerts, le premier juge a pu sans s'exposer à la critique, déduire de ces éléments des indices, qui pris isolément ne seraient pas suffisamment pertinents, mais laissaient présumer, une fois rapprochés les uns des autres, que des pratiques prohibées de concertation entre les différentes entreprises du secteur public de l'éclairage étaient en train de se commettre en vue de désigner entre elles et par avance les titulaires des marchés à renouveler et d'imposer des prix élevés aux collectivités publiques, par une limitation artificielle de la concurrence, les spécificités topographiques du département de l'Ardèche et les contraintes économiques en résultant, n'étant pas de nature à exclure une telle entente illicite ;
Et attendu que la renonciation par les agents de la " Direccte ", en raison d'une difficulté d'effectifs de personnels, à procéder à certaines des visites autorisées, qu'ils avaient prévu de conduire concomitamment, ne saurait invalider a posteriori la pertinence de l'analyse du premier juge ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise, les dépens de l'instance devant être pris comme frais de saisie au sens de l'article R.92, 5° du Code de procédure pénale ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Ordonnons la jonction des instances inscrites sous les numéros du Répertoire Général 13-00092, 13-05645, 13-05647, 14-00241, 14-00242, 14-00243, pour être jugées ensemble sous le n° RG 13-05645. Déboutons la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes ", la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne - Drôme - Ardèche ", la SAS " Rampa Énergies et Communications ", la SAS " Spie Sud-Est " et la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " de leurs exceptions de nullité. Au fond, Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions. En conséquence, déboutons la SAS " Eiffage Énergie Rhône-Alpes ", la SAS " Cegelec Réseaux Auvergne " Drôme " Ardèche ", la SAS " Rampa Énergies et Communications ", la SAS " Spie Sud-Est " et la SAS " Établissements Lapize de Sallée ses enfants successeurs " de leurs demandes d'annulation subséquente des actes accomplis en exécution de cette ordonnance. Disons que les dépens de l'instance seront pris comme frais de saisie au sens de l'article R. 92, 5° du Code de procédure pénale.