CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 février 2015, n° 12-23200
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Buy'N Print (SAS)
Défendeur :
Epalia (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Vignes, Demigneux, de Maria, Renaud
Rappel des faits et procédure :
La SAS Buy'N Print, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 juin 2010, qui a pour activité la vente de consommables à l'industrie graphique, notamment les imprimeurs, se fournit auprès de divers fournisseurs sélectionnés dans le cadre d'appels d'offres qu'elle réalise en fonction des besoins manifestés par ses clients.
Le 13 septembre 2010, la société Buy'N Print a lancé un appel d'offres, pour la fourniture de palettes en bois et de couvercles pour 5 sites d'imprimerie, situés dans 5 régions différentes.
Le 22 septembre 2010, la SAS Epalia, venant aux droits des sociétés Transports Palettes Services et Epalia Ouest, a répondu à cet appel d'offres par une proposition commerciale.
Par un courriel du 6 octobre 2010, M. Sylvain X, responsable grands comptes de la société Epalia, a amélioré la proposition commerciale en diminuant les tarifs de livraison, avec une date de validité au 30 juin 2011.
Les parties ont débuté leur relation le 3 novembre 2010, date de la première commande de la société Buy'N Print.
Par courriel du 2 décembre 2010, M. X a contesté l'escompte effectué par la société Buy'N Print sur deux factures en indiquant "Je vous informe que toutes les livraisons sont stoppées à partir de ce jour tant que ce litige n'est pas réglé".
Par courriel du 4 janvier 2011, M. X, reprochant à la société Buy'N Print de ne pas respecter ses obligations contractuelles, a écrit "je vous confirme à nouveau que nous stoppons ce partenariat qui génère aujourd'hui beaucoup trop de perte, de temps et d'argent pour le peu de partenariat".
Par courrier du 5 janvier 2011, la société Buy'N Print a reproché à la société Epalia d'avoir manqué à ses obligations contractuelles, en ne respectant pas les délais de livraison et les quantités livrées, en l'obligeant à exposer des dépenses de transport d'un montant de près de 1 000 , en faisant preuve de mauvaise volonté commerciale et en pratiquant un refus de vente.
Le 17 janvier 2011, une réunion s'est tenue entre les représentants des deux sociétés.
Par un courriel du 23 janvier 2011, M. C, directeur général de la société Epalia a écrit à la société Buy'N Print, que la société Epalia était en mesure de reprendre les livraisons dans le respect strict des engagements pris et que son représentant allait prendre contact avec le client ayant son site dans la région Rhône Alpes.
Par courriel du 24 janvier 2011, la société Buy'N Print a déploré l'absence de réponse à l'ensemble des points évoqués dans sa lettre du 5 janvier 2011, estimant que le refus de livraison depuis le 5 janvier 2011 constitue une rupture brutale des relations commerciales de la part d'Epalia et "je ne suis disposée à envisager la reprise de nos relations que dans la mesure où vous acceptez de me confirmer les points suivants :
- la reprise de nos relations sur la base de votre réponse à mon appel d'offres en date du 22 septembre et 27 octobre 2010 et la garantie du maintien de vos prix jusqu'à fin juin 2011 ;
- une indemnisation totale des frais et surcoûts engagés et supportés par Buy'N Print du fait de votre arrêt brutal de livraison le 5 janvier 2011 et du non-respect des dates de livraison avant ledit arrêt..."
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 février 2011, valant mise en demeure, le conseil de la société Buy'N Print a reproché à la société Epalia d'avoir commis de graves manquements contractuels et d'avoir rompu brutalement la relation commerciale, il a indiqué que la société Buy'N Print était disposée à transiger à hauteur de 30 000 au titre de son préjudice financier et organisationnel.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 avril 2011, le conseil de la société Epalia a répondu par la négative à la proposition de la société Buy'N Print, en invoquant des manquements imputables à cette dernière.
Par acte du 15 avril 2011, la société Buy'N Print et ses deux associés Mme A et M. B ont assigné en indemnisation la société Epalia devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 23 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce a :
- débouté la société Buy'N Print de ses demandes tendant à faire condamner la société Epalia, venant aux droits de la société Epalia Ouest, à lui verser des dommages et intérêts ;
- débouté la société Epalia, venant aux droits de la société Epalia Ouest, de sa demande tendant à faire condamner la société Buy'N Print pour procédure abusive ;
- condamné la société Buy'N Print à payer à la société Epalia, venant aux droits de la société Epalia Ouest, la somme de 2 000 au titre de l'article 700 Code de procédure civile, déboutant cette dernière du surplus de sa demande ;
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société Buy'N Print aux dépens.
Le 20 décembre 2012, la société Buy'N Print, M. B et Mme A ont interjeté appel contre ce jugement.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 15 juillet 2013, par lesquelles la société Buy'N Print, M. B et Mme A demandent à la cour de :
Aux visas des articles 1134, 1147 du Code civil,
- prononcer la nullité du jugement entrepris ;
- recevoir la société Buy'N Print en ses demandes et les dire bien fondées ;
Et ce faisant,
- condamner la société Epalia (ès qualités et venant aux droits de la société Transports Palettes Services) à payer à la société Buy'N Print les sommes de :
* 595 correspondant aux coûts de transports indûment supportés par Buy'N Print, les prix pratiqués par Epalia incluant le transport et Epalia ayant refusé ces transports.
* 4 737 correspondant à l'escompte convenu avec Epalia que cette dernière a refusé injustement d'appliquer,
* 4 800 correspondant à la perte d'affaire sur le client IGPM (Rhône Alpes),
* 6 122,73 correspondant aux surcoûts générés par les tarifs pratiqués par fournisseurs utilisés par Buy'N Print à compter de la date à laquelle Epalia a brutalement, sans préavis, cessé ses livraisons, supérieurs à ceux pratiqués par Epalia (convenus fermes jusqu'au 30 juin 2011),
* 8 000 correspondant au préjudice lié à la désorganisation de son activité nécessitant un surcroît de travail dans la fonction achat, et empêchant Mme A de consacrer son temps au développement commercial de sa société, cette dernière, compte tenu de la taille et de la récente création de Buy'N Print cumulant la gestion des achats et de la fonction commerciale,
* 30 000 correspondant à son préjudice d'image, à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure de la société Buy'N Print en date du 8 février 2011 et leur capitalisation à compter de la date anniversaire de la délivrance de son assignation devant le Tribunal de commerce de Paris du 15 avril 2011 ;
- condamner la société Epalia (ès qualités et venant aux droits de la société Transports Palettes Services) à payer à la société Buy'N Print, la somme de 4 000 , au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Epalia (ès qualités et venant aux droits de la société Transports Palettes Services) aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 25 novembre 2014, par lesquelles la société Epalia demande à la cour de :
- rejeter l'appel de la SAS Buy'N Print comme non fondé ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
En tout état de cause,
- condamner la SAS Buy'N Print à payer à la SAS Epalia la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Mme Florence A et M. Guy B à payer à la SAS Epalia la somme de 3 500 chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la SAS Buy'N Print en tous les frais et dépens.
Cela étant exposé, LA COUR :
Sur les manquements reprochés à la société Epalia :
Considérant que la société Buy'N Print, M. B et Mme A exposent, d'une part, que la société Epalia a gravement manqué à ses obligations dans l'exécution du contrat, qu'ainsi l'intimée a accumulé de nombreux retards de livraison, qui lui ont causé un préjudice d'image et commercial auprès de ses clients et a procédé à un refus de livraison, qui a entraîné un surcoût de frais de livraison d'un montant de 595 HT ; que, d'autre part, la société Epalia n'a pas respecté ses engagements contractuels sur l'escompte de 2,5 % stipulé dans l'appel d'offres, alors que l'intimée n'a pas contesté cet escompte et n'a pas précisé qu'elle ne l'appliquerait pas ; que l'appelante fait valoir que le bénéfice de l'escompte représente une somme de 4 737 et que la menace de cesser les livraisons, faite par M. B dans son courriel du 2 décembre 2010, relève des pratiques abusives proscrites par l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce ;
Considérant que la société Buy'N Print soutient également que la société Epalia n'a pas tenu ses promesses et lui a menti sur la réunion destinée à mettre en place les livraisons du site IGPM en région Rhône Alpes ; que les agissements de la société Epalia lui ont causé un grave préjudice, puisque l'appelante n'a jamais pu livrer le site IGMP et qu'il en résulte pour elle un manque à gagner évalué à 4 800 HT ; que la société Epalia a rompu unilatéralement et brutalement, le 4 janvier 2011, les relations commerciales, sans raison objective, car l'appelante a passé l'essentiel de ses commandes en s'efforçant de remplir des camions entiers dont le chargement était composé de palettes et/ou de couvercles ; qu'en fait, la société Epalia n'a pas respecté son offre commerciale et a cherché à lui imposer une utilisation exclusive des camions de contenance 1 028 palettes (33T avec remorque), ne contenant exclusivement qu'un type de produit (palette ou couvercle d'une dimension définie) ; que cette rupture brutale a généré des surcoûts d'un montant de 6 122,73 ;
Considérant que la société Buy'N Print expose que les manquements d'Epalia ont entraîné une désorganisation de son activité nécessitant un surcroît de travail dans la fonction achat, empêchant Mme A de consacrer son temps au développement commercial de sa société, ce qui lui a causé un préjudice évalué à 8 000 ; que les agissements de la société Epalia lui ont été d'autant plus préjudiciables que l'activité de distribution de palettes constituait à l'époque sa seule activité et donc sa seule vitrine commerciale à l'égard de ses clients pour leur démontrer son savoir-faire ; que les appelants évaluent le préjudice d'image de la société Buy'N Print à la somme de 30 000 ;
Considérant que la société Epalia expose que la société Buy'N Print, qui sollicite l'annulation du jugement, ne soulève aucun moyen, qu'en conséquence, le jugement ne peut être annulé ; que les appelants ne sollicitant pas l'infirmation du jugement, sa confirmation s'impose ;
Considérant que la société Epalia expose que la société Buy'N Print ne rapporte la preuve ni des fautes, ni des préjudices, ni du lien de causalité entre les fautes et les préjudices qu'elle invoque ;
Considérant que si les appelants n'invoquent aucun moyen au soutien de leur demande d'annulation du jugement frappé d'appel, leurs autres demandes s'analysent en une demande d'infirmation du jugement ;
Considérant que la société Buy'N Print, pour rapporter la preuve des retards de livraison qu'elle reproche à la société Buy'N Print, produit le courrier qu'elle a adressé à la société Epalia le 5 janvier 2011, qui n'a pas de valeur probatoire à lui seul, les parties ne pouvant se constituer de preuve à elles même, ainsi que des documents informatiques relatifs à des commandes, des bons de livraison et des factures, qui ne démontrent pas l'existence de retards ou d'erreurs dans les livraisons ; que les pièces invoquées par les appelants pour établir un refus de livraison ne font état d'aucun refus de livraison, qu'en conséquence il n'y a pas lieu de rembourser à la société Buy'N Print la somme de 595 ;
Considérant que si la société Buy'N Print a mentionné dans son appel d'offres un escompte de 2,5 % sera possible pour paiement sous 7 jours à réception de facture ; la société Epalia a indiqué dans son offre commerciale Conditions de règlement : Loi LME ; que si, comme l'indiquent les appelants, la loi LME impose seulement aux entreprises des délais de paiement maximum et n'exclut pas la possibilité d'un paiement comptant ou à réception de la facture, contre un escompte, cependant l'offre commerciale de la société Epalia ne retenait pas la possibilité d'un escompte et il appartenait à la société Buy'N Print d'éclaircir ce point avant d'accepter l'offre ; qu'ainsi, faute d'accord entre les parties, l'escompte de 2,5 % en cas de paiement comptant n'avait pas été contractualisé et la société Buy'N Print ne pouvait l'imposer à la société Epalia ; qu'il en résulte que la position stricte prise par l'intimée dans son courrier du 2 décembre 2010 ne constitue pas une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce ;
Considérant que les pièces produites par les appelants pour démontrer que la société Epalia aurait menti et ne serait pas aller visiter un client en région Rhône Alpes sur le site d'IGMP montrent uniquement que le 15 décembre 2011 le commercial de la société Epalia a proposé au client IGMP un rendez-vous le 20 décembre 2010, mais que le 16 décembre 2010, le client a reporté le rendez-vous au début du mois de janvier 2011 en raison d'un gros imprévu ; que les appelants seront déboutés de leur demande au titre du manque à gagner entraîné par l'absence de prise de contact avec le client IGMP ;
Considérant que les relations commerciales entre les parties n'ayant duré que du 3 novembre 2010 au 4 janvier 2011, soit durant 2 mois, les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ne sont pas applicables, faute de relations commerciales établies ;
Considérant que la société Epalia démontre par la production de plusieurs commandes de la société Buy'N Print que celle-ci n'a pas respecté l'obligation, prévue dans l'offre commerciale de la société Epalia, de passer des commandes portant sur des camions complets de palettes, soit des commandes de 250 palettes, pour les camions de 19 tonnes, ou de 600 palettes, pour des camions remorqueurs de 33 tonnes ; que la société Buy'N Print n'établit pas avoir pu répondre à la demande de la société Epalia, rappelée dans les courriels des 4 et 23 janvier 2011 de MM. X et C, d'obtenir la communication d'un prévisionnel de commandes par site ; qu'en conséquence, la société Epalia était en droit de suspendre sa prestation à l'égard de la société Buy'N Print ;
Considérant que les appelants qui ne rapportent pas la preuve des manquements qu'ils reprochent à la société Epalia doivent être déboutés de leurs demandes indemnitaires au titre d'un préjudice de désorganisation, d'un préjudice d'image et au titre des surcoûts sur les frais de livraison du mois de janvier au mois de juin 2011 ;
Par ces motifs : Confirme le jugement ; Et y ajoutant, Condamne la SAS Buy'N Print à verser à la SAS Epalia la somme de 2 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la SAS Buy'N Print aux dépens d'appel.