CA Lyon, 3e ch. A, 19 mars 2015, n° 13-04001
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
IT Trade (SARL)
Défendeur :
Lama France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tournier
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
SCP Baufume-Sourbe, SCP Berthezene Nevouet Rivet, SCP Aguiraud Nouvellet, Selarl Cefides
EXPOSE DU LITIGE
La société Lama France commercialise des consommables d'impression compatibles. Dans le cadre de son activité à l'étranger, elle s'est rapprochée, à compter de juillet 2007, de M. Muller qui exerçait sa mission par le biais d'une société IT Trade créée en juillet 2007. Leur collaboration a cessé en 2011.
La société IT Trade, estimant pouvoir bénéficier du statut d'agent commercial, a assigné la société Lama France devant le Tribunal de commerce de Lyon aux fins notamment de la voir condamner au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 29 avril 2013, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- Donné acte à la société IT Trade de l'abandon de ses prétentions concernant le règlement de ses commissions pour 16 013 euro.
- Jugé que la mission accordée par la société Lama à la société IT Trade était une mission d'assistance commerciale et non d'agence commerciale.
- Débouté la société IT Trade de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- Condamné la société IT Trade à verser à la société Lama la somme de 750 euro en application de l'article 700 du CPC.
- Condamné la société IT Trade aux entiers dépens.
Par déclaration du 14 mai 2013, la société IT Trade a relevé appel de ce jugement.
Par Ordonnance du 24 octobre 2013, le conseiller de la mise en état a enjoint aux parties de conclure sur incident sur la question de l'application des termes de l'article L. 442-6 du Code de commerce devant la cour au regard des écritures au fond déposées par la société IT Trade en ce sens, puis, par ordonnance du 3 décembre 2013, a dit qu'il n'y avait pas lieu de retenir une quelconque difficulté sur recevabilité de l'appel au sens de l'article D. 442-3 du Code de commerce.
L'ordonnance de clôture est du 24 juin 2014.
Dans ses dernières conclusions du 21 mars 2014, la société IT Trade demande de :
- Infirmer le jugement rendu le 29 avril 2013 par le Tribunal de commerce de Lyon,
Et statuer à nouveau :
A titre principal, au titre du statut d'agent commercial,
- Dire et juger que la société IT Trade est parfaitement fondée à solliciter l'application du statut légal des agents commerciaux,
- Dire et juger que la rupture des relations d'agent commercial est imputable à la société Lama,
- Dire et juger que la société IT Trade n'a commis aucune faute grave,
- Fixer la durée du préavis à 3 mois, du 10 juin 2011 au 30 septembre 2011,
- Condamner la société Lama à verser à la société IT Trade une somme de 34 608,85 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- Condamner la société Lama à verser à la société IT Trade une indemnité en réparation de son préjudice subi :
A titre principal, 407 950 euro à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;
A titre subsidiaire, désigner, tel Expert qu'il lui plaira avec pour mission :
Entendre les parties ;
Recevoir de la société Lama tout document relatif au calcul du chiffre d'affaires et de la marge nette réalisée par la société Lama en 2011, 2012, 2013, 2014 et toutes nouvelles années couvertes par l'accord d'exclusivité du groupe Auchan
Etablir le montant des commissions de la société IT Trade selon un taux de 30 % par rapport à la marge nette pour les années couvertes par l'exclusivité accordée par le groupe Auchan ;
Etablir les montant des commissions dues à la société Lama ;
Remettre son rapport sous forme de tableau ;
Dit que l'expertise sera aux frais de la société Lama qui versera une consignation de 10 000 euro à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Dit qu'à défaut de paiement dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et que la somme définitive au titre du préjudice subi attribuée à la société IT Trade sera de 407 950 euro ;
Dit qu'après la première réunion d'expertise, l'expert informera les parties sur le montant prévisible de sa rémunération ;
Dit qu'en tant que besoin, l'expert sollicitera un complément de consignation auprès du président de la cour d'appel chargé de suivre les opérations d'expertise ;
Dit que l'expert devra tenir informé la cour d'appel de toutes difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission ;
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe dans un délai de 6 mois à compter de la décision et en adressera une copie complète à chacune des parties (y compris la demande de fixation de rémunération conformément à l'article 173 du Code de procédure civile).
A titre subsidiaire, au titre de la rupture brutale des relations commerciales,
- Dire et juger que la société Lama a brutalement rompu les relations commerciales avec la société IT Trade,
- Condamner la société Lama à verser à la société IT Trade une somme de 589 440 euro à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- Faire droit aux intérêts légaux et à la capitalisation des intérêts,
- Condamner la société Lama aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits,
- Condamner la société Lama à verser à la société IT Trade la somme de 8 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Elle fait notamment valoir que :
Sa demande formulée sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° n'est pas irrecevable car elle tend notamment aux mêmes fins que la demande formulée à titre principal, à savoir la réparation de son préjudice lié à la rupture des relations contractuelles.
En présence d'une demande subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, la cour est compétente pour connaître du litige relatif à la qualification juridique de la relation contractuelle entre les parties, de la reconnaissance d'un contrat d'agent commercial et des conséquences en cas de rupture. L'application de cet article ne se posera alors que si le jugement déféré est confirmé.
L'absence de formalisme n'est pas un obstacle à la reconnaissance du statut d'agent commercial et en dehors de la présence d'un contrat écrit, l'application du statut d'agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
La commune intention des parties était de se soumettre au statut des agents commerciaux, comme les démontrent notamment ses cartes de visite élaborées par la société Lama, l'intitulé des messages électroniques, le fait que la société Lama présentait Monsieur Muller aux acheteurs comme étant agent commercial et le système de commissionnement conforme à la définition de l'article L. 134-5 du Code de commerce.
Elle avait une activité de prospection, de démarchage et le pouvoir de négocier au nom et pour le compte de la société Lama.
La société Lama n'apporte pas la preuve de l'existence d'un contrat d'assistance commerciale.
Elle n'a pas bénéficié d'une période de préavis de 3 mois, la société Lama ne pouvant se prévaloir d'un entretien oral pour établir le point de départ du préavis.
Aucune faute grave ne peut lui être reprochée, une prétendue insuffisance d'ordre professionnel invoquée postérieurement à la décision n'étant pas un juste motif.
Les relations ont été rompues brutalement par la société Lama lors d'un entretien alors qu'elle se trouvait dans une situation de totale dépendance économique vis-à-vis de cette société et la société Lama ne lui a proposé aucune solution de reconversion dans le cadre d'un préavis.
Dans ses ultimes écritures du 25 avril 2014, la société Lama France sollicite de la cour de :
Sur la demande initiale relative à l'obtention de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce,
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 29 avril 2013 par le Tribunal de commerce de Lyon,
A titre subsidiaire,
- Dans l'hypothèse d'une réformation du Jugement dont appel, réduire à de plus justes proportions l'indemnité de rupture réclamée par la SARL IT Trade, en fonction du préjudice effectivement subi par cette dernière et dont elle aura pu faire la preuve et en tenant compte des griefs formulés,
Sur la nouvelle demande indemnitaire " alternative " fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce,
- Déclarer cette demande irrecevable au regard tant des articles 564 et suivants du Code de procédure civile que de l'article D. 442-3 du Code de commerce.
- A titre subsidiaire, la juger mal fondée, et à défaut, réduire à de plus justes proportions l'indemnité de rupture réclamée par la SARL IT Trade,
En toute hypothèse,
- Condamner la SARL IT Trade à payer en cause d'appel à la SA Lama France une somme de 7 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, Avocat.
Elle expose notamment que :
IT Trade n'a jamais eu le pouvoir de signer, de négocier, ni même de prospecter quelque affaire que ce soit, pour le compte de Lama France. Elle se contentait d'accompagner sur le plan opérationnel la mise en œuvre d'accords commerciaux négociés préalablement et directement par Lama France.
IT Trade était liée à Lama France par un contrat de louage de services, et précisément par une mission d'assistance commerciale qui consistait à l'assister auprès d'un portefeuille de clientèle déjà existant.
La société IT Trade ne rapporte pas la preuve de sa qualité d'agent commercial car aucun acte de négociation commerciale n'est communiqué et aucune pièce ne permet de démontrer une mission permanente de négociation.
Le mode de rémunération n'établit en rien la nature juridique des relations, le commissionnement n'étant pas un mode de rémunération exclusif aux agents commerciaux.
Monsieur Muller ne s'est pas inscrit sur le registre spécial des agents commerciaux et n'a pas prévu l'activité d'agence commerciale dans l'objet social de la société IT Trade.
La société IT Trade ne peut solliciter une indemnité de rupture car elle ne peut prétendre aux droits découlant du statut d'agent commercial.
La demande de la société IT Trade fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies est irrecevable au regard de l'article 564 du CPC car nouvelle et reposant sur un fondement juridique différent.
La cour ne peut que se déclarer privée de manière absolue de tout pouvoir pour examiner irrecevable la demande de la société IT Trade, sans même ordonner de renvoi devant la Cour de Paris puisque, faute de jugement rendu en première instance sur le fondement de ce texte, il n'existe aucune faculté d'appel.
Elle n'a pas brutalement cessé de collaborer avec la société IT Trade car elle a respecté un préavis, après avoir annoncé la fin de leurs relations à la société IT Trade dans une lettre.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant la cour ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la qualité d'agent commercial :
Attendu que les juges de première instance, pour dire que la société IT Trade n'était pas agent commercial, ont d'abord motivé leur décision par l'absence de mission expresse d'agent commercial dans son objet social ;
Mais attendu que la société IT Trade a pour objet: " la réalisation de prestations commerciales, l'achat revente de biens non alimentaires, l'import-export de biens non alimentaires " ainsi que: " toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'un des objets visés ci-dessus ou à tous objets similaires ou connexes " ;
Que les statuts de la société (Pièce 8 de l'intimée) visent aussi expressément " toutes activités pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'un des objets visés dans les statuts ci-dessus ou à tous objets similaires ou connexes " de sorte que l'absence de la mention expresse d'activité d'agent commercial ne peut empêcher la société IT Trade d'accéder à ce statut ;
Attendu que les premiers juges ont ensuite motivé leur décision par l'absence d'inscription au registre spécial ;
Mais attendu que cette inscription est une simple mesure administrative qui est sans conséquence sur le statut d'agent commercial lui-même, lequel s'obtient en répondant aux critères de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;
Attendu qu'en premier lieu, en l'absence de contrat écrit, il convient de rechercher la commune intention des parties ;
Attendu que, par courriel du 3 octobre 2007, Danielle Pereira, de la société Fima écrivait à Jacques Guibert et Alain Muller en ces termes: " chers agents commerciaux " ; Que le mail du 28 octobre 2010 de François Lao, de la société Lama, à Alain Muller est libellé en ces termes: " J'insiste que le rôle d'agent est de faire en sorte que le CA se développe pour mieux se rémunérer, tu dois reprendre ton rôle pour te poser des questions comment évoluer le CA : soit développer clients existants en trouvant des solutions, développer la borne avec d'autres clients, développer de nouveaux clients. Ceci est la vraie solution à ta situation " ; Que par courrier électronique du 8 février 2011, François Lao, de la société Lama, écrit à Alain Muller : " Alain, cela serait bien en tant que agent et surtout à la recherche de CA ... " ; Qu'il en résulte qu'au moins depuis le 3 octobre 2007 et jusqu'au 8 février 2011, la société Lama et son président, François Lao, traitaient Alain Muller en agent commercial ;
Qu'en réalité ce n'est qu'à partir du courrier du 10 juin 2011 que la société Lama prétend que les missions d'Alain Muller et de sa société IT Trade n'étaient pas des missions d'agent commercial mais des missions d'assistance commerciale ;
Que Charles Gallard, technicien de déploiement informatique chez Lama France, atteste que " Monsieur Muller était agent commercial de la société Lama France. Tout le monde au sein de Lama France le considérait comme agent commercial, surtout Monsieur Lao... " (pièce 62 de l'appelante) ;
Que, par ailleurs, lorsque Laurent Spillboudt, du groupe Auchan, interrogeait la société Lama le 23 octobre 2008 pour savoir si elle disposait d'un " agent commercial " pour la Russie, Danielle Pereira, de la société Lama, répondait en adressant " l'organigramme mis à jour avec la Russie " sur lequel figurait Alain Muller ; Que, le 26 novembre 2008, la même Danielle Pereira écrivait à M. Sauvageot, du groupe Auchan en ces termes: " Je vous joins également un organigramme avec le nom des agents locaux et de l'agent commercial Lama France en charge du pays " ; Que le tableau joint faisait apparaître Alain Muller au regard des pays suivants: France, Luxembourg, Pologne, Hongrie, Roumanie et Russie ;
Qu'ainsi, non seulement, en interne, la société Lama considérait Alain Muller comme un agent commercial, mais elle l'indiquait, en externe, à sa clientèle ;
Attendu qu'en deuxième lieu l'article L. 134-5 du Code de commerce dispose: " Tout élément de rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre. Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s'appliquent lorsque l'agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie " ;
Que les pièces 7 à 18 et 72 de l'appelante démontrent qu'Alain Muller était rémunéré par commissions sur opérations, en conformité avec l'article 134-5 du Code de commerce ; Qu'en effet, la société Lama informait mensuellement la société IT Trade du montant du chiffre d'affaires généré par son activité et établissait son taux de commissionnement à hauteur de 30 % de la marge nette réalisée par la société Lama et transmettait un rapport mensuel d'opérations ;
Attendu qu'en troisième lieu les mails versés aux débats par l'appelante en pièces 48 (échanges avec R. Denneulin, de la société Auchan) et 56 (échanges avec Ilya Palinkash, de la société Metro, et Danielle Pereira) démontrent qu'Alain Muller, de son côté, se comportait en agent commercial en démarchant et prospectant des clients pour le compte et au nom de la société Lama ; Qu'outre le démarchage et la prospection de la société Auchan en Roumanie (pièces n° 48 et 49 de l'appelante), Alain Muller, qui depuis juillet 2007 exerçait sa mission par le biais d'IT Trade, a démarché et prospecté les sociétés Auchan en Russie (pièce n° 50 de l'appelante), Fnac en France (pièce n° 51 de l'appelante), Eldorado en Russie (pièce n° 51 de l'appelante), Cora au Luxembourg et en Belgique (pièce n° 52 de l'appelante), Cora en Hongrie (pièce n° 53 de l'appelante), Auchan en Pologne (pièce n° 54 de l'appelante), et Cora en Roumanie (pièce n° 55 de l'appelante) ; Qu'il résulte en effet de ces échanges qu'il organisait des entretiens avec les acheteurs de différentes enseignes, proposait l'implantation de produits de la société Lama dans les magasins appartenant à ces enseignes, se rendait dans les magasins, formulait des offres commerciales, proposait des catalogues de produits, des délais de livraisons, des volumes et des prix ;
Attendu qu'en quatrième lieu, l'article L. 134-1 alinéa 1 du Code de commerce dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale " ; Qu'il s'en déduit que l'élément essentiel pour l'application du statut légal d'agent commercial est le pouvoir de négocier au nom et pour le compte d'un mandant, la conclusion de contrats n'étant qu'une éventualité prévue par le texte ;
Que François Lao, président de la société Lama, écrivait lui-même:
- le 16 décembre 2008, à Arnaud Bricmont, de la société Auchan : " J'ai eu Alain Muller qui me dit ne pas avoir augmenté les prix et que probablement l'acheteur polonais doit confondre entre Lama Plus en Pologne et Lama France... ",
- le 22 juillet 2009, à Alain Muller " tu devrais négocier en direct et faire une offre ",
- le 22 juillet 2009, à Alain Muller qui lui disait qu'il comptait négocier une commande comme il en avait été discuté lors d'un précédent rendez-vous en Roumanie, " surtout la mission très précise ",
- le 8 juillet 2010, à Alain Muller : " Alain, je te dis comment tu dois travailler: Tu travailles sur une offre commerciale pour la centrale permanent comme prom...Tu négocies les conditions au mieux avec les agents... ",
- le 10 août 2010, à Alain Muller : " Tu dois participer plus avec Lama/Danielle pour concevoir des opérations en tenant compte de tes expériences magasins/clients/catalogue : 1-avant les opérations, analyse des sorties de caisse pour préparer une offre attirante... 2-Valider et négocier un accord avec la centrale + preco... "
- le 21 janvier 2011, à Danielle Pereira sous couvert d'Alain Muller: " Alain, peux-tu nous dire exactement la situation des conditions tarifaires par pays (hausse, baisse, acceptation, négos, etc...) " ;
Que les cartes de visites d'Alain Muller, élaborées par la société Lama elle-même, mentionnent " international retail business development " ; Qu'on voit mal comment Alain Muller pourrait développer des affaires internationales de vente au détail sans disposer d'un pouvoir de prospection, de démarchage et de négociation ;
Qu'Adrian Dimitru, coordinateur de vente au détail pour la société Star Print Trade, déclare: " j'ai commencé à travailler en collaboration avec Mr Alain Muller qui était agent commercial pour la société Lama France. Nous avons commencé à contacter et trouver des clients potentiels pour le concept des cartouches d'encres compatibles grâce aux connections de Mr Alain Muller. Nous avons commencé avec les catégories managers et les acheteurs de Cora à implanter ce projet après que Mr Muller est fini les négociations et la politique de prix avec les acheteurs de chez Cora. Après Cora nous avons commencé les négociations avec les hypermarchés Real et après plusieurs RDV avec le catégorie manager Alain et moi étions prêt pour lancer ce second projet en Roumanie " (pièce 59 de l'appelante) ;
Que Sokhed Innokenty, directeur des achats de la société russe Defender, dit avoir été " contacté par Mr Muller Alain qui était agent commercial de Lama en 2007 pour trouver de nouveaux clients et développer un business en Russie pour les cartouches d'imprimantes. Mr Alain Muller a organisé et arrangé quelques RDV avec Auchan (Russie). Ce qui a donné comme résultat qu'en mai 2008 nous avons commencé à implanter les magasins Auchan Russie. Mr Muller Alain était en charge des négociations les gammes, les prix, les taxes, les marges arrières et les contrats avec Auchan et notre compagnie était en charge de la logistique, du merchandising et des commandes d'Auchan Russie " (pièce 60 de l'appelante) ;
Que Beata Jurewicz, qui travaillait pour la société Auchan Pologne, dit avoir rencontré " Mr Alain Muller à Auchan quand il était agent. Il était en contact avec l'acheteur d'Auchan Pawel Piechniczek. Je lui envoyais des rapports, et des emails tout le temps. Nous avons maintenu le contact tout le temps quand il travaillait pour Lama France. Je lui envoyais les rapports des ventes tous les mois, quelques fois plus souvent. Alain me demandais de l'aider très souvent. Je lui expliquais et traduisais les emails qu'il recevait de l'acheteur. Alain m'envoyais la liste des prix très souvent, il négociait les prix avec les acheteurs et leur présentait des offres. Il venait aux RDV avec ses collaborateurs Rafal Milczarek et Jan Machalek from Lama Plus (agent local pour la Pologne basé en République Tchèque) " (pièce 61 de l'appelante) ;
Qu'il est donc incontestable qu'Alain Muller disposait d'un pouvoir de négociation au nom et pour le compte de la société Lama ;
Attendu qu'enfin c'est vainement que la cour a recherché la preuve d'un contrat écrit d'assistance commerciale entre les sociétés Lama et IT Trade, ou d'un commencement de preuve de l'existence d'un tel contrat, ou d'accords commerciaux négociés par Lama qui justifierait l'existence d'un contrat d'assistance commerciale avec la société IT Trade, ou de prestations que devait exécuter la société IT Trade dans le cadre d'une mission d'assistance commerciale, ou de modes de rémunération en contrepartie des prétendues prestations d'assistance commerciale ; Que l'intimée ne verse pas davantage aux débats de facture mentionnant une exécution de prestations d'assistance commerciale ;
Attendu qu'au terme de ces motivations le jugement entrepris ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a jugé que la mission accordée par la société Lama à la société IT Trade était une mission d'assistance commerciale et non d'agence commerciale et débouté la société IT Trade de l'ensemble de ses demandes ;
Que, statuant à nouveau, la cour juge que la société IT Trade est fondée à solliciter l'application du statut légal des agents commerciaux ;
Sur la rupture du contrat :
Attendu que, par courrier du 1er juin 2011, Alain Muller écrivait à la société Lama France (Pièce 19 de l'appelante) : " Je travaille avec vous depuis 4 ans en négociant des contrats de vente de vos produits auprès d'une clientèle précise et déterminée au nom de la société Lama France, et en étant commissionné pour chaque opération. Cette activité d'agent commercial n'a pas été formalisée par écrit... Vous m'avez indiqué, lors de notre dernier entretien, que vous avez décidé de mettre un terme à notre relation " ;
Que ce dernier point est confirmé par la société Lama France qui, en page 22 de ses conclusions, écrit " En mai 2011 les parties se sont rencontrées afin de faire le point sur l'activité d'IT Trade, Lama France étant insatisfaite de ses prestations. Suite à cet entretien, Lama France a décidé de mettre un terme à sa relation avec IT Trade " ;
Qu'il est donc clair que c'est l'intimée qui est à l'origine de la rupture de la relation contractuelle ;
Attendu que, en réponse au courrier recommandé avec avis de réception d'Alain Muller, en date du 1er juin 2011 demandant une indemnité de rupture et le versement de commissions pendant la période du préavis, l'intimée répondait en contestant le statut d'agent commercial et en écrivant le 10 juin 2011 (Pièce 20 de l'appelante): " Votre assistance commerciale auprès de nos distributeurs est insuffisante. Ceux-ci se plaignant de manque de contact et d'absence d'aide dans l'établissement d'offres promotionnelles. Fréquemment ils nous font part de votre absence de visites dans leurs magasins " ;
Attendu qu'ainsi lors de la rupture, formalisée par l'écrit du 1er juin 2011, aucun document de la société Lama France ne vient imputer une quelconque faute à Alain Muller ou à la société IT Trade ;
Que ce n'est qu'après la rupture, le 10 juin, que la société Lama France allègue de ce qu'elle qualifie d'insuffisances ; Que, cependant, aucune pièce du dossier ne vient étayer ces allégations tardives et imprécises ;
Que la société Lama France verse aux débats l'attestation de son responsable commercial, Jacques Guibert (Pièce 2 de l'intimée) qui fait état de propos agressifs qu'Alain Muller aurait tenu à l'égard de Francis Lao et de dénigrements de la société Lama France auxquels il aurait dit vouloir se livrer ; Que, cependant, à supposer que cette attestation, qui émane d'un collaborateur de la société Lama France, puisse être considérée comme probante, force est de constater qu'elle ne fait état d'aucun dénigrement antérieur à la rupture, les propos prêtés à Alain Muller étant consécutifs au refus de Francis Lao de payer les indemnités réclamées ;
Qu'ainsi la preuve d'aucune faute de la société IT Trade n'est rapportée, et, a fortiori, celle d'une faute grave ;
Sur l'indemnité de préavis:
Attendu que l'article L. 134-11 du Code de commerce dispose : " Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure " ;
Qu'en l'espèce, les relations d'agent entre les deux parties ont duré de juillet 2007 à juin 2011, soit plus de 3 années de relation contractuelle à durée indéterminée ; Qu'il s'en suit que le préavis de la société IT Trade ne pouvait être inférieur à 3 mois ;
Que si la société Lama France ne peut se prévaloir d'un simple entretien verbal du 24 mai 2011 pour faire courir le délai de préavis, la rupture a été formalisée en l'espèce par le courrier d'Alain Muller en date du 1er juin 2011 ; Qu'ainsi son préavis devait s'achever le 1er septembre 2012, comme il l'indiquait d'ailleurs lui-même dans ce courrier ;
Que la société Lama a décidé que le contrat prendrait fin au 31 juillet 2011, de sorte que la société IT Trade n'a pas bénéficié de son entière période de préavis ;
Qu'il a précédemment été vu qu'aucune faute grave n'est imputable à la société IT Trade et que la société Lama France ne disposait d'aucune raison d'empêcher la société IT Trade de bénéficier de son entier préavis ; Qu'en conséquence la société IT Trade est fondée à demander une indemnité destinée à compenser cette absence d'entier préavis (2 mois sur 3) ;
Que la moyenne mensuelle des commissions dues en 2011 s'élève à la somme de 11 536,80 euro, de sorte qu'il y a lieu de limiter la demande d'indemnité de préavis de la société IT Trade à la somme de 23 073,60 euro, correspondant aux deux mois de préavis dont elle a été privée ;
Sur l'indemnité de rupture et la demande d'expertise :
Attendu qu'il résulte de l'article L. 134-12 du Code de commerce que : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ", et de l'article L. 134-13 du Code de commerce que : " La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial,
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée,
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence " ;
Qu'en l'espèce, dès le 1er juin 2011 la société IT Trade a notifié à la société Lama France qu'elle entendait faire valoir ses droits ; Que la cessation du contrat n'est pas justifiée par une faute grave ; Que la société IT Trade est donc fondée à demander l'indemnisation de son préjudice ainsi subi ;
Qu'une telle indemnité a pour fonction de réparer la perte, pour l'avenir, des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle par l'agent commercial ;
Qu'elle est fonction de la durée de la relation contractuelle et prend en compte notamment :
-la perte des commissions auxquelles l'agent commercial pouvait raisonnablement prétendre dans la poursuite de son mandat,
-s'il y en a une, la perte de la partie mensuelle fixe de la rémunération,
-l'impossibilité de revendre son mandat à un repreneur ;
Qu'en l'espèce la relation contractuelle est ancienne, puisqu'elle remonte à 2007, et s'est donc poursuivie pendant cinq ans sans discontinuer ;
Qu'il est justifié qu'elle a rapporté à la société Lama France un important portefeuille de clientèle sur les pays d'Europe de l'est, une partie de cette clientèle étant intégrée dans l'accord d'exclusivité passé par le groupe Auchan en 2008 dans le cadre d'une procédure d'appel d'offre ; Que la société Lama France, candidat à cet appel d'offre, ne peut sérieusement prétendre en avoir négocié le cahier des charges ; Que ce portefeuille de clientèle a généré d'importants chiffres d'affaires pour la société Lama France ; Qu'il y a lieu d'en tenir compte ;
Que la société IT Trade prétend ensuite que le contrat d'exclusivité entre les sociétés Auchan et Lama France était appelé à être renouvelé jusqu'en 2014, et en conclut (page 37 de ses écritures): " Il est donc incontestable que si la société IT Trade était toujours l'agent commercial de la société Lama, la société IT Trade aurait perçu ses commissions par rapport à la clientèle qu'elle a apportée dès 2007, soit avant l'appel d'offre et jusqu'à la fin de cet accord de confidentialité, soit jusqu'en 2014 " ; Que cette partie de la demande est d'évidence hypothétique, l'appelante indiquant elle-même: " si la société IT Trade était toujours l'agent commercial de la société Lama " alors que rien ne permet d'établir que la société IT Trade aurait encore été agent commercial de la société Lama France en 2014 ; Que cette partie de la demande ne peut donc prospérer ;
Qu'il est par ailleurs constant que l'indemnité est calculée par référence aux commissions brutes perçues par l'agent commercial au cours des dernières années ;
Qu'il est justifié par l'appelante que deux années de commissionnements correspondent à une somme de 289 341,26 euro bruts, somme qui n'est pas contestée par l'intimée ;
Attendu que le calcul de l'indemnité ne requiert pas des compétences techniques telles qu'il faille recourir à expertise pour la déterminer ; Que les éléments versés aux débats se suffisent à eux-mêmes ; Que la demande d'expertise présentée par l'appelante sera donc rejetée ;
Attendu qu'au regard des éléments sus-énoncés le montant de l'indemnité de rupture doit être fixé à la somme de 289 341,26 euro, correspondant à deux années de commissionnement ;
Sur les intérêts :
Attendu qu'il résulte de l'article 1153 du Code civil que les intérêts de droit sur l'indemnité de cessation de contrat ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis doivent courir à compter de la mise en demeure du 1er juillet 2011 ; Qu'il convient donc de dire que les condamnations prononcées à l'encontre de la société Lama France seront assortis d'intérêts au taux légal dans les conditions susvisées ;
Qu'en outre, aux termes de l'article 1154 du Code civil la capitalisation des intérêts est de droit sous réserve qu'elle s'effectue par années entières ; Qu'il y a lieu de l'ordonner ;
Sur l'article 700 :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société IT Trade les frais irrépétibles qu'elle a dû engager dans cette procédure ;
Que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société
IT Trade à verser à la société Lama la somme de 750 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;
Que la société Lama France sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que la société Lama France succombant en ses demandes sera condamnée aux entiers dépens ;
Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Déboute la société Lama France de ses demandes, Infirme en toutes ses dispositions, le jugement entrepris, Et, statuant à nouveau, Déboute la société IT Trade de sa demande d'expertise, Condamne la société Lama France à payer à la société IT Trade les sommes de 23 073,60 euro, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 289 341,26 euro, à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2011, Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière, Condamne la société Lama France à payer à la société IT Trade la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Lama France aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.