CA Angers, ch. com. A, 17 février 2015, n° 13-00964
ANGERS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sodipar (SARL)
Défendeur :
Norauto France Franchise (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mmes Monge, Portmann
Avocats :
Mes Thévenot, Tuffreau, SCP Chatteleyn, George
Faits et procédure :
Suivant jugement du Tribunal de commerce de Vannes en date du 25 janvier 2008, la société Inaudy, qui exploitait un fonds de commerce sous l'enseigne Maxauto, a été placée en liquidation judiciaire.
Le 17 septembre 2008, la société Sodipar, spécialement immatriculée à cet effet, représentée par M. X, a procédé au rachat du fonds de la société Inaudy.
Le 1er décembre 2008, la société Maxauto a conclu avec la société Sodipar un contrat de franchise, de distribution et de services, portant sur l'exploitation d'un centre Maxauto dans la région de Vannes.
Par courrier recommandé du 21 mai 2010, la société Maxauto a fait connaître à la société Sodipar qu'elle n'entendait pas poursuivre les relations contractuelles. Le 17 novembre 2010, elles ont conclu un avenant prorogeant au 30 novembre 2011 le contrat de franchise, sauf dénonciation six mois avant l'échéance précitée.
Le contrat n'a pas été dénoncé, de sorte qu'il devait se poursuivre jusqu'au 30 novembre 2016.
En mars 2012, la société Maxauto est devenue la société Norauto France Franchise.
Un litige est né entre les parties concernant l'ouverture, courant juin 2011, d'un centre Norauto, concurrent direct, dans la même zone commerciale.
Suivant exploit en date du 30 novembre 2012, la société Sodipar a fait assigner la société Norauto France Franchise devant le Tribunal de commerce d'Angers pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur et obtenir sa condamnation à lui verser diverses sommes.
Par un jugement en date du 13 mars 2013, le tribunal de commerce a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de franchise de décembre 2008 aux torts de la société Norauto France Franchise, pour manquements contractuels au contrat de franchise à effet et à compter de sa décision,
- condamné la société Norauto France Franchise à payer à la société Sodipar la somme de 50 000 euros au titre de l'indemnisation de la clientèle,
- condamné la société Norauto France Franchise à reprendre, sous astreinte de 100 euros courant dans les quinze jours de la signification du jugement, l'entier stock de produits conditionnés ou estampillés Norauto se trouvant dans les locaux de la société Sodipar et à rembourser sans délai à cette dernière la contre valeur acquittée,
- débouté la société Sodipar de ses autres demandes,
- condamné la société Norauto France Franchise aux dépens et à payer à la société Sodipar la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Sodipar a interjeté appel de cette décision par une déclaration enregistrée le 8 avril 2013.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2014.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement:
- du 7 novembre 2014 pour la société Sodipar,
- du 3 octobre 2014 pour la société Norauto France Franchise,
qui peuvent se résumer comme suit.
La société Sodipar demande à la cour :
Vu les articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil,
- de dire et juger la société Sodipar recevable et bien fondée en son appel, ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de dire et juger la société Norauto France Franchise irrecevable et mal fondée en son appel incident, ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l'en débouter intégralement,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de franchise de décembre 2008 aux torts de la société Norauto France Franchise et condamner cette dernière à reprendre le stock de produits à l'effigie et estampillés de la marque Norauto,
- le réformer pour le surplus,
- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise la liant à la société Norauto France Franchise aux torts exclusifs de cette dernière à effet du mois de juin 2011,
- de condamner la société Norauto France Franchise à lui payer les sommes suivantes, sauf à parfaire et à réactualiser, augmentées des intérêts au taux légal courant à compter de la signification de l'assignation introductive d'instance :
* redevances payées : 28 116 euros
* frais de dépose des enseignes : 10 400 euros
* perte d'exploitation : 151 705 euros
* manque à gagner : 52 200 euros
* indemnisation de la clientèle : 120 000 euros
soit un total de 362 021 euros
- de condamner la société Norauto France Franchise à lui payer la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la société Norauto France Franchise aux entiers dépens de première instance et d'appel, les derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de sa demande de résiliation, la société Sodipar fait valoir que la société Norauto France Franchise a manqué à ses obligations en implantant dans la même zone que celle où elle se trouve, à savoir la zone de Luscanen, et à seulement 200 mètres, un magasin à l'enseigne Norauto, concurrent direct, alors que lors de la signature du contrat de franchise, il lui avait été indiqué que cette ouverture se ferait dans la zone du magasin Carrefour située à 2 kilomètres, qui est totalement distincte, puisque séparée par un axe routier important et qui présente une attractivité différente.
Elle ajoute que cette enseigne a été implantée sur un emplacement de qualité supérieure et de première zone.
Elle prétend qu'il en est résulté pour elle une dégradation de son chiffre d'affaire et de ses résultats à compter de la fin de l'année 2011, alors que ceux-ci connaissaient depuis quelques temps une évolution positive.
La société Sodipar relève que la société Norauto France Franchise s'est d'ailleurs bien gardée de produire les chiffres d'affaire réalisés par sa nouvelle enseigne, malgré la sommation qui lui a été délivrée, soutenant qu'en sa qualité de franchiseur elle dispose des données chiffrées de l'ensemble de ses cocontractants.
Elle s'étonne que la société Norauto France Franchise invoque pour la première fois devant la cour le fait qu'elle ne serait pas responsable de l'implantation dont s'agit, qui aurait été effectuée par la société Norauto France.
Elle prétend que la société Norauto France Franchise conclut les contrats de franchise avec ses franchisés, au rang desquels la société Norauto France. Les deux sociétés auraient d'ailleurs le même président et le même siège social.
La société Sodipar fait ensuite reproche à la société Norauto France Franchise de lui imposer de vendre et d'assurer la promotion des produits d'une marque concurrente, à savoir Norauto, de surcroît située à 200 mètres de chez elle, contrevenant ainsi à l'image de la marque et à la cohérence du réseau Maxauto.
Enfin, elle fait grief à l'intimée d'avoir abandonné le réseau Maxauto, seuls sept centres subsistant alors qu'il y avait 80 en septembre 2011, et d'avoir cessé de lui apporter son assistance technique et commerciale, aucun compte rendu de visite n'ayant eu lieu entre juillet et novembre 2011 et depuis le mois d'août 2012, et aucune visite depuis le 5 septembre 2011.
La société Sodipar demande que la résiliation soit prononcée à compter du 1er juin 2011, date de l'ouverture du centre Norauto concurrent, ce qui constitue le principal manquement commis par le franchiseur, peu important à cet égard qu'elle ait continué à exploiter, ce qu'elle était obligée de faire en application de la convention.
Elle réfute les manquements qui sont invoqués par son adversaire, en faisant valoir que les comptes rendus de visite ne lui ont jamais fait grief de ne pas appliquer un taux de fidélité de 80 %, les redevances étant au demeurant calculées sur l'ensemble du chiffre d'affaire, ni de ne pas respecter l'agencement ou la décoration intérieure. Elle reconnaît ne plus assurer la promotion des produits Norauto par des prospectus qui ne sont que des copier collés de ceux des centres Norauto, compte tenu du fait que ces produits sont commercialisés par son concurrent le plus proche.
S'agissant de ses demandes chiffrées, elle précise :
- que la résiliation du contrat à effet du 1er juin 2011 justifie le remboursement des redevances payées,
- que les frais de remodeling payés en 2008 s'étant élevés à 4 500 euros HT, la somme réclamée pour la dépose des enseignes est justifiée,
- qu'il n'est pas démontré qu'elle a commis des errements dans sa gestion,
- qu'elle a perdu une chance de réaliser des bénéfices, ses efforts ayant permis d'améliorer la situation depuis la reprise,
- qu'elle doit donc être indemnisée au titre de la perte de sa clientèle.
La société Norauto France Franchise demande à la cour :
Vu les articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du Code civil
- de dire et juger la société Sodipar irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel,
- de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de dire et juger la société Norauto France franchise recevable et bien fondée en son appel incident,
- de réformer en partie le jugement entrepris,
- de dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement contractuel dans l'exécution du contrat de franchise du 1er décembre 2008,
- de dire et juger que la société Sodipar a manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles dans l'exécution de ce contrat,
- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise du 1er décembre 2008 aux torts exclusifs de la société Sodipar, à effet à compter du jugement du 13 mars 2013,
- de condamner la société Sodipar à lui payer la somme de 5 000 au titre de ses frais irrépétibles de première instance et la somme de 5 000 au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
- de condamner la société Sodipar aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient en premier lieu que le centre Norauto ouvert en juin 2011 n'est pas un établissement franchisé mais une succursale de la société Norauto France, entité juridique indépendante, qui n'est pas elle-même une franchise, de sorte qu'elle n'a pas eu le choix du lieu d'ouverture et ne peut produire ses résultats.
Sur le grief tiré de l'ouverture du centre Norauto à proximité, elle fait valoir que la société Sodipar en était parfaitement informée tant par la signature de l'avenant à son contrat de franchise que par les renseignements fournis oralement, qu'elle l'avait expressément acceptée, y compris dans la zone commerciale voisine, soulignant que la zone de Carrefour se situe à seulement quelques centaines de mètres de celle où est implantée l'appelante, qu'elle n'a pas fait valoir de revendication quant à l'emplacement de ce centre Norauto suite à son ouverture en juin 2011 et plus encore, a laissé son contrat de franchise se renouveler pour cinq années supplémentaires en novembre 2011 alors qu'elle avait la possibilité de le résilier.
Elle ajoute que cette ouverture n'a eu aucun impact direct sur le chiffre d'affaires et les marges de la société Sodipar, qui ont augmenté par rapport à l'année précédente sur la période juin 2011- novembre 2011.
S'agissant des autres reproches :
- elle conteste avoir abandonné le réseau Maxauto, indiquant que d'autres ouvertures ont eu lieu en 2010 et 2011, que si elle a proposé à ses franchisés de passer sous l'enseigne Norauto pour faire face à ses concurrents, elle a continué à honorer ses engagements, soulignant que le centre Maxauto exploité par la société Sodipar a toujours vendu, dès son ouverture, et en conformité avec le contrat, des produits Norauto, marque attractive,
- elle prétend que, comme par le passé, le franchiseur a continué à visiter régulièrement le centre Maxauto de Vannes, à établir des comptes rendus de visite et à transmettre les différents documents d'analyse de l'entreprise, conformément aux dispositions de l'article 5-2-7 du contrat de franchise.
Elle conteste donc avoir commis une faute contractuelle soulignant que M. X a préféré tourner la page et ouvrir une enseigne Point S dès l'été 2013.
La société Norauto France Franchise prétend que la société Sodipar est à l'origine de plusieurs manquements contractuels importants justifiant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé précisant qu'avant d'être assignée en résiliation du contrat, elle avait fait le choix de ne pas se prévaloir expressément de ces inexécutions, afin de préserver son réseau et de tenter de trouver une solution amiable, mais sans aucunement renoncer à les invoquer.
Elle lui fait reproche en effet :
- en premier lieu de ne pas avoir respecté le taux de fidélité de 80 % (article 6-5-2 du contrat de franchise),
- en deuxième lieu, d'avoir abandonné la politique commerciale (articles 6.3.1, 6.8.2 et 6.8.3) : baisse du nombre de prospectus promotionnels, quotas de réservation de produits en promotion pour les offres nationales également très inférieurs aux engagements,
- en troisième lieu, d'avoir procédé à une modification de l'agencement de son centre auto par rapport à l'aménagement qui avait été mis en place en collaboration avec le franchiseur.
La société Norauto France Franchise sollicite que le jugement du Tribunal de commerce d'Angers soit confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de franchise sans effet rétroactif, avec effet au jour de la décision, soit le 13 mars 2013, dans la mesure où, d'une part, la société Sodipar a continué à exploiter le centre Maxauto et, d'autre part, elle-même a rempli ses obligations de franchiseur, un anéantissement rétroactif de la relation commerciale ne pouvant avoir lieu.
La société Norauto France Franchise conteste les demandes financières de son adversaire en faisant valoir :
- qu'il n'est pas démontré qu'il existe un lien de causalité entre la perte de chiffre d'affaire invoquée et l'ouverture d'un centre Norauto, mettant en cause les fautes du franchisé et sa volonté d'ouvrir une autre enseigne,
- que les redevances payées en exécution du contrat n'ont pas à être remboursées et que les frais de dépose des enseignes ne sont pas justifiés et correspondent en fait au coût de la mise en place de la nouvelle enseigne exploitée par la société Sodipar,
- s'agissant des pertes d'exploitation, que le franchiseur n'a pas à en faire les frais puisqu'ils ne sont que la conséquence des errements de gestion du franchisé,
- que le manque à gagner ne peut être indemnisé, M. X s'étant désintéressé de la gestion du centre et celui-ci ayant toujours été déficitaire,
- que la société Sodipar ne peut prétendre à une indemnité de clientèle, dès lors qu'elle a été dispensée de toute obligation de non-affiliation et de non-concurrence le 15 janvier 2013 et qu'elle conserve le bénéfice de sa clientèle.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I Sur la résiliation du contrat de franchise :
Attendu que la société Norauto France Franchise ne conteste pas qu'elle était tenue, conformément à l'article L. 330-3 du Code de commerce, d'une obligation précontractuelle d'information, lui imposant de donner à la société Sodipar les informations sincères lui permettant de s'engager en toute connaissance de cause ;
Que cette obligation revêtait, en l'espèce, une importance d'autant plus grande que le fonds de commerce précédemment exploité par la société Inaudy avait connu des difficultés financières ayant entraîné la liquidation judiciaire de cette dernière ;
Attendu que l'avenant signé par les parties le 1er décembre 2008 stipulait (article 11) : "A l'occasion du présent avenant, le franchisé reconnaît par ailleurs avoir été informé, préalablement à la signature du contrat de franchise de distribution et de services Maxauto de l'ouverture d'un centre Norauto sur la zone du centre commercial Carrefour située à Vannes, ce qu'il déclare expressément accepter", ce qui confirme l'importance, pour les parties, que pouvait représenter l'ouverture d'un centre concurrent ;
Attendu qu'il est constant qu'en juin 2011, a ouvert un centre Norauto à Vannes, au giratoire de Kergrain, face au centre Leclerc et à Castorama ;
Attendu en premier lieu, que la société Norauto France Franchise invoque pour la première fois en cause d'appel, le fait qu'il s'agirait d'une succursale de la société Norauto France et non d'une franchise ; que cependant, force est de constater qu'elle n'a jamais contesté la situation de franchisé du centre Norauto de Vannes, que ce soit lorsqu'elle a été interrogée par la société Sodipar en 2012 ou devant les premiers juges ; qu'elle ne produit aucun document à l'appui de ce nouveau moyen, à l'instar d'un listing de ses franchisés ; qu'en tout état de cause, à supposer même que le centre Norauto ouvert à Vannes soit une succursale de la société Norauto France, l'information pré-contractuelle donnée en 2008 révèle que la société Norauto France Franchise possède suffisamment de liens avec cette dernière entité, pour savoir quelles sont ses intentions;
Attendu en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient l'intimée, l'emplacement sur lequel le centre Norauto a ouvert est totalement différent de ce qui était prévu dans le document d'information précontractuelle, lequel ne visait pas la zone de Carrefour Leclerc, mais celle de Carrefour uniquement ;
Qu'en effet, tout d'abord, il est situé plus près du centre Maxauto exploité par la société Sodipar, à savoir à 200 mètres, soit 42 secondes en voiture selon ce qu'a constaté Me Lemale, Huissier de justice associé à Vannes, dans un procès-verbal du 25 septembre 2012 (pièce 18 du demandeur), alors que le centre Carrefour se situe à 2 km selon ce qu'indique M. Y, expert immobilier près la Cour d'appel de Rennes, consulté par l'appelante (pièce 23), et en est séparé par la RN 165;
Qu'en outre, il résulte du rapport établi par ce dernier, à l'encontre duquel la société Norauto France Franchise ne verse aucune pièce permettant d'en remettre en cause les conclusions, que des axes routiers importants engendrent des ruptures de commercialité entre les zones situées dans le pôle d'activités ouest de la ville de Vannes ;
Que la zone de Fourchêne Carrefour est constituée d'un centre commercial où se situe l'hypermarché, comprenant une cinquantaine de locaux, dont une vingtaine occupés par des commerces d'équipement de la personne ; qu'elle et vieillissante et que son attractivité a été pénalisée par le fait que les locaux occupés par Kiabi ont été laissés vides pendant deux ans ;
Que la zone de Luscanen souffre également d'une relative désaffection qualifiée par certains observateurs de déshérence ;
Qu'en revanche la zone de Parc Lann comprend des commerces très variés et connaît un véritable essor, dont les moteurs sont les enseignes Leclerc et Castorama ; que c'est à proximité de ces magasins, que le centre Norauto a été implanté ; qu'il est en outre en prime, vu prioritairement depuis les axes routiers les plus fréquentés, à l'inverse du centre Maxauto, qui a un emplacement secondaire ;
Attendu que, pour toutes ces raisons, l'ouverture du centre Norauto sur le rond-point de Kergrain, dans une zone à forte attractivité commerciale, à proximité immédiate du commerce exploité par la société Sodipar et sur un emplacement privilégié, ne correspond pas à l'information donnée par la société Norauto France Franchise, d'une implantation plus éloignée et dans une zone commerciale vieillissante ;
Qu'il apparaît donc que le franchiseur a manqué à son obligation d'information ;
Attendu qu'il résulte des données chiffrées produites par la société Norauto France Franchise elle même que le chiffre d'affaire réalisé par la société Sodipar lors des six premiers mois 2011 était en nette progression par rapport à celui de 2010; Qu'à compter de décembre 2011, la tendance s'est inversée et, globalement, 2012 a été une moins bonne année que 2011 ; que les comptes rendus de visite de la société Norauto France Franchise font d'ailleurs état de cette dégradation :
- 20 décembre 2011 : sur novembre, régression du CA magasin et surtout de la marge,
- 16 février 2012 : attention à la marge du magasin qui régresse de mois en mois,
- 22 mars 2012 : la partie magasin continue de chuter et la progression de l'atelier ne suffit pas à compenser la perte de CA,
- 13 avril 2012 : baisse du CA magasin, attention la chute continue,
- 7 juin 2012 : sur mai, la baisse du CA magasin s'accentue, surtout en libre-service,
- 8 août 2012 : très forte baisse sur juillet avec un - 30,8 % [...] Forte baisse sur tout le magasin - 34,4 %, alors que ce devrait être le plus fort de l'année ;
Attendu que l'ouverture d'un centre concurrent, proposant les mêmes produits, mais en première ligne, ne pouvait qu'avoir un impact sur le chiffre d'affaire de la société Sodipar, et sur l'inversion de la tendance haussière de celui-ci ; qu'il ne peut être tiré de conséquences du fait que, jusqu'en novembre 2011, ledit chiffre d'affaire a continué à augmenter, cette période correspondant au démarrage de l'activité de l'enseigne Norauto ;
Attendu que pour le même motif, l'argument lié au fait que la société Sodipar n'ait pas protesté avant le début de l'année 2012 est inopérant ;
Attendu enfin qu'il importe également peu que la société Sodipar n'ait pas dénoncé le contrat à effet du 30 novembre 2011 comme elle en avait la faculté, dès lors qu'elle aurait dû le faire six mois à l'avance soit le 30 mai 2011 et qu'à cette date, le centre Norauto dont s'agit n'était pas encore ouvert ;
Attendu qu'il apparaît donc que le manquement de la société Norauto France Franchise à son obligation précontractuelle d'information apparaît suffisamment grave pour justifier, à lui seul, la résiliation du contrat de franchise, conformément à l'article 1184 du Code civil ;
Attendu en ce qui concerne les fautes reprochées par la société Norauto France Franchise à son franchisé, qu'il est constant que la société Sodipar n'a pas respecté le taux de fidélité (achats de produits dans le référencement du franchiseur) de 80 % imposé à l'article 6-5-2 du contrat ; que les mails échangés le 8 octobre 2008 ne permettent pas de considérer que les parties avaient entendu déroger à cette obligation, dès lors qu'elle a été reprise dans la convention signée après, et ce d'autant plus qu'ils peuvent être interprétés dans un sens comme dans l'autre, la société Sodipar demandant le maintien de la prime RFA même si les 80 % achats n'est pas respecté et la société Norauto France Franchise répondant nous en avons parlé hier au téléphone. Nous privilégions le commerce ; que cependant, force est de constater que la société Norauto France Franchise n'a jamais fait état dans ses comptes rendus de visite du non-respect de ce taux de fidélité, alors pourtant que les achats de produits référencés Maxauto par la société Sodipar étaient bien inférieurs à ce qui figurait au contrat (56 % en 2009-2010, 59 % en 2010-2011 et 37 % en 2011-2012) ; que s'il ne peut en être déduit qu'elle a renoncé à s'en prévaloir, en revanche, son attitude démontre qu'elle ne considérait pas cette obligation comme importante, se satisfaisant de ce que la redevance était payée sur le chiffre d'affaire total ;
Attendu en ce qui concerne le non-respect de l'agencement du magasin, que la société Norauto France Franchise ne produit aucune pièce au soutien de ses prétentions ; que celles-ci seront, en conséquence, rejetées ;
Attendu enfin, s'agissant de l'abandon de la politique commerciale de la franchise Maxauto, que la société Norauto France Franchise justifie que la société Sodipar a diminué sa commande de prospectus en 2011 par rapport à 2010, pour cesser toute commande en avril 2012 ; qu'elle a également diminué ses commandes de produits en promotion, lesquelles étaient très inférieures à celles préconisées ; que cependant, il apparaît que dans un contexte de pertes financières avérées, cette attitude de la société Sodipar ne peut être considérée comme fautive ;
Attendu qu'aucune faute d'une gravité telle qu'elle permettrait le prononcé de la résolution du contrat de franchise n'étant retenue à l'encontre de la société Sodipar, ladite résolution sera prononcée aux torts de son adversaire, ainsi que l'a décidé le tribunal de commerce ;
Attendu que pour solliciter que la résiliation soit prononcée à effet du 1er juin 2011, la société Sodipar se prévaut de ce que le principal manquement de la société Norauto France Franchise à ses obligations se situe à cette date ;
que si la résiliation d'un contrat synallagmatique ne prend pas nécessairement effet à la date de la décision la prononçant, il convient de constater en l'espèce, que nonobstant les manquements par la société Norauto France Franchise à ses obligations, les parties ont pu poursuivre la relation contractuelle ; qu'en particulier, le franchiseur justifie qu'il a maintenu son assistance technique au moins jusqu'en août 2012, date du dernier compte rendu de visite ; que le préjudice subi par la société Sodipar du fait du non-respect par la société Norauto France Franchise de son obligation d'information précontractuelle est susceptible d'être indemnisé en espèces ; que pour ces raisons, il convient de confirmer la décision du tribunal de commerce en ce qu'il a décidé que la résiliation du contrat prendrait effet à la date de sa décision ;
II Sur les demandes indemnitaires présentées par la société Sodipar :
Attendu en ce qui concerne tout d'abord les redevances versées de juillet 2011 à juin 2012, que la société Sodipar en sollicite le remboursement en se prévalant uniquement de ce que la date de résiliation du contrat doit être fixée au 1er juin 2011 ; que dès lors que cette date n'a pas été retenue, la société Sodipar est mal fondée à solliciter le remboursement des dites redevances ;
Attendu s'agissant des frais de dépose des enseignes, que la société Sodipar verse aux débats une facture d'un montant de 10 400 euros HT du 10 août 2013 émise par la société Sovapeic concernant des travaux de dépose des enseignes et totem Maxauto et de reprise partielle des peintures, exécutés en mars 2013 ; que si cette facture ne vise pas des travaux de repose d'une nouvelle enseigne, la société Sodipar ne contestant pas exploiter désormais un fonds de commerce à l'enseigne Point S, et ce, depuis l'été 2013, il apparaît que son montant est sans mesure avec celui réglé en 2008 pour la mise en place de la franchise Maxauto, à savoir 4500 euros ; qu'au regard des éléments produits, et notamment du procès-verbal de constaté dressé par Me Lemale, lequel comporte diverses photographies des extérieurs du garage, le préjudice subi par la société Sodipar du seul fait de la nécessité de déposer l'enseigne Maxauto avec remise en état des supports, sera retenu à concurrence de 7 500 euros ;
Attendu concernant les pertes d'exploitation, qu'il résulte de l'analyse réalisée par M. A, expert-comptable, qu'elles se sont élevées, sur la période juillet 2011 à décembre 2012, à 151 705 euros ; que l'ensemble de ces pertes ne peut, de manière certaine, être imputé à l'ouverture du magasin Norauto, le résultat courant de la société Sodipar étant, de manière récurrente, déficitaire; que cependant, cette ouverture a, ainsi qu'il a été dit, manifestement contribué à aggraver le déficit, lequel devait logiquement se réduire, si l'augmentation du chiffre d'affaires avait continué à progresser (+ 16 % au 30 juin 2011 par rapport à 2010) ; que la preuve d'un délaissement volontaire par M. X de son commerce en vue de s'engager avec une enseigne concurrente n'est pas rapportée ; que s'il a commandé moins de prospectus et de produits promotionnels, ce fait ne peut être considéré comme fautif en raison de la situation de son commerce ;
Que dans la mesure où dans son analyse, M. A, fait état d'une réduction des charges (ce qui a permis de contenir la perte malgré une baisse importante du chiffre d'affaires au cours du premier semestre 2012), il apparaît que l'ouverture du centre Norauto a contribué à la perte susvisée, dans une proportion qu'il convient de fixer, au regard des éléments qui précèdent et en l'absence des bilans comptables de la société Sodipar, à une somme de 25 000 euros ;
Attendu s'agissant de la demande présentée au titre du manque à gagner, qu'il résulte de l'analyse comptable que la somme réclamée correspond en réalité à la rémunération que le gérant pouvait espérer dégager ; qu'outre le problème de la qualité à agir de la société Sodipar, laquelle n'est cependant pas contestée, cette demande ne peut prospérer, dès lors qu'il n'est pas établi que le franchisé avait une chance sérieuse de pouvoir réaliser des profits, au regard des pertes importantes subies de manière récurrente depuis plusieurs années ; que cette demande sera donc rejetée ;
Attendu enfin, que si la clientèle du fonds de commerce exploité par la société Sodipar était en partie attachée à la marque Maxauto ou Norauto, elle était également pour partie propre au fonds de commerce dont s'agit ; que néanmoins, la société Norauto France Franchise ayant libéré la société Sodipar dès le 15 janvier 2013 de la clause de non-affiliation et de non-concurrence stipulée au contrat de franchise, celle-ci a pu garder sa propre clientèle ; qu'il s'en suit qu'elle ne peut réclamer aucune somme à ce titre ;
Attendu par suite, que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Norauto France Franchise à reprendre les stocks et produits, en ce qu'il a débouté la société Sodipar de sa demande de remboursement des redevances payées au titre du contrat de franchise et de paiement de dommages et intérêts au titre du manque à gagner ; qu'il sera infirmé s'agissant des autres demandes indemnitaires ; que la société Norauto France Franchise sera condamnée à payer à son adversaire la somme de 7500 euros au titre des frais de dépose et repose des enseignes et celle de 25000 euros au titre des pertes d'exploitation ; que par application de l'article 1153-1, ces sommes, allouées à titre indemnitaire, produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
III Sur les demandes accessoires :
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais non répétibles exposés en cause d'appel ;
Attendu que la société Sodipar voyant l'indemnisation qui lui est accordée en cause d'appel diminuée par rapport à celle retenue en première instance, sera condamnée aux dépens de la présente instance;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Infirme le jugement rendu le 13 mars 2013 par le Tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a condamné la société Norauto France Franchise à payer à la société Sodipar une somme de 50 000 euros au titre de l'indemnisation de sa clientèle, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement des frais de dépose et repose des enseignes, et de sa demande d'indemnisation des pertes d'exploitation, - Le confirme pour le surplus, Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant, - Condamne la société Norauto France Franchise à payer à la société Sodipar la somme de 7 500 euros au titre des frais de dépose et de repose des enseignes, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, - Condamne la société Norauto France Franchise à payer à la société Sodipar la somme de 25 000 euros au titre de ses pertes d'exploitation, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, - Déboute la société Sodipar de sa demande d'indemnité de clientèle, - Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - Rejette les demandes plus amples ou contraires, - Condamne la société Sodipar aux dépens d'appel.