CJUE, 2e ch., 19 mars 2015, n° C-286/13 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dole Food Company Inc., Dole Fresh Fruit Europe
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Silva de Lapuerta
Avocat général :
Mme Kokott
Juges :
MM. Bonichot, Arabadjiev (rapporteur), da Cruz Vilaça
Avocat :
Me Bellis
LA COUR (deuxième chambre),
1 Par leur pourvoi, Dole Food Company Inc. (ci-après "Dole Food"), et Dole Fresh Fruit Europe, anciennement Dole Germany OHG (ci-après, "DFFE") (ci-après, ensemble, les "sociétés Dole") demandent l'annulation totale ou partielle de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne Dole Food et Dole Germany/Commission (T-588-08, EU:T:2013:130, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision C (2008) 5955 final de la Commission, du 15 octobre 2008, relative à une procédure d'application de l'article 81 CE (affaire COMP/39 188 - Bananes) (ci-après la "décision litigieuse"). Elles demandent également l'annulation de cette décision, en tant qu'elle les concerne, ainsi que l'annulation ou la réduction de l'amende qui leur a été infligée par celle-ci.
Les antécédents du litige
2 Pour les besoins de la présente procédure, les antécédents du litige, tels qu'ils figurent aux points 1 à 32 de l'arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
3 Dole Food est une société américaine productrice de fruits et de légumes frais ainsi que de fruits pré-emballés et surgelés. DFFE est une filiale de cette société.
4 Le 8 avril 2005, Chiquita Brands International Inc. (ci-après " Chiquita ") a déposé une demande d'immunité au titre de la communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la " communication sur la coopération ").
5 Le 3 mai 2005, la Commission européenne lui a accordé une immunité conditionnelle d'amende en application du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération.
6 Le 20 juillet 2007, la Commission a adressé à plusieurs entreprises qu'elle a inspectées, dont Chiquita, les sociétés Dole, Fresh Del Monte Produce Inc. (ci-après "Del Monte") et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. KG (ci-après "Weichert"), une communication des griefs.
7 Le 15 octobre 2008, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle constate que les entreprises auxquelles elle l'a notifiée ont participé à une pratique concertée consistant à coordonner leurs prix de référence des bananes commercialisées en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas ainsi qu'en Suède, et ce du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 (considérants 1 à 3 de la décision litigieuse).
8 À l'époque des faits, les expéditions de bananes vers les ports d'Europe du Nord et les quantités commercialisées dans cette région étaient déterminées, chaque semaine, par les décisions de production, d'expédition et de commercialisation prises par les producteurs, les importateurs et les négociants (considérants 36, 131, 135 et 137 de la décision litigieuse).
9 L'activité bananière distinguait trois niveaux de marque de banane : les bananes de la marque Chiquita de premier choix, les bananes de deuxième choix, des marques Dole et Del Monte, et les bananes de troisième choix, qui incluaient plusieurs autres marques de bananes. Cette division en fonction des marques se reflétait dans la tarification de la banane (considérant 32 de la décision litigieuse).
10 Au cours de la période concernée, le secteur de la banane en Europe du Nord était organisé en cycles hebdomadaires. Le transport par bateau de bananes des ports d'Amérique latine vers l'Europe durait deux semaines environ. Les arrivages de bananes aux ports nord-européens étaient généralement hebdomadaires et s'effectuaient conformément à un calendrier d'expédition régulier (considérant 33 de la décision litigieuse).
11 Les bananes étaient expédiées vertes et arrivaient vertes aux ports. Elles étaient ensuite soit livrées directement aux acheteurs (bananes vertes), soit mises à maturation, puis livrées une semaine plus tard environ (bananes jaunes). La maturation pouvait soit être exécutée par l'importateur ou en son nom, soit être organisée par l'acheteur. Les clients des importateurs étaient généralement des mûrisseurs ou des chaînes de détail (considérant 34 de la décision litigieuse).
12 Chiquita, Dole Food et Weichert établissaient leur prix de référence pour leur marque chaque semaine, en l'occurrence le jeudi matin, et l'annonçaient à leurs clients. L'expression "prix de référence" correspondait généralement aux prix de référence pour les bananes vertes, les prix de référence pour les bananes jaunes se composant normalement de l'offre verte majorée d'une redevance de maturation (considérants 104 et 106 de la décision litigieuse).
13 Les prix payés par les détaillants et les distributeurs pour les bananes ("prix réels") pouvaient résulter soit de négociations ayant lieu sur une base hebdomadaire, en l'occurrence le jeudi après-midi ou plus tard, soit de la mise en œuvre de contrats de fourniture avec des formules de tarification préétablies mentionnant un prix fixe ou liant le prix à un prix de référence du vendeur ou d'un concurrent, ou un autre prix de référence tel que le "prix Aldi". La chaîne de détail Aldi recevait chaque jeudi, entre 11 h et 11 h 30, des offres de ses fournisseurs et formulait ensuite une contre-proposition, le " prix Aldi ", celui payé aux fournisseurs, étant fixé vers 14 heures en général. À compter du second semestre de l'année 2002, le "prix Aldi" a commencé à être de plus en plus utilisé en tant qu'indicateur de calcul du prix de la banane pour un certain nombre d'autres transactions, notamment celles concernant les bananes de marque (considérants 34 et 104 de la décision litigieuse).
14 Selon la Commission, les destinataires de la décision litigieuse se sont engagées dans des communications bilatérales de prétarification au cours desquelles elles discutaient des facteurs de tarification de la banane, c'est-à-dire des facteurs se rapportant aux prix de référence pour la semaine à venir, ou ont débattu ou révélé les tendances suivies par les prix ou donné des indications sur les prix de référence pour la semaine à venir. Ces communications ont eu lieu généralement le mercredi, avant que les entreprises concernées n'établissent leur prix de référence, et se rapportaient toutes aux futurs prix de référence (considérants 51 et suivants de la décision litigieuse).
15 Dole Food a communiqué de manière bilatérale tant avec Chiquita qu'avec Weichert. Chiquita avait connaissance des communications de prétarification ou du moins s'attendait à l'existence de telles communications entre Dole Food et Weichert (considérant 57 de la décision litigieuse).
16 Ces communications bilatérales de prétarification visaient à réduire l'incertitude liée au comportement des entreprises en ce qui concerne les prix de référence qu'elles devaient établir dans la matinée du jeudi (considérant 54 de la décision litigieuse).
17 Après leur établissement le jeudi matin, les entreprises concernées ont échangé entre elles leurs prix de référence de manière bilatérale. Cet échange postérieur leur a permis de contrôler les décisions de tarification individuelles au vu des communications de prétarification intervenues auparavant et a renforcé leurs liens de coopération (considérants 198 à 208, 227, 247, 273 et suivants de la décision litigieuse).
18 Selon la Commission, les prix de référence servaient, à tout le moins, de signaux, de tendances et/ou d'indications pour le marché en ce qui concerne l'évolution envisagée du prix des bananes et étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus. En outre, dans certaines transactions, le prix était directement lié aux prix de référence en application de formules fondées sur ces prix de référence (considérant 115 de la décision litigieuse).
19 La Commission a considéré que les entreprises concernées avaient dû nécessairement prendre en compte les informations reçues des concurrents lors de la définition de leur comportement sur le marché, Chiquita et Dole Food l'ayant même expressément admis (considérants 228 et 229 de la décision litigieuse).
20 La Commission a conclu que les communications de prétarification entre Dole Food et Chiquita ainsi qu'entre Dole Food et Weichert étaient susceptibles d'influer sur les prix pratiqués par les opérateurs, étaient relatives à la fixation des prix et avaient donné lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81 CE (considérants 54 et 271 de la décision litigieuse).
21 Selon elle, tous les accords collusoires décrits dans la décision litigieuse constituent une infraction unique et continue ayant pour objet de restreindre la concurrence au sein de la Communauté européenne au sens de l'article 81 CE. Chiquita et Dole Food ont été tenues pour responsables de l'infraction unique et continue, dans sa globalité, tandis que Weichert n'a été tenue pour responsable que de la partie de l'infraction qui concerne les accords collusoires avec Dole Food (considérant 258 de la décision litigieuse).
22 Compte tenu du fait que le marché de la banane en Europe du Nord se caractérisait par un volume commercial substantiel entre les États membres et que les pratiques collusoires couvraient une partie importante de la Communauté, la Commission a considéré que lesdits accords avaient eu une incidence appréciable sur les échanges entre les États membres (considérants 333 et suivants de la décision litigieuse).
23 S'agissant du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1-2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les " lignes directrices ") et de la communication sur la coopération.
24 Elle a déterminé un montant de base de l'amende à infliger, lequel correspond à un montant compris entre 0 et 30 % de la valeur des ventes concernées de l'entreprise en fonction du degré de gravité de l'infraction, multiplié par le nombre d'années de la participation de l'entreprise à l'infraction, et d'un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes en vue de dissuader les entreprises de s'engager dans des comportements illicites (considérant 448 de la décision litigieuse).
25 Le montant de base de l'amende à infliger a été réduit de 60 % pour tous les destinataires de la décision litigieuse, compte tenu du régime réglementaire particulier du secteur de la banane et au motif que la coordination portait sur les prix de référence (considérant 467 de la décision litigieuse). Une réduction de 10 % a été accordée à Weichert, qui n'était pas informée des communications de prétarification entre Dole Food et Chiquita (considérant 476 de la décision litigieuse).
26 Chiquita a bénéficié de l'immunité d'amendes en vertu de la communication sur la coopération (considérants 483 à 488 de la décision litigieuse). Aucun autre ajustement n'a eu lieu pour Dole Food ni pour Del Monte et Weichert.
27 La décision litigieuse comprend, notamment, les dispositions suivantes :
" Article premier
Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l'article 81 [CE] en participant à une pratique concertée consistant à coordonner les prix de référence pour les bananes :
- [Chiquita], du 1er janvier 2000 au 1er décembre 2002 ;
[...]
- [Dole Food], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;
- [DFFE], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;
- [Weichert], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ;
- [Del Monte], du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002.
L'infraction couvrait les États membres suivants : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suède.
Article 2
Pour l'infraction à laquelle il est fait référence à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées :
- [Chiquita], Chiquita International Ltd, Chiquita International Services Group NV et Chiquita Banana Company BV, conjointement et solidairement : 0 euro ;
- [Dole Food] et [DFFE], conjointement et solidairement : 45 600 000 euro ;
- [Weichert] et [Del Monte], conjointement et solidairement : 14 700 000 euro ;
[...]"
La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué
28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2008, les sociétés Dole ont introduit un recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse et à l'annulation ou à la réduction de l'amende qui leur a été infligée par ladite décision.
29 Lors de l'audience du 25 janvier 2012, les sociétés Dole ont présenté une déclaration écrite tirée du dossier de la Commission et ont demandé qu'elle soit versée au dossier de la procédure, ce à quoi s'est opposée la Commission.
30 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours. En particulier, il a considéré, aux points 40 à 48 de l'arrêt attaqué, que le document présenté par les sociétés Dole lors de l'audience était irrecevable.
Les conclusions des parties
31 Les sociétés Dole demandent à la Cour :
- l'annulation totale ou partielle de l'arrêt attaqué ;
- l'annulation totale ou partielle de la décision litigieuse en tant qu'elle les concerne ;
- l'annulation ou la réduction de l'amende qui leur a été infligée par la décision litigieuse ;
- à titre subsidiaire, le renvoi de l'affaire au Tribunal, et
- la condamnation de la Commission aux dépens.
32 La Commission demande à la Cour :
- de rejeter le pourvoi ;
- à titre subsidiaire, de rejeter le recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse, et
- de condamner les sociétés Dole aux dépens du pourvoi et, à titre subsidiaire, aux dépens afférents à ce recours.
Sur le pourvoi
Sur le premier moyen, tiré d'une violation des droits de la défense en raison d'erreurs de procédure
Sur la première branche du premier moyen, relative à l'autorisation donnée à la Commission d'invoquer pour la première fois devant le Tribunal des éléments de preuve figurant dans le dossier administratif
- Argumentation des sociétés Dole
33 Par la première branche de leur premier moyen, les sociétés Dole soutiennent que le Tribunal, au lieu de constater un défaut de motivation de la décision litigieuse, a autorisé la Commission à invoquer pour la première fois au cours de la procédure judiciaire un élément clé du contexte économique dans le cadre duquel s'inscrit le comportement qu'elle reproche aux entreprises. À cet égard, elles auraient fait valoir en première instance que la Commission n'a pas motivé sa thèse selon laquelle les communications de prétarification visaient à coordonner les prix, dès lors que les prix de référence de Chiquita et de DFFE concernaient des bananes qui n'étaient pas vendues en situation de concurrence les unes avec les autres au cours de la même semaine.
34 Au point 134 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait validé cette absence de motivation et estimé que les précisions fournies devant lui ne sont venues qu'expliciter la motivation déjà contenue dans la décision litigieuse. De ce fait, le Tribunal aurait méconnu les obligations incombant, en vertu de l'article 253 CE, à la Commission et violé l'article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure. En jugeant de la sorte, le Tribunal aurait également violé les droits de la défense des sociétés Dole.
- Appréciation de la Cour
35 Au point 127 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la Commission a, aux considérants 4, 5, 32, 34, 104, 141 à 143, 182, 196 et 287 de la décision litigieuse, expliqué "sa position quant à la nature unique du produit en cause, à savoir la banane fraîche, la spécificité dudit produit, fruit importé vert et offert à la consommation du public une fois devenu jaune, après mûrissement, les modalités d'organisation de la maturation et, subséquemment, de commercialisation des bananes, le processus de négociation commerciale avec les prix de référence et le lien existant entre les prix de référence des bananes vertes et jaunes".
36 Au point 128 de cet arrêt, le Tribunal a précisé que "l'argumentation des [sociétés Dole] visant à faire constater, en substance, un cloisonnement et une désynchronisation des activités de [Dole Food] et de Chiquita rendant impossible une collusion sur les prix de référence par le biais des communications bilatérales n'a pas été soulevée au cours de la procédure administrative". Cette constatation n'est pas contestée.
37 Dans ces conditions, d'une part, c'est sans commettre d'erreur que le Tribunal a conclu, au point 135 de l'arrêt attaqué, que la Commission a satisfait, dans la décision litigieuse, à son obligation de motivation découlant de l'article 253 CE, dès lors qu'il ressort avec suffisamment de clarté de cette décision que la Commission n'a pas considéré comme étant pertinente la distinction entre les prétendus marchés de bananes vertes et jaunes qu'opèrent les sociétés Dole.
38 D'autre part, les sociétés Dole ayant soulevé cette distinction pour la première fois dans leur requête introductive d'instance, le Tribunal a pu considérer à bon droit, aux points 133 et 134 de l'arrêt attaqué, qu'il pouvait, sans violer l'article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure, permettre à la Commission de défendre son appréciation figurant dans la décision litigieuse par des éléments fournis en cours d'instance.
39 Il s'ensuit que la première branche du premier moyen n'est pas fondée.
Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à la recevabilité d'un élément de preuve produit par les sociétés Dole lors de l'audience devant le Tribunal
- Argumentation des sociétés Dole
40 Par la deuxième branche de leur premier moyen, les sociétés Dole soutiennent que le Tribunal, en rejetant les preuves qu'elles ont avancées à l'encontre d'un moyen de la Commission invoqué pour la première fois dans sa duplique, a méconnu les droits de la défense des requérantes. La Commission aurait tenté d'étayer l'affirmation selon laquelle il "n'y a aucune différence importante entre le 'prix de référence vert' et le 'prix de référence jaune'" des bananes, en faisant référence à une annexe de cette duplique de laquelle il ressortirait que le détaillant Aldi annonçait chaque jeudi le prix qu'il payerait pour acheter des bananes jaunes. Elle en aurait déduit que les prix de référence jaunes et verts sont interchangeables au cours de la même semaine, le prix d'achat des bananes jaunes annoncé par Aldi jouant un rôle essentiel dans la fixation des prix réels des bananes vertes par DFFE.
41 Cette déduction serait erronée, mais les sociétés Dole n'auraient pu faire valoir leur argumentation que lors de l'audience devant le Tribunal. Les requérantes rappellent qu'elles ont alors exposé que le prix annoncé par Aldi concernait les bananes jaunes que ce détaillant achète deux semaines plus tard, au moment où les mûrisseurs/distributeurs qui avaient acheté des bananes vertes auprès de DFFE vendaient les bananes devenues jaunes aux détaillants en concurrence avec Aldi.
42 Afin d'étayer leur argumentation, les sociétés Dole auraient introduit, lors de l'audience devant le Tribunal, une déclaration écrite tirée du dossier de la Commission qui confirmerait ces faits et contredirait la déduction de la Commission. Or, le Tribunal aurait rejeté cet élément de preuve comme étant irrecevable en estimant, au point 46 de l'arrêt attaqué, que la Commission n'a pas avancé un argument nouveau dans sa duplique, mais n'a fait que reprendre les termes de la décision litigieuse.
43 Toutefois, le Tribunal n'accompagnerait ce motif de l'arrêt attaqué d'aucune explication ou référence.
- Appréciation de la Cour
44 Il y a lieu de rappeler, ainsi que l'a fait le Tribunal aux points 40 à 42 de l'arrêt attaqué, que, selon l'article 48, paragraphe 1, de son règlement de procédure, les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l'appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, cette disposition précisant toutefois qu'elles doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve. Cette obligation implique que soit reconnu au juge le pouvoir de contrôler le bien-fondé de la motivation du retard apporté à la production de ces offres de preuve ainsi que, si la demande n'est pas fondée à suffisance de droit, le pouvoir de les écarter (arrêt Gaki-Kakouri/Cour de justice, C-243-04 P, EU:C:2005:238, point33).
45 En l'occurrence, force est de constater que le prix de référence Aldi avait déjà fait l'objet du débat lors de la procédure administrative, qu'il est abordé dans la décision litigieuse et qu'il a suscité, depuis le début de la procédure écrite de première instance, des discussions entre les parties relatives à sa portée et à son importance, ainsi que l'a rappelé Mme l'avocat général au point 36 de ses conclusions. Contrairement à l'argumentation des requérantes, il ne s'agissait donc aucunement d'un élément nouveau introduit dans la procédure par le mémoire en duplique de la Commission.
46 Or, les sociétés Dole n'avancent aucun argument selon lequel elles n'ont pas été en mesure de produire au stade de leur requête, ou encore de celui de leur réplique, le document qu'elles invoquent, de sorte que le Tribunal a pu, sans commettre d'erreur de droit, considérer, au point 48 de l'arrêt attaqué, ce document comme étant produit tardivement au stade de l'audience et, partant, l'écarter.
47 Il s'ensuit que la deuxième branche du premier moyen est dénuée de tout fondement.
Sur la troisième branche du premier moyen, relative au rejet par le Tribunal de l'annexe C.7 à la réplique comme étant irrecevable
- Argumentation des sociétés Dole
48 Par la troisième branche de leur premier moyen, les sociétés Dole soutiennent que le Tribunal, en ayant rejeté comme irrecevable l'annexe C.7 à leur réplique, a commis une erreur de droit et violé leurs droits de la défense. Souhaitant contester plusieurs assertions de la Commission figurant dans son mémoire en défense, par lesquelles elle aurait affirmé que les requérantes avaient effectué des déclarations qui constituaient une reconnaissance du fait que les prix de référence avaient un rapport avec les prix réels, elles ont produit cette annexe C.7, de laquelle il ressortirait que ces déclarations sont sans pertinence en l'espèce, ayant été isolées de leur contexte.
49 Contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal aux points 461 à 470 de l'arrêt attaqué, les arguments exposés dans leur réplique lui auraient permis de se prononcer sur la question. En particulier, l'annexe C.7 n'aurait pas constitué une prolongation de leur réplique, n'aurait comporté aucun moyen ou argument additionnel et se serait limitée à fournir des preuves à l'appui des arguments figurant dans celle-ci.
- Appréciation de la Cour
50 Il y a lieu de rappeler qu'il est nécessaire, pour qu'un recours devant le Tribunal soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S'il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d'autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l'absence des éléments essentiels de l'argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (arrêt MasterCard e.a./Commission, C-382-12 P, EU:C:2014:2201, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
51 En l'espèce, il suffit d'observer que l'étude du dossier de première instance révèle que le Tribunal a conclu à bon droit que les mémoires présentés ne comportent aucune explication relative à la prétention des sociétés Dole selon laquelle la Commission aurait isolé certaines déclarations de leur contexte, la réplique se limitant à renvoyer à ladite annexe C.7 et que, dès lors, il n'était pas possible pour le Tribunal de déterminer les prétentions des sociétés Dole à partir de leurs mémoires.
52 Partant, la troisième branche du premier moyen est dénuée de tout fondement.
Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à une violation du principe de l'égalité des armes
53 Par la quatrième branche de leur premier moyen, les sociétés Dole estiment que, pour les motifs exposés dans le cadre des trois premières branches du présent moyen, le Tribunal a violé le principe de l'égalité des armes, en autorisant la Commission à introduire de nouveaux moyens et arguments, tout en empêchant les sociétés Dole de répondre à ces moyens et à ces preuves. Cela constituerait une violation distincte de leurs droits de défense, dans la mesure où elles auraient été placées dans une situation d'infériorité par rapport à la Commission.
54 Eu égard à l'absence de fondement des trois premières branches du premier moyen, la prétendue violation du principe de l'égalité des armes est également dénuée de tout fondement.
Sur la cinquième branche du premier moyen, relative à l'établissement des faits par le Tribunal
- Argumentation des sociétés Dole
55 Par la cinquième branche de leur premier moyen, les sociétés Dole font valoir que le Tribunal n'a pas établi correctement les faits, étant donné qu'il se serait limité à poser des questions orales au conseil des sociétés Dole, sans faire acter ni les questions ni les réponses dans le procès-verbal, et sans faire usage de mesures d'instruction prévues à l'article 65 de son règlement de procédure pour examiner les questions essentielles au sujet desquelles il a pourtant manifesté sa perplexité au cours de l'audience.
56 Aux points 203 et 630 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait exprimé, pour la première fois, des doutes quant à la véracité de certains arguments et informations fournies par les sociétés Dole, alors que ces doutes auraient pu être dissipés par la voie d'une demande de documents ou de témoignages, à titre de mesures d'instruction.
57 Partant, en n'ayant pas fait usage de mesures d'instruction pour établir certains faits estimés pertinents, le Tribunal aurait violé les règles et les principes relatifs à l'administration des preuves ainsi que le devoir d'enquête qui lui incombe. De ce fait, il aurait également violé les droits de la défense des sociétés Dole.
- Appréciation de la Cour
58 Tout d'abord, il est de jurisprudence constante que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d'informations dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, laquelle échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l'inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (arrêt Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland/Commission, C-385-07 P, EU:C:2009:456, point 163 et jurisprudence citée).
59 Ensuite, les seules allégations des sociétés Dole, qui sont contestées par la Commission, n'établissent pas que les réponses aux questions à l'audience et l'étude subséquente du dossier n'aient pas suffi au Tribunal pour statuer en toute connaissance de cause sur la nature des prix de référence. Partant, il ne saurait être déduit desdites allégations une obligation pour le Tribunal de faire usage de mesures d'instruction.
60 Enfin, s'agissant des points 203 et 630 de l'arrêt attaqué, il suffit de relever que, dans ces points, le Tribunal s'est borné à faire application des principes régissant la charge de la preuve.
61 Il s'ensuit que la cinquième branche du premier moyen n'est pas fondée.
62 Eu égard à tout ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré d'une dénaturation des faits portant sur le contexte économique de l'infraction
Argumentation des sociétés Dole
63 Par leur deuxième moyen, les sociétés Dole font valoir que le Tribunal a dénaturé les faits relatifs à la nature des prix de référence annoncés respectivement par DFFE, Weichert et Chiquita.
64 Premièrement, les sociétés Dole relèvent que le Tribunal a affirmé, aux points 152, 182 et 184 de l'arrêt attaqué, que DFFE annonçait un prix de référence jaune et, au point 232 dudit arrêt, que tous les importateurs établissaient un prix de référence vert, qui servait ensuite de base à la fixation d'un prix de référence jaune. Toutefois, elles auraient précisé en première instance que DFFE annonçait seulement un prix de référence vert et n'a jamais annoncé ni fixé un prix de référence jaune.
65 Deuxièmement, par l'affirmation figurant au point 232 de l'arrêt attaqué, le Tribunal se serait mépris sur la nature du prix de référence annoncé par Weichert, cette société n'établissant qu'un prix de référence vert annoncé après celui de DFFE. Il n'existerait aucune preuve étayant la conclusion du Tribunal.
66 Troisièmement, par la même affirmation, le Tribunal aurait dénaturé les faits relatifs à la nature du prix de référence annoncé par Chiquita, les preuves démontrant que la pratique de Chiquita (et seulement de Chiquita) consistait à annoncer un prix de référence jaune, à partir duquel elle fixait un prix de référence vert.
67 En outre, il n'existerait aucune preuve démontrant que le prix de référence de Chiquita concernait des bananes vendues deux semaines plus tard. Cette supposition de la Commission serait en contradiction avec la réalité du marché et les preuves figurant dans son dossier. En conséquence, les prix de référence annoncés par DFFE et Chiquita au cours de la même semaine concernaient des produits différents.
68 La dénaturation de ces faits aurait mené le Tribunal à la conclusion erronée selon laquelle il existait une pratique consistant à convertir entre eux les prix de référence verts et jaunes, et que les prix de référence de DFFE, Weichert et Chiquita concernaient tous des bananes se trouvant dans la même semaine du cycle de maturation. La coordination du prix envisagée par la Commission étant impossible, ce serait à tort que Tribunal en a tenu compte au point 248 de l'arrêt attaqué.
69 En outre, ladite dénaturation des faits aurait amené le Tribunal à considérer à tort, au point 232 de l'arrêt attaqué, que les prix de référence étaient identiques aux prix réels et constituaient une condition préalable indispensable pour la vente de toutes les bananes. En effet, l'emploi des termes "prix vert" indiquerait que les importateurs annonçaient chaque jeudi leurs prix réels aux clients. Or, ils n'auraient annoncé le jeudi que leurs prix de référence et le prix réel vert était négocié par la suite avec le client.
Appréciation de la Cour
70 Tout d'abord, il ressort de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce que prétendent les sociétés Dole, le Tribunal a tenu compte de la nature des prix de référence, de la différence par rapport aux prix réels, du fonctionnement général du marché et des particularités des procédés internes de Chiquita, de Dole Food et de Weichert. En effet, ces différents éléments factuels sont visés, notamment et respectivement, aux points 143, 144 et 206, 127 et 137 à 142, 150 et suivants, 158 et suivants ainsi que 252, 254 et 255 de cet arrêt.
71 Ensuite, aux points 152 et 184 dudit arrêt, le Tribunal se réfère à un prix jaune de Dole et non pas, comme le prétendent les sociétés Dole, à un prix de référence jaune. Les termes "prix de référence" ne figurent pas non plus au point 232 de l'arrêt attaqué.
72 En outre, même si, ainsi que le relève Mme l'avocat général au point 66 de ses conclusions, le point 182 de l'arrêt attaqué comporte une erreur rédactionnelle, dès lors qu'il se réfère à un "prix de référence jaune", il ne saurait en être déduit une confusion dans le chef du Tribunal ni une quelconque dénaturation d'éléments de preuve.
73 Enfin, l'argument selon lequel les bananes de Chiquita et de Dole Food, pour lesquelles les prix de référence étaient annoncés le même jour, n'étaient pas vendues les mêmes semaines et n'étaient donc pas en concurrence les unes avec les autres doit être rejeté comme étant, en tout état de cause, inopérant.
74 En effet, ladite désynchronisation des ventes, à la supposer établie, n'infirme pas, en tout état de cause, les constatations du Tribunal, appuyées sur des preuves provenant des entreprises visées elles-mêmes, telles que celles citées aux points 201 et 220 de l'arrêt attaqué, desquelles il ressort que les prix de référence verts et jaunes étaient convertibles entre eux et que la fixation des prix de référence jaune par Chiquita était, de l'aveu même de cette entreprise, influencé par l'évolution des prix de référence annoncée par Dole Food.
75 Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d'une appréciation insuffisante d'éléments de preuve
Sur la première branche du troisième moyen, relative à l'absence de motifs suffisants permettant de confirmer le calcul des parts de marché effectué par la Commission
- Argumentation des sociétés Dole
76 Par la première branche de leur troisième moyen, les sociétés Dole font valoir que le Tribunal, en jugeant que la Commission avait correctement examiné la structure du marché, a violé son obligation de motivation.
77 Elles relèvent que, au point 353 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission a, à juste titre, considéré et pris en compte le fait que Dole Food, Chiquita et Weichert détenaient une part substantielle du marché et que ce marché ne pouvait pas être caractérisé par une offre atomisée. Cette conclusion reposerait exclusivement sur les chiffres des parts de marché fournis par la Commission, desquels il ressort que le total des ventes des sociétés Dole, Chiquita et Weichert représentaient, en valeur, environ 45 à 50 % des ventes (point 345 de l'arrêt attaqué) et, en volume, 40 à 45 % de la consommation apparente (point 350 de cet arrêt).
78 En première instance, les sociétés Dole auraient fait valoir que ces parts de marché représentaient le double de celles indiquées par une enquête indépendante. Elles seraient trop élevées en raison du fait que la Commission additionnait, selon elles, les ventes de bananes jaunes et vertes au numérateur, alors que le chiffre utilisé au dénominateur aurait été fondé sur les importations qui ne concernent que les bananes vertes. Or, ce calcul aboutirait à des parts de marché qui dépassent les 100 %, dès lors que, par exemple, les bananes jaunes vendues par les sociétés Dole qu'elles avaient achetées vertes auprès d'un autre importateur seront comprises tant dans leurs ventes jaunes que dans les ventes vertes de l'importateur, alors que le dénominateur ne comprend que les ventes de bananes vertes.
79 La Commission aurait été consciente des difficultés quant à l'estimation des parts de marché détenues par les sociétés en cause sur le marché des bananes fraîches. Le Tribunal se serait toutefois prononcé au regard des chiffres fournis par la Commission, sans demander de renseignements complémentaires ou procéder à un examen des problèmes indiqués. Aussi, aurait-il entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de droit en rejetant, au point 352 de l'arrêt attaqué, l'argumentation des sociétés Dole fondée sur la distinction entre les bananes jaunes et les bananes vertes et en validant la thèse de la Commission consistant à ne retenir, aux fins du calcul des parts de marché, que la banane fraîche.
- Appréciation de la Cour
80 Ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé aux points 82 et 83 de ses conclusions, d'une part, Dole Food s'est bornée à faire valoir, dans ses écritures devant le Tribunal, que les parts de marché retenues par la Commission étaient exagérées. En particulier, elle n'a fait aucunement référence à un double comptage de bananes en raison de ventes de bananes vertes entre importateurs, mais s'est contentée de reprocher à la Commission, dans une note en bas de page, d'avoir additionné les ventes de bananes jaunes et vertes.
81 D'autre part, Dole Food a admis, lors de l'audience devant la Cour, que l'objet de l'argumentation contenue dans ces écritures n'a pas été approfondi lors de l'audience devant le Tribunal.
82 Dans ces conditions, ce point n'ayant pas été soulevé devant le Tribunal avec une clarté suffisante, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir approfondi dans l'arrêt attaqué l'examen de cette question.
83 En effet, il est de jurisprudence constante que l'obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s'il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis (arrêt FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120-06 P et C-121-06 P, EU:C:2008:476, point 91 ainsi que jurisprudence citée).
84 Il s'ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
Sur les deuxième et troisième branches du troisième moyen, relatives à l'absence d'identification précise des éléments des communications de prétarification et des facteurs de tarification constituant une restriction de la concurrence
- Argumentation des sociétés Dole
85 Par la deuxième branche de leur troisième moyen, les sociétés Dole soutiennent que le Tribunal, en concluant, au point 261 de l'arrêt attaqué, que la Commission n'est pas tenue, lorsqu'elle apprécie si un échange d'informations constitue une restriction de la concurrence par objet, de préciser ceux des sujets discutés qui relèvent d'une telle restriction par objet, a commis une erreur de droit.
86 Les sociétés Dole relèvent qu'elles ont soutenu devant le Tribunal que la description dans la décision litigieuse des sujets sur lesquels portaient les communications de prétarification était trop générale pour leur permettre de déterminer avec certitude leur futur comportement sur le marché et de déterminer si l'évaluation réalisée par la Commission était correcte. De plus, la fréquence ou la périodicité des échanges d'informations constituant un facteur important pour apprécier la légalité de ces échanges, il aurait été indispensable, aux fins de pouvoir déterminer cette fréquence ou cette périodicité, que la Commission précise quels sont les sujets considérés comme faisant partie de l'infraction.
87 En ayant rejeté ces arguments au motif qu'il n'appartenait pas à la Commission d'établir une liste exhaustive de facteurs devant être considérés comme illicites dans le secteur en cause, le Tribunal aurait méconnu, d'une part, que les discussions portant sur des facteurs susceptibles d'être pertinents pour la fixation du prix ne sont pas toutes suffisamment nocives pour mériter d'être qualifiées de restriction de la concurrence par objet. D'autre part, cela ne répondrait pas à l'argument relatif au besoin d'établir une liste exhaustive aux fins de permettre à une entreprise de vérifier la solidité du raisonnement de la Commission, tel que celui relatif à la fréquence des contacts considérés par cette dernière comme étant répréhensibles.
88 Par la troisième branche de leur troisième moyen, les sociétés Dole prétendent que le Tribunal, en estimant, aux points 265, 266 et 376 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait décrit avec suffisamment de précision les facteurs de tarification dont l'échange d'informations constitue une restriction de la concurrence par objet, a également commis une erreur.
89 Elles relèvent que, selon la décision litigieuse, l'échange d'informations sur les volumes ne faisait pas partie de l'infraction qui a été retenue contre elles, alors que, dans son mémoire en défense devant le Tribunal, la Commission aurait fourni une description détaillée des communications constituant l'infraction, qui comprenait lesdites informations.
90 Auxdits points de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait conclu qu'il ressort des points 136, 149 et 185 de la décision litigieuse que lesdits échanges sur les volumes ne relèvent pas du comportement répréhensible, parce que ces échanges avaient eu lieu avant les communications de prétarification. Or, cette affirmation serait incorrecte, lesdits points indiquant eux-mêmes que les échanges d'informations sur les volumes ont eu lieu au même moment que lesdites communications. Partant, contrairement à ce qu'aurait considéré le Tribunal, il ne résulterait pas clairement de la décision litigieuse que ces échanges ne relèvent pas des communications de prétarification.
91 De même, il n'apparaîtrait pas clairement que la Commission ait considéré que les échanges informels sur l'industrie en général faisaient partie de l'infraction. En particulier, le Tribunal n'aurait pas examiné si ce sujet précis a été délibérément omis de la liste des sujets prétendument répréhensibles identifiés par la Commission.
92 Ainsi, la conclusion du Tribunal serait fondée sur une déformation de la décision litigieuse et du mémoire en défense de la Commission. L'absence de spécification de ces sujets aurait empêché les sociétés Dole de vérifier le bien-fondé du raisonnement de la Commission quant à la qualification de certains comportements de restriction de la concurrence par objet et à la détermination de la fréquence des contacts.
- Appréciation de la Cour
93 Conformément à une jurisprudence constante, d'une part, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. S'agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l'obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité (arrêt Ziegler/Commission, C-439-11 P, EU:C:2013:513, point 115 et jurisprudence citée).
94 D'autre part, l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires de l'acte ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Ziegler/Commission, EU:C:2013:513, point 116 et jurisprudence citée).
95 En l'espèce, tout d'abord, le Tribunal a cité, aux points 253 à 255 de l'arrêt attaqué, les déclarations des entreprises concernées relatives aux informations échangées dans les communications de prétarification.
96 Au point 256 dudit arrêt, il en a conclu que la Commission avait identifié deux types d'informations, à savoir les facteurs de tarification, c'est-à-dire des facteurs importants pour l'établissement des prix de référence pour la semaine à venir, ainsi que les tendances de prix et les indications sur les prix de référence pour la semaine à venir avant l'établissement de ces prix de référence.
97 Ensuite, aux points 262 à 264 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, selon les déclarations des sociétés Dole, les communications portaient sur des facteurs influençant l'offre par rapport à la demande, les conditions du marché et l'évolution des prix.
98 Enfin, aux points 266 et 376 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les sociétés Dole ne contestaient pas la constatation de la Commission, selon laquelle les données relatives aux volumes d'importation ne faisaient pas partie des communications de prétarification.
99 Dans ces conditions, le Tribunal pouvait estimer sans commettre d'erreur de droit que la Commission avait identifié, eu égard aux circonstances de l'espèce, le comportement répréhensible avec une précision suffisante et avait donc satisfait à son obligation de motivation.
100 En particulier, c'est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 261 de l'arrêt attaqué, que l'article 253 CE n'imposait pas à la Commission d'établir, dans la décision litigieuse, une liste exhaustive de facteurs ne pouvant pas faire l'objet d'un échange entre concurrents.
101 Il s'ensuit que les deuxième et troisième branches du troisième moyen doivent être rejetées comme étant non fondées.
Sur la quatrième branche du troisième moyen, relative aux responsabilités des salariés impliqués dans les communications de prétarification
102 Par la quatrième branche de leur troisième moyen, les sociétés Dole font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n'examinant pas leur argument selon lequel les salariés de Chiquita et de DFFE ne pouvaient pas échanger d'informations importantes sur les tendances des prix de référence, parce qu'ils ne détenaient pas le pouvoir de fixer ces prix en dernier ressort, ce que la Commission n'aurait pas contesté. Selon elles, ce fait implique que l'ensemble de ces conversations ne pouvait réduire suffisamment l'incertitude pour permettre une coordination des prix de référence. Ainsi, contrairement à ce qu'aurait considéré le Tribunal, elles ne se seraient pas limitées à faire valoir que le comportement des salariés impliqués dans ces échanges ne pouvait pas être attribué à leur société.
103 Ainsi que l'a relevé à juste titre la Commission, l'argumentation des sociétés Dole procède d'une lecture erronée de l'arrêt attaqué, le Tribunal ayant apprécié en détail, aux points 578 à 582 dudit arrêt, leur argumentation relative aux responsabilités des salaries impliqués.
104 Il s'ensuit que la quatrième branche du troisième moyen est dénuée de tout fondement.
Sur la cinquième branche du troisième moyen, relative à la qualification des communications de prétarification comme constituant une restriction de la concurrence par objet
- Argumentation des sociétés Dole
105 Par la cinquième branche de leur troisième moyen, les sociétés Dole soutiennent que le Tribunal, en jugeant que les communications de prétarification constituent une restriction de la concurrence par objet, a commis une erreur de qualification juridique des faits. Selon elles, l'échange d'informations qui est intervenu ne peut pas être regardé comme ayant été susceptible d'éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées en matière de fixation des prix réels.
106 En effet, d'une part, les communications de prétarification sont le fait de salariés qui n'étaient pas responsables de la fixation des prix de référence. D'autre part, dans la mesure où ces communications concernaient les tendances des prix de référence, elles n'étaient pas susceptibles de réduire l'incertitude quant aux prix réels. À cet égard, l'ensemble des intervenants du marché impliqués dans l'enquête de la Commission aurait déclaré que les prix de référence étaient très éloignés des prix réels. De plus, la Commission n'aurait pas retenu de restriction de la concurrence par objet s'agissant du même type d'échange d'informations impliquant deux autres entreprises.
107 Aux points 540, 541, 548 et 549 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait rejeté ces arguments en faisant peser à tort sur les sociétés Dole la charge de la preuve que l'échange d'informations n'était pas susceptible d'éliminer les incertitudes quant à l'évolution des prix réels. Or, il incomberait à la Commission de prouver la nature infractionnelle de l'échange d'informations. Selon les sociétés Dole, il ressort de la jurisprudence que le fait qu'un échange d'informations puisse avoir une certaine influence sur les prix n'est pas suffisant pour établir l'existence d'une restriction de la concurrence par objet. La Commission, cependant, n'aurait pu avancer de telles preuves, eu égard à l'absence de fiabilité du lien entre les mouvements du prix de référence et ceux du prix réel.
108 Par ailleurs, dans la mesure où le Tribunal a écarté l'argument des sociétés Dole tiré des déclarations d'une autre entreprise en estimant, au point 516 de l'arrêt attaqué, que "les déclarations de cette entreprise doivent être appréciées au regard de leur contexte, à savoir celui d'une entreprise destinataire de la communication des griefs et contestant le comportement anticoncurrentiel reproché", lesdites sociétés font valoir que le Tribunal a violé le principe de la présomption d'innocence et le fait que la charge de la preuve repose sur la Commission.
109 Enfin, les sociétés Dole soutiennent que les communications de prétarification sur des facteurs de tarification n'étaient pas susceptibles d'éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées. En particulier, elles relèvent que le Tribunal a conclu que les échanges sur l'industrie en général étaient de nature "anodine", que la décision litigieuse a exclu les informations sur les volumes de l'infraction et que le Tribunal a estimé que les conditions météorologiques étaient des informations publiques qui pouvaient être obtenues auprès d'autres sources.
110 Dans la mesure où le Tribunal a considéré que les communications de prétarification révélaient néanmoins le point de vue des concurrents sur ces facteurs, les sociétés Dole soutiennent que, à l'aune de la jurisprudence pertinente, il n'est pas possible de qualifier de restriction de la concurrence par objet l'échange de points de vue sur les conditions météorologiques, de telles discussions étant si éloignées de la fixation des prix réels qu'elles ne peuvent pas réduire l'incertitude et permettre une coordination sur les prix de ces produits.
- Appréciation de la Cour
111 Il convient de constater que, contrairement à ce que prétend la Commission, les sociétés Dole ne se bornent pas à demander à la Cour une nouvelle appréciation des faits, mais font valoir des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal. Partant, la présente branche est recevable.
112 Quant au fond, il y a lieu de rappeler que, pour relever de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE, un accord, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée doit avoir "pour objet ou pour effet" d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.
113 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire (arrêt CB/Commission, C-67-13 P, EU:C:2014:2204, point 49 et jurisprudence citée).
114 Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 50 et jurisprudence citée).
115 Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu'il peut être considéré inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l'expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 51 et jurisprudence citée).
116 Dans l'hypothèse où l'analyse d'un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d'en examiner les effets et, pour déterminer si un tel comportement est au nombre de ceux que vise l'article 81, paragraphe 1, CE, d'exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible (voir, en ce sens, arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 52 et jurisprudence citée).
117 Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d'apprécier si un type de coordination entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence "par objet" au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, de s'attacher notamment aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère. Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir, en ce sens, arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 53 et jurisprudence citée).
118 En outre, bien que l'intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d'un type de coordination entre entreprises, rien n'interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l'Union d'en tenir compte (voir, en ce sens, arrêt CB/Commission, EU:C:2014:2204, point 54 et jurisprudence citée).
119 En ce qui concerne plus particulièrement l'échange d'informations entre concurrents, il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d'une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., C-8-08, EU:C:2009:343, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
120 Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu'il a décidé de tenir sur ce marché ou qu'il a envisagé d'adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 33 ainsi que jurisprudence citée).
121 La Cour a ainsi jugé que l'échange d'informations entre concurrents est susceptible d'être contraire aux règles de la concurrence lorsqu'il atténue ou supprime le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêts Thyssen Stahl/Commission, C-194-99 P, EU:C:2003:527, point 86, et T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 35 ainsi que jurisprudence citée).
122 En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d'informations susceptible d'éliminer des incertitudes dans l'esprit des intéressés quant à la date, à l'ampleur et aux modalités de l'adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (voir, en ce sens, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 41).
123 Par ailleurs, une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel bien qu'elle n'ait pas de lien direct avec les prix à la consommation. En effet, le libellé de l'article 81, paragraphe 1, CE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux (voir, en ce sens, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 36).
124 Au contraire, il ressort dudit article 81, paragraphe 1, sous a), CE qu'une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à "fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction" (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 37).
125 En tout état de cause, l'article 81 CE vise, à l'instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l'existence de l'objet anticoncurrentiel d'une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d'un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, points 38 et 39).
126 Enfin, il convient de rappeler qu'il résulte des termes mêmes de l'article 81, paragraphe 1, CE que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
127 À cet égard, la Cour a considéré qu'il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. En particulier, la Cour a conclu qu'une telle pratique concertée relève de l'article 81, paragraphe 1, CE même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché (arrêt T-Mobile Netherlands e.a., EU:C:2009:343, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
128 En l'espèce, le Tribunal a examiné, aux points 442 à 585 de l'arrêt attaqué, les arguments des sociétés Dole relatifs à la pertinence des prix de référence pour le secteur de la banane et à la responsabilité des salariés de Dole Food impliqués dans les communications de prétarification.
129 Ainsi que l'a relevé Mme l'avocat général aux points 115 et 116 de ses conclusions, il ressort des constatations très détaillées du Tribunal, premièrement, que des communications bilatérales de prétarification ont eu lieu entre les sociétés Dole et d'autres entreprises du secteur de la banane, dans le cadre desquelles leurs prix de référence respectifs et certaines tendances de prix ont été discutés. Par ailleurs, cette constatation du Tribunal n'est pas contestée par les sociétés Dole.
130 Deuxièmement, le Tribunal a constaté, au point 574 de l'arrêt attaqué, que les prix de référence étaient importants pour le marché concerné, dès lors que, d'une part, ils servaient à tout le moins de signaux, de tendances ou d'indications pour le marché sur l'évolution prévue des prix de la banane et étaient importants pour le commerce de la banane et les prix obtenus et, d'autre part, les prix réels étaient directement liés, dans certaines transactions, aux prix de référence.
131 Troisièmement, au point 580 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les salariés de Dole impliqués dans les communications de prétarification participaient aux réunions internes de tarification.
132 En outre, lesdites constatations du Tribunal, d'une part, se fondent en grande partie sur des déclarations de Dole Food et, d'autre part, ne font l'objet d'aucun grief de dénaturation de la part des sociétés Dole.
133 Dans ces conditions, le Tribunal pouvait considérer, sans commettre d'erreur de droit, que les conditions d'application de la présomption rappelée au point 127 du présent arrêt étaient réunies en l'espèce, de sorte que les sociétés Dole ne sont pas fondées à lui reprocher d'avoir violé les principes régissant la charge de la preuve et la présomption d'innocence.
134 Il s'ensuit également que le Tribunal pouvait, comme il l'a fait aux points 553 et 585 de l'arrêt attaqué, considérer sans commettre d'erreur de droit que la Commission était en droit de conclure que les communications de prétarification, en permettant de réduire, pour chacun des participants, l'incertitude quant au comportement envisageable des concurrents, avaient pour objet d'aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché et ont donc donné lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81 CE.
135 Par conséquent, la cinquième branche du troisième moyen doit être rejetée et, partant, ce moyen dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen, tiré d'un calcul erroné de l'amende
Sur la première branche du quatrième moyen, relative à la prise en compte de ventes à des sociétés qui n'étaient pas impliquées dans l'infraction alléguée
- Argumentation des sociétés Dole
136 Par la première branche de leur quatrième moyen, les sociétés Dole font valoir que le Tribunal a commis une erreur en calculant l'amende sur la base notamment de ventes réalisées par des filiales de Dole Food qui n'étaient pas impliquées dans l'infraction constatée.
137 Elles rappellent que, selon la communication des griefs et la décision litigieuse, la seule société déclarée avoir participé à l'infraction était DFFE, Dole Food n'ayant pas été impliquée et n'ayant été tenue pour responsable qu'en tant que société mère. Or, aux points 619 à 623 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait affirmé que l'infraction a été commise par Dole Food, que l'allégation de l'autonomie de ses filiales s'inscrit dans l'argumentation relative à la nécessaire distinction des bananes vertes et jaunes, qu'elle est dépourvue de pertinence et, en tout état de cause, non justifiée.
138 Par cette affirmation, le Tribunal aurait interprété de manière erronée l'argument des sociétés Dole selon lequel il n'est pas possible d'infliger des amendes calculées sur la base des ventes de bananes réalisées par des sociétés du groupe Dole qui n'ont pas participé à l'infraction et qui auraient revendu des bananes provenant de DFFE. Par conséquent, l'amende aurait été fondée à tort sur des ventes réalisées par les autres filiales de Dole Food.
- Appréciation de la Cour
139 Ainsi que l'a relevé Mme l'avocat général au point 134 de ses conclusions, l'argumentation de Dole Food repose sur une compréhension erronée de la jurisprudence constante de la Cour relative à la responsabilité des sociétés mères au titre d'infractions au droit des ententes commises par leurs filiales détenues à 100 %.
140 Conformément à cette jurisprudence, la notion d'entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Lorsqu'une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a., C-628-10 P et C-14-11 P, EU:C:2012:479, point 42 ainsi que jurisprudence citée).
141 L'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose que la Commission peut infliger des amendes aux entreprises qui commettent une infraction à l'article 81 CE sous réserve que, pour chaque entreprise participant à l'infraction, l'amende n'excède pas 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent.
142 Cette disposition vise notamment à assurer à l'amende un caractère dissuasif suffisant, lequel justifie la prise en considération de la taille et de la puissance économique de l'entreprise concernée, c'est-à-dire des ressources globales de l'auteur de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt Lafarge/Commission, C-413-08 P, EU:C:2010:346, point 102 et jurisprudence citée).
143 En effet, c'est la recherche de cet effet dissuasif suffisant de l'amende qui justifie qu'il soit tenu compte de la capacité financière de l'entreprise sanctionnée (voir arrêt Lafarge/Commission, EU:C:2010:346, point 104).
144 Dès lors, la Commission doit apprécier, dans chaque cas d'espèce et au vu de son contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par le règlement n° 1-2003, les conséquences recherchées sur l'entreprise concernée, en tenant compte du chiffre d'affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l'infraction a été commise (arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C-76/06 P, EU:C:2007:326, point 25).
145 Selon la jurisprudence constante de la Cour, il est loisible, en vue de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise qui constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des produits faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, EU:C:1983:158, point 121 ; Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, EU:C:2005:408, point 243, ainsi que Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, EU:C:2006:328, point 100).
146 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 laisse à la Commission une marge d'appréciation, il en limite néanmoins l'exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir. Ainsi, d'une part, le montant de l'amende susceptible d'être infligée à une entreprise connaît un plafond chiffrable et absolu, de sorte que le montant maximal de l'amende pouvant être mis à la charge d'une entreprise donnée est déterminable à l'avance. D'autre part, l'exercice de ce pouvoir d'appréciation est également limité par les règles de conduite que la Commission s'est elle-même imposées (voir, en ce sens, arrêt Schindler Holding e.a./Commission, C-501-11 P, EU:C:2013:522, point 58).
147 À cet égard, aux termes du point 13 des lignes directrices, "[e]n vue de déterminer le montant de base de l'amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l'entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l'infraction, dans le secteur géographique concerné à l'intérieur du territoire de l'EEE". Ces mêmes lignes directrices précisent, à leur point 6, que "la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l'infraction et de la durée [de celle-ci] est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l'importance économique de l'infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l'infraction".
148 Il s'ensuit que le point 13 desdites lignes directrices a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul de l'amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l'importance économique de l'infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de valeur des ventes visée à ce point 13 ne saurait, certes, s'étendre jusqu'à englober les ventes réalisées par l'entreprise en cause qui ne relèvent pas, directement ou indirectement, du périmètre de l'entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l'objectif poursuivi par cette disposition si cette notion devait être entendue comme ne visant que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt Team Relocations e.a./Commission, C-444-11 P, EU:C:2013:464, point 76).
149 En tout état de cause, il convient de souligner que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction (arrêt Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C-580-12 P, EU:C:2014:2363, point 59).
150 En l'espèce, c'est donc sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 622 de l'arrêt attaqué, qu'il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir pris en compte, pour déterminer la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l'entreprise conformément au paragraphe 13 des lignes directrices, en relation directe ou indirecte avec l'infraction, le montant des ventes de bananes jaunes réalisées par des sociétés du groupe autres que DFFE dont Dole Food est la société faîtière.
151 Il s'ensuit que la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.
Sur la seconde branche du quatrième moyen, relative à la double prise en compte de certaines ventes
- Argumentation des sociétés Dole
152 Par la seconde branche de leur quatrième moyen, les sociétés Dole prétendent que le Tribunal a commis une erreur de calcul de l'amende en comptant les mêmes bananes deux fois. En effet, les chiffres de ventes utilisés comprendraient les ventes de bananes de DFFE à une entreprise tierce et les ventes des mêmes bananes réalisées par une autre filiale de Dole Food qui les avait achetées à ladite entreprise tierce.
153 Au point 630 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait rejeté cet argument, d'une part, en contestant l'exactitude des chiffres, alors que la Commission n'aurait jamais émis de doute à cet égard et aurait même reconnu n'avoir pas examiné cette question. En tout état de cause, si le Tribunal nourrissait des doutes à cet égard, il aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'enquête.
154 D'autre part, le Tribunal aurait jugé que ces ventes ne relevaient pas de l'exception de double comptage, parce que ladite entreprise tierce ne faisait pas partie des entreprises destinataires de la décision litigieuse. Toutefois, cela n'aurait aucune incidence sur le fait que les ventes des mêmes bananes ont été comptées deux fois aux fins du calcul de l'amende. Il ne ressortirait d'ailleurs pas du point 452 de la décision litigieuse d'élément suggérant que la volonté d'éviter les doubles comptages se limitait aux ventes de bananes par l'une des entreprises destinataires de la décision litigieuse à un autre destinataire de cette décision.
- Appréciation de la Cour
155 Il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 140 à 149 du présent arrêt que le montant de la sanction à infliger doit être déterminé en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée.
156 Or, d'une part, il n'est pas contesté que la vente de bananes par l'une des filiales de Dole Food à une entreprise tierce non impliquée dans l'entente contribue au chiffre d'affaires de l'entreprise et que, lorsqu'une autre filiale de Dole Food les rachète à cette entreprise tierce pour les revendre ensuite à des détaillants, cette seconde vente contribue également audit chiffre d'affaires.
157 D'autre part, contrairement à ce que prétendent les sociétés Dole, il ressort sans ambiguïté du point 452 de la décision litigieuse que seules les ventes de bananes fraîches à d'autres destinataires de cette décision étaient exclues du double comptage.
158 Dans ces conditions, ainsi que l'a fait valoir à bon droit la Commission et tel que l'a considéré Mme l'avocat général au point 145 de ses conclusions, l'argumentation des sociétés Dole ne permet pas d'identifier les erreurs de droit qu'elles reprochent au Tribunal, de sorte que la seconde branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.
159 Partant, ce moyen doit être rejeté.
160 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le pourvoi.
Sur les dépens
161 Aux termes de l'article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les sociétés Dole ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de ces sociétés, il y a lieu de les condamner aux dépens. Ayant introduit le pourvoi ensemble, elles devront supporter ces dépens solidairement.
Par ces motifs, LA COUR (deuxième chambre) déclare et arrête,
1) Le pourvoi est rejeté,
2) Dole Food Company Inc., et Dole Fresh Fruit Europe, anciennement Dole Germany OHG, sont condamnées solidairement aux dépens.