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Décisions

Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-10.817

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, Institut National de L'Origine et de La Qualité

Défendeur :

CSR (Sté), JFA (Sté), Orangina Schweppes Holding (Sté), Pernod Ricard (Sté), Schweppes International Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SCP Didier, Pinet, SCP Richard, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

TGI Paris, du 10 mai 2006

10 mai 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, du 7 novembre 2007), qu'au cours de l'année 1989, la société CSR Pampryl, devenue par la suite la société CSR, filiale de la société Pernod Ricard, a entrepris la commercialisation d'un jus de pomme gazéifié destiné aux enfants ; qu'elle a, pour les besoins de cette activité, déposé les marques françaises "Champomy", le 24 mars 1988, renouvelée le 13 mars 1998 pour désigner les boissons de la classe 32 et "Champomy la boisson de la fête" le 13 juin 1989, renouvelée le 3 juin 1999, ainsi que la marque internationale "Champomy", enregistrée le 18 décembre 1990, pour désigner de tels produits ; que la société Pernod Ricard a, le 12 mai 2000, déposé, sous forme de marques françaises, dénominative et semi figurative, le signe Champomy, également en classe 32, puis, le 7 avril 2000, une marque semi figurative "Champomy Magic Show" en classes 25 et 28, ainsi que, le 8 août 2001, la marque dénominative "Champomy Funny Rosy" pour désigner des boissons de la classe 32 et, enfin, le 8 août 2001, la marque dénominative "Champomy Funny Rose", toujours afin de désigner des boissons non alcoolisées ; que le Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC) et l'Institut national des appellations d'origine, devenu par la suite l'Institut national de l'origine et de la qualité (l'INAO), ayant contesté l'usage de cette dénomination, ainsi que le fait que le conditionnement du produit et la publicité qui lui était consacrée l'associent au champagne, les parties ont convenu que les sociétés du groupe Pernod Ricard ne feraient plus référence au champagne dans leur publicité ou le conditionnement de la boisson en question, l'INAO et le CIVC s'obligeant en contrepartie à ne pas s'opposer à l'usage de la dénomination Champomy ; que, soutenant que la situation à laquelle l'accord conclu à ce propos le 9 janvier 1991 devait mettre fin avait perduré, qu'une nouvelle campagne publicitaire avait été lancée en 2001, qui amplifiait l'évocation du champagne, et que de nouvelles marques avaient été déposées par les sociétés du groupe Pernod Ricard pour désigner des boissons, particulièrement des boissons rosées composées de jus de framboise et de jus de raisin, l'INAO et le CIVC ont, le 19 juillet 2001, assigné la société Pernod Ricard, la société CSR Pampryl et la société Pampryl, devenue par la suite la société JFA, en réclamant la résiliation pour inexécution de l'accord du 9 janvier 1991 , et en toute hypothèse l'annulation des marques litigieuses ainsi que l'octroi de dommages intérêts ; que les sociétés Orangina Schweppes et Schweppes international, entre temps cessionnaires des marques en cause, ont par la suite été attraites à l'instance ;

Sur le premier et le deuxième moyens, rédigés en termes identiques : - Attendu que le CIVC et l'INAO font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en nullité des marques n° 1 595 175 et n° 1 595 176, "Champomy" n° 3 028 958, "Champomy Funny Rosy" et "Champomy Funny Rose" n° 01 3 116 928 et 01 3 116 929, et "Champomy Magic Show" n° 3 021 596, et d'avoir en outre rejeté leur action en réparation et leur demande tendant à l'interdiction d'usage de la dénomination Champomy pour désigner cette boisson ou toute autre, alors, selon le moyen : 1°) que la reprise systématique par les sociétés Pernod Ricard, pour la commercialisation d'un jus de pomme de toutes les caractéristiques du Champagne, qu'il s'agisse du signe choisi à titre de marque, du conditionnement ou de la promotion, caractérisait le risque de détournement de la notoriété de l'appellation Champagne, peu important qu'un univers propre, reprenant ces caractéristiques, ait émergé autour du jus de pomme litigieux ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 643 1 (anciennement L. 641 2) du Code rural ; 2°) qu'en retenant l'émergence d'un univers "propre" ou "particulier" et, dans le même temps, que les sociétés du groupe Pernod Ricard avaient repris de façon systématique toutes les caractéristiques propres à la présentation et aux habitudes de consommation du Champagne, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que la reprise systématique de toutes les caractéristiques du Champagne, qu'il s'agisse du signe choisi à titre de marque, du conditionnement ou de la promotion entraîne la banalisation et/ou la dilution de la notoriété de l'appellation Champagne et donc son affaiblissement, quel que soit l'univers ayant pu être créé autour d'une boisson pour enfants ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 643-1 (anciennement L. 641 2) du Code rural ; 4°) que la reprise systématique de toutes les caractéristiques du Champagne, qu'il s'agisse du signe choisi à titre de marque, du conditionnement ou de la promotion constitue une exploitation injustifiée de la notoriété de l'appellation Champagne ; qu'en rejetant les demandes du CIVC et de l'INAO, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 5°) qu'il appartient au juge, appelé à apprécier le risque de détournement ou d'affaiblissement de la notoriété d'une appellation d'origine généré par l'utilisation d'une mention l'évoquant, de se placer au moment de l'utilisation incriminée ; qu'en se plaçant au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a méconnu l'article L. 643 1 (anciennement L. 641 2) du Code rural ; 6°) qu'il appartient au juge, appelé à se prononcer sur des faits de parasitisme, de se placer à la date des faits incriminés ; qu'en se plaçant au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 7°) qu'en se fondant, pour exclure le risque de détournement et/ou d'affaiblissement de l'appellation Champagne, sur l'émergence d'un univers propre autour de Champomy résultant d'une exploitation ininterrompue de près de vingt ans, la cour d'appel s'est placée à la date à laquelle elle statuait et non à celle de l'assignation, intervenue un peu plus de dix ans après le début de la commercialisation du jus de pomme gazéifié ; qu'ainsi, à supposer même qu'elle ait décidé à bon droit de se placer à la date de l'assignation, la cour d'appel qui n'a pas recherché s'il existait à cette date un risque de détournement ou d'affaiblissement de la notoriété de l'appellation Champagne, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 641 2 du Code rural ; 8°) qu'en autorisant les sociétés du groupe Pernod Ricard à se prévaloir d'un univers propre, qui serait de nature à exclure le risque de détournement ou d'affaiblissement de la notoriété de l'appellation Champagne, quand l'émergence de cet univers résultait de l'inexécution de la convention interdisant à ces sociétés de faire référence, dans l'étiquetage des produits et la publicité, au Champagne, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel s'est placée à bon droit, pour apprécier le risque de détournement ou d'affaiblissement de la notoriété de l'appellation, à la date de l'assignation mettant fin à la tolérance jusqu'alors manifestée par les demandeurs à l'action ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'elle a exactement considéré, à titre surabondant, qu'à supposer même la réalité d'une atteinte aux droits attachés à l'appellation d'origine, il y avait lieu d'examiner, à la date à laquelle elle statuait, la nécessité de prononcer les mesures d'interdiction qui lui étaient demandées ;

Attendu, par ailleurs, qu'ayant relevé que la société Pernod Ricard a fait émerger un univers propre autour de son produit, la cour d'appel a suffisamment écarté le risque, même résultant d'une simple association, d'affaiblissement de la distinctivité attachée à l'appellation Champagne, et même en présence de la reprise d'éléments caractéristiques des produits commercialisés sous cette appellation ;

Et attendu, enfin, qu'en constatant l'émergence de cet univers propre, la cour d'appel, qui a ainsi reconnu que le produit concerné se distinguait suffisamment du champagne, a par là même exclu que l'acquisition de ce caractère distinctif procède d'une méconnaissance de la convention interdisant la référence au champagne ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.