CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 26 février 2015, n° 13-11927
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
GM Machining Solutions (SAS)
Défendeur :
Perreau Machines Outils (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Baechlin, Ribadeau Dumas, Guizard, Lakbiri
Faits et procédure
Le 10 mai 1993, la société Perreau Machine Outils PMO (ci-après société PMO) est devenue l'agent commercial exclusif de la société Agie Charmilles (ci-après société Charmilles), pour la vente de produits d'électroérosion, sur un territoire comportant 8 départements qui le 7 novembre 1997 a été élargi à deux autres départements.
En octobre 2001, la société PMO a élargi sa gamme avec un autre mandant, la société Mikron, pour la représentation de produits de fraisage complémentaires de la société Charmilles sur un territoire comportant les mêmes départements.
A la fin de l'année 2001, la société Mikron a été intégrée à la société Charmilles.
Le 12 février 2004, la société PMO a informé la société Charmilles de sa volonté de commercialiser les produits des centres d'usinage Hurco, qu'elle a estimés non concurrents, et même complémentaires des produits Mikron et Charmilles. La société Charmilles a informé la société PMO de la possible incompatibilité de la gamme Hurco avec la gamme Mikron, mais ne s'est pas opposée à leur distribution par la société PMO.
En juin 2010, le groupe Arcane auquel appartient la société PMO a décidé de représenter les produits Hartford.
Le 26 juillet 2010, la société Charmilles a résilié le contrat d'agent commercial de la société PMO pour faute grave, considérant les produits de fraisage Hartford directement concurrents de la gamme Mikron. La société PMO a contesté cette résiliation en engageant la présente instance.
C'est dans ces conditions que la société PMO a fait assigner la société Charmilles le 7 novembre 2011 pour rupture abusive du contrat.
Par jugement rendu le 24 avril 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société Charmilles à payer à la société PMO la somme de 90 525,33 euro à titre d'indemnité compensatrice de rupture, augmentée du taux d'intérêt légal à compter du 27 juillet 2010, et capitalisation des intérêts,
- débouté la société PMO de sa demande de communication de la facture Lum87 suivant commande du 20 septembre 2007,
- débouté la société PMO de sa demande de 10 700 euro au titre de commissions restant dues,
- condamné la société Charmilles à payer 3 000 euro à la société PMO au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté par la société Charmilles le 13 juin 2013 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Charmilles le 17 octobre 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- dire la société Charmilles (aujourd'hui dénommée GF Machining solutions SAS) recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Charmilles au paiement d'une somme de 90 525,33 euro au titre de l'indemnité de rupture, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 27 juillet 2010 et capitalisation des intérêts ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société PMO de ses demandes de paiement de commissions envers la société Agie Charmilles à hauteur de 10 700 euro et de sa demande de communication sous astreinte de la facture Lum87 ;
- débouter la société PMO de son appel incident.
En conséquence
- condamner la société PMO à rembourser à la société Charmilles la somme de 94 790,43 euro ;
- débouter la société PMO de toutes ses demandes envers la société Charmilles.
En tout état de cause
- condamner la société PMO au paiement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société PMO aux entiers dépens.
L'appelante soutient qu'une faute grave a bien été commise par la société PMO, pouvant justifier la rupture du contrat sans indemnité.
Elle fait valoir qu'elle a fait preuve d'indulgence lorsque la société PMO a décidé de représenter les machines Hurco ; elle expose que la société PMO a ensuite décidé de représenter les machines Hartford dont la concurrence avec les machines Mikron était indéniable, ces machines étant destinées au même usage, concernant la même clientèle, situation qu'il lui était donc impossible de laisser perdurer.
Elle conteste les demandes de la société PMO au titre des rappels de commissions, et affirme à cet effet qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information et que le territoire de la société PMO a bien été modifié de façon implicite de sorte que les demandes de paiement de commissions au titre d'affaires ne sauraient en aucun cas prospérer.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société PMO le 27 mai 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- dire la société Charmilles irrecevable et, en tout cas, non fondée en son appel, l'en débouter,
- confirmer que la société PMO n'a commis aucune faute grave dans l'exécution de ses contrats d'agent commercial et que les contrats d'agent commercial signés par ladite société ont été résiliés abusivement par la société Charmilles,
- recevoir la société PMO en son appel incident.
En conséquence,
- condamner la société Charmilles à verser à la société PMO la somme de 143 616,66 euro, sauf à parfaire, au titre de l'indemnité compensatrice de rupture,
- condamner la société Charmilles à communiquer, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du 8e jour suivant la signification de la décision à intervenir, la facture de la société Lum87, suivant commande du 20 septembre 2007,
- condamner la société Charmilles à payer à la société PMO la somme de 10 700 euro au titre des commissions restant dues pour la cession Lam87, avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2010, date de la mise en demeure,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus,
- condamner la société Charmilles à payer à la société PMO la somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée soutient que les produits Hartford ne sont pas concurrents des produits Mikron mais qu'ils sont complémentaires de sorte que leur représentation était parfaitement compatible avec le mandat d'agent commercial qui lui avait été confié par la société Charmilles.
Elle fait valoir que contrairement à ce qu'affirme la société Charmilles, elle a refusé la signature du nouveau contrat qui lui était soumis parce que celui-ci supprimait purement et simplement deux départements de la zone qui lui avait été attribuée.
Elle expose en outre que la société Charmilles n'a pas respecté les obligations que lui imposait le contrat d'agent commercial, en ce qu'elle n'a jamais informé son co-contractant du fait qu'elle viendrait aux droits de la société Mikron de sorte que la société PMO n'a plus deux mandants mais un seul.
Elle demande le règlement des commissions restant dues, en condamnant la société Charmilles à communiquer la facture litigieuse afin que la requérante puisse établir son droit à commissions sur cette vente.
Elle sollicite enfin, le paiement d'une indemnité compensatrice de rupture, en considérant qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société PMO concernant l'exécution du contrat conclu avec la société Charmilles en l'absence de toute activité concurrente de celle-ci avec les produits développés par la société Hartford.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile
MOTIFS
Considérant que la société Charmilles soutient que la société PMO a commis une faute grave en ce qu'elle a représenté les machines Hartford dont la concurrence avec les machines Mikron était indéniable ce qui justifie la rupture de son contrat d'agent commercial sans indemnité ;
Considérant que l'article L. 134-3 du Code de commerce dispose que " L'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans l'accord de ce dernier " ;
Considérant que par un courrier du 8 juin 2010 la société Charmilles a demandé des explications à la société PMO, écrivant " Eu égard aux informations que nous avons recueillies, nous souhaitons vous demander confirmation de votre situation concernant les machines Hartford pour lesquels vous seriez devenus agent commercial ", la société PMO répondant le 14 juin 2010 " Arcane Group ayant pris la décision d'importer Hartford, nous assurons la représentation sur notre secteur. Les machines Hartford importées pour le marché français sont des centres d'usinages 3 axes simples de moyennes et grandes dimensions " ;
Considérant qu'il résulte de cet échange que la société PMO confirme à son mandant qu'elle a accepté de devenir l'agent de la société Hartford et qu'elle n'en avait pas informé la société Charmille ;
Considérant que l'accord de la société Charmilles était nécessaire si et seulement si les produits de la marque Hartford étaient de nature à concurrencer ceux pour lesquels elle avait confié un mandat de représentation à la société PMO, en l'espèce les produits Mikron, ce que la société PMO conteste, affirmant qu'il s'agissait de produits complémentaires ;
Considérant que la société Charmilles soutient que la société PMO avait déjà, à partir de 2004, représenté des produits concurrents, en l'espèce des machines de la société Hurco et qu'elle a persisté malgré ses courriers lui rappelant l'incompatibilité de cette distribution ;
Considérant que la société PMO a avisé son mandant, par un courrier du 12 février 2004, de sa volonté de distribuer les produits Harco ; que ce n'est que le 3 mai 2005 soit plus d'un an après que la société Charmilles, elle a évoqué la possibilité d'une incompatibilité ; que, outre que cette réponse a été particulièrement tardive elle n'exprime pas une opposition claire à la décision de son mandataire ;
Qu'elle n'a d'ailleurs adressé aucun autre courrier à la société PMO ; qu'elle produit une attestation de M. Vanderschooten, son directeur général, qui indique avoir expressément indiqué à la société PMO que la représentation des produits Hurco était incompatible ; que, toutefois, cette attestation n'étant corroborée par aucun élément ne saurait être retenue en raison des liens de son auteur avec la société Charmilles ; qu'en toute hypothèse la société Charmilles n'a pas résilié les contrats d'agent commercial de la société PMO du fait de la représentation des produits Hurco, bien au contraire puisque la société Charmilles a adressé à la société PMO le 23 juillet 2008 un projet de contrat qui visait la marque Hurco quand bien même il était stipulé " Concernant cette dernière représentation cette déclaration ne vaut pas acceptation de la situation par le mandant considérant la concurrence que peut représenter cette marque pour les matériels Mikron du mandant " ;
Considérant que la société PMO n'a pas signé ce projet, faisant valoir que celui-ci supprimait deux départements de son secteur ; qu'il n'en demeure pas moins que ce projet démontre que la société Charmilles a considéré que les produits Mikron et Hurco pouvaient être représentés par la société PMO et qu'ils étaient donc complémentaires alors même qu'il s'agissait de machines de fraisage ;
Considérant que la société Charmilles soutient que la situation de concurrence entre les produits Mikron et Hartford qui sont également des machines de fraisage est indéniable en ce qu'elles sont destinées au même usage, qu'elles disposent des mêmes fonctionnalités et des mêmes caractéristiques techniques, qu'elles fonctionnent avec les mêmes commandes numériques, qu'elles s'adressent aux mêmes clients et ont les mêmes prix ce qui les rend substituables et interdit un cumul de représentation ;
Considérant que les machines de chacune des marques ont le même usage à savoir l'usinage de pièces mécaniques, le terme usinage étant utilisé lorsque toutes les fonctions sont automatisées permettant de donner des formes complexes sans démontage des pièces ;
Considérant que la société Charmilles fait valoir que les centres d'usinage des deux marques ont les mêmes fonctions à savoir usiner des pièces unitaires à moyennes séries, des pièces complexes et en haute précision et qu'elles sont constituées des mêmes éléments, une table, une broche, une fraise et des axes ;
Considérant qu'il existe toutefois des fraiseuses 3, 4 et 5 axes et que celles-ci se différencient notamment par leur commande numérique ;
Considérant que sous la marque Mikron sont distribuées plusieurs gammes à savoir une gamme simple à trois axes (VCE) et une gamme de 3 à 5 axes (HSM et HPM) ;
Considérant que la société PMO affirme que seule la gamme VCE qui fonctionne avec trois axes pourrait être comparée avec les fraiseuses Hartford mais qu'elle présente néanmoins des différences notables à savoir un équipement avec des commandes numériques Heidenhain alors que les fraiseuses Hartford sont équipées de commandes Fanuc et Mitsubishi uniquement ;
Considérant que la société PMO affirme que la commande numérique est un élément déterminant dans le choix des machines dans la mesure où les opérateurs sont formés à un langage de programmation différent suivant les marques ; que, si elle prétend que le besoin de machines équipées de commandes Fanuc sur le marché était devenu incontournable et si elle produit des offres d'emplois exigeant cette spécificité, il résulte d'un extrait de presse produit par la société Charmilles qu'en la matière la commande numérique Heidenhan occupe une position dominante sur ce marché ;
Qu'il ressort du catalogue de la société Hartford et de son site Internet qu'elle commercialise des centres d'usinage avec des commandes numériques Fanuc et Heidenhan ; que la société PMO verse un bon de commande en date du 30 septembre 2013 mentionnant que la machine est équipée d'une commande numérique Heidenhan ; qu'en conséquence la société PMO ne peut revendiquer le fait que les centres d'usinage Hartford se distinguaient de ceux qu'elle distribuait pour le compte de la société Mikron en ce qu'ils auraient été équipés exclusivement d'une commande numérique Fanuc ce qui n'est manifestement pas le cas ; qu'il résulte des pièces, notamment le catalogue Hartford et de la commande précitée que la commande Heidenhan fait partie de l'offre Hartford et qu'elle est donc susceptible d'équiper l'ensemble de ses centres d'usinage, le passage d'un type de commande numérique à un autre étant toujours possible ; que l'ensemble de ces éléments démontre que la société Hartford qui distribue des machines équipées au choix du client d'une commande numérique Fanuc ou Heidenhan se trouve donc en situation de concurrence avec la société Charmilles qui équipe les siens de commande Heidenhan ; que, si la société PMO fait valoir que le coût d'une machine Hartford équipée Heidenhan devient prohibitif, elle n'en fait pas la démonstration ; que cet argument de prix est par ailleurs en contradiction avec son affirmation selon laquelle les sociétés Hartford et Charmilles ne seraient pas en concurrence en raison de gammes de prix différentes, la société Hartford ayant, selon elle, des prix bien inférieurs ;
Considérant que, si la société PMO soutient que la machine Mikron VCE 1000 à 3 axes est commercialisée à 122 000 euro alors que la machine Hartford avec laquelle elle peut être comparée l'est à un prix situé entre 65 000 et 68 000 euro, il convient de relever qu'elle se base sur un prix remisé pour Hartford et sur un prix catalogue pour Charmilles alors que le prix catalogue de la machine Hartford varie entre 78 000 et 81 000 euro et celui de la machine Mikron est à 107 805 euro ; que, si la société PMO produit une facture pour une commande d'une machine VMC 1270 TNC pour un montant de 84 000 euro, cette commande est de 2013 et inclut une annulation de facture et une reprise de machine de sorte qu'elle ne permet aucune comparaison objective ;
Considérant que la société PMO soutient en revanche que la gamme Mikron HSM n'a aucun équivalent chez Hartford en raison de son positionnement dans le haut de gamme en termes de performances, de sophistication et de prix ; qu'elle compare la Mikron GF HSM et la Hartford Plug Play, la première permettant d'usiner des pièces de 1m85, la seconde des pièces de 2 m jusqu'à 13 m ; que ces machines sont manifestement destinées en raison de leurs performances à des secteurs industriels différents ; qu'il n'est pas contesté que la machine Mikron possède un bâti en granit sophistiqué alors que la machine Hartford est en fonte traditionnelle ;
Considérant que s'agissant de la gamme HSM et HPM, la société PMO indique que la société Hartford ne commercialisait à l'époque aucune machine 5 axes et qu'il n'y a avait alors qu'un prototype 5 axes à l'étude, qui sera abandonné sans avoir été mis sur le marché ; qu'en conséquence les deux marques n'ont jamais été en concurrence sur la gamme 5 axes ;
Considérant que la société Charmilles fait état d'une similitude de clientèle susceptible d'acheter les machines de l'une ou de l'autre ;
Considérant que la société PMO affirme que la clientèle des produits Hartford était différente en ce qu'elle ne fabrique aucune machine d'électroérosion et qu'elle produit des centres d'usinage de grande dimension que la société Charmilles ne fabrique pas ; que la société Charmilles ne conteste pas ces deux points mais qu'il importe peu que la société Hartford ne fabrique pas de machine d'électroérosion puisque la question de la concurrence concerne les centres d'usinage, ni qu'elle ait une fabrication spécifique pour les grandes dimensions ; que la société Charmilles précise d'ailleurs que, si la distribution par la société PMO n'avait concerné que cette dernière, elle aurait pu l'accepter mais que la concurrence en cause est celle portant sur des produits de dimension standard commercialisés par l'une et l'autre société ;
Considérant que la société Charmilles se présente comme " le leader mondial incontesté de l'usinage par l'électroérosion sous toutes ses formes : électroérosion à fil ou par enfonçage. Ses machines s'imposent dans tous les domaines où une très haute précision est exigée depuis le micro usinage (horlogerie, dispositifs médicaux) jusqu'à celui des pièces les plus complexes (aéronautique, espace armement, le spécialiste de l'usinage de précision et de très hautes performances pour des applications à forte valeur ajoutée). Ces caractéristiques se retrouvent dans ses centres d'usinage de la famille Mikron avec notamment ses centres d'usinage à hautes performances à haute vitesse (gamme HSM ou à ultra vitesse (gamme XSM). De même pour l'ablation laser avec une gamme de machines trois ou cinq axes permettant d'usiner des pièces atteignant jusqu'à 1 700 kgs. C'est en particulier le cas dans les secteurs de l'aéronautique, du spatial, du médical ou encore de la fabrication de moules où GF Agie Charmilles occupe une place de leader " ;
Considérant que la société Charmilles produit une attestation de son directeur services clients qui indique que " la Clientèle achetant des centres d'usinage verticaux de marque Hartford ou Mikron, au même titre que la plupart des autres marques du marché, travaille dans les mêmes métiers et activités :
Métiers : Il s'agit de toute société réalisant en fabrication directe ou en sous-traitance des pièces fraisées : société de fabrication de produits industriels, de sous-traitance de mécanique générale et de précision, moulistes, outilleurs
Activités : il s'agit des types de pièces qu'ils produisent : aéronautique, automobile, défense, médical, énergie, industrie alimentaire, conditionnement.
Plus précisément Agie Charmilles et Hartford ont la même catégorie de clientèle ; Bien entendu chacune des marques peut avoir des machines plus ou moins adaptées à certaines applications mais cela dépend plus des caractéristiques du produit en tant que tel et ne sera déterminé par le client que par une sélection suite à une mise en concurrence " ;
Que, si la société PMO critique cette attestation en ce qu'elle émane d'un salarié de la société Charmilles, il convient de relever que celle-ci contient des précisions techniques sur lesquelles la société PMO n'apporte aucun élément de nature à les remettre en cause ; qu'elle affirme que sa clientèle se situe dans le domaine des poids lourds et des travaux publics, dans l'industrie éolienne et automobile et dans celui de la mécanique générale, il n'en résulte pas pour autant que ses machines seraient à l'usage exclusif de ces secteurs, ni que les centres d'usinage de la société Charmilles ne leur seraient pas destinés, la caractéristique commune à tous étant l'usinage de pièces et /ou ensembles mécaniques pouvant être utilisés indifféremment, que si chacune des deux sociétés avaient des spécialités, elles avaient aussi des machines standards qui pouvaient convenir aux mêmes secteurs industriels ;
Considérant que, si la société PMO prétend que l'achat d'une machine Hartford est simple car les machines sont des machines standards avec des équipements figés et des prix bas et qu'il n'y a ni cahier des charges, ni essai, ni de rapport d'essai ; que la société PMO ne justifie pas de ces affirmations car si le prix de base peut être moindre, celui-ci peut être augmenté du fait de modification été vu précédemment qu'un équipement avec une autre commande numérique que la commande Fanuc était possible ; qu'elle ne peut dès lors revendiquer des prix fixes, ceux-ci pouvant être affectés au regard des demandes des clients ;
Considérant que, si les produits Hartford sont produits en Chine et peuvent être considérés de ce seul fait par les professionnels comme des produits bon marché alors que la société Mikron a toujours présenté ses machines d'usinage comme " Swiss made ", cette circonstance ne saurait en faire des produits complémentaires bien au contraire puisqu'elle traduit la recherche pour des produits standards répondant à des besoins identiques de la clientèle d'un coût moindre ;
Considérant que la société PMO soutient que les tarifs ne sont pas similaires en ce que la gamme de prix de la société Mikron varie de 84 440 euro à 975 565 euro alors que ceux de la société Hartford varie de 57 705 euro à 273 779 euro ; que la société Charmilles fait valoir que ce comparatif est totalement subjectif dans sa présentation car la gamme de 516 000 euro à 975 564 euro ne concerne qu'une machine particulière (HPM 1850 U)qui, de par son caractère unique, est très peu vendue, en plus de 6 ans un seul exemplaire ayant été vendu ; que la société Charmilles produit des statistiques dont il résulte que depuis 2005, il a été vendu 360 machines pour une valeur moyenne de 190 000 euro, prix comprenant la machine et ses accessoires alors que les ventes pour un montant supérieur est faible ;
Considérant que la société Charmilles ajoute que la société PMO n'a pas inclus dans sa présentation des machines avec une commande Heidenhan et s'élevant à 290 424 euro et que, par exemple, sur des machines en situation de concurrence comme la VCE PRO XXX de Mikron et la Plug&Play deHartford avec une commande Heidenhan, le prix de la première se situe entre 98 860 euro et 187 608 euro alors que celui de la seconde varie de 98 860 euro à 158 295 euro ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Charmilles pouvait à juste titre considérer que les produits Hartford étaient en concurrence directe avec les produits Mikron et s'opposer à ce que son agent assure la représentation de cette marque ;
Considérant que la première vente de machine Hartford n'a été réalisée par la société PMO qu'en décembre 2010, soit 5 mois après la rupture de son contrat d'agent commercial avec la société Charmilles ; que, si la vente d'un centre d'usinage est un investissement lourd pour le client et pouvant nécessiter un certain nombre d'étapes préalables, la société Charmilles justifiant de processus d'achat pouvant atteindre 12 mois, il n'est pas rapporté une telle preuve pour la vente en cause ; qu'elle a donc résilié le contrat d'agent commercial la liant à la société PMO du fait que son agent avait pris la décision de représenter une autre marque sans recueillir son accord ;
Considérant que, toutefois, à défaut de démonstration d'une activité de représentation effective de cette nouvelle marque, et, comme l'ont retenu les premiers juges, la faute de la société PMO a été de ne pas informer son mandant de sa décision de représenter la société Harford, faute qui ne présente pas une gravité telle qu'elle serait de nature à la priver d'une indemnité de rupture.
Sur les manquements allégués par la société PMO à l'encontre de la société Charmilles :
Considérant que la société PMO fait valoir que la société Charmilles ne l'a jamais informée du fait qu'elle viendrait aux droits de la société Mikron ;
Considérant que la société PMO était liée par deux contrats :
- le premier conclu le 10 mai 1993 avec la société Charmilles portant sur 8 départements
- le second conclu le 16 octobre 2001 avec la société Mikron portant sur 10 départements ;
Considérant que la société PMO a adressé après 2008 toutes ses factures de commissions à la société Charmilles ; que par ailleurs, à la suite de cette opération de fusion, la société Charmilles lui a proposé le 23 juillet 2008 un nouveau projet de contrat dont le préambule rappelait les deux contrats précités et indiquait " Début 2007, Agie Charmilles SAS a décidé de faire représenter l'ensemble de ses marques par une structure commerciale unique" ; qu'en conséquence la société PMO était parfaitement informée de ce que la société Charmilles venait aux droits de la société Mikron ;
Considérant que la société PMO affirme que la société Charmilles a, par ce projet, modifié son secteur en supprimant les départements 23 et 87, elle affirme qu'elle n'a jamais accepté cette modification ce qui résulte notamment de son courrier du 10 mai 2005 ;
Considérant que, si la société Charmilles expose qu'étant insatisfaite des résultats de la société PMO sur ces deux départements, lui avait écrit le 3 mai 2005 pour l'informer qu'elle souhaitait les récupérer sauf à lui laisser une "période d'observation jusqu'au 31 décembre 2005" ; qu'elle affirme que cette période n'ayant pas été concluante, elle avait récupéré ces deux départements ce que la société PMO aurait accepté tacitement ;
Considérant que, si la société Charmilles a mis en place un partage de commission pour une vente qui avait eu lieu sur le département de la Haute Vienne et si la société PMO lui a écrit le 4 mai 2009 " Nous avons bien noté votre accord pour un partage de commission 50/50 avec votre agent du 87 ", il n'en résulte pas pour autant la preuve d'un accord de la société PMO puisque, d'une part elle n'a pas signé le projet de contrat réduisant son secteur et que, d'autre part, la société Charmilles accepte de lui verser 50 % de commission à l'occasion d'une vente réalisée par son nouvel agent sur ce secteur ;
Considérant qu'à défaut d'accord sur la modification de son secteur, la société PMO est fondée à réclamer paiement au titre de la réduction de ses commissions qui en est résulté ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Sur les commissions dues
Considérant que la société PMO fait état :
- d'une vente faite à son initiative par la société LTM et du défaut de communication de la facture correspondant lui permettant d'établir son droit à commissions ;
- d'une vente de deux machines 5 axes UGV à la société Lam87 pour laquelle il ne lui avait été versée que la moitié des commissions de sorte que la société Charmilles resterait lui devoir la somme de 10 700 euro ;
Considérant que la société Charmilles ne conteste pas ces deux ventes, affirmant seulement qu'elles correspondent à la modification du territoire de la société PMO ; que comme il a été vu précédemment celle-ci n'a pas été convenue entre les parties ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société Charmilles à produire la facture relative à la première vente sous astreinte et à payer la moitié de la commission restant due au titre de la seconde ;
Sur l'indemnité compensatrice
Considérant que les relations entre la société PMO et la société Charmilles ayant duré plus de vingt ans, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé l'indemnité compensatrice de rupture à deux années de commissions sur la base de la moyenne des commissions perçues au titre des trois dernières années ayant précédé la rupture ;
Que le contrat ayant été résilié le 26 juillet 2010, c'est à juste titre que les premiers juges ont calculé le montant de l'indemnité sur la base des commissions perçues entre le 26 juillet 2007 et le 26 juillet 2010 soit la somme de 135 788 euro sauf qu'il y a lieu d'y ajouter le montant des commissions dues mais non versées dont la commission de 10 700 euro due au titre de la cession Lam87 et celle restant à préciser pour la cession Lum87 ;
Considérant qu'en conséquence l'indemnité compensatrice de rupture doit être fixée sur la base de 156 488 euro à la somme de 97 658,66 euro ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société PMO a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs, Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Agie Charmilles à payer une indemnité de rupture à la société PMO, Reforme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société Charmilles à payer à la société PMO la somme de 97 658,66 euro sauf à parfaire au titre de l'indemnité compensatrice de rupture avec intérêt au taux légal à compter du 27 juillet 2010 et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, Condamne la société Charmilles à communiquer sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, la facture de la société Lum87 suivant commande du 20 septembre 2007, Condamne la société Charmilles à payer à la société PMO la somme de 10 700 euro au titre des commissions restant dues pour la cession Lam87 avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2010, date de la mise en demeure, Condamne la société Charmilles à payer à la société PMO la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Charmilles aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.