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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 13 mars 2015, n° 14-14903

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Interface Analyse Technique (SARL), Malpel

Défendeur :

International Marketmaker (EURL), Vaudan

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Cordelier, Rupp, Lagarde

TGI Paris, du 22 mai 2014

22 mai 2014

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 22 mai 2014 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 1ère section),

Vu l'appel interjeté le 21 juillet 2014 par la société Interface Analyse Technique,

Vu les dernières conclusions de la société Interface Analyse Technique, appelante en date du 8 octobre 2014,

Vu les dernières conclusions de la société International Marketmaker et de monsieur Luc Vaudan, intimés et incidemment appelants en date du 4 décembre 2014,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 janvier 2015,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société Interface Analyse Technique (IAT) est une société spécialisée dans le conseil, la formation professionnelle et l'organisation événementielle dans les domaines de l'analyse technique, le négoce et les marchés cotés.

La société International Marketmaker (IMM), fondée par monsieur Luc Vaudan en 2005, est une société spécialisée dans la formation boursière. Elle est reconnue comme centre de formation professionnelle par l'Etat.

En 2007, la société IAT, qui organise déjà depuis plusieurs années un salon dénommé " Salon de l'Analyse Technique ", décide d'organiser le premier salon dénommé " Salon du Trading ".

Dans le cadre de ses " Salons du Trading " organisés depuis tous les ans, la société IAT indique qu'elle présente plusieurs séries de conférences et d'ateliers de formation professionnelle aux métiers de la bourse et à la maîtrise des outils permettant l'exercice de ces professions, ce que la société IMM conteste en indiquant que la société IAT organise des salons professionnels sans dispenser de formation professionnelle.

En novembre 2010 la société IAT s'est aperçue que la société IMM utilisait la dénomination " salon du Trading " dans une publicité faite au sein d'un mailing internet.

La société IAT a demandé à la société IMM de cesser de porter atteinte à cette dénomination, requêteà laquelle elle se serait soumise, ce que conteste la société IMM.

Lorsque la société IAT a décidé de déposer les noms de domaines correspondant au nom " Salon Trading ", elle a constaté que la société IMM avait enregistré le nom de domaine " salondutrading.fr " et que monsieur Luc Vaudan avait enregistré celui de " salondutrading.com "

La société IMM a également enregistré la dénomination "Salon du Trading", à titre de marque française n° 11 3 873 165 en date du 7 novembre 2011, pour les classes de produits et services 35 (publicité et organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité), 36 (affaires financières) et 41 (formation, organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ainsi que l'organisation d'exposition), laquelle a fait l'objet le 6 mars 2012 d'une objection par l'INPI tenant au caractère descriptif de la marque et la marque n'a pas été enregistrée sur décision du Directeur de l'INPI.

Seul le dépôt a été publié.

Selon acte d'huissier du 15 novembre 2012, la société IAT a fait assigner la société IMM aux fins de demander le transfert de la marque litigieuse ainsi que le transfert des noms de domaines salondutrading.com et salondutraiding.fr.

Suivant jugement du 22 mai 2014 dont appel, le tribunal a essentiellement :

- déclaré la demande de la société Interface Analyse Technique relative au dépôt frauduleux de la marque verbale française Salon du Trading n° 11 3 873 165 effectué par la société Marketmaker, mal fondée,

- débouté la société Interface Analyse Technique de sa demande de transfert de la demande d'enregistrement de la marque verbale française Salon du Trading n° 11 3 873 165,

- débouté la société Interface Analyse Technique de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence parasitaire et de sa demande de publication judiciaire,

- débouté la société Marketmaker et monsieur Luc Vaudan de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu d'allouer une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

En cause d'appel la société Interface Analyse Technique demande essentiellement dans ses dernières écritures du 8 octobre 2014 de :

- dire et juger que la société Interface Analyse Technique dispose de droits antérieurs et régulièrement exploités sur le signe " Salon du Trading " devenu notoire par l'usage,

- dire et juger que la société International Marketmaker a fait un dépôt frauduleux de la marque " Salon du Trading ",

- dire et juger que la société Market Maker et monsieur Luc Vaudan ont fait des dépôts frauduleux des noms de domaine " salondutrading.com " et " salondutrading.fr ",

- ordonner le transfert de la marque française n° FR 11 3 873 165 au profit de la société Interface Analyse Technique et ordonner la transcription de ce transfert sur le Registre National des Marques,

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de la marque dont s'agit,

- en tout état de cause,

- ordonner le transfert des noms de domaine " salondutrading.com " et " salondutrading.fr " sous astreinte,

- dire et juger que la société International Marketmaker et monsieur Luc Vaudan ont commis des actes de concurrence déloyale par " l'économie qu'ils ont faite sur le dos de la société IAT ",

- condamner solidairement la société International Marketmaker et monsieur Luc Vaudan à payer à la société Interface Analyse Technique :

la somme de 150 000 euro sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner la publication du " jugement " à intervenir,

- prononcer l'exécution provisoire de la décision (sic).

La société International Marketmaker et monsieur Luc Vaudan, intimés, s'opposent aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel, demandent dans leurs dernières écritures en date du 4 décembre 2014 portant appel incident de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles,

- statuant à nouveau de ces derniers chefs,

- condamner la société Interface Analyse Technique à payer à la société International Marketmaker les sommes de :

150 000 euro pour ses actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

5 000 euro en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Interface Analyse Technique à payer à la société International Marketmaker et à monsieur Luc Vaudan la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la demande en revendication de la marque et subsidiairement sa nullité formées par la société Interface Analyse Technique

La société Interface Analyse Technique sollicite sur le fondement de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle le transfert de la marque " Salon du Trading " qui a été déposée le 7 novembre 2011 sous le n° 11 3 873 165 pour les classes de produits et services 35, 36 et 41.

L'article L. 712-6 précité indique " Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

A moins que le déposant soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement. "

Cependant aux termes de l'article L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle seul l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés.

Or, en l'espèce, la marque dont s'agit n'a pas été enregistrée le Directeur de l'INPI ayant refusé, dans son opposition provisoire du 6 mars 2012, d'enregistrer celle-ci en raison de son caractère descriptif et aucun recours n'a été formé à l'encontre de cette décision.

Il s'ensuit que cette demande en revendication recevable en la forme puisqu'exercée dans le délai de trois ans de l'enregistrement de la demande, est infondée la société IMM n'étant titulaire d'aucun droit à transférer.

A titre subsidiaire, elle en sollicite la nullité, mais aucun enregistrement de la marque attaquée n'étant intervenu, cette demande est irrecevable.

Sur la demande de transfert des noms de domaine " salondutraiding.com " et " salondutraiding.fr "

La société Interface Analyse Technique soutient détenir des droits sur la dénomination " salon du trading " au motif qu'elle exploite de façon continue la dénomination " salon du trading " comme signe distinctif. Elle précise qu'elle l'a utilisée depuis l'année 2007, chaque année, pour organiser des salons professionnels sous cette dénomination qui a acquis depuis un caractère notoire en raison notamment d'investissements massifs en campagnes publicitaires de plus de 446 666 euro, lui conférant un rayonnement national.

Elle précise qu'elle est l'auteur original du nom du Salon du Trading.

Elle ajoute que le gérant de la société IMM avait connaissance de cet usage constant car il s'est inscrit en 2009 et 2010 en tant que visiteur au Salon du Trading et qu'elle avait notifié à la société IMM ses droits de propriété intellectuelle sur ce signe.

La société IMM lui dénie tout droit antérieur sur cette dénomination qu'elle qualifie de descriptive des services auxquels elle s'applique.

Le nom de domaine en regard de sa valeur commerciale, constitue un signe distinctif bénéficiant d'une protection juridique autonome dès son premier usage public.

Ceci rappelé, la reprise, sans nécessité technique, d'une dénomination protégée pour enregistrer un nom de domaine à l'identique, sous la même orthographe, sans espace, d'une société directement concurrente disposant sur ces signes distinctifs une antériorité, peut être constitutif d'une concurrence déloyale car cette société bénéficie de ce fait, à un moindre coût des investissements et de la notoriété de l'entreprise plus ancienne présente sur le même secteur d'activité.

Mais l'examen des pièces communiquées à ce titre par la société Interface Analyse Technique fait apparaître que de 2000 à 2011 cette société a utilisé cette dénomination pour décrire l'événement qu'elle organisait. En effet, la typographie utilisée démontre que cette dénomination avait pour effet de décrire le contenu du salon, la typographie " salon du Trading " étant accentuée sur le terme Trading et non sur la dénomination dans son ensemble.

Cette dénomination qui ne fait que décrire l'objet du salon : réunir des exposants intervenant dans le domaine de l'activité de la bourse, revêt un caractère purement descriptif sans aucun caractère distinctif. Elle a été utilisée, non à usage de marque, mais simplement pour présenter les salons qui, tenus sur deux jours annuels n'ont pu lui conférer la notoriété invoquée et non établie auprès d'une large fraction du public, notamment dans ce secteur spécialisé, neuf articles de presse sur une période de cinq ans relatant principalement les propos du gérant de la société n'étant pas de nature à conférer cette notoriété.

Elle ne justifie donc pas de droits privatifs préalables sur cette dénomination qu'elle s'est abstenue de déposer antérieurement, à la société International Marketmaker et qu'elle qualifie d'ailleurs, à titre subsidiaire, de descriptive.

La société Interface Analyse Technique soutient également que la société Marketmaker a commis des actes de concurrence déloyale et notamment de parasitisme en exploitant les deux noms de domaine litigieux aux fins de rediriger les internautes vers le site de son école de trading " bousierassitance.fr " afin de la gêner dans son exploitation et créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle.

Mais il est justifié par l'intimée, que la société Interface Analyse Technique exploite son activité notamment par le biais de son site internet www.salonat.fr et qu'une recherche sur Google avec les mots clés " salondutrading.com " et " salondutrading.fr " renvoie à son propre site précité, aucun nom de domaine salondutraiding.com ou salondutrading.fr n'apparaissant sur les premières pages Google de sorte que l'enregistrement de ces deux noms de domaine n'entrave pas son activité et que les requêtes spécifiques sur les deux adresses litigieuses ont donné lieu sur deux ans à 18 connexions seulement par les parties au procès, la société International Marketmaker n'exploitant pas ces deux noms de domaine.

Le simple dépôt de ce signe non distinctif à titre de marque qui n'a pas fait l'objet ultérieurement d'enregistrement en raison de ce défaut de caractère distinctif n'est pas de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale.

De plus les deux sociétés n'exercent pas la même activité et ne s'adressent pas à la même clientèle puisque la société Interface Analyse Technique organise des salons et vend des emplacements de stands à tout type de professionnels du négoce, des marchés côtés et des salles de marchés proposant des produits en ces domaines, pour qu'elles en assurent la promotion alors que la société International Marketmaker est un centre de formation qui vise à former des particuliers, professionnels ou non, aux méthodes de placements de fonds sur les marchés financiers.

Il n'est en conséquence pas démontré que l'enregistrement des deux noms de domaine ait eu pour effet et pour but de "profiter des efforts" de la société Interface Analyse Technique et la gêner dans son exploitation.

Il convient en conséquence de confirmer par substitution de motifs la décision de ce chef de dispositif.

Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale et parasitisme

La société International Marketmaker soutient que la société Interface analyse Technique a littéralement copié son concept de " Forexgame " en le rebaptisant " Friday Forex ", le Forex étant un instrument pour faire du trading sur les devises. Elle précise qu'elle a organisé en 2011 pendant deux jours un événement relevant de la formation et de la pratique du Forex. Cet événement organisait pour la première fois : un événement spécialisé uniquement sur le Forex qui offrait aux particuliers de trader avec des professionnels, qui incluait aussi des formations et proposait de trader en direct avec de l'argent réel.

Elle poursuit en indiquant qu'en 2013 la société IAT a copié ce concept consistant à faire trader des particuliers avec des professionnels avec l'événement Friday Forex et c'est donc placée dans son sillage.

Cependant l'idée de faire participer des particuliers à des opérations de trading avec des professionnels ne peut, dans le cadre d'une libre concurrence, empêcher une société tierce de développer et diversifier ses activités dans le même secteur.

En revanche, l'invitation faite le 23 octobre 2013 par la société IAT aux salariés de la société IMM de rejoindre son réseau Viadeo, alliée aux lettres publicitaires adressées au gérant de la société IMM dont le nom est systématiquement mal orthographié, jointes aux menaces qui furent proférées téléphoniquement à son encontre le 13 juillet 2012 et à l'affirmation erronée d'avoir déposé la marque Salon du Trading dans sa lettre du 25 novembre 2010 et plusieurs e-mails, constituent des provocations réitérées incompatibles avec la loyauté du commerce.

Il convient en conséquence, réformant le jugement de ce chef de condamner la société appelante à payer à la société IAT la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice subi à ce titre.

La demande de publication judiciaire n'est en regard des dispositions de la présente décision, pas fondée.

L'équité commande d'allouer aux intimés la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.

Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui seront recouvrés par Maître Olivier Rupp, avocat, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles des intimés, Reçoit partiellement les demandes reconventionnelles, Dit que la société Interface Analyse Technique a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société International Marketmaker, En conséquence, Condamne la société Interface Analyse Technique à payer à la société International Marketmaker la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la société appelante à payer aux intimés la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes reconventionnelles, Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Olivier Rupp, avocat, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.