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Décisions

Cass. crim., 25 février 2015, n° 13-87.795

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

President :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Soulard

Avocat général :

M. Gauthier

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, Me Ricard

Paris, ch. 5-7, du 30 oct. 2013

30 octobre 2013

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société X, la société Y, la société Z, contre l'arrêt n° 61 de la Cour d'appel de Paris, chambre 5-7, en date du 30 octobre 2013, qui, sur renvoi après cassation (Com., 14 février 2012, n° 11-11.750 et 11-13.130), a confirmé l'ordonnance du président du tribunal de grande instance autorisant la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et a prononcé sur la régularité desdites opérations ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par ordonnance du 28 janvier 1994, le président du Tribunal de grande instance de Marseille a autorisé le chef du service régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisies notamment dans les locaux des sociétés A et B, afin de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du béton prêt à l'emploi ; que, par décision du 17 juin 1997, le Conseil de la concurrence a infligé des sanctions à l'encontre de plusieurs entreprises, dont les sociétés A, B et C ; qu'après que deux arrêts statuant successivement sur le recours formé contre cette décision eurent été cassés, la cour d'appel, par arrêt du 27 janvier 2011, a condamné les sociétés X, venant aux droits de la société A, Y, venant aux droits de la société B, et Z, venant aux droits de la société C, pour violation des règles de la concurrence, après avoir rejeté la contestation de la validité de l'ordonnance autorisant les opérations de visite et saisie que celles-ci avaient formée en application de l'article 5 IV, alinéa 2, de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ; que cet arrêt a été censuré au motif que l'examen de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles ayant conduit à autoriser les opérations de visite et saisie par la même formation de jugement que celle appelée à statuer sur le bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée était de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société X, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le recours formé contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 1994 par le président du Tribunal de grande instance de Marseille, ayant autorisé des visites et des saisies dans les locaux de diverses sociétés, et contre les opérations de visite et de saisie du 7 février 1994 ; " aux visas d'une ordonnance rendue le 16 octobre 1996 par le premier juge, d'une décision rendue le 30 octobre 1996 par le Conseil de la concurrence, d'un arrêt rendu 21 novembre 1997 par la Cour d'appel de Paris, d'un arrêt rendu le 15 juin 1999 par la Cour de cassation, d'un arrêt rendu le 16 novembre 2004 par la Cour d'appel de Paris, d'un arrêt rendu le 31 janvier 2006 par la Cour de cassation, d'un arrêt rendu le 16 juin 2009 par la Cour d'appel de Paris, d'un arrêt rendu le 21 juin 2011 par la Cour de cassation, concernant les sociétés Colas et Jean-François ; " et au visa des seules dernières conclusions de la société X, enregistrées au greffe de la cour le 3 octobre 2013 ;

"1°) alors que les jugements doivent être motivés ; que la cour d'appel, qui a visé dans un rappel de la procédure, des décisions ressortissant à une affaire distincte et a omis tout rappel de la procédure qui avait abouti à sa saisine, a violé les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"2°) alors qu'en visant dans un rappel de la procédure, des décisions ressortissant à une affaire distincte et en omettant tout rappel de la procédure qui avait abouti à sa saisine, la cour d'appel a fait peser un doute sur son impartialité et violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"3°) alors que le premier président doit statuer sur l'ensemble des écritures déposées ; que dès lors, en ne statuant que sur les dernières écritures de la société X, soit les conclusions en duplique en date du 3 octobre 2013 et non pas sur celles des 5 février, 23 avril et 3 mai 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour les sociétés Y et Z, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'appel des sociétés demanderesses dirigé contre l'ordonnance rendue le " 6 juillet 1994 " par le premier vice-président du Tribunal de grande instance de Marseille ayant autorisé les visites et des saisies pratiquées dans les locaux de diverses sociétés, et contre l'ensemble des actes subséquents ;

" aux visas d'une ordonnance rendue le 16 octobre 1996 par le premier juge, qui a déclaré irrecevable le recours en annulation des opérations de visite, formé par diverses sociétés, dont la société D, d'une décision rendue le 30 octobre 1996 par le Conseil de la concurrence qui a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de quatorze entreprises, dont la société D, venue aux droits de la société E, d'un arrêt rendu le 21 novembre 1997 par la Cour d'appel de Paris qui a sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit justifié d'une décision judiciaire irrévocable sur la régularité des opérations de visite domiciliaire et de saisie effectuées dans les locaux de la société F, d'un arrêt rendu le 15 juin 1999 par la Cour de cassation qui a cassé l'ordonnance susvisée du 16 octobre 1996 et renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de Toulon, d'un arrêt rendu le 16 novembre 2004 par la Cour d'appel de Paris qui a renvoyé au Conseil de la concurrence l'examen des griefs notifiés aux parties, d'un arrêt rendu le 31 janvier 2006 par la Cour de cassation au visa des articles L. 464-8 du Code de commerce, 561 et 562 du Code de procédure civile, qui a cassé l'arrêt susvisé du 16 novembre 2004, motif pris de ce que la cour d'appel aurait dû statuer en fait et en droit sur la demande des parties, d'un arrêt rendu le 16 juin 2009 par la Cour d'appel de Paris saisie à la fois comme cour de renvoi sur l'annulation de la décision du 30 octobre 1996 (Conseil de la concurrence) et en nullité des ordonnances rendues le 15 juin 1989 par le président du Tribunal de grande instance de Draguignan, et le 19 juin 1989 par le président du Tribunal de grande instance de Marseille, qui avaient autorisé les visites domiciliaires et les saisies, et qui a notamment annulé la décision du Conseil de la concurrence du 30 octobre 1996 motif pris de la présence de son rapporteur général au délibéré du Conseil, rejeté le recours contre l'autorisation de visite domiciliaire et de saisie du 15 juin 1989 rendue par le président du Tribunal de grande instance de Draguignan, déclaré irrecevables les contestations des opérations de visites et de saisies intervenues le 6 juillet 1989 dans les locaux de la société F, dit que les sociétés D et E ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, infligé à la société D deux amendes de 350 000 euro et 45 000 euro et d'un arrêt rendu le 21 juin 2011 par la Cour de cassation qui a cassé et annulé l'arrêt susvisé du 16 juin 2009, motif pris que l'examen par la même formation, d'une part, de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visites domiciliaires et les saisies, et d'autre part, du bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction, sans distinction quant à la décision prise ;

"et aux motifs que s'agissant des vérifications personnelles du juge, les motifs et le dispositif de l'ordonnance déférée sont réputées avoir été établis par celui qui l'a rendue et signée et l'absence de contrôle effectif ne saurait se déduire du fait que l'ordonnance a été rendue le même jour que le dépôt de la requête, alors qu'aucun délai minimum n'est prescrit par les textes à ce sujet ;

"1°) alors que tout jugement doit être motivé ; qu'en visant, dans son rappel des faits et de la procédure, des décisions relatives à des procédures de perquisitions étrangères à la présente affaire et en s'abstenant de faire mention de la procédure qui avait abouti à sa saisine, la cour d'appel a violé les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"2°) alors qu'en statuant ainsi, et en validant par surcroît, dans son dispositif, une ordonnance du " 6 juillet 1994 " qui n'était nullement en cause, la cour d'appel a fait peser un doute sur son impartialité, méconnu le droit des sociétés demanderesses à un procès équitable et violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme" ;

Les moyens étant réunis : - Attendu que, d'une part, si l'arrêt attaqué comporte un certain nombre de mentions erronées quant au rappel des décisions précédemment rendues dans la même affaire, les juges n'ont pas, pour autant, manqué à leurs obligations d'impartialité et de motivation, ces erreurs n'étant pas reproduites dans les motifs de la décision ;

Attendu que, d'autre part, il résulte de l'article 954 du Code de procédure civile que la cour d'appel n'avait pas à répondre à d'autres conclusions qu'à celles, récapitulatives, du 3 octobre 2013 ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société X, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le recours formé contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 1994 par le président du Tribunal de grande instance de Marseille, ayant autorisé des visites et des saisies dans les locaux de diverses sociétés, et contre les opérations de visite et de saisie en date du 7 février 1994 ;

" aux motifs que sur l'impartialité du juge, les sociétés Y et X invoquent l'inconventionnalité des mesures transitoires prévues par l'article 5 IV, alinéa 2, de l'ordonnance n° 2008·1161 du 13 novembre 2008, en ce qu'intervenant après un arrêt de rejet partiel du pourvoi contre l'ordonnance déférée, et alors qu'une décision de condamnation au fond est déjà intervenue, elles ne peuvent plus offrir les garanties d'un juge impartial ; (...) que cependant, dès lors qu'une décision déjà prise par une autre formation ne s'impose pas au juge, il appartient à celui-ci d'apprécier en toute indépendance les faits dont il est saisi, quelles que soient les conséquences prévisibles de l'annulation demandée sur le sort du dossier jugé par ailleurs, sauf à remettre en cause l'effet rétroactif des annulations et le principe du double degré de juridiction, notamment en matière criminelle ; qu'il importe peu, au surplus, que l'annulation de l'autorisation querellée soit susceptible d'entraîner des conséquences rétroactives sur les sanctions déjà prises, dès lors que ces contentieux sont examinés par des formations de jugement différentes, excluant tout conflit d'intérêts, alors qu'aucun juge composant la cour n'a eu à connaître précédemment des faits qui sont soumis à son examen ; que ce moyen sera donc rejeté ; Que, sur le délai raisonnable, les sociétés requérantes considèrent que le recours ouvert par l'article 5 IV, alinéa 2, ne satisfait pas à l'exigence du délai raisonnable ; que si chacun a droit à un procès équitable, lequel exige que l'on soit jugé dans un délai raisonnable, ce délai doit s'apprécier au regard de la complexité de l'affaire, des diligences des autorités compétentes et du comportement du requérant ; que, d'autre part, la durée excessive de la procédure ne peut donner lieu qu'à une indemnisation sans pouvoir en aucun cas entraîner sa nullité ; que le délai particulièrement long, de quinze années, qui s'est écoulé entre le 7 février 1994, jour de la perquisition et la date de la requête, s'explique, non pas par la complexité de l'affaire, mais par l'évolution progressive de la jurisprudence qui, à chaque étape de la procédure, a accordé aux parties les garanties nouvelles qu'elles réclamaient : recours effectif ; juge impartial, mesures transitoires à effet rétroactif, permettant la mise en œuvre de dispositions plus protectrices ; que le caractère rétroactif de l'annulation sollicitée est par ailleurs, susceptible d'entraîner, s'il y est fait droit, l'annulation des sanctions prises par le Conseil de la concurrence, devenu Autorité de la concurrence, de sorte que ce délai n'est pas de nature à entraîner des conséquences irrémédiables pour les sociétés requérantes, lesquelles ne sollicitent d'ailleurs pas l'allocation de dommages et intérêts ; qu'il résulte donc de l'enchaînement des procédures successives ayant conduit à la présente décision, qu'aucun manquement de l'État à son devoir de protection juridictionnelle n'est établi et que le délai écoulé n'a pas entraîné une atteinte personnelle, effective et irrémédiable aux parties requérantes dont le comportement paradoxal doit être, par ailleurs souligné: les sociétés Y et X ayant obtenu, à force de ténacité, le bénéfice de mesures transitoires leur permettant d'exercer, enfin, et rétroactivement, un recours effectif contre la décision d'autorisation de visite domiciliaire, et utilisant paradoxalement ce succès pour réfuter l'examen tant désiré de la décision déférée ; que ce moyen sera donc rejeté ;

"1°) alors que l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme garantit un procès équitable, ce qui suppose l'impartialité objective du juge ; que le juge qui statue sur un recours exercé contre une autorisation de visite et de saisie qui a permis la découverte de pièces sur le fondement desquelles une condamnation a d'ores et déjà été prononcée, ne peut statuer de façon impartiale ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"2°) alors que les dispositions transitoires de l'article 5, IV, de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 instituent un recours contre l'ordonnance d'autorisation qui est l'accessoire du recours contre la décision au fond ; que la Cour d'appel de Paris, parallèlement saisie, fût-ce dans une autre composition, d'un recours au fond contre la décision du Conseil de la concurrence exercé en vertu de l'article L. 464-8 du Code de commerce, ne pouvait statuer impartialement sur le recours qui était formé contre l'ordonnance ayant autorisé les visites et les saisies sur le fondement desquelles cette condamnation avait pu être prononcée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"3°) alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ; que les Etats sont débiteurs de cette garantie ; que dès lors, ils ne peuvent s'en exonérer au motif qu'ils n'ont accordé que progressivement et tardivement des garanties supplémentaires ayant finalement abouti, au bout de quinze ans, à l'ouverture d'un recours effectif ; que tel était le cas en l'espèce, où la France aurait dû offrir, dès le 7 février 1994, la possibilité de relever appel de l'ordonnance critiquée ; que dès lors, en jugeant que le délai n'était pas excessif, tout en constatant que ce recours n'avait été ouvert qu'en novembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"4°) alors que les parties dont la cause n'a pas été entendue dans un délai raisonnable sont en droit d'obtenir une réparation adéquate du préjudice subi, laquelle peut ne pas résider dans l'allocation de dommages-intérêts mais dans l'annulation d'une décision ; que tel est le cas lorsque la durée excessive de la procédure a eu une incidence sur la solution du litige ; qu'en l'espèce, la durée excessive de la procédure de recours contre l'ordonnance du 28 janvier 1994 avait rendu illusoire et théorique ce recours, dès lors que le Conseil de la concurrence avait d'ores et déjà infligé des sanctions ; qu'en refusant néanmoins d'annuler l'ordonnance à titre de réparation, la cour d'appel a derechef méconnu le texte susvisé ;

"5°) et alors qu'en raison de la durée excessive de la procédure, la société X n'avait pas été en mesure de contester utilement les éléments présentés par l'Administration au président du Tribunal de grande instance de Marseille afin d'obtenir l'autorisation critiquée ; que dès lors, la seule réparation adéquate du dépassement du délai raisonnable consistait dans l'annulation de l'autorisation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel à encore violé le texte susvisé" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour les sociétés Y et Z, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le recours des sociétés demanderesses dirigé contre l'ordonnance rendue le " 6 juillet 1994 " par le premier vice-président du Tribunal de grande instance de Marseille ayant autorisé les visites et des saisies pratiquées dans les locaux de diverses sociétés, et contre l'ensemble des actes subséquents ;

"aux motifs que sur l'inconventionnalité de l'ordonnance n° 2008-1161, du 13 novembre 2008, 1°) sur l'impartialité du juge, les sociétés Y et X invoquent l'inconventionnalité des mesures transitoires prévues par l'article 5 IV alinéa 2 de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, en ce qu'intervenant après un arrêt de rejet partiel du pourvoi contre l'ordonnance déférée, et alors qu'une décision de condamnation au fond est déjà intervenue, elles ne peuvent plus offrir les garanties d'un juge impartial, le ministre de l'économie et des finances réplique que les deux premiers moyens tirés de l'inconventionnalité des dispositions transitoires de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 sont irrecevables, dès lors qu'ils seront examinés par cette cour avec le fond de l'affaire lors de son audience des 20 et 21 juin 2013 ainsi qu'en a décidé la cour lors de l'audience du 18 octobre 2012 ; qu'on ne saurait interdire à une partie de développer les moyens qu'elle juge utiles à sa cause, fût-ce après qu'elle s'est engagée à ne les développer que dans le cadre de l'autre versant de la procédure disjointe ; que cependant, dès lors qu'une décision déjà prise par une autre formation ne s'impose pas au juge, il appartient à celui-ci d'apprécier en toute indépendance les faits dont il est saisi, quelles que soient les conséquences prévisibles de l'annulation demandée sur le sort du dossier jugé par ailleurs, sauf à remettre en cause l'effet rétroactif des annulations et le principe du double degré de juridiction, notamment en matière criminelle ; qu'il importe peu, au surplus, Code l'annulation de l'autorisation querellée soit susceptible d'entraîner des conséquences rétroactives sur les sanctions déjà prises, dès lors que ces contentieux sont examinés par des formations de jugement différentes, excluant tout conflit d'intérêts, alors qu'aucun juge composant la cour n'a eu à connaître précédemment des faits qui sont soumis à son examen ; que ce moyen sera donc rejeté ; 2°) sur le délai raisonnable, les sociétés requérantes considèrent que le recours ouvert par l'article 5 IV, alinéa 2, ne satisfait pas à l'exigence du délai raisonnable, si chacun a droit à un procès équitable, lequel exige que l'on soit jugé dans un délai raisonnable, ce délai doit s'apprécier au regard de la complexité de l'affaire, des diligences des autorités compétentes et du comportement du requérant ; que, d'autre part, la durée excessive de la procédure ne peut donner lieu qu'à une indemnisation sans pouvoir en aucun cas entraîner sa nullité ; que le délai particulièrement long - de quinze années - qui s'est écoulé entre le 7 février 1994, jour de la perquisition et la date de la requête, s'explique, non pas par la complexité de l'affaire, mais par l'évolution progressive de la jurisprudence qui, à chaque étape de la procédure, a accordé aux parties les garanties nouvelles qu'elles réclamaient : recours effectif, juge impartial, mesures transitoires à effet rétroactif, permettant la mise en œuvre de dispositions plus protectrices ; que le caractère rétroactif de l'annulation sollicitée est, par ailleurs, susceptible d'entraîner, s'il y est fait droit, l'annulation des sanctions prises par le Conseil de la concurrence, devenu Autorité de la concurrence, de sorte que ce délai n'est pas de nature à entraîner des conséquences irrémédiables pour les sociétés requérantes, lesquelles ne sollicitent d'ailleurs pas l'allocation de dommages-intérêts ; qu'il résulte donc de l'enchaînement des procédures successives ayant conduit à la présente décision, qu'aucun manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle n'est établi et que le délai écoulé n'a pas entraîné une atteinte personnelle, effective et irrémédiable aux parties requérantes dont le comportement paradoxal doit être, par ailleurs souligné : les sociétés Y et Unibeton ayant obtenu, à force de ténacité, le bénéfice de mesures transitoires leur permettant d'exercer, enfin, et rétroactivement, un recours effectif contre la décision d'autorisation de visite domiciliaire, et utilisant paradoxalement ce succès pour réfuter l'examen tant désiré de la décision déférée ; que ce moyen sera donc rejeté ;

"1°) alors que n'offre pas les garanties d'impartialité le recours ouvert contre une ordonnance autorisant des perquisitions et saisies après qu'un juge ait déjà rejeté un tel recours, et qu'un autre se soit prononcé sur le bien-fondé des poursuites en déclarant l'entreprise poursuivie coupable des faits dont ces visites et saisies étaient destinées à rapporter la preuve ; qu'en faisant application des dispositions inappropriées de l'article 5-IV, alinéa 2, de l'ordonnance du 13 novembre 2008 au motif que le recours qu'il ouvrait garantissait aux sociétés demanderesses le droit à une juridiction impartiale et qu'il importait peu qu'un pourvoi formé contre cette ordonnance ait déjà été rejeté et qu'une décision sur le fond ait été rendue qui les avait déjà condamnées, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"2°) alors que la Cour d'appel de Paris pouvait, au cas d'espèce, d'autant moins statuer de manière impartiale qu'elle était parallèlement saisie, fût-ce dans une autre composition, d'un recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence ayant statué sur le bien-fondé des poursuites et que l'ensemble des décisions rendues sur le fond avaient été rendues par cette même chambre ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de des droits de l'Homme ;

"3°) alors que tout justiciable faisant l'objet d'une autorisation de perquisition délivrée par le juge des libertés et de la détention ou le président du tribunal de grande instance dans des conditions ne respectant pas le principe du contradictoire doit disposer de la faculté d'exercer, dans un délai raisonnable, un recours effectif contre cette décision ; que l'Etat, débiteur de cette garantie, ne peut s'en exonérer au motif qu'il n'a accordé que progressivement et tardivement des garanties supplémentaires ayant finalement abouti à l'ouverture d'un recours prétendument effectif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le législateur n'avait ouvert la possibilité pour les sociétés poursuivies d'exercer un recours contre les ordonnances d'autorisation de saisie et de visite que le 13 novembre 2008 et que le recours de la société Y, au préjudice de laquelle une telle autorisation avait été rendue le 28 janvier 1994, n'avait finalement été examiné devant elle que le 9 octobre 2013 ; qu'en considérant que le droit de la société Y à bénéficier dans un délai raisonnable d'un recours effectif contre l'ordonnance ayant autorisé la pratique de visites et de saisies à son préjudice n'avait pas été violé dans la mesure où le délai de près de quinze ans s'étant écoulé entre la date de l'ordonnance entreprise et l'instauration d'un recours prétendument effectif contre cette ordonnance s'expliquait par " l'évolution progressive de la jurisprudence qui, à chaque étape de la procédure, a accordé aux parties les garanties nouvelles qu'elles réclamaient ", la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir que le recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 répondait, en l'espèce, aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, dans un contexte où l'Etat devait offrir aux sociétés poursuivies dès 1994 un recours permettant un contrôle juridictionnel ; effectif, en fait et en droit, et ce dans un délai raisonnable, des autorisations de visites et de saisies rendues à leur préjudice, et où l'obstination l'Etat et de ses émanations était précisément à l'origine de la méconnaissance du droit des sociétés demanderesses à bénéficier d'un recours effectif contre l'ordonnance ayant autorisé les visites et saisies pratiquées au préjudice de la société Y, a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"4°) alors que, si la sanction qui s'attache à la violation, pour la juridiction, de son devoir de se prononcer un délai raisonnable peut consister en l'allocation de dommages-intérêts, le manquement de l'Etat qui tarde à instaurer un recours effectif contre une ordonnance de perquisition doit nécessairement se résoudre par l'annulation de cette ordonnance pour violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme en sorte qu'en refusant de procéder à l'annulation de la décision entreprise au motif que la longueur de " la procédure " ne pouvait donner lieu qu'au versement de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention susvisée ;

"5°) alors, en toute hypothèse, que si la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour la juridiction de se prononcer dans un délai raisonnable repose en principe sur l'allocation de dommages-intérêts, cette sanction peut prendre la forme de l'annulation d'une décision lorsque la longueur du délai a porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense ou a influé sur l'issue du litige ; qu'en l'espèce, les sociétés demanderesses faisaient précisément valoir que la mise en place d'un recours tardif, près de quinze ans après que l'ordonnance attaquée ait été rendue, avait eu pour effet de permettre au Conseil de la concurrence, puis à la cour d'appel de Paris, par trois fois, de rendre une décision au fond de nature à influencer les magistrats chargés de se prononcer sur le bien-fondé de l'ordonnance d'autorisation ; qu'elles ajoutaient que de nombreuses preuves sur lesquelles se fondait l'ordonnance avaient dépéri ou avaient visiblement été perdues ; qu'en refusant de prononcer l'annulation de l'ordonnance d'autorisation qui lui était déférée au motif que la durée excessive " de la procédure " ne pouvait jamais donner lieu qu'au versement de dommages-intérêts compensatoires, quand la nullité d'une décision de cette nature peut être poursuivie lorsque la longueur du délai a porté atteinte aux droits de la défense et a exercé une influence sur l'issue du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme" ;

Les moyens étant réunis : - Attendu que, d'une part, la cour d'appel n'a pas méconnu l'exigence d'impartialité, dès lors qu'elle a statué sur la contestation de l'autorisation des opérations de visite et saisie dans une composition différente de celle appelée à se prononcer sur le recours formé contre la décision de l'Autorité de la concurrence ;

Attendu que, d'autre part, la méconnaissance du droit à être jugé dans un délai raisonnable, à supposer qu'elle puisse résulter de la création, par l'ordonnance du 13 novembre 2008 précitée, d'une nouvelle voie de recours, ne saurait être une cause de nullité ;

Attendu qu'enfin, il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement si le délai qui s'est écoulé entre la date à laquelle l'ordonnance autorisant les opérations de visite et saisies a été rendue et celle à laquelle la cour d'appel a statué a permis aux sociétés requérantes de contester utilement les documents produits par l'Administration ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société X, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le recours formé contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 1994 par le président du Tribunal de grande instance de Marseille, ayant autorisé des visites et des saisies dans les locaux de diverses sociétés, et contre les opérations de visite et de saisie du 7 février 1994 ;

" aux motifs que les sociétés requérantes considèrent que l'exercice par la cour d'un contrôle juridictionnel effectif de l'ordonnance en fait et en droit, est impossible en l'absence de l'intégralité des pièces présentées le 27 janvier au président du tribunal de grande instance qui a rendu la décision ; que le juge n'a pas davantage procédé à un contrôle personnel des pièces qui lui ont été présentées compte tenu de leur nombre et du temps pris pour la rédaction de son ordonnance ; que l'Administration lui répond (..) qu'au demeurant, les procès-verbaux en question avaient été joints au rapport administratif d'enquête du 25 juillet 1994 et versés au dossier ouvert aux parties, alors que la partie appelante évoque dans ses conclusions des documents qu'elle prétend manquants ; (...) qu'en fait, les parties requérantes font grief à l'Administration de n'avoir pas communiqué les annexes (5 et 33) des pièces dont elles ont demandé et obtenu la communication ; qu'elles réfutent, d'autre part, la communication de photocopies et considèrent que de faux documents ont été communiqués, notamment une "réunion de table", en réalité reconstituée après coup et un faux procès-verbal manuscrit faisant imparfaitement doublon avec un procès-verbal dactylographié ; que c'est pourtant à juste titre que le ministre des finances fait observer que dans sa précédente saisine de la cour, la société X était, comme le premier juge, en possession de l'ensemble des pièces annexées à la requête ; que, par ailleurs, les documents remis le 3 juillet 1993 par M. Mas, salarié licencié et dénonciateur des faits, que les sociétés requérantes considèrent comme frauduleux, n'ont pas été versés au dossier soumis à l'examen du juge ; que, quant aux documents intitulés réunion de table PACA, il n'est pas démontré que M. Mas les ait présentés comme ses notes originales, alors que le procès-verbal du 5 juillet 1993 mentionne, au contraire, la remise de copies de ses notes manuscrites, prises lors des réunions de répartition de marché entre le 7 janvier et le 15 avril 1993 ; que preuve n'est, par ailleurs pas davantage démontrée que les cahiers à spirale contestés par les requérants aient été réalisés après coup ; qu'enfin, chacun des deux procès-verbaux du 5 juillet 1993 est régulièrement signé des enquêteurs et des déclarants, cependant que les différences qui les affectent sont minimes et ne révèlent aucune divergence dans les déclarations qui y sont rapportées s'agissant de l'inventaire des documents communiqués et de l'indication des lieux où d'autres documents pourraient être utilement cherchés, qui ne figurent que dans la version dactylographiée, ou encore de la précision, dans la marge du procès-verbal manuscrit, du nombre de mots et lignes rayés, qui du reste en atteste de plus fort l'authenticité ; qu'ainsi, chacun de ces procès-verbaux est valable et le procès-verbal dactylographié qui ne se présente pas comme une copie certifiée du premier, n'est qu'une simple mise en forme du procès-verbal manuscrit ; que les sociétés Y et Cemex béton affirment également que l'Administration a trompé le juge en lui dissimulant trente procès-verbaux de l'enquête préalable ; que si le comportement de l'Administration doit être exempt de déloyauté, laquelle n'est pas établie, aucun texte ne lui imposait de communiquer la totalité des documents dont elle disposait et il lui suffisait de communiquer ceux qui pouvaient constituer des éléments en faveur de l'existence d'indices de la violation de l'article 7 de l'ordonnance de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 420-1 du Code de commerce, au soutien de sa requête en autorisation de visites domiciliaires et de saisies, alors qu'il n'est pas établi qu'elle ait caché des éléments à décharge ; qu'enfin, s'agissant des vérifications personnelles du juge, les motifs et le dispositif de l'ordonnance déférée sont réputés avoir été établis par celui qui l'a rendue et signée et l'absence de contrôle effectif ne saurait se déduire du fait que l'ordonnance a été rendue le même jour que le dépôt de la requête, alors qu'aucun délai minimum n'est prescrit par les textes à ce sujet ; qu'en fait, il résulte de l'ordonnance critiquée, de la requête et des documents y annexés, tels que visés dans le corps de la décision qui fait foi jusqu'à preuve contraire, et contenus dans le dossier transmis par le tribunal de grande instance de Marseille que le premier juge a disposé d'éléments lui permettant, à juste titre, de considérer notamment que des dysfonctionnements intervenaient dans le marché du béton prêt à l'emploi dans la région Provence-Alpes-Côte-D'azur, que l'Unicem et le SRBPE apparaissaient avoir exercé des pressions sur les maires des communes de Gignac-la-Berthe, d'Ollioules, d'Orange, de Jonquerettes, que les sociétés requérantes, notamment, ont fait des interventions sur les loueurs de camions et des fournisseurs de matières premières (procès-verbal des 25, 28 octobre et 5 novembre 1993), de nature à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, qu'elles avaient fixé en commun leurs prix de vente, et apparaissaient avoir procédé à des baisses sélectives dans des zones où exerçaient des fabricants de béton indépendants SNBT (procès-verbaux des 5 juillet et 15 novembre 1993) afin de les éliminer ; qu'ainsi, les présomptions de fraude sont-elles établies, qui ont légitimé l'autorisation donnée par le juge de la liberté et de la détention de Marseille ;

"1°) alors que les jugements doivent être motivés ; que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que la société X avait fait valoir, dans ses écritures d'appel, que le président du tribunal de grande instance s'était borné à reprendre les affirmations et les pièces de l'Administration, en reproduisant à l'identique les termes de la requête qui lui avait été présentée ; qu'en s'abstenant de vérifier si le président du tribunal de grande instance, en se bornant à une apparence de motivation, n'avait pas fait peser un doute sur son impartialité, la Cour d'appel de Paris a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1,de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"2°) alors que de même, la Cour d'appel de Paris devait vérifier si, en rendant le 28 janvier 1994 une ordonnance sur une requête qui lui avait été présentée la veille, et qui comportait 37 annexes et de nombreuses pièces, le président du tribunal de grande instance de Marseille n'avait pas fait peser un doute sur son impartialité ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la Cour d'appel de Paris a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"3°) alors qu'en tout état de cause, la lecture de l'ordonnance attaquée révélait que le président du tribunal de grande instance n'avait pas eu conscience de ce que quatre des annexes visées (annexes n° 9, 15, 35 et 36), n'étaient pas complètes ; que, faute d'avoir recherché si cette circonstance ne faisait pas peser un doute raisonnable sur son impartialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"4°) alors que le président du tribunal de grande instance doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; que la cour d'appel devait rechercher, de la même façon, si la reproduction à l'identique des termes de la requête, le fait que l'ordonnance ait été rendue le lendemain de la présentation de celle-ci et qu'elle révèle que le président du tribunal de grande instance n'avait pas pris conscience de ce qu'une partie des annexes qu'il visait étaient manquantes, ne démontraient pas que cette juridiction n'avait pas procédé au contrôle prescrit par l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;

"5°) alors que les jugements doivent être motivés ; que la société X avait fait valoir que les pièces annexées à la requête ne lui avaient été remises que tardivement, et qu'il ne s'agissait que de photocopies ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, sans préciser de quels éléments elle tirait cette constatation, que dans " sa précédente saisine de la cour, la société X était, comme le premier juge, en possession de l'ensemble des pièces annexées à la requête ", n'a pas donné de motifs à sa décision ;

"6°) alors que les documents utilisés par l'Administration pour établir sa requête doivent avoir une origine licite ; que tel n'est pas le cas lorsqu'elle a utilisé des documents volés par un salarié à son employeur, peu important qu'elle ne les ait pas ensuite présentés au juge ; que dès lors, la cour d'appel devait rechercher si, comme il était soutenu, l'Administration n'avait pas utilisé, pour rédiger sa requête, des documents frauduleusement soustraits à la société X par l'un de ses salariés ; qu'en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

"7°) alors que les documents remis par l'Administration au président du tribunal de grande instance en vue d'obtenir l'autorisationde pratiquer des visites et des saisies doivent avoir une origine licite ; la société X soutenait, que les notes remises par M. Mas le 5 juillet 1993 à l'Administration de la concurrence et retraçant des réunions qui se seraient tenues entre le 7 janvier et le 15 avril 1993, provenaient d'un vol d'informations ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour les sociétés Y et Z, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le recours des sociétés demanderesses dirigé contre l'ordonnance rendue le " 6 juillet 1994 " par le premier vice-président du Tribunal de grande instance de Marseille ayant autorisé les visites et des saisies pratiquées dans les locaux de diverses sociétés, et contre l'ensemble des actes subséquents ;

"aux motifs que sur les mérites de l'ordonnance déférée, les sociétés requérantes considèrent que l'exercice par la cour d'un contrôle juridictionnel effectif de l'ordonnance en fait et en droit, est impossible en l'absence de l'intégralité des pièces présentées le 27 janvier au président du tribunal de grande instance qui a rendu la décision ; que le juge n'a pas davantage procédé à un contrôle personnel des pièces qui lui ont été présentées compte tenu de leur nombre et du temps pris pour la rédaction de son ordonnance ; que l'Administration lui répond que le moyen tiré de la non communication des pièces présentées par l'Administration au juge est irrecevable comme présenté pour la première fois en appel, alors qu'un premier recours avait été engagé devant la cour de cassation et un second devant cette cour sur renvoi après cassation ; qu'au demeurant, les procès-verbaux en question avaient été joints au rapport administratif d'enquête du 25 juillet 1994 et versé au dossier ouvert aux parties, alors que la partie appelante évoque dans ses conclusions des documents qu'elle prétend manquants ; qu'aucun texte n'interdit la formulation de moyens nouveaux pour la première fois en appel, et en l'espèce, après cassation, les parties pouvaient même présenter des demandes nouvelles ; qu'en fait, les parties requérantes font grief à l'Administration de n'avoir pas communiqué les annexes (5 et 33) des pièces dont elles ont demandé et obtenu la communication ; qu'elles réfutent, d'autre part, la communication de photocopies et considèrent que de faux documents ont été communiqués, notamment une "réunion de table", en réalité reconstituée après coup et un faux procès-verbal manuscrit faisant imparfaitement doublon avec un procès-verbal dactylographié ; que c'est pourtant à juste titre que le ministre des finances fait observer que dans sa précédente saisine de la cour, la société Unibeton était, comme le premier juge, en possession de l'ensemble des pièces annexées à la requête ; que, par ailleurs, les documents remis le 3 juillet 1993 par M. Mas, salarié licencié et dénonciateur des faits, que les sociétés requérantes considèrent comme frauduleux, n'ont pas été versés au dossier soumis à l'examen du juge ; que, quant aux documents intitulés réunion de table PACA, il n'est pas démontré que M. Mas les ait présentés comme ses notes originales, alors que le procès-verbal du 5 juillet 1993 mentionne, au contraire, la remise de copies de ses notes manuscrites, prises lors des réunions de répartition de marché entre le 7 janvier et le 15 avril 1993 ; que preuve n'est, par ailleurs, pas davantage démontrée que les cahiers à spirale contestés par les requérants aient été réalisés après coup ; qu'enfin, chacun des deux procès-verbaux du 5 juillet 1993 est régulièrement signé des enquêteurs et des déclarants, cependant que les différences qui les affectent sont minimes et ne révèlent aucune divergence dans les déclarations qui y sont rapportées s'agissant de l'inventaire des documents communiqués et de l'indication des lieux où d'autres documents pourraient être utilement cherchés, qui ne figurent que dans la version dactylographiée, ou encore de la précision, dans la marge du procès-verbal manuscrit, du nombre de mots et lignes rayés, qui du reste en atteste de plus fort l'authenticité ; qu'ainsi, chacun de ces procès-verbaux est valable et le procès-verbal dactylographié qui ne se présente pas comme une copie certifiée du premier, n'est qu'une simple mise en forme du procès-verbal manuscrit ; que les sociétés Y et Cemex béton affirment également que l'Administration a trompé le juge en lui dissimulant trente procès-verbaux de l'enquête préalable ; que si le comportement de l'Administration doit être exempt de déloyauté, laquelle n'est pas établie, aucun texte ne lui imposait de communiquer la totalité des documents dont elle disposait et il lui suffisait de communiquer ceux qui pouvaient constituer des éléments en faveur de l'existence d'indices de la violation de l'article 7 de l'ordonnance de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 devenu l'article L. 420- 1 du Code de commerce, au soutien de sa requête en autorisation de visites domiciliaires et de saisies, alors qu'il n'est pas établi qu'elle ait caché des éléments à décharge ; qu'enfin, s'agissant des vérifications personnelles du juge, les motifs et le dispositif de l'ordonnance déférée sont réputés avoir été établis par celui qui l'a rendue et signée et l'absence de contrôle effectif ne saurait se déduire du fait que l'ordonnance a été rendue le même jour que le dépôt de la requête, alors qu'aucun délai minimum n'est prescrit par les textes à ce sujet ; qu'en fait, il résulte de l'ordonnance critiquée, de la requête et des documents y annexés, tels que visés dans le corps de la décision qui fait foi jusqu'à preuve contraire, et contenus dans le dossier transmis par le Tribunal de grande instance de Marseille que le premier juge a disposé d'éléments lui permettant, à juste titre, de considérer notamment que des dysfonctionnements intervenaient dans le marché du béton prêt à l'emploi dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, que l'UNICEM et le SRBPE apparaissaient avoir exercé des pressions sur les maires des communes de Gignac-la-Berthe, d'0llioulles, d'Orange, de Joncquerettes, que les sociétés requérantes, notamment, ont fait des interventions sur les loueurs de camions et des fournisseurs de matières premières (procès-verbal des 25, 28 octobre et 5 novembre 1993), de nature à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, qu'elles avaient fixé en commun leurs prix de vente, et apparaissaient avoir procédé à des baisses sélectives dans des zones où exerçaient des fabricants de béton indépendants SNBT (procès-verbaux des 5 juillet et 15 novembre 1993) afin de les éliminer ; qu'ainsi, les présomptions de fraude sont-elles établies, qui ont légitimé l'autorisation donnée par le juge de la liberté et de la détention de Marseille ; que sur les opérations de visite domiciliaire et de saisie la contestation de ces opérations étant fondée sur la nullité de l'ordonnance, laquelle a été rejetée, ces opérations seront donc déclarées régulières ;

"1°) alors que toute personne a droit à un tribunal indépendant et impartial ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le premier vice-président du Tribunal de grande instance de Marseille avait effectivement contrôlé le bien-fondé de la requête de l'Administration et ne s'était pas borné à l'entériner en délivrant une décision d'autorisation le lendemain même du dépôt de la requête, qui ne comportait pas moins de trente-sept annexes, sans même s'apercevoir que le dossier de l'Administration était incomplet et en visant des pièces évoquées par l'Administration dans sa requête qui n'étaient pourtant pas produites par cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"2°) alors que, pour que l'appel des ordonnances du président du tribunal de grande instance ou du juge des libertés et de la détention soit effectif, le juge d'appel doit disposer de l'intégralité du dossier soumis aux premiers juges afin de vérifier si, au regard des pièces alors produites par l'Administration, la requête déposée par celle-ci était fondée ; qu'au cas d'espèce, les sociétés demanderesses faisaient valoir que de nombreuses pièces annexées par l'Administration à l'appui de sa requête, lesquelles étaient par surcroît visées par le premier juge dans son ordonnance, ne figuraient pas au dossier de la cour d'appel et que cette dernière n'était dès lors pas en mesure d'assurer un contrôle effectif de l'ordonnance qui lui était soumise ; qu'en décidant, néanmoins, de passer outre cette grave irrégularité pour confirmer l'ordonnance entreprise alors qu'elle n'était pas concrètement en mesure d'en vérifier le bien-fondé, la cour d'appel a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"3°) alors qu'est nulle l'ordonnance d'autorisation obtenue à la faveur de procédés déloyaux employés par l'Administration ; que tel est le cas lorsque l'Administration a volontairement dissimulé aux premiers juges de nombreux éléments recueillis lors de précédentes investigations de nature à influencer la décision du magistrat ou à rendre surabondant le recours à des mesures de visites et de saisie ; qu'en l'espèce, les sociétés demanderesses faisaient valoir que l'Administration avait volontairement dissimulé les nombreuses investigations qu'elle avait d'ores et déjà effectuées, lesquelles rendaient superfétatoire la délivrance d'une nouvelle autorisation de saisie et de visite ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'ordonnance entreprise ne devait pas être annulée en conséquence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

"4°) alors qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'Administration n'avait pas fait preuve de déloyauté en présentant à l'appui de sa requête un document présenté comme étant la copie des notes prises par M. Mas lors des réunions des 7 janvier 15 avril 1993 alors qu'il s'agissait, de l'aveu même de ce dernier, d'une simple " reconstitution ", a posteriori, des souvenirs qu'il avait pu garder de ces réunions, ce qui était de nature à jeter une toute autre lumière sur la valeur desdites pièces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce" ;

Les moyens étant réunis : - Sur le moyen proposé pour la société X, pris en ses quatre premières branches, et sur le moyen proposé pour la société Y et la société Z, pris en ses première et troisième branches : - Attendu que, par application de l'article 561 du Code de procédure civile, le premier président qui annule l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant des opérations de visite et saisie doit se prononcer lui-même sur le bien-fondé de la requête de l'Administration ;

Qu'il s'ensuit que les griefs, en ce qu'ils font grief à l'ordonnance attaquée de ne pas avoir annulé l'ordonnance du premier juge, sont inopérants ;

Sur les moyens, pris en leurs autres branches : - Attendu qu'en statuant par les motifs repris aux moyens, la cour d'appel, qui a constaté souverainement que les sociétés demanderesses avaient pu prendre connaissance, en temps utile, de l'ensemble des pièces produites par l'Administration à l'appui de sa requête, et qui n'avait pas à répondre aux conclusions de la société X des 5 février et 23 avril 2013, a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens doivent être écartés,

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme,

Rejette les pourvois.