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Décisions

Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27.567

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

A5A architectes (SARL)

Défendeur :

Batiplus (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Fédou

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, Me Ricard

Paris, pôle 2, ch. 7, du 16 oct. 2013

16 octobre 2013

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société A5A architectes (la société A5A) que sur le pourvoi incident relevé par la société Batiplus ; - Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 octobre 2013), que la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (la CA SQY) a confié à la société A5A la maîtrise d'œuvre de la réalisation d'un groupe scolaire, et à la société Batiplus la mission de contrôleur technique ; que soutenant que les propos tenus à son encontre dans une télécopie adressée à la CA SQY par la société Batiplus revêtaient un caractère dénigrant, la société A5A a assigné cette dernière en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société A5A fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts du chef de dénigrement alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de la lettre du 30 janvier 2008, la société Batiplus s'adressait à l'ingénieur en chef à la communauté d'agglomération de Saint- Quentin-en-Yvelines, maître de l'ouvrage et cliente de la société A5A, dans les termes suivants : " ... S'agirait-il d'incompétence technique ou d'ignorance ?... Ou peut-être d'un (mauvais) esprit de contradiction systématique du bien-fondé des avis formulés par le contrôleur technique, avis devenus gênants car ils mettent en évidence l'incapacité de la maîtrise d'œuvre à assurer son rôle d'homme de l'art ! " ; qu'en considérant " que si la compétence de la société A5A est certes mise en cause par les propos litigieux, l'auteur feignant de s'interroger sur l'incompétence technique, l'ignorance ou le mauvais esprit de l'architecte lequel aurait décidé de systématiquement ne pas tenir compte des avis formulés par le contrôleur technique, ... ", lorsque cette missive claire affirmait que la note commentée révélait avec évidence l'incapacité de l'architecte à remplir la mission de maîtrise d'œuvre qui lui avait été confiée par son client, la cour d'appel a dénaturé le document sur lequel elle s'est fondée en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la faute constituée par le dénigrement d'un professionnel du même secteur économique peut être une faute d'imprudence ; que, pour écarter l'action en responsabilité civile dont elle était saisie par la société A5A architectes, victime du dénigrement du contrôleur technique Batiplus, la cour d'appel relève que celui-ci n'avait pas l'intention, par les propos qui lui étaient reprochés, d'inciter la communauté d'agglomération, maître de l'ouvrage, à ne pas recourir au service de l'architecte ; qu'en se prononçant ainsi sur le caractère dolosif de la faute, sans s'interroger sur l'imprudence ayant consisté, pour l'auteur du dommage, à adresser au client de l'architecte une lettre, qui, aux termes des constatations de la cour d'appel, mettait en cause la capacité de celui-ci à remplir la mission de maîtrise d'œuvre qui lui avait été confiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 3°) que l'auteur d'une faute qui a causé un dommage est tenu à entière réparation envers la victime, une faute de celle-ci pouvant seule l'exonérer en partie quand cette faute a concouru à la production du dommage ; que le climat conflictuel, connu de la communauté d'agglomération maître de l'ouvrage, entre l'architecte maître d'œuvre la société A5A et la société Batiplus contrôleur technique, climat né d'une divergence d'interprétation des normes applicables au revêtement de façade d'un groupe scolaire, ne pouvait justifier les propos dénigrants du contrôleur technique dénonçant au maître de l'ouvrage une prétendue " incapacité de la maîtrise d'œuvre à assurer son rôle d'homme de l'art " ; qu'en rejetant l'action en responsabilité civile de la société A5A, dirigée contre la société Batiplus, fondée sur le dénigrement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°) qu'un préjudice, fût-il seulement moral, s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial ; qu'en considérant, pour rejeter l'action en concurrence déloyale par voie de dénigrement dont elle était saisie, que la société A5A n'établissait pas que son image aurait été ternie notamment auprès de sa clientèle habituelle de décideurs publics, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1382 du Code civil ; 5°) qu'en considérant que des critiques, même excessives, émises dans un cadre étranger à celui du détournement de clientèle ne pouvaient donner lieu à réparation sur le fondement de l'action en dénigrement, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général, en violation de l'article 5 du Code civil ; 6°) qu'en considérant que des critiques, même excessives, émises dans un cadre étranger à celui du détournement de clientèle ne peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de l'action en dénigrement, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, privant de motif sa décision en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 7°) qu'en statuant par le motif précité, la cour d'appel a, par surcroît, commis une erreur de droit, et violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, si la compétence de la société A5A est mise en cause par les propos reproduits dans la télécopie litigieuse, il résulte des circonstances dans lesquelles ils s'inscrivent que ces propos visaient seulement à rappeler les observations et réserves déjà émises par la société Batiplus dans le cadre de sa mission de contrôleur technique ; que de ces constatations et appréciations, exclusives de dénaturation et rendant inopérant le grief de la quatrième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, qui ne lui était pas demandée, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinquième et sixième branches, a pu déduire que ces propos, même excessifs, ne pouvaient donner lieu à réparation sur le fondement de l'action en dénigrement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident, qui est éventuel ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, rejette le pourvoi principal.