CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 25 février 2015, n° 12-22181
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Tais Parfums (SA)
Défendeur :
Parfums Christian Dior (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Bonaldi, de La Roche, Chardin, Rasle, Fourment
Vu le jugement rendu le 15 mars 2012, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société Tais Parfums de l'ensemble de ses demandes, condamné la société Tais Parfums à payer à la société Parfums Christian Dior les sommes de 681 335,71 US$ outre les intérêts au taux du Libor, calculé à partir du 121e jour suivant la date de chaque facture, avec anatocisme, et 77 985 US$, celle de 250 000 à titre de dommages et intérêts, et celle de 50 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné la société Tais Parfums à restituer à la société Parfums Christian Dior l'ensemble des stocks de produits à la marque Christian Dior, ainsi que le matériel de promotion et de publicité qui avait été mis à sa disposition qu'elle reste détenir, en quelque lieu que ce soit, et ce sous astreinte de 1 000 par jour de retard après le 30e jour suivant la signification du présent jugement ;
Vu l'appel interjeté par la société Tais Parfums le 7 décembre 2012 et ses dernières conclusions signifiées le 4 mars 2013 par lesquelles il est demandé à la cour de condamner la société Parfums Christian Dior à verser à la société Tais Parfums la somme de 9 283 330 USD (ou sa contre-valeur en euros à date de l'arrêt à intervenir) à titre de dédommagement des préjudices qu'elle a subis du fait de la rupture brutale et abusive des relations d'affaires, ordonner la compensation avec le prix des marchandises livrées pour un montant estimé à la contre-valeur en euros de 681 335,71 dollars à la date du 31 décembre 2006 et condamner la société Parfums Christian Dior à verser à la société Tais Parfums la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions d'appel incident de la société Parfums Christian Dior, du 4 décembre 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de déclarer la société Tais Parfums irrecevable en toutes ses demandes, l'en débouter au fond, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des griefs allégués par la société Tais Parfums, confirmer le jugement dont appel pour le surplus, à l'exception des dommages-intérêts portés à 400 000 , en réparation du préjudice causé par les agissements fautifs commis par la société Tais Parfums en violation de ses obligations contractuelles et des intérêts à courir sur la somme de 681 335,71 US$ au titre des livraisons impayées, qui seront portés à un taux égal au taux du Libor (London Interbank Offered Rate) majoré de six points, conformément à l'article 4.5 du contrat, et sera calculé à partir du 121e jour suivant la date de chaque facture, avec anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, condamner la société Tais Parfums au paiement de la somme de 80 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Sur ce,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société Tais Parfums, de droit chilien, a conclu avec la société Parfums Christian Dior, une série de contrats successifs, à durée déterminée, relatifs à la distribution exclusive de produits cosmétiques de la marque Christian Dior sur le territoire du Chili, formalisant ainsi des rapports commerciaux remontant à 1984.
Le dernier en date de ces contrats a été signé le 3 septembre 2002, et conclu pour une durée initiale de trois ans, débutant le 1er janvier 2002 pour se terminer le 31 décembre 2004. Ce contrat, faute de dénonciation à effet du 31 décembre 2004, s'est renouvelé pour une durée d'une année à compter du 1er janvier 2005, puis pour la même raison, à partir du 1er janvier 2006.
Au cours du 1er trimestre 2005, les parties ont entamé des pourparlers en vue d'un renouvellement du contrat pour les trois prochaines années.
Les discussions ont finalement échoué, la société Parfums Christian Dior souhaitant que la structure des prix soit modifiée, et, notamment que la marge brute du distributeur ne soit plus fixée, comme par le passé, à 46 %. Faute d'accord, le Président de Parfums Christian Dior a notifié à la société Tais, le 19 juin 2006, sa décision " de faire obstacle au renouvellement du contrat " à son échéance du 31 décembre 2006, conformément à l'article XII-11.1 du contrat.
La société Parfums Christian Dior a refusé d'ouvrir une nouvelle discussion pendant l'exécution du préavis.
C'est dans ces conditions que la société Tais Parfums a fait assigner le 28 février 2008 la société Parfums Christian Dior, pour violation d'un pré accord de renouvellement du contrat du 14 avril 2005, et, à titre subsidiaire, pour rupture brutale des relations commerciales établies. Le tribunal l'a déboutée de ses demandes, estimant que l'accord invoqué par la plaignante n'était en réalité qu'un projet non finalisé et non signé et que la rupture, intervenue selon les termes du contrat, n'était pas brutale. Il l'a condamnée, sur demandes reconventionnelles de la société Parfums Christian Dior, au paiement de factures et en remboursement du " budget incorporé ", et, enfin, en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et restitution du stock.
Sur les exceptions d'irrecevabilité et d'incompétence soulevées par la société Parfums Christian Dior
Sur l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce
Considérant que l'intimée soutient que la loi applicable à l'action délictuelle est la loi chilienne, loi du lieu du dommage, la loi du contrat ne gouvernant que les actions de nature contractuelle ; qu'en effet, si la loi française est la loi matérielle désignée par le contrat, elle ne peut s'appliquer à cette action, puisque celle-ci est hors champ contractuel ; que le critère de rattachement étant le lieu de production du fait dommageable et les relations économiques s'étant déroulées exclusivement au Chili, c'est la loi chilienne qui doit s'appliquer ;
Considérant que l'appelante expose que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce est une loi de police qui peut être revendiquée indépendamment de toute condition de nationalité ;
Considérant que l'article XIX du contrat du 3 septembre 2002 prévoit que " le présent contrat sera soumis aux lois de la France" ;
Considérant que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et que la loi applicable à cette responsabilité est celle de l'État du lieu où le fait dommageable s'est produit, ce lieu s'entendant aussi bien de celui du fait générateur du dommage que celui du lieu de réalisation de ce dernier ; qu'en cas de délit complexe, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable ; qu'en l'espèce, ces liens résultent des relations contractuelles entre les parties, préexistantes depuis 1984 ; que celles-ci ont été formalisées par un contrat conclu à Paris, désignant le droit français comme loi applicable et les tribunaux français comme juridictions compétentes ; que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce est donc applicable ;
Sur l'application de l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce
Considérant que la société Parfums Christian Dior précise que la version de l'article L 442-6 I 4° du Code de commerce qui est soulevée n'était pas en vigueur à l'époque des faits ; que l'action de l'appelante est donc irrecevable ;
Considérant que le texte invoqué par la société appelante n'est entré en vigueur qu'après les faits, soit le 15 novembre 2008 ; que ce texte est donc inapplicable à la présente espèce ;
Considérant que, du 3 août 2005 au 5 janvier 2008, l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce était ainsi rédigé : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente" ; qu'il y a donc lieu d'apprécier les faits de la cause au regard de cet article ;
Considérant que les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société intimée seront donc rejetés ;
Sur le défaut d'intérêt légitime de la société Tais à agir
Considérant que la société Parfums Christian Dior soutient que les "agissements graves de l'appelante ne sauraient fonder un quelconque droit d'agir en justice" ;
Considérant que ces agissements prétendument graves pourraient, éventuellement, justifier la condamnation reconventionnelle de la société Tais Parfums, mais ne sauraient la priver de la faculté de faire valoir ses droits dans le cadre du non-renouvellement du contrat de 2002 ;
Sur le fond
Sur les relations d'affaires
Considérant que les parties s'accordent sur l'existence de relations anciennes, mais s'opposent sur leur point de départ, la société Parfums Christian Dior les faisant débuter en 1984, et la société Tais Parfums, à l'existence de relations entre la société Laboratorios Garcia, dirigée par la famille de son actuel dirigeant, Monsieur Fernando Garcia ;
Mais considérant que la preuve de relations continues, par l'intermédiaire de sociétés différentes, exige la démonstration d'une véritable continuité commerciale entre celles-ci que la société Tais Parfums ne tente même pas de démontrer ; qu'il y a donc lieu de fixer le point de départ des relations contractuelles au 10 mars 1984 et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
Sur la brutalité de la rupture
Considérant que la société Tais Parfums prétend que la société Parfums Christian Dior a mis un terme de façon brutale à ces relations d'affaires par un courrier du 19 juin 2006 à effet au 31 décembre 2006 ; que compte tenu de l'ancienneté avérée des relations d'affaires et de son état de dépendance économique, le délai de préavis qui devait être respecté par la société Parfums Christian Dior pour mettre un terme aux relations d'affaires ne pouvait être inférieur à 33 mois ; que le préavis de six mois octroyé était insuffisant et n'a pas été respecté, la société Parfums Christian Dior n'ayant plus honoré les commandes de la société Tais Parfums à compter de juillet 2006 ;
Considérant que la société Parfums Christian Dior soutient que la rupture n'est pas brutale, la société Tais ayant dû s'attendre, depuis le début des pourparlers de 2005, à l'éventualité d'une non-reconduction des contrats ; que la société Tais Parfums ne pourrait pas se prévaloir d'une insuffisance de préavis, étant à l'origine, par son intransigeance, de l'échec des pourparlers, puis des conséquences de l'incident grave créé par elle, à la suite des menaces de fermeture d'un point de vente pilote au sein de la première enseigne de distribution chilienne ; qu'elle a bénéficié d'un préavis de plus de six mois entre la lettre du 19 juin 2006 lui notifiant le non-renouvellement du contrat et l'échéance de celui-ci au 31 décembre 2006 ; que la société Tais Parfums n'a jamais été placée dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Parfums Christian Dior ;
Considérant que l'article XI du contrat prévoyait que le contrat durait trois ans, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, puis se renouvelait tacitement par période annuelle, sous réserve de dénonciation du contrat six mois avant l'expiration de chaque terme ; que le contrat a ainsi été renouvelé pendant deux périodes annuelles en 2005 et 2006, faute de dénonciation dans les délais de préavis ; que, dès mars 2005, la conclusion d'un autre contrat était envisagé, et non plus la reconduction du précédent contrat ; que, dès lors, dès mars, le maintien des relations contractuelles entre les parties était affecté d'une certaine précarité ;
Considérant, en effet, que le 29 mars 2005, le directeur international de la société Parfums Christian Dior, M. Dugny, avait demandé à Mme Larroque, qui négociait avec Tais Parfums, de revoir les conditions financières consenties à la société Tais Parfums ; que ce mail, communiqué à la société Tais Parfums, était le suivant : "Suite à l'analyse du dossier que nous avons eu sur Tais jeudi 24 mars à Miami, je te confirme mon désaccord sur le niveau de rémunération proposé à cet agent. C'est l'agent le plus cher du monde avec des conditions de paiement hors norme sur la zone pour un résultat médiocre pour PCD en termes de part de marché. Si nous voulons continuer il faut qu'il revoie sa position pour mieux partager équitablement les gains sur ce marché et qu'il nous prouve qu'il peut faire progresser la marque " ; que par message électronique de Madame Larroque du 29 mars 2005 le courriel du directeur international de la société Parfums Christian Dior a été transféré à la directrice commerciale de Tais Parfums : " Comme je te l'ai dit par téléphone et pour ton information, tu trouveras ci-après le mail que notre Directeur International, Thierry Dugny, m'a envoyé par rapport à la renégociation du contrat avec Tais. Il est en français, mais je suis sûre qu'à sa lecture tu comprendras sans aucun doute la position de la Direction Internationale et mon impossibilité d'aller plus loin que les pré-accords que nous avons obtenus pour le moment " ; que dès mars 2005, la société Christian Dior manifestait clairement et sans ambiguïté son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales avec Tais Parfums dans les conditions antérieures et faisait, ainsi, courir les délais de préavis considérés ; qu'aucun accord n'a pu être trouvé sur la structure des prix, point essentiel de l'économie du contrat ; que le 1er août 2005, Madame Larroque informait la directrice commerciale de la société Tais Parfums du maintien de la position de la direction internationale quant au refus de la société Tais Parfums de réviser à la baisse son niveau de rémunération : " A mon retour, il faudra que je parle avec toi puisque malheureusement ils m'ont communiqué aujourd'hui quelques nouvelles pas très bonnes en ce qui concerne le renouvellement du contrat " ; que par courrier adressé à la société Parfums Christian Dior le 2 septembre 2005 par le président de la société Tais Parfums, celui-ci consacrait deux pages de sa lettre pour expliquer les raisons militant en faveur du statu quo sur les marges brutes à 46 % ; que le document de travail, daté du 28 mars 2005, est dénué de portée et la société Parfums Christian Dior n'est pas " revenue " sur ce qu'elle aurait prétendument accepté ; que non seulement le document de travail en date du 28 mars 2005 n'a pas valeur contractuelle, mais la société Tais Parfums savait qu'un accord ne pouvait être conclu qu'avec le représentant légal de la société Parfums Christian Dior ; que le document est revêtu de la mention : " Le présent projet de contrat est un document de travail et sera considéré comme n'ayant aucun effet obligatoire sur les parties " ;
Considérant que la société Tais Parfums échoue à démontrer qu'elle aurait été entretenue dans l'espérance du maintien des relations commerciales, car elle connaissait la portée de son refus de renégocier à la baisse sa marge brute ; que le distributeur évincé savait, dès mars 2005, que les relations commerciales ne seraient pas nécessairement renouvelées ou prorogées ; que dès lors, il peut être conclu que le préavis a commencé en mars 2005 et a duré jusqu'au 31 décembre 2006 et a donc duré 22 mois ;
Considérant que la société appelante ne démontre pas avoir été placée dans une situation de dépendance économique ; que la société Tais ne réalisait en moyenne que 40 % de son chiffre d'affaires avec les produits Dior, le chiffre donné pour 2006 n'étant pas représentatif, en raison des commandes excessivement élevées pratiquées par le distributeur les six derniers mois, en violation du contrat de distribution ; qu'elle n'était liée par aucun rapport d'exclusivité à cette société et distribuait d'autres marques de renommée internationale ; que l'article 8.5 du contrat n'imposait aucune obligation à la charge de Tais Parfums, autre qu'une simple information, en cas de signature de nouveaux contrats de distribution avec d'autres marques dans le segment du luxe ; que la société Tais Parfums commercialisait ainsi de nombreuses marques de prestige (Azzaro, Clarins, Ted Lapidus, Balenciaga, Dolce Gabana, Adolfo Dominguez) ;
Considérant qu'au regard de l'ancienneté des relations commerciales, de l'absence de dépendance économique, et d'investissements dédiés, l'octroi du préavis de 22 mois prive de brutalité le non-renouvellement du contrat intervenu ;
Considérant que la société Tais ne démontre pas que les six derniers mois de préavis auraient été ineffectifs, en raison de prétendus refus de livraison de la société Parfums Christian Dior ; qu'en effet, le fabricant a été, à juste titre, alarmé par les quantités inhabituelles de produits Dior commandées au cours des six derniers mois, excédant les niveaux habituellement commandés, et conduisant la société Tais Parfums à accumuler un stock trop important de produits ; qu'il n'est pas démontré que ces refus, justifiés, aient placé la société Tais Parfums dans l'incapacité d'exécuter les six derniers mois de préavis ; qu'aucune faute n'est imputable de ce chef à la société Parfums Christian Dior ;
Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Tais Parfums de ses demandes pour rupture brutale des relations commerciales ;
Sur l'article L. 442-6 I 4° du Code de commerce
Considérant que la société Tais Parfums soutient qu'un pré-accord était intervenu avec la société Parfums Christian Dior à la fin du 1er semestre 2005 ; que ce pré-accord n'avait cependant pas été formalisé, au motif que la société Parfums Christian Dior était revenue sur les conditions qui avaient été convenues sur la " Price Structure " ; que la société Dior ne pouvait valablement soumettre la poursuite des relations à la réduction substantielle de la marge brute sur laquelle la société Tais Parfums était organisée depuis de nombreuses années, soit 46 % ;
Considérant que l'intimée soutient qu'elle a régulièrement fait obstacle au renouvellement du contrat de distribution qui avait été consenti à la société Tais Parfums par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 juin 2006, ledit contrat étant parvenu à son échéance au 31 décembre 2006, date de cessation des relations contractuelles ;
Considérant qu'il n'est pas interdit à un fabricant de subordonner le renouvellement du contrat à l'acceptation par le distributeur de conditions moins favorables pour lui, à condition que ces conditions ne soient pas irréalisables et que les discussions soient empreintes de bonne foi ; qu'en l'espèce, il n'est nullement démontré que la société Parfums Christian Dior ait subordonné le renouvellement du contrat à des conditions irréalisables ou injustifiées ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Parfums Christian Dior
Considérant que la société Parfums Christian Dior affirme que la société Tais Parfums s'est, pendant la période de préavis de dénonciation contractuelle, comportée de manière déloyale dans le but de se procurer des produits Dior, en quantité excessive pour préparer la mise en place d'un marché parallèle ; qu'en outre, la société Tais Parfums aurait bloqué tous ses paiements de facture ; que le comportement de mauvaise foi de la société Tais Parfums avant la notification du non-renouvellement du contrat, ses actes déloyaux pendant le cours du préavis et ses agissements frauduleux passé le terme du contrat auraient causé un important préjudice à la société Parfums Christian Dior dont elle demande réparation ;
Considérant que la société Tais affirme que la falsification de l'inventaire qui lui est reprochée est due à une erreur de la société Parfums Christian Dior ; que le grief d'alimentation d'un marché parallèle est inopérant, comme, d'ailleurs, tous les autres griefs ;
Considérant que, dès le mois de mai 2006 (avant la notification du non-renouvellement du contrat), la société Tais Parfums avait refusé l'ouverture d'un stand Dior et menacé d'en fermer un autre ;
Considérant qu'entre juin et septembre 2006, Tais Parfums a commandé massivement des produits Dior qui excédaient largement les ventes à venir, pour lesquelles existait déjà un stock suffisant, en violation de l'article 6.1 du contrat prohibant la constitution de stocks excessifs ;
Considérant qu'il est démontré par les pièces produites aux débats que la société appelante, grâce notamment à ces commandes anormales et à son stock, et aussi en essayant de s'approvisionner secrètement en produits Dior, par l'intermédiaire d'une entreprise affiliée, la société Tais DFS, a alimenté un marché parallèle ; qu'au début de l'année 2007, Tais Parfums aura vendu pour près de 1,1 M US$ de produits Dior sur le marché parallèle, à raison de 197 808 US $ entre janvier et août 2007, s'ajoutant à la cession d'une autre partie de son stock pour 1 105 188 US$ à Tais SA le 1er février 2007 ;
Considérant qu'il est, par ailleurs, démontré, au vu notamment des procès-verbaux de constats d'huissiers en date des 29 novembre et 21 décembre 2006, produits aux débats, que la société Tais Parfums a délibérément écoulé des produits Dior en grandes quantités en dehors du circuit pendant le cours du préavis de dénonciation du contrat, et, ce, dans des conditions dommageables pour la réputation de la marque, puisque ces ventes ont été réalisées à des prix cassés, allant jusqu'à des remises de 70 % du prix ;
Considérant que, selon l'article 11.3 du contrat, la fin des relations contractuelles, quelle qu'en soit la cause, impliquait la cessation immédiate de l'activité de commercialisation des produits Dior et de tout usage de la marque ou de tout support présentant un lien quelconque avec la société Parfums Christian Dior ; que la société Tais Parfums devait restituer le stock dans le mois suivant l'échéance du contrat, et en recevoir le prix, selon les règles de valorisation contractuelles convenues ;
Considérant qu'en violation de ces obligations, elle n'a pas restitué le stock, mais, sur la seule période de janvier à août 2007, et alors que la quasi-totalité de son stock avait été transféré à la société Tais SA, a vendu pour 100 417 706 pesos chiliens, soit 197 808,94 US$ de produits Dior à des commerçants chiliens en dehors du réseau, ce, en violation expresse de ses obligations contractuelles ;
Considérant que Tais Parfums refusait de communiquer un état de stock actualisé en septembre 2006, et l'inventaire du stock communiqué par elle le 13 juillet 2006 était faux ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations, que les premiers juges ont considéré, là encore à juste titre, que " ces faits, manifestement destinés à atteindre la réputation et à nuire à l'image de Dior au Chili tout en réalisant des profits parasites au détriment de la marque, n'ont pu que causer un préjudice certain à Parfums Dior " ; qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 400 000 le préjudice subi par la société Parfums Christian Dior ; que le jugement déféré sera donc infirmé sur le quantum alloué ;
Sur les factures impayées
Considérant que la société Tais Parfums ne conteste pas être redevable à l'égard de la société Parfums Christian Dior de la somme de 681 335, 71 US$ ; que cette somme sera majorée des intérêts à un taux égal au taux du Libor majoré de six points, conformément à l'article 4.5 du contrat, et qui sera calculé à partir du 121e jour suivant la date de chaque facture, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Sur le remboursement au titre du budget incorporé
Considérant que la société Tais Parfums n'apporte pas les justificatifs nécessaires pour contredire le fait qu'en l'état actuel, le budget incorporé 2005 réellement dépensé s'est élevé à la somme de 225 015 US $, soit une insuffisance d'investissement sur la marque à hauteur de la somme de 77 985 US $ ; qu'il y a donc lieu de la condamner à payer à la société Parfums Christian Dior la somme de 77 985 US $ ; que le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point ;
Sur la restitution des stocks encore détenus par la société Tais
Considérant que la société Tais ne démontrant pas avoir restitué l'intégralité des stocks encore détenus, il y a lieu de maintenir l'injonction de restitution prononcée par les Premiers Juges ;
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant de l'indemnisation allouée à la société Parfums Christian Dior et sur le calcul des intérêts à courir sur les marchandises impayées, - l'infirme sur ces points, - et, Statuant à nouveau, - Condamne la société Tais Parfums à payer à la société Parfums Christian Dior la somme de 400 000 à titre de dommages intérêts, - Condamne la société Tais Parfums à payer à la société Parfums Christian Dior la somme de 681 335,71 US$, cette somme étant majorée des intérêts à un taux égal au taux du Libor majoré de six points, conformément à l'article 4.5 du contrat, et sera calculé à partir du 121e jour suivant la date de chaque facture, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; - Condamne la société Tais Parfums aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, - Condamne la société Tais Parfums à payer à la société Parfums Christian Dior la somme de 70 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.